Les estimations sur l’avortement : difficultés et limites

La question de l’avortement est largement reconnue comme étant une problématique complexe, difficile à aborder, et en particulier à mesurer, puisque sa pratique est niée et occultée, surtout lorsqu’il est effectué de façon illégale. La négation ou la déclaration erronée de l’avortement obéissent à des raisons multiples et variées. C’est un sujet intime et sensible pour les femmes, qui peut s’avérer douloureux lorsqu’il est interdit par la religion, proscrit par différents professionnels de la santé, sanctionné par la loi et récriminé sur le plan éthique et moral, et qu’il est finalement stigmatisé et peu accepté par la société. Là où les lois sont restrictives en la matière, l’avortement se réalise en général de façon clandestine, dans des conditions à haut risque pour la vie et la santé des femmes. La femme et ceux qui le pratiquent peuvent en plus être poursuivis pénalement.

Ce ne sont pas uniquement les femmes mais aussi les institutions de santé, de justice et leurs différents agents qui omettent ou déclarent de façon inexacte cette pratique de l’avortement, précisément pour ces raisons. Cette situation se traduit non seulement par une information recueillie peu fiable, étant donné la sous-déclaration et donc le sous-enregistrement des cas d’avortement, mais aussi par une rareté des sources qui produisent des données sur son incidence, ses caractéristiques et ses effets.

Les résultats des études publiées sont à prendre en compte pour présenter un panorama de l’incidence de l’avortement dans les pays de la région et surtout dans les paysages nationaux. Les données révèlent une hétérogénéité des estimations qui dépend de la sélection de la population étudiée (population générale, personnes scolarisées, étudiants, registres sanitaires, etc.), de la taille de l’échantillon et de la méthode utilisée pour obtenir l’information. Certaines études se basent sur des enquêtes nationales mais la majorité concerne des contextes locaux très spécifiques. D’autres études se basent sur un échantillon extrêmement réduit, dont la représentativité statistique est parfois discutable. La description de la méthodologie utilisée et du type d’analyse réalisée est souvent peu précise, et rend difficile une évaluation de la rigueur scientifique et de la validité des données publiées.

Certains spécialistes du thème, en particulier les institutions internationales, utilisent des méthodologies plus complexes ou des estimations indirectes qui cernent le problème sans le mesurer de façon certaine. Ils précisent en ce sens qu’une attention particulière doit être portée à l’interprétation des résultats obtenus.

Malgré les difficultés et les limites liées à la fiabilité, la validité et la précision des données, les estimations existantes peuvent fournir un panorama approximatif qui nous alerte sur l’amplitude d’un phénomène comme l’avortement, de ses caractéristiques, des différences dans sa pratique selon la partie du monde, un pays ou même certaines régions d’un pays, et surtout de ses conséquences. Il est extrêmement important et utile de disposer d’une information plus précise et fiable, non seulement pour une connaissance plus rigoureuse du phénomène, mais aussi pour fonder et légitimer les actions que les instances politiques et publiques doivent mener.

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