La variété des méthodes d’avortement

Des méthodes traditionnelles aux méthodes médicalisées

Les femmes connaissent toute une gamme de procédés abortifs ou prétendus comme tels même si leur efficacité n’a pas été prouvée scientifiquement. Si la capacité abortive de ces méthodes est douteuse, on sait en revanche que beaucoup d’entre elles provoquent des complications graves qui aboutissent parfois à l’hospitalisation de la femmes pour terminer ces avortements (Paxman et al., 1993). Ces complications peuvent dans de nombreux cas provoquer la mort de la femme. Pour interrompre leur grossesse, les femmes font appel aux services d’une sage-femme, de professionnels de la santé ou de personnes non qualifiées, ou elles peuvent même tenter l’intervention elles-mêmes. La personne qui pratique l’avortement détermine en grande mesure la méthode utilisée.

Dans un article qui résume la pratique de l’avortement en Amérique Latine et dans les Caraïbes, les auteurs décrivent les différentes méthodes pour avorter, depuis l’utilisation de plantes abortives jusqu’à l’introduction d’un cathéter ou d’une sonde en métal dans l’utérus (Paxman et al., 1993). Ils soulignent aussi l’utilisation fréquente (spécialement au Chili) de la dilatation et du curetage, pratiqués de façon illégale par les médecins et les sages-femmes. Dans une autre étude de la région sur l’avortement dans des situations à risque, on voit que les femmes adultes tout comme les adolescentes utilisent des méthodes diverses pour avorter, comme l’introduction d’objets solides et pointus dans l’utérus (aiguilles à tricoter, cuillères, cathéters, crayons, boucles, cintres, baleines de parapluie, etc.), ou l’insertion dans le vagin de savon et de vinaigre entre autres produits. Elles ont aussi recours à l’ingestion de différentes substances acides, produits caustiques, tisanes d’herbes et, éventuellement, à des méthodes physiques externes pour provoquer des contusions directes sur le ventre (Espinoza et Carillo, 2003).

Une telle variété montre que les pratiques abortives vont des méthodes traditionnelles, parfois archaïques, aux méthodes médicales les plus sophistiquées. Cette situation n’est pas propre à l’Amérique Latine. Dans une étude réalisée dans trois capitales de pays de différentes régions du monde (Lima, Manille et Nairobi), les auteurs signalent l’emploi d’abortifs tels que des boissons à base de produits chimiques ou de détergents, préparées avec des plantes, des produits pharmaceutiques en surdosage ou l’introduction d’objets dans l’utérus et les efforts physiques intenses(Ankomah et al., 1997).

Dans son analyse sur les procédés d’interruption de grossesse en Uruguay, Sanseviero (2003) distingue deux catégories de méthodes: les méthodes médicalisées (mais pratiquées de façon clandestine) et les procédés basés sur les connaissances et les savoirs populaires. Les premières correspondent « à des méthodes dont l’emploi exige l’intervention de tierces personnes techniquement formées (praticiens de l’avortement), qu’il s’agisse de médecins ou obstétriciens; ou d’acteurs qui ont le savoir / le pouvoir nécessaire pour faire l’intervention (dilatation ou curetage, AMIU, accouchement provoqué, avortement médical par l’usage du Cytotec ou de RU-486). Les secondes comprennent des méthodes qui fondent leur légitimité sur un savoir diffusé par un acteur anonyme, collectif, populaire, en général une femme. L’administration de ces méthodes fondées sur les savoirs populaires est variable: elles peuvent être auto-prescrites ou pratiquées par la femme elle-même ou dans un contexte de réseaux de solidarité féminine. Parmi ces méthodes on peut citer le Cytotec auto-administré, l’introduction de sondes dans l’utérus, l’ingestion de tisanes d’herbe de grâce, de café, de palme […], les lavements, l’introduction de pastilles de permanganate de potassium dans le vagin… » (ce dernier médicament est élaboré avec des substances toxiques). Toujours pour avorter, ajoute l’auteur, les femmes en viennent à introduire dans leur utérus des tiges de persil ou des objets pointus –le plus courant est l’aiguille à tricoter– pour rompre les membranes et provoquer l’expulsion du contenu utérin.

