Les conséquences sanitaires et sociales de l’avortement

Un problème de santé publique

Les études sur les conséquences de l’avortement sur la santé des femmes se basent essentiellement sur les enquêtes menées dans les hôpitaux, auprès de femmes admises pour des complications d’avortement et en obtenant de l’information sur la mortalité maternelle liée à l’avortement. Ces études ne fournissent cependant qu’une vision partielle de l’ampleur du phénomène et de ses conséquences. De fait, on suppose qu’une bonne partie des complications graves, qui conduisent de nombreuses femmes à solliciter les services sanitaires, sont comptabilisées comme résultats d’un avortement, mais dans d’autres cas elles ne sont pas enregistrées comme telles. Une étude à Sao Paulo au Brésil a montré qu’environ la moitié des décès liés à la grossesse étaient enregistrés sous une autre catégorie (Laurenti, 1993).

De même, étant donné que toutes les femmes n’ont pas accès aux services de santé, pour des raisons économiques et sociales ou en raison d’une accessibilité géographique difficile, les données des registres hospitaliers reflètent assez peu la réalité (Guillaume, 2004). Cette situation est plus courante chez les femmes des zones rurales ou des zones marginales, ainsi que chez les adolescentes et les jeunes en raison de leurs faibles revenus. A cela s’ajoutent, entre autres raisons, la stigmatisation morale et sociale dont elles sont l’objet et la mauvaise qualité des services professionnels de santé auxquels elles ont accès.

Une grande quantité d’avortements pratiqués dans des conditions à hauts risques, et qui débouchent sur une forte incidence de complications et un nombre souvent inconnu de morts maternelles, pourrait cependant être évitée (Quiroz Mendoza et al., 2003; Berer, 2004). Dans une étude sur le lien entre les causes d’avortement autorisées par les lois nationales et l’avortement, on constate qu’un même profil se dessine dans plus de 160 pays, qui montre que dans les pays où les lois sur l’avortement sont plus libérales, l’avortement à risque est beaucoup moins répandu et le taux de mortalité due à cette pratique beaucoup plus faible. On observe également que la majorité des avortements sont sans risque, en particulier lorsque les motifs qui amènent les femmes à interrompre leur grossesse sont ceux autorisés par la loi (Berer, 2004). Des preuves empiriques montrent ainsi clairement le besoin de légaliser l’avortement par un élargissement, le plus grand possible, des causes permettant l’interruption de grossesse.

Morbidité

Toutes les femmes qui souffrent d’une complication suite à un avortement ne se rendent pas dans des institutions sanitaires ou dans des cabinets médicaux, ce qui rend difficile l’estimation et la connaissance de la fréquence de ces complications. Les risques auxquels les femmes sont exposées sont importants et peuvent augmenter si elles ne disposent pas de l’information suffisante leur permettant d’identifier les signes des complications. Elles peuvent reporter la visite chez le médecin pour différentes raisons: avoir honte de demander et de donner des informations sur leur état de santé; ne pas savoir où aller pour demander de l’aide; avoir peur d’être dénoncées, manquer d’autonomie économique ou de décision, ou parce que les services adéquats n’existent pas. De plus, les femmes sont souvent contraintes d’attendre de longs moments avant d’être examinées (Langer, 2003; Deidre, 1999; Langer Glas, 2003).

On estime qu’entre 10 et 50% des avortements à risque exigent une prise en charge médicale et un traitement pour des complications, même lorsque certaines femmes n’y font pas appel (World Health Organization, 1998) et qu’environ 800 000 femmes sont hospitalisés chaque année en Amérique Latine pour des complications suite à une interruption de grossesse (Alan Guttmacher Institute, 1994). Le nombre total de femmes hospitalisées pour complications est un indicateur proxy de l’intensité avec laquelle l’avortement dans des conditions à risque met encore en danger la santé et la vie des femmes. Henshaw et al. (1999), dans leur recherche dans six pays de la région, estiment qu’entre cinq et dix femmes sur mille sont hospitalisées chaque année pour des complications suite à un avortement, ce rapport étant de 8,1 pour mille au Brésil et de 5,4 pour mille au Mexique. De même, Singh indique que 10 à 15 femmes sur mille sont hospitalisées pour cette même raison en République Dominicaine, au Chili, au Pérou et en Égypte (Singh, 2006).

Comme on l’a vu dans le chapitre précédent, le type de complication et son degré de gravité sont étroitement liés aux méthodes utilisées pour avorter. Certaines complications ne peuvent être connues ni mesurées à court terme avec précision, comme c’est le cas de la stérilité. Au Pérou, au début des années quatre-vingt-dix, on estimait que pour chaque mort maternelle enregistrée, 60 à 100 femmes souffraient peut-être de complications ou de lésions pouvant affecter sérieusement leur fécondité (Gutiérrez et Ferrando, 2004). Dans une enquête d’opinion sur la pratique de l’avortement, effectué dans ce même pays en 2001, Ferrando (2002) démontre que la probabilité de souffrir de complications dépend de la condition socioéconomique de la femme, de son lieu de résidence et du type de « prestataire » auquel elle fait appel. Par exemple, le risque de complications dans ce pays est estimé à 30,5%. Mais ce risque est de 44% pour les femmes des zones rurales pauvres, de 27% pour les femmes des zones urbaines pauvres et entre 24 et 5% pour celles des zones urbaines non pauvres. L’auteure montre aussi que la probabilité d’hospitalisation suite à un avortement est de 14%, avec des variations selon le niveau socioéconomique des femmes et leur lieu de résidence : 13,6% pour les femmes pauvres des zones urbaines et 18,5% pour celles des zones rurales. Seulement 1,5% du total de ces femmes qui vivaient en zone urbaine ont été hospitalisées et en revanche 9,4% provenaient de zones rurales.

