Les conséquences sanitaires et sociales de l’avortement

Conclusions

Bien que la mortalité liée à l’avortement soit la cause la plus dramatique de cette pratique, elle n’est bien sûr pas la seule: les effets de l’interruption de grossesse dans des conditions inadéquates sont désastreux pour un grand nombre de femmes latino-américaines, leurs familles, les systèmes de santé et la société dans son ensemble. Les femmes qui ne peuvent pas payer un avortement sûr courent des risques énormes pour leur santé. Beaucoup d’entre elles souffrent de séquelles comme la stérilité ou des infections qui peuvent endommager leurs organes vitaux. En même temps, celles qui vont dans les structures sanitaires pour des complications suite à un avortement sont souvent mal traitées par le personnel médical, en général réticent à la pratique d’interruption de grossesse, même dans les cas autorisés par la loi. Avorter dans ces conditions implique souvent de conséquences émotionnelles pour les femmes, surtout les plus pauvres ou les plus jeunes, puisqu’elles avortent plus fréquemment clandestinement et dans des conditions à risque. En revanche, les femmes plus aisées, en Amérique Latine et dans le reste du monde, peuvent avorter de façon sûre et avec un traitement adapté du personnel médical, ce qui réduit en grande partie les risques que l’avortement ne devienne une expérience traumatisante.

D’autre part, les services de santé publique, dont le budget est déjà insuffisant dans les pays d’Amérique Latine, ressentent le coût du traitement des femmes avec complications d’avortements ou les avortements incomplets : ces femmes, doivent être hospitalisées un certain temps et leurs soins impliquent des coûts supplémentaires. Le problème pourrait être réduit de façon conséquente si toutes les femmes avaient accès à l’avortement sans risque et aux traitements post-avortement. Mais la législation d’une grande majorité des pays d’Amérique Latine l’interdit. Les lois et réglementations restrictives sont la norme, hormis quelques exceptions. Les lois en la matière ne sont d’ailleurs pas appliquées: le nombre de femmes jugées pour avortement ne représente qu’une minuscule partie des millions d’avortements annuels de la région. Malgré cela, les restrictions à l’avortement créent un contexte de poursuites, puisque la menace plane toujours de problèmes judiciaires pour ceux qui ont recours à cette pratique. Cela entraîne une stigmatisation de l’avortement et décourage la formation du personnel médical en la matière, ainsi que l’introduction de méthodes efficaces et sûres pour interrompre les grossesses.

Non seulement les lois restrictives sur l’avortement ne sont pas respectées et contribuent aux injustices sociales, mais elles contreviennent en plus aux engagements internationaux issus de conférences comme celle du Caire ou celle de Beijing, auxquels ont souscrit les États de la région. Ces engagements obligent les pays adhérents à garantir, entre autres, la santé reproductive des femmes, et pour cela il est nécessaire de faciliter l’accès aux services de santé où sont pratiqués des avortements sans risque.

Cuba, la Guyane et d’autres pays de la région, en particulier dans les Caraïbes, ont fait preuve de progrès conséquents dans leurs lois sur l’avortement. Bien que ces progrès puissent servir d’exemple à beaucoup de pays latino-américains, les femmes de ces pays ne peuvent pas toujours exercer leur droit d’interrompre une grossesse non désirée. Il faut une infrastructure sanitaire adaptée où pratiquer les avortements.

L’Amérique Latine, région aux taux élevés d’avortements clandestins, affronte le défi d’abroger ses lois sur l’avortement pour qu’elles soient en accord avec les droits reproductifs des personnes. Dans le cas contraire, des millions de femmes de la région seront encore contraintes d’interrompre leurs grossesses dans des conditions inadaptées, avec les risques qui en découlent pour leur santé et souvent leur vie.

Les conséquences de l’avortement sont évidemment un problème de santé publique, mais elles constituent en même temps une charge importante pour les systèmes de santé en termes de coûts et de conséquences pour le personnel soignant. Elles affectent de façon tout aussi profonde les femmes et leurs familles, tant dans le cercle social de la famille (rejet, stigmatisation) que dans le domaine économique: le coût des avortements et de leurs complications se répercutent fortement sur les budgets des familles.

L’avortement est un indicateur des inégalités sociales, puisque certains groupes sociaux pâtissent des conséquences les plus désastreuses: les femmes jeunes et les femmes des classes sociales les plus défavorisées. Cela révèle, aussi et surtout, les inégalités de genre, puisque aucune sanction pénale n’est appliquée aux hommes, qui sont les “autres acteurs significatifs” des grossesses des femmes qui avortent.

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