Une grande variété de méthodes traditionnelles

Un travail sur l’avortement en Amérique Latine réalisé par l’Institut Alan Guttmacher (AGI, 1994) propose une revue exhaustive des méthodes abortives utilisées dans plusieurs pays de la région (Brésil, Colombie, Chili, Mexique et République Dominicaine). Les méthodes sont classées en sept groupes: les méthodes traditionnelles-naturelles ou à base de plantes, les traditionnelles fabriquées, les traditionnelles physiques, les techniques médicales, les prières et les traumatismes volontaires (voir Tableau 1).

Les méthodes à base de plantes sont issues de la pharmacopée et des savoirs traditionnels et populaires. Ces méthodes sont parfois décrites dans la littérature comme des méthodes « pour faire venir les règles » et non pour avorter (Sobo, 1996). Elles s’achètent sur les marchés ou sont prescrites par les guérisseurs et les herboristes. Elles se consomment sous forme de breuvages, de lavements ou d’ovules végétaux (Costa, 1998). Ainsi, au Mexique, où l’accès à l’avortement est restreint, il existe un “marché informel” de produits abortifs avec des vendeurs de plantes médicinales sur les marchés ainsi que des pharmaciens. Les plantes sont vendues pour leurs propriétés abortives puisqu’elles sont réputées provoquer les règles, favoriser les contractions ou éviter l’implantation de l’embryon. On peut citer entre autres l’herbe aux chantres (montanoa tormentosa) et l’herbe de grâce (ruta graveolens), deux plantes prescrites seules ou mélangées à d’autres selon les cas (Pick et al., 1999). Toujours au Mexique, Ehrenfeld (1999) explique que les femmes utilisent des thés faits à base d’épices (cannelle et origan), parfois mélangés à du chocolat, et des infusions d’herbe aux chantres. Dans ce cas, deux litres de l’infusion doivent être bus en moins de deux heures.

Plusieurs études ont démontré l’inefficacité des méthodes traditionnelles. L’une d’entre elles a été réalisée auprès de femmes enceintes au Brésil pour évaluer l’efficacité de certaines substances traditionnellement employées pour faire venir les règles. Dans cette étude, 41% des femmes qui ont déclaré avoir essayé plusieurs drogues pour avorter ont dit avoir bu des thés préparés à base d’herbes (Mengue et al., 1998). Dans les zones rurales de Jamaïque, de nombreuses plantes sont connues et utilisées pour provoquer les règles et l’avortement (Sobo, 1996). Fort (1993), qui parle aussi des zones rurales mais cette fois au Pérou, souligne l’utilisation de plantes comme méthodes abortives, lesquelles, indique-t-il, ont une efficacité extrêmement limitée.

De même, une étude réalisée dans six pays –Brésil, Colombie, Chili, République Dominicaine, Mexique et Pérou–, (Singh et Deidre 1994) souligne l’utilisation fréquente de préparations (thés et tisanes) à base de plantes comme produits abortifs malgré leur inefficacité prouvée. En Uruguay, Sanseviero (2003) a trouvé que près de 80% des avortements clandestins étaient faits par des professionnels de la santé. Le service offert variait beaucoup : depuis ceux qui pratiquaient les avortements dans une logique exclusivement commerciale et sans considération pour les femmes, jusqu’à ceux pour qui la pratique était un service dont le coût dépendrait des possibilités matérielles de la femme qui était traitée avec un respect particulier. Le même auteur signale que les 19% d’avortements restants étaient pratiqués avec des méthodes basées sur le savoir populaire ou auto-pratiqués par les femmes. De même, différents produits sont utilisés qui, bien qu’ils ne soient pas vraiment abortifs, laissent souvent des séquelles importantes sur la santé des femmes. Parmi ceux-ci on peut citer les produits chimiques manufacturés, comme les détergents, le bleu de méthylène, l’eau de javel ou le chlore et les produits acides comme le citron; ou l’alcool blanc, le vin, le vinaigre ou autres liquides contenant de l’alcool. Des produits sucrés sont également employés, comme le coca cola, soit comme boisson soit par injections vaginales (Singh et Deidre, 1994; Ankomah et al., 1997; Brito de Marti, 1994).