Une enquête au Guatemala en 2003 auprès de professionnels de la santé (Prada et al., 2005) a abouti aux mêmes conclusions; les femmes pauvres avaient de plus grandes chances de souffrir de complications (68% des femmes de zones rurales contre 62% de zones urbaines). Parmi les femmes non pauvres qui avaient souffert de complications, 47% provenaient de zones rurales et 32% de zones urbaines. Des différentes conséquentes ont aussi été notées pour les femmes qui n’avaient pas reçu de soins médicaux : 39% d’entre elles étaient des femmes pauvres de milieu rural tandis que 28% étaient urbaines. Parmi les femmes non pauvres sans prise en charge médicale, 21% vivaient en zone rurale contre 12% en zone urbaine. Dans ce même pays, une autre enquête dans des institutions sanitaires indique qu’en 2003, 22 000 femmes ont été traitées pour des complications suite à une interruption de grossesse.

Les risques liés à l’avortement dépendent en plus des méthodes employées et de la formation de ceux qui le pratiquent. De même, l’accès à des prestataires qualifiés dépend du lieu de résidence de la femme et de son niveau économique. On considère que dans les zones rurales défavorisées d’Amérique Latine, en moyenne 73% des femmes qui interrompent leur grossesse le font elles-mêmes ou avec l’aide d’un personnel non qualifié (Singh, 2006). Au Brésil, 20% des avortements clandestins ont lieu dans des cabinets privés, où les conditions peuvent être meilleures. En revanche, 50% des avortements faits par les femmes elles-mêmes ou par un personnel non qualifié sont suivis de complications, en raison des conditions précaires de leur pratique (Hardy et Costa cité dans Langer Glas, 2003). Un autre auteur signale que dans ce pays, pour provoquer un avortement, les femmes utilisent des aiguilles à tricoter, des tiges, ou des médicaments sans prescription médicale comme le misoprostol synthétique de prostaglandine, dans le but de provoquer de fortes contractions utérines (Espinoza et Carillo, 2003).

Les méthodes considérées comme plus “risquées” sont avant tout les méthodes traditionnelles, parmi lesquelles l’introduction d’objets dans l’utérus, l’ingestion de médicaments à des doses supérieures à la posologie recommandée et l’emploi de produits chimiques (Paxman et al., 1993). Bien que les méthodes médicalisées d’avortement, comme la dilatation et le curetage, offrent une plus grande sécurité que les méthodes traditionnelles, elles peuvent impliquer des risques élevés lorsqu’elles sont employées par un personnel de santé non qualifié ou dans un environnement sanitaire inadéquat. D’autre part, certaines méthodes employées ne produisent pas toujours le résultat attendu. Dans certains cas, l’avortement échoue et surviennent des séquelles pour l’enfant qui va naître (malformations, mortinatalité), un risque de fausses couches pour les grossesses suivantes ou des problèmes de santé pour la femme.

D’un autre côté, on a constaté qu’avec l’utilisation du misoprostol, le taux de complications et leur gravité étaient en général inférieurs (Misago et al., 1998; Costa, 1998). Pour le personnel de santé, le coût des complications dues à des avortements provoqués avec ce médicament est plus faible qu’avec d’autres méthodes (Barbosa et Arilha, 1993). Au Brésil, avec l’usage du Cytotec et l’utilisation accrue d’antibiotiques, le nombre de femmes hospitalisées suite à un avortement, qui s’élevait à 342 000 en 1992, a diminué de 30% en 1997 par rapport à cette année là (Faúndes 1997, cité par Singh, 2006). D’autres auteurs ont cependant évoqué le risque de complications pour le foetus si l’usage du misoprostol était incorrect et si l’avortement était finalement incomplet (Gónzalez et al, 1998., 1998; Rocha, 1993).

Les complications les plus fréquentes sont les suivantes: lésions sur les organes génitaux, douleurs pelviennes chroniques, infections, hémorragies, perforations de l’utérus, hystérectomies, problèmes de stérilité et d’incontinence et finalement, comme manifestation la plus dramatique de la précarité dans laquelle s’effectuent beaucoup d’avortements, la mort de la femme (Anderson, 1998; Langer Glas, 2003). Soulignons que la morbidité maternelle due à un avortement est un thème peu étudié et sur lequel on ne dispose pas d’informations systématiques et fiables, même dans les cas où les femmes se rendent dans des structures sanitaires. En Argentine, la seule estimation de l’incidence de l’avortement à partir de la morbidité qui  leur est liée provient des patientes sorties des hôpitaux publics; en 1995 le chiffre a atteint 53 978 femmes avec complications suite à un avortement (Gogna et al., 2002).

