Les conséquences sanitaires et sociales de l’avortement

Difficultés de collecte et de mesure de la pratique de l’avortement

Il est largement admis que les réformes légales pour amplifier l’accès à l’avortement ont un impact qui, à moyen ou long terme, peut réduire le nombre d’avortements à risque. Les données existantes montrent nettement que « en dépit des croyances populaires, les pays qui ont légalisé l’avortement et mis en place des programmes accessibles de planning familial, combiné à un accès effectif à l’information, montrent une nette diminution des avortements réalisés ». Cette tendance n’est cependant pas universelle, puisque à Cuba, malgré une législation libérale de l’avortement, la pratique est très élevée, « en raison du manque de services suffisants d’information et d’accès aux méthodes contraceptives » (Center for Reproductive Law and Policy, 1999).

D’autre part, comme on l’a indiqué plus haut, dans les pays où l’avortement est illégal, la sous-déclaration et le sous-enregistrement des données sont plus importants. En plus des sanctions légales et pénales imposées à celles qui avortent, des raisons de caractère moral, éthique et religieux peuvent inciter les femmes à ne pas déclarer leur interruption volontaire de grossesse (Llovet, 1998). Les institutions sanitaires et les prestataires de santé peuvent pour les mêmes raisons ou pour d’autres motifs, ne pas déclarer, sous-déclarer, ou déclarer des avortements provoqués comme fausses couches, et contribuer ainsi au sous-enregistrement des avortements provoqués.

De même, toutes les femmes souffrant de complications ne sont pas hospitalisées, spécialement celles vivant en zones rurales ou qui ont des effets secondaires moins sérieux et n’ont donc pas un tel besoin de prise en charge médicale. Les femmes hospitalisées pour complications suite à un avortement ne représentent ainsi qu’une infime part du total. Elles représentent la partie visible d’un iceberg beaucoup plus grand de femmes dont les avortements ont affecté leur santé (Alan Guttmacher Institute 1994). Dans l’étude citée, on estime qu’une femme sur cinq au Pérou et en Colombie, et 70% des femmes au Brésil qui ont avorté auraient pu être hospitalisées pour des complications. Au Chili et au Mexique la proportion est d’une femme sur quatre environ. Ces estimations donnent une idée du poids des services de prise en charge des avortements dans l’ensemble des structures sanitaires. Cette recherche montre aussi qu’un grand nombre de femmes qui avortent ne sont pas comptabilisées, puisqu’elles ne requièrent ou ne recherchent aucun traitement hospitalier.

Le sous-enregistrement de ces cas s’explique aussi par d’autres raisons. Au Nicaragua, par exemple, on a récemment observé un nombre élevé de femmes qui décédaient suite à un empoisonnement au pesticide. Cela s’explique par le fait que, pour provoquer des saignements susceptibles d’interrompre une grossesse, les femmes avalaient les substances peu chères et souffraient d’un empoisonnement souvent mortel. Bien que les registres doivent comprendre toutes les femmes qui ont souhaité interrompre leur grossesse, ces morts sont comptabilisées comme des suicides ou des morts accidentelles et non comme causées par un avortement. Cela montre que dans les statistiques de mortalité maternelle on oublie fréquemment les morts issues de cette pratique (McNaughton et al, 2003 ; Rayas et Catotti, 2004 ; Rayas et al., 2004).

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