Cadre juridique de l’avortement
L’analyse du cadre légal de l’avortement est fondamentale
dans toute étude sur cette question. C’est précisément
sa situation d’illégalité qui a généré,
tout au long de l’histoire, de multiples et vifs débats
et des controverses nationales et internationales entre les différents
acteurs sociaux, comme les groupes religieux et laïcs, les médecins,
les juristes, les politiques et les représentants de la société civile.
La situation légale de l’avortement et les politiques de
santé publique déterminent l’offre de services d’avortement
disponible dans un lieu donné, et ses effets sur la santé des
femmes (Llovet et Ramos, 2001). Les questions les plus polémiques
qui concernent l’avortement sont, entre autres: le problème
de santé publique qu’il entraîne, puisqu’il
s’agit d’une des principales causes de morbimortalité maternelle;
les discriminations et l’injustice sociale envers les femmes; la
violation des droits humains fondamentaux des femmes; ou l’absence
de droit des femmes face aux éventuels droits du non-né;
le fait qu’il s’agisse autant d’un problème à caractère
public que privé et intime; la question en termes éthique
ou moral et religieux. C’est pourquoi il est largement reconnu
que les lois qui restreignent l’avortement “produisent une
série de conséquences qui n’affectent pas seulement
les femmes qui décident de mettre fin à une grossesse non
désirée, mais qui ont aussi des effets ravageurs sur les
plans social, économique et culturel des pays où son accès
est limité” (Center for Reproductive Law and Policy, 2000).
Il est donc important de citer quelques unes des principales conséquences
des législations restrictives sur l’avortement (voir en
plus le chapitre 7) (Center for Reproductive Law and Policy, 1999):
- Elles mettent en danger la vie de la femme, puisque le taux élevé d’avortements à risque
a pour conséquence une forte morbidité et mortalité maternelles
en raison des mauvaises conditions dans lesquelles sont pratiqués
ces avortements (World Health Organization, 2004).
- Elles génèrent une pratique discriminatoire et
d’injustice sociale envers les femmes, surtout celles
des classes sociales les plus défavorisées et qui ont
recours à l’avortement clandestin faute d’avoir
le droit d’accéder à un service sans risque,
contrairement à celles qui ont les moyens de financer un avortement
sans risque ou de se déplacer dans les pays où il est
légal (Centro de Derechos Reproductivos, 1998); Casas Becerra, 1996).
- Elles encouragent l’apparition d’un “marché clandestin” de
services d’avortement étant donné la multiplication
des services clandestins à haut risque (Kulczycki, 2003;
Center for Reproductive Law and Policy, 2000).
- Elles contribuent à la paupérisation puisque
les coûts élevés de l’avortement clandestin
et les frais qui couvrent le traitement des éventuelles complications
suite à un avortement à risque affectent l’économie
des femmes et de leur famille (Pine, 1993; Guzmán, 1998).
- Elles renforcent les conditions de vulnérabilité sociale. L’emprisonnement
des femmes qui avortent a des conséquences terribles, tant pour
les femmes que pour leur famille. La détention de la mère
affecte particulièrement ses enfants (Casas Becerra, 1996).
D’autre part, le fait d’avoir avorté engendre souvent
une stigmatisation et un rejet social.
- Elles violent les droits humains des femmes. La pénalisation
de l’avortement ne porte pas seulement atteinte aux droits reproductifs
de la femme, mais aussi à son droit à la santé, à la
liberté, à la sécurité et potentiellement à son
droit à la vie. De même, dans les contextes les plus restrictifs,
lorsqu’on exige des professionnels de la santé qu’ils
rompent le secret professionnel en dénonçant une femme
traitée pour des complications d’avortement, c’est
le droit de la femme à la confidentialité et à l’intimité qui
est violé (McNaughton et al., 2004).
La négation du droit à l’avortement a souvent des
conséquences néfastes pour les femmes et les enfants
nés de grossesses non désirées.
- Elles rendent difficile la collecte de données sur
la pratique de l’avortement, ce qui contribue à une sous-estimation
de l’ampleur et de l’incidence de l’avortement (Guillaume, 2004; Blayo, 1998). Elles ont aussi un poids sur la précision
et sur la véracité de l’information relatifs aux
différents aspects de à sa pratique, comme les motifs
et les méthodes utilisées pour interrompre la grossesse
et leurs conséquences, entre autres.