Dans une étude sur les soins aux femmes admises pour des avortements incomplets, faite entre 2002 et 2003 dans des hôpitaux publics mexicains, 58 129 cas ont été dénombrés dans 119 établissements, ce qui représente 54% du total des sorties d’hôpital du pays. Dans la majorité des cas c’est le curetage utérin instrumental qui a été employé plutôt que l’aspiration manuelle intra-utérine (AMIU), qui est pourtant recommandée par l’Organisation Mondiale de la Santé (Quezada et al., 2005).

A partir de 808 registres d’un service de santé en zone urbaine qui pratique des avortements clandestins d’un pays d’Amérique du Sud et qui bénéficie cependant d’un personnel médical qualifié et des conditions sanitaires adéquates, seulement 3% des femmes avaient eu de légères complications provoquées suite à la méthode utilisée, comme des saignements abondants mais contrôlables, des douleurs pelviennes, un malaise vagal (chute de tension et étourdissements), et un cycle menstruel irrégulier. Certaines patientes avaient aussi souffert d’un profond sentiment de culpabilité, d’anxiété ou de dépression. Ces complications pourraient avoir nécessité une prise en charge médicale, mais elles ne représentent pas une menace pour la vie des femmes ou des problèmes de santé sur le long terme. D’autre part 2% avaient présenté des complications sévères, comme une inflammation pelvienne, des hémorragies, une rétention du tissu fœtal, de la fièvre et des menaces de perforation utérine. Les femmes enceintes de plus de 12 semaines sont celles qui ont présenté le taux le plus élevé de complications légères (9%). De même, on a également constaté dans cette étude qu’actuellement, les utilisatrices des services d’avortement étaient plus jeunes et plus instruites qu’auparavant. Enfin, l’étude a confirmé une hausse de l’activité sexuelle non protégée avant le mariage chez les femmes (Strickler et al., 2001). Au Panamá on estime que la pratique de l’avortement a contribué à presque 25% du total de la morbidité hospitalière (Moreno, 1998).

Bien que les estimations sur les complications suite à un avortement soient très variables dans les pays où sa pratique est illégale, les données obtenues sont toujours très différentes de celles des pays où l’avortement est autorisé et donc réalisé dans des conditions adéquates. Dans ces derniers pays, seulement 5% des femmes qui interrompent leur grossesse souffrent de complications (Langer Glas, 2003).

Mortalité

La mortalité maternelle suite à un avortement est difficile à mesurer et elle est estimée dans la plupart des cas à partir des registres de décès maternels des hôpitaux. De plus, la déclaration des causes du décès varie beaucoup selon les personnes qui les déclarent, ce qui contribue certainement à une sous-déclaration de ces décès par avortement. Espinoza et López Carillo (2003) le signalent: “en 1967 l’Organisation Panaméricaine de la Santé a détecté qu’en Amérique Latine et dans les Caraïbes, 33% des morts maternelles qui auraient pu être attribuées à un avortement n’étaient pas classées comme telles ». Une proportion encore supérieure (60%) de morts maternelles directement liées à l’avortement et classées comme des problèmes infectieux a été constatée dans deux études indépendantes réalisées en Colombie et au Brésil dans les années 1980 (Espinoza et López Carillo, 2003).

D’après des chiffres de l’Organisation Mondiale de la Santé (World Health Organization, 2004), sur les quelques 19 millions d’avortements à risque pratiqués en l’an 2000 dans le monde, près de 97% provenaient des pays en développement et près de 70 000 femmes sont décédées de complications issues d’une telle pratique. Cela représente environ 13% des morts maternelles, et un taux de 50 morts par avortement pour chaque 100 000 naissances vivantes (Tableau 1). Le nombre de cas de décès liés aux avortements à risque varie selon les pays et selon la légalité ou non de la pratique. Les démarches administratives, les conditions d’accès et la qualité des services de santé ont aussi une influence sur ce nombre. Le risque de décès lié à l’avortement à risque est au moins vingt fois plus élevé dans les pays en développement que dans les pays développés, et dans certaines régions très défavorisées il peut être multiplié par 40 ou par 50. Dans les pays en développement, le risque de mortalité liée à l’avortement illégal varie de 100 à 1000 pour 100 000 morts maternelles (aux États Unis le chiffre est de 50 dans le cas des avortements illégaux) et ne s’élève qu’à 4 à 6 dans les pays où l’avortement est  légal (World Health Organisation, 2004).