Certains produits pharmaceutiques sont aussi réputés pour leurs propriétés abortives. Leur vente libre contribue à leur utilisation massive, bien qu’ils soient en réalité prescrits dans un autre but que l’interruption de grossesse. Il s’agit de produits médicalement déconseillés en cas de grossesse et qui, employés comme abortifs, sont pris à des doses supérieures à la dose habituellement prescrite. Il s’agit par exemple des antipaludéens (la nivaquine et la quinine), des hormones (comme le crinex et le synergon), de l’aspirine ou du paracétamol, des antibiotiques, des laxatifs, etc. (Bonnema y Dalebou, 1992; Rocha, 1993; Costa, 1998). Au Mexique, les pharmaciens vendent aux femmes des produits supposés abortifs mais qui ne provoquent pas nécessairement des avortements; ils provoquent en revanche des effets secondaires graves. Notons parmi ces produits le metrigen, un produit à base d’hormones et la quinine très fréquemment utilisés (Pick, et al., 1999).

Au Paraguay, des hormones injectables sont vendues par les pharmaciens comme des produits abortifs (Krayacich de Oddone et al., 1991). Pour sa part, Sobo (1996) indique qu’en Jamaïque l’utilisation d’hormones en surdosage est courante pour provoquer des avortements. Dans l’étude précitée faite au Brésil (Mengue et al., 1998), 30% des femmes interrogées ont déclaré avoir utilisé des oestrogènes ou des progestérones à des doses supérieures à celles habituellement prescrites.

Le cas du misoprostol ou Cytotec sera traité plus loin puisqu’il s’agit d’une méthode occasionnellement prescrite par les médecins comme abortive, même s’il est aussi utilisé par les femmes sans prescription médicale.

Les méthodes physiques consistent essentiellement en l’introduction d’objets dans le vagin: tiges ou racines de plantes, objets pointus en métal ou en plastique, comme du verre pilé, des rayons de bicyclette, des cathéters, etc. (Singh et Deidre, 1994; Ankomah et al., 1997; Brito de Marti, 1994; Costa, 1998). A Sao Paulo, Rocha cite, comme l’avait mentionné aussi Sanseviero, l’utilisation d’aiguilles à tricoter et des baleines ou de médicaments vendus en pharmacie (Rocha, 1993). Ces techniques provoquent souvent des perforations de l’utérus et des hémorragies. Elles peuvent même entraîner la mort de la femme. A cela s’ajoutent les massages ou manipulations de l’utérus, les efforts physiques violents, les coups et les chutes. En Bolivie l’effort physique est considéré comme facteur de risque pouvant provoquer un avortement (Network, 1994).

Enfin, et bien qu’il s’agisse d’un autre type de méthodes de nature très différente, des effets abortifs sont aussi attribués aux prières, aux talismans et aux amulettes. Ceux-ci sont bien sûr beaucoup moins dangereux pour la santé.

Dans des études menées dans les années 1990 auprès de femmes hospitalisées pour des complications suite à un avortement au Chili, en Colombie et en Bolivie, l’importance des avortements auto-provoqués par les femmes et le plus souvent par l’introduction d’objets dans l’utérus (sondes, cathéters, objets pointus) est signalée (Paxman et al., 1993).

Une compilation des méthodes abortives (Artuz et Restrepo, 2002) montre que le manque de connaissance sur l’effet des substances employées pour interrompre les grossesses peut avoir des conséquences fatales pour les femmes. Souvent, disent les auteurs, les femmes en viennent à ingérer des herbes comme la menthe dont les principes actifs à des doses excessives peuvent provoquer des accidents vasculaires ou d’autres graves atteintes à la santé.

