Les conséquences sanitaires et sociales de l’avortement

Les conséquences sanitaires et sociales de l’avortement

Face à la forte incidence de la morbidité et de la mortalité maternelles dues aux complications des avortements à risque et pratiqués clandestinement, les débats sur l’avortement et sur sa légalisation mettent souvent l’accent sur le problème majeur de santé publique qu’il pose. La communauté internationale a reconnu ce fait mis en évidence dans le Programme d’Action de la Conférence Internationale sur la Population et le Développement (CIPD). Ce programme insiste sur le besoin pour les femmes d’avoir accès à des services médicaux où elles puissent interrompre leur grossesse dans les meilleures conditions possibles (Naciones Unidas, 1995). De la même manière, la réduction des niveaux de mortalité maternelle de deux tiers pour 2015 est l’un des huit objectifs consignés dans les Objectifs du Millénaire pour le Développement. Pour atteindre cet objectif, l’amélioration des prestations des services liés à la santé reproductive des femmes, y compris ceux de l’avortement, est indispensable.

L’Organisation Mondiale de la Santé estime qu’en l’an 2000, 3 700 000 avortements à risque ont eu lieu en Amérique Latine, et précise que les risques associés à ces avortements sont liés aux niveaux de formation des personnes qui les pratiquent, aux conditions dans lesquelles ils sont effectués, aux méthodes utilisées pour interrompre ces grossesses, à l’état de santé des femmes et à leur étape gestationnelle World Health Organization, 2004; Paxman et al., 1993). D’autre part, la forte incidence de l’avortement clandestin dans les pays latino-américains et des Caraïbes est bien évidente puisqu’au cours de 1995, seuls 200 000 avortements légaux ont été dénombrés, pour des millions réalisés clandestinement cette même année (Rocha et Andalaft Neto, 2003).

L’accès limité à l’avortement, même dans les pays où il est autorisé sous certaines conditions, est aussi une expression très révélatrice des inégalités sociales et économiques dominantes, en particulier dans les pays en développement, et dont les femmes sont les principales victimes . C’est aussi la preuve d’un manque de respect du libre exercice de leurs droits, en particulier leurs droits reproductifs et sexuels. Comme le signalent Llovet et Ramos (2001) “Il est fondamental de rendre compte des niveaux élevés de morbidité et de mortalité liés à l’avortement illégal, dans une perspective de santé publique et pour répondre en partie aux préoccupations formulées sur le lien entre la condition sociale des femmes, les indicateurs de santé reproductive et le respect de leurs droits humains” (p. 287). De même, comme le résume le Center for Reproductive Law and Policy –actuellement Center for Reproductive Rights (CRR)– (2000), ces conséquences “n’affectent pas seulement les femmes qui décident d’interrompre une grossesse non désirée, puisque les résultats sont aussi catastrophiques sur les plans social, économique et culturel dans les pays où son accès (à l’avortement) est limité”.

La légalité et les conditions de sécurité vont souvent ensemble, comme le prouve la diminution drastique des niveaux de morbidité et de mortalité maternelles dues à l’avortement dans les pays où il a été légalisé. Certains auteurs considèrent que l’aspect le plus déterminant de l’impact de l’avortement sur la santé des femmes est son statut légal (Deidre, 1999; Anderson, 1998; Berer, 2004).

Dans un contexte d’accès limité à l’avortement où la pratique clandestine est favorisée, il est très difficile d’avoir une vision précise et globale de l’interruption de grossesse. Il est presque impossible, dans ces circonstances, de connaître avec précision les conséquences de l’avortement, qui se manifestent pourtant dans plusieurs domaines de la vie des femmes, de leurs familles et de la société dans son ensemble (Yanda et al., 2003). C’est pour cela que l’illégalité de l’avortement a pour conséquence supplémentaire de rendre difficile la réalisation de recherches sur le thème et l’obtention de mesures fiables du phénomène. De mêmes, les rares indicateurs disponibles sont souvent des estimations réalisées à partir d’enquêtes sur des populations particulières (Guillaume, 2004).

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