La région d’Amérique Latine et des Caraïbes est celle qui, apparemment, a le taux le plus élevé du monde de morts maternelles issues de la pratique d’avortement à risque (17% du total), bien qu’elle ait aussi le plus faible taux de mortalité (30 décès par avortement pour 100 000 naissances vivantes) par rapport à l’Asie (40 pour 100 000 nés vivants) et qu’il soit trois fois plus faible que les estimations pour l’Afrique (100 décès pour 100 000 nés vivants). Les différences intra-régionales montrent que l’Amérique du Sud est la sous-région qui a la proportion la plus élevée de morts maternelles pour cause d’avortement à risque (19%), suivie des Caraïbes (13%), et d’une proportion moindre pour l’Amérique Centrale (11%). La proportion de morts liées à l’avortement varie considérablement selon les pays de la région: de 8% au Mexique à 33% en Argentine, 37% au Chili et 50% à Trinidad et Tobago (Abou Zahr et Ahman, 1998, ; Center for Reproductive Law and Policy, 2000 ; Bermúdez Valdivia, 1998).

En 1996, l’Organisation Panaméricaine de la Santé a indiqué que l’avortement était la principale cause de mortalité maternelle en Argentine, au Chili, au Guatemala, au Paraguay et au Pérou; la deuxième au Costa Rica et la troisième en Bolivie, au Brésil, en Colombie, en Équateur, au Salvador, au Honduras, au Mexique et au Nicaragua (OPS, 1998).

D’après une étude réalisée au Nicaragua, (Padilla et al., 2003), l’avortement clandestin et à risque a été la quatrième cause de mortalité maternelle du pays dans la période 2000-2002. Cependant, comme le précisent les auteurs, il y a un sous-enregistrement très net de décès obstétricaux qui pourraient être liés à l’interruption de grossesse dans des conditions non adéquates. D’autre part, en Bolivie, un des pays d’Amérique Latine aux taux les plus élevés de mortalité maternelle, on estime qu’au moins 30% des morts maternelles seraient provoquées par des avortements : 60 femmes meurent tous les ans pour 10 000 avortements dans ce pays (Pommier, 1991). Une autre étude signale que l’avortement est responsable de 27 à 35% des morts maternelles dans ce même pays (Rayas et Catotti, 2004). Cette même source note que pour le Nicaragua, le nombre de morts maternelles était de 165 pour 100 000 naissantes vivantes entre 1995 et 2001. On reconnaît aussi que les morts liées à un avortement sont fréquemment cachées sous la rubrique des causes obstétriques indirectes.

De même, on estime qu’au Brésil, 9 680 morts maternelles ont été provoquées par des avortements sur la période 1995-2000, même si on a aussi observé une diminution du nombre total de morts par avortement, étant donné le nombre croissant de femmes qui ont choisi la stérilisation. Dans une autre étude, cette baisse est aussi attribuée “au plus grand accès à des méthodes contraceptives, y compris les méthodes irréversibles comme la ligature des trompes, et à la généralisation de l’usage du Cytotec, bien que sa vente soit illégale dans le pays” (Rede Feminista de Saúde, 2005). D’autres auteurs signalent qu’à Sao Paolo l’avortement a été la troisième cause de mortalité maternelle dans les années 1990 et la première à Río de Janeiro (De Souza e Silva, 1993). En 1998, des sources officielles le taux de mortalité maternelles à 130 pour 100 000 naissances vivantes ; l’avortement représente 6% du total de ces décès maternels (ou 4.7% si l’on exclu les grossesses molaires ou ectopiques) et 3,4% dans la cas des avortements provoqués. D’après le profil de mortalité maternelle dans ce pays, ce chiffre représente la quatrième cause principale de décès pour causes obstétricales directes, précédée de l’éclampsie, des hémorragies et des infections de suites de couches (Rocha et Andalaft Neto, 2003). Ces auteurs soulignent que lorsqu’on considère l’importance de l’avortement comme cause de mort maternelle, il est fondamental de prendre en compte les complications graves liées à sa clandestinité –comme le sont les hémorragies et les infections- qui peuvent être comptabilisées comme morts maternelles sans être associées à l’avortement, entraînant ainsi un facteur supplémentaire de sous-enregistrement et donc de sous-estimation.

Au Honduras, on a estimé à partir des sorties d’hôpital que l’interruption de grossesse non précisée (fausse couche ou avortement provoqué, incomplet et sans complications) constituait la troisième cause de mortalité. Dans une enquête auprès de 182 gynéco-obstétriciens du même pays, 99% ont dit avoir reçu des patientes avec des avortements incomplets et/ou des complications suite à un avortement dans l’exercice de leur profession (Centro de Derechos de Mujeres, 2004). Au Guatemala, on estime qu’entre 1993 et 1997, 17% de la mortalité maternelle était due à des avortements, et qu’entre juillet 2003 et décembre 2004, plus de 13 000 cas d’avortements incomplets avaient été traités dans des hôpitaux (Ministerio de la Salud Pública y Asistencia Social, 2005). Au Pérou, où l’avortement est la quatrième cause de mortalité maternelle, cette pratique représentait 17% du total des décès au début des années quatre vingt dix (Gutiérrez et Ferrando, 2004).

D’après les Nations Unies, dans la période 1995-2000, 3 000 femmes au Mexique pourraient être décédées suite à des avortements à risque (Quiroz Mendoza et al., 2003). L’avortement, comme on l’a indiqué plus haut, a été la troisième cause de mortalité maternelle dans le pays et a représenté 8,5% des décès liés à la grossesse et à l’accouchement. Une grande partie de ces décès ont été provoqués par des hémorragies (Consejo Nacional de Población, 2000; González de León Aguirre et al., 2002). Dans une autre étude réalisée par l’Institut Mexicain de Sécurité Sociale, entre 1992 et 2001, sur les 2 578 cas de mort maternelle enregistrés, 178 (7% du total) étaient dues à des complications suite à un avortement. Parmi celles-ci, seules 17% étaient notées comme conséquences d’un avortement, chiffre qui, selon les auteurs, peut constituer un indicateur de sous-déclaration des femmes qui avortent, par craintes de problèmes d’ordre pénal. Parmi tous les avortements enregistrés, presque un quart des décès avaient eu lieu au cours de la première grossesse et près de la moitié lors de la troisième grossesse ou plus (Velasco Murillo et Navarrete Hernández, 2003). Dans leur étude faite dans l’État du Morelos et dans la commune de Nezahualcóyolt, dans l’État de Mexico, Walker et al. (2004) estiment que les complications d’avortement ont contribué à 13,5% du total des morts maternelles et à 21% pour l’État du Morelos.

En Uruguay, les complications suite à une interruption de grossesse sont une des principales causes de décès maternels et on estime, sur la période 1997-2001, qu’au moins un quart (25,8%) étaient dus à l’avortement. Dans un hôpital qui reçoit des femmes de milieux défavorisés pour des complications, l’avortement représente un peu moins de la moitié des décès (46,1%) au cours de la même période. Cela montre que la situation est extrêmement défavorable aux femmes pauvres, exposées à un risque beaucoup plus élevé de mort par avortement. La probabilité de mort maternelle est deux fois et demie supérieure pour ces femmes que pour le reste du pays (Briozzo et al, 2003). Dans une autre étude dans ce pays, 48% des morts maternelles sont attribuées à l’avortement pratiqué dans des conditions à risque (Global Health Council, 2002 cité par Rayas et Catotti, 20004; Rayas et al., 2004).

A Cuba, où l’avortement sur demande de la femme est légal, et où les avortements sont faits sous contrôle médical et avec des professionnels chevronnés, la mortalité maternelle associée aux avortements légaux a été estimée en 1998 à 4,6 pour 100 000 naissances vivantes, chiffre considérablement inférieur aux données recueillies dans le reste de la région. Face à l’élargissement et à l’amélioration de la qualité des services d’avortement, en particulier pour les femmes au cours du premier semestre de grossesse et à la généralisation du procédé de régulation menstruelle, la mortalité issue des avortements a diminué de façon significative dans le pays, jusqu’à l’obtention de ces niveaux remarquables (Mayo Abad, 2002).

Si l’on compare les chiffres de 1990 avec ceux de 2000, il semblerait que la mortalité maternelle ait diminué dans la région latino-américaine, grâce au fait que de plus en plus d’avortements sont faits dans des conditions d’hygiène et à l’aide de techniques modernes appropriées, et grâce à l’augmentation de l’usage des contraceptifs modernes. Une telle situation est aussi liée aux engagements internationaux qu’ont pris les pays de la région, et qui prévoient entre autres d’atteindre un plus large accès et une meilleure qualité des services de soins pour les complications d’avortements et de réduire ainsi les niveaux de morbimortalité maternelle. Cet objectif a été établi dans le Sommet du Millénaire des Nations Unies, qui s’est tenu en l’an 2000. Il n’a cependant pas été atteint dans la grande majorité des pays de la région.

Offre légale ou “marché parallèle” de l’avortement?

La pénalisation de l’avortement n’empêche pas sa pratique, mais contribue au développement d’un “marché parallèle” (ou clandestin), dans lequel des personnes plus ou moins qualifiées proposent des avortements. Il peut s’agir de médecins, de sages-femmes, tout comme de personnes sans aucune formation qui réalisent l’avortement dans un environnement insalubre et avec des méthodes à haut risque pour la femme.

Comme on l’a constaté dans le Chapitre 2, - Le débat public sur l’avortement -, beaucoup de femmes et parfois même de professionnels de la santé ignorent les conditions pour lesquelles la loi autorise l’avortement. Supposant que l’avortement ne peut être fait légalement, les femmes font appel au secteur informel (Espinoza et Lopez Carrillo, 2003). Dans certains pays les barrières légales, bureaucratiques ou médicales peuvent constituer un obstacle à l’accès aux avortements autorisés par la loi, comme cela a été observé au Mexique (Becker et al., 2002), où le droit à l’avortement en cas de viol est difficilement exercé à cause des procédures légales compliquées pour son autorisation. Cela conduit certains médecins à refuser de réaliser des avortements dans ces circonstances (Lara et al., 2003). Le personnel médical des institutions de santé renvoie fréquemment les femmes qui ont essuyé un refus, vers le marché parallèle des avortements.

La majorité des études s’accordent sur le fait que, bien que toutes les femmes aient théoriquement accès aux services publics lorsqu’elles souffrent de complications d’avortement ou d’avortement incomplets, les services de santé qui prennent en charge ces cas se concentrent principalement dans les principaux centres urbains. En dehors de ces centres la prise en charge est très limitée. L’accès à l’avortement sans risque, même dans des conditions d’illégalité, est toujours plus facile pour les femmes urbaines, en particulier si elles ont un niveau socio-économique élevé (Langer Glas, 2003). Les services clandestins mettent non seulement en danger la vie de la femme, mais ils se traduisent aussi par plus de complications, qui entraînent des frais médicaux plus élevés, des hospitalisations prolongées et l’inévitable corruption des institutions juridiques et policières qui couvrent ces pratiques (Center for Reproductive Law and Policy, 2000).

Les résultats de l’enquête -réalisée en 1992 au Brésil, en Colombie, au Chili, au Mexique, au Pérou et en République Dominicaine- indiquent que dans les zones rurales, la majorité des femmes à faibles revenus se provoquent elles-mêmes l’avortement ou demandent l’aide d’une personne sans aucune formation. Une telle situation est aussi courante chez les femmes pauvres des zones urbaines, où l’on estime que près de deux cinquièmes d’entre elles utilisent les services de médecins, de sages-femmes ou d’infirmières et que plus de la moitié auto-pratiquent leur avortement ou font appel à un personnel non qualifié. En revanche, les femmes des zones urbaines aux revenus plus élevés font en majorité appel à des professionnels de la santé qualifiés pour avorter. Les femmes colombiennes, dominicaines et mexicaines pauvres et vivant en milieu urbain ont apparemment plus de possibilité que celles d’autres pays de la région d’être traitées par un personnel de santé formé. Au Brésil, une plus grande proportion de femmes urbaines qui ont des revenus plus élevés utilise apparemment les services de personnes non qualifiées (près d’un quart d’entre elles), contre une proportion de 5 à 15% pour les autres pays. Cela peut être du à l’utilisation du misoprostol comme abortif, par les femmes de classe moyenne de ce pays (Alan Guttmacher Institute, 1994). On estime que, d’après les opinions des professionnels de la santé, plus de la moitié des femmes qui avortent elles-mêmes ou à l’aide de personnes non qualifiées ont une probabilité plus grande de souffrir des complications. En revanche, entre un cinquième et moins d’un tiers des femmes risquent une complication si elles font appel à une sage-femme expérimentée ou à une infirmière, et entre 7 et 14% si elles vont voir un médecin. De la même manière, on constate dans cette recherche que les femmes pauvres courent des risques de complications plus graves que celles qui ont des revenus plus élevés, étant donné leurs conditions de vie précaires, qui affectent leur santé de façon négative. S’ajoutent à cela les limites des services médicaux auxquels elles font appel, qui comptent souvent avec un personnel moins qualifié, qui utilisent des méthodes plus risquées ; et qui interrompent les grossesses même dans des étapes avancées de la gestation.

En Uruguay, 80% des avortements clandestins sont médicalisés, c’est-à-dire pratiqués par des professionnels de la santé, qu’il s’agisse de médecins ou de sages-femmes dotés d’une formation universitaire. Les 20% restants sont faits à l’aide de différentes méthodes “populaires” (Sanseviero, 2003). Le prix et les lieux de réalisation sont variables.

Les données précédentes montrent déjà qu’une des conséquences les plus importantes des conditions d’accès à un avortement légal ou clandestin tient dans la différence de choix dont disposent les femmes en fonction de leur niveau socio-économique. Cela reflète une profonde inégalité sociale, qui caractérise la région, puisque l’accès à l’avortement clandestin dépend beaucoup de la situation sociale de la femme. Plus son niveau économique est élevé, plus elle a de possibilités d’avorter sans risque et légalement dans un hôpital ou dans des services médicaux clandestins. En revanche, les femmes sans ressources ont souvent pour unique choix d’avorter elles-mêmes, avec un risque très élevé pour leur vie et pour leur santé (Rayas et Catotti, 2004; Rayas et al., 2004). Comme le signalent différentes auteures, les femmes aux revenus très faibles sont exposées à une morbidité et une mortalité supérieure, et subissent des risques continus en raison de leur manque d’accès aux services de santé reproductive ; elles sont plus vulnérables que les femmes de milieux plus favorisés. Ceci, parce qu’elles font appel à des services d’avortement qui ont un personnel non qualifié et manquent de l’infrastructure nécessaire, ce qui augmente les risques (Yanda et al., 2003 ; Langer Glas, 2003).

Les complications suite à un avortement sont aussi étroitement liées à la situation socio-économique des femmes qui ont recours à cette pratique. L’Institut Alan Guttmacher (IAG) (1994) a fait une enquête dans six pays latino-américains, selon laquelle 5 femmes pauvres en zones rurales sur 10 qui ont avorté souffrent de complications, contre 4 femmes pauvres des zones urbaines sur 10. A l’inverse, une femme urbaine et aisée sur 10 seulement a des complications suite à un avortement. Ces résultats confirment que les femmes les plus pauvres courent des risques beaucoup plus élevés en avortant, puisqu’elles ont recours à des services de santé de moins bonne qualité et utilisent des méthodes abortives moins efficaces et plus dangereuses. Elles peuvent même en arriver, dans les cas extrêmes, à interrompre elles-mêmes leur grossesse (Rayas et Catotti, 2004; Rayas et al., 2004).

Un coût pour les systèmes de santé publics

L’avortement a des conséquences économiques tant pour les femmes et leurs familles que pour la société. Les systèmes de santé doivent destiner une partie considérable de leur budget de santé reproductive, déjà insuffisant dans les pays latino-américains, au traitement des complications de suites d’avortements.

Un des impacts les moins reconnus et incorrectement évalués est le coût économique de l’avortement, tant en ce qui concerne les femmes elles-mêmes et leurs familles, que les services hospitaliers et en général les systèmes de santé. Il est très difficile d’évaluer les coûts des avortements illégaux, en particulier ceux qui sont pratiqués dans le secteur privé, ainsi que dans les zones rurales, et est donc aussi d’obtenir une estimation à moyen et à long termes de la morbidité liée à ces avortements (Benson, 2005).

L’impact au niveau national des complications issues d’un avortement se traduit par les ressources médicales et financières qui affectent le système de santé publique. En Amérique Latine “le traitement des femmes avec des complications d’avortement à risque consomme, après les accouchements normaux, la plus grande part des ressources publiques attribuées à la santé sexuelle et reproductive » (Grupo de Información en Reproducción Elegida, 2003).

Singh (2005) évalue les coûts de l’avortement à risque par le nombre total de femmes hospitalisées chaque année suite à des complications d’avortement (p. 22-23). Comme l’avertit l’auteure, il s’agit d’une estimation grossière et préliminaire, si l’on considère le faible nombre de pays qui disposent de l’information nécessaire. Cependant, elle peut être utilisée pour calculer le coût direct du traitement des complications. D’après Singh, 6,16 millions de femmes sont hospitalisées chaque année dans le monde pour des complications issues d’une interruption de grossesse. Parmi elles, plus de 1,70 millions sont africaines, 3,35 millions sont asiatiques et 1,12 millions sont des femmes d’Amérique Latine et des Caraïbes. Dans le cas de l’Amérique Centrale et l’Amérique du Sud, le taux d’hospitalisation est de 8 avortements pour mille femmes de 15 à 49 ans. Ces chiffres s’appuient sur une étude récente, selon laquelle le taux d’avortement des femmes péruviennes était en 2002 de 7,5 pour 1000, et au Guatemala de 8 pour mille. Dans les Caraïbes, le taux est de 3 pour mille, étant donné le nombre élevé d’avortements sans risque pratiqués à Cuba, et les services d’avortements de meilleure qualité dans les autres pays de cette sous-région.

Au cours des années 1990, les complications suite à un avortement au Mexique constituaient une très lourde charge pour les services sanitaires, puisqu’elles représentaient un taux d’occupation de 600 000 lits par an dans les hôpitaux, ce qui revient à environ 1 500 par jour, avec une durée d’hospitalisation moyenne de 1,8 jours (Quiroz Mendoza et al., 2003; (López García, 1994).

“Des études réalisées au Chili évaluent les dépenses publiques pour le traitement et l’hospitalisation dus à des avortements à 15 000 000 de dollars par an” (Lavín, cité par Center for Reproductive Law and Policy, 2000).

En plus des coûts économiques, on doit aussi prendre en compte les interventions effectives devant être mises en œuvre. Au Mexique, on reconnaît que la qualité des services post-avortement s’est améliorée depuis la Conférence du Caire, bien que la prise en charge et l’accès aux services légaux soient encore insuffisants. Les femmes et les praticiens manquent de l’information nécessaire et la plupart des règles légales et des normes sur l’interruption de grossesse n’ont pas de procédures explicites (Rayas et Catotti, 2004; Rayas et al., 2004). Les résultats d’une évaluation réalisée en 2003 au Nicaragua et citée par les mêmes auteures, ont révélé l’existence des problèmes suivants dans le pays concernant les services d’avortement: la qualité est souvent problématique, avec des appareils en mauvais état, et il n’y a pas de moyens pour la formation continue dont aurait besoin le personnel. Ces contraintes rendent difficiles le suivi et l’évaluation des cas qui comptent un sous-enregistrement très clair (Rayas et Catotti, 2004; Rayas et al., 2004).

Ramos et Viladrich (1994,) ajoutent qu’en Argentine, la prise en charge hospitalière que reçoivent les femmes des secteurs populaires les plus défavorisés dépend de la situation d’illégalité et de clandestinité de l’avortement. Ils signalent aussi que le personnel des services sanitaires s’inquiète plus de la poursuite de la grossesse des femmes que de les assister et les soutenir en fonction de leurs besoins. La qualité des soins dépend de la relation qui s’établit entre la femme et le médecin, qui peut avoir une attitude compréhensive ou au contraire en venir à menacer de la dénoncer.

D’autres auteurs ont signalé l’importance de la mise en oeuvre de programmes, ou de l’introduction de procédés moins coûteux et plus sûrs pour le traitement des complications issues d’avortements mal faits pour en limiter les conséquences. Tout ceci permettrait de réduire le coût des traitements et les durées d’hospitalisation. De même, il serait nécessaire de développer un système de conseil post-avortement et d’implanter des programmes de planning familial pour éviter les avortements à répétition. A ce sujet, Foster Rosales et al. (2003) ont constaté que l’introduction de méthodes d’aspiration manuelle pour remplacer la dilatation et le curetage permettait une réduction de 11% des coûts et de 27% de la durée d’hospitalisation. Benson et al. (2004) comparent les coûts d’utilisation du curetage intra-utérin instrumental et de la AMIU en analysant les différents coûts des services d’avortement, de l’admission des patientes jusqu’à leur sortie. Dans cette étude, menée dans cinq hôpitaux mexicains, la durée d’hospitalisation, le personnel requis, le temps consacré à chaque patiente dans les services, les instruments, les médicaments et le matériel utilisés ont été étudiés. Les conclusions indiquent que les bénéfices de la AMIU se traduisent par une réduction de la durée moyenne d’hospitalisation (entre 25% et 45%) et du coût moyen par patiente (entre 28% et 54%).

Au Nicaragua, une recherche signale qu’en moyenne 5 500 femmes sont admises chaque année dans les hôpitaux pour des complications suite à des avortements (Rayas et Catotti, 2004; Rayas et al., 2004). Une autre étude, faite dans ce pays en 1992, concluait qu’on pourrait économiser au moins 700 000 dollars rien qu’en réduisant le nombre de jours d’hospitalisation, grâce aux soins ambulatoires des femmes présentant un avortement incomplet et en utilisant l’AMIU (Blandón et al., 1998).

A l’hôpital Aurelio Valdivieso, dans l’État mexicain du Oaxaca, la mise en œuvre en 1996 d’un programme pour traiter les complications d’avortement a permis une réduction du temps de séjour hospitalier de 35%. Les coûts d’intervention sont ainsi passés de 264 à 180 dollars par patiente, soit une économie de 84 dollars (Brambila et al, 1999). Les auteurs signalent que le coût des traitements des femmes victimes de complications issues d’un avortement à risque consomme, après les accouchements normaux, la plus grande quantité des ressources publiques attribuées à la santé reproductive. Levín et al. (2005) confirment le fait dans leur étude sur l’évaluation économique de l’avortement à risque au Mexique. D’après les chercheurs, « l’hospitalisation pour les suites d’avortement incomplets augmente les coûts de 1 000-2 500 pesos à 8 000-12 000 pesos, en fonction du procédé et du type d’institution”.

A Cuba, contrairement à la majorité des pays de la région, la pratique de l’avortement est institutionnalisée et légale, et de meilleures conditions ont été créées dans les structures sanitaires pour traiter les femmes qui le souhaitent. Comme le signale Martínez Pérez (1994), on est parvenu à faire notablement baisser la morbidité et la mortalité maternelles, et les registres hospitaliers existants sont fiables, ce qui permet d’évaluer, entre autres, les coûts de l’avortement. L’auteure a effectué une étude à l’Hospital Materno Infantil 10 de Octubre, dans une commune de La Havane, à partir des cas traités dans le service en 1992. Les méthodes utilisées sont le curetage utérin et la régulation menstruelle. Les résultats montrent que le coût des avortements est lié à la durée de gestation, et aux méthodes et services utilisés qui doivent être utilisés en fonction de chaque cas. Elle montre aussi que face à la décision d’interrompre une grossesse, il est plus avantageux de diagnostiquer la grossesse et décider d’avorter à une étape précoce de la grossesse qu’à une durée de grossesse tardive. Le coût le plus élevé correspond à l’avortement au cours du deuxième trimestre de grossesse, qui atteint, selon l’étude, 119 pesos cubains, dont un peu plus de la moitié correspond au séjour hospitalier ou en clinique. En revanche, le coût unitaire des avortements du premier trimestre de grossesse est de 26 pesos, soit cinq fois moins que dans le cas précédent. La plus grande partie de ce coût concerne les frais d’intervention dans la salle du curetage. Le coût du procédé de régulation menstruelle -8,50 pesos cubains-, est encore trois fois moindre. Dans ce cas, ce sont les procédures techniques qui absorbent la majeure partie du coût, puisque la méthode de régulation menstruelle ne requiert pas d’hospitalisation. Si l’on compare le coût de ces procédés à celui des contraceptifs, on peut observer que, d’un point de vue financier, il est plus avantageux pour un couple d’utiliser une méthode contraceptive toute une année plutôt que d’avorter ou de pratiquer la régulation menstruelle.

Les cas précédents illustrent le fait que les restrictions légales à l’avortement entraînent des coûts financiers élevés. Leurs effets, comme nous le verrons par la suite, sont particulièrement néfastes pour les femmes des milieux défavorisés, qui sont contraintes d’interrompre leur grossesse dans des conditions le plus souvent totalement inadaptées et sans doute à des coûts pour elles très élevés.

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