Ces différentes méthodes sont parfois combinées pour garantir une meilleure « efficacité ». Ainsi, dans une étude faite au Chili, Weisner (1990) a décrit la multiplicité des méthodes utilisées par une femme pour provoquer un avortement: elle a fait deux injections de methergin (un produit hormonal), elle a ensuite bu un breuvage à base de vin rouge bouilli avec des herbes et neuf aspirines et enfin une autre boisson à base de ciment. Le tout s’est achevé par l’introduction d’un cathéter. Les conséquences immédiates et fréquentes de l’utilisation de ces méthodes sont les risques de malformations congénitales du fœtus si la grossesse se poursuit, en plus du risque pour la santé et même la vie de ces femmes.

Le choix des méthodes abortives dépend comme on l’a vu du niveau socio-économique des femmes et de leur niveau de scolarité (les deux étant souvent liés): les femmes les plus pauvres et aux niveaux moindres de scolarité utilisent les méthodes risquées, comme les plantes vendues par les guérisseurs, et les femmes plus favorisées utilisent les services de santé plus sûrs (Espinoza et López Carrillo, 2003). Ainsi, selon la situation socio-économique des femmes, leur exposition à des avortements à risque sera différente.

Dans une étude réalisée sur les grossesses non désirées en Amérique Latine et dans les Caraïbes, Langer (2002) confirme ce qui a été dit précédemment et souligne que dans les villes, les femmes qui peuvent payer des honoraires médicaux élevés ont accès à des avortements très peu risqués. En revanche les femmes pauvres n’ont pas d’autre choix que les avortements auto-pratiqués ou faits par des personnes non qualifiées, avec des méthodes dangereuses et qui ont souvent lieu au domicile de la femme dans des conditions d’hygiène inadaptées (Costa, 1998). Au Mexique par exemple, l’accès aux avortements clandestins est réservé dans la majorité des cas aux femmes qui ont les moyens de payer des interventions onéreuses avec la garantie que la confidentialité sera préservée (Ehrenfeld, 1994; Ortiz–Ortega et al., 2003). Une telle situation illustre et confirme que le revenu reste un facteur clef dans l’accès à l’avortement dans les pays où il est illégal. Un constat similaire est fait en Bolivie, où les femmes des milieux aisés avortent assistées par un personnel médical, tandis que celles des groupes sociaux de bas revenus le pratiquent dans des conditions à risque et sans aucune hygiène (Pereira Morato, 1991).

Dans son étude sur l’avortement en Uruguay, Sanseviero (2003) montre le lien entre la situation économique des femmes et les conditions de la pratique de l’avortement lorsqu’elles décident d’interrompre leur grossesse. Celles qui ont un niveau socio-économique supérieur ont accès à des avortements médicalisés et sûrs, tandis que les femmes pauvres ont recours aux pratiques populaires pour avorter, en général à haut risque. Le même auteur considère que de telles pratiques reflètent une profonde “injustice sociale” puisque c’est le seul choix pour les femmes qui sont en situation d’extrême vulnérabilité personnelle et sociale.

L’avortement médicamenteux

Ces méthodes se basent actuellement sur trois types de médicaments: le methotrexate (commercialisé sous le nom de Ledertrexate), la mifepristone (aussi connue comme RU-486) et le misoprostol (vendu sous le nom de Cytotec) (Schiavon, 2003). Ces médicaments peuvent s’utiliser seuls ou combinés (Espinoza, 2002). Les conditions de prescription et d’utilisation de ces produits sont étroitement liées à la situation légale de l’avortement et à leur disponibilité dans chaque pays.

La littérature indique que l’on assiste à une augmentation importante de l’usage de ces méthodes dans les pays de la région, utilisation qui peut se faire « sous surveillance médicale ou par l’acquisition de ces médicaments en pharmacie ou par des vendeurs informels » (Lafaurie et al., 2005; Ferrando, 2002; Rodríguez, 2004; Espinoza et al., 2004; Lara et al., 2004).

La sécurité, l’efficacité et l’acceptabilité de l’avortement médicamenteux, sont plutôt satisfaisantes, d’après une étude réalisée à Cuba. De plus, la satisfaction des femmes qui ont utilisé cette méthode par rapport à celles qui ont été traitées avec des méthodes chirurgicales a été supérieure (68,5% contre 54,4%), en dépit de certains effets secondaires (Cabezas, 1998).

L’usage du Cytotec ou misoprostol constitue un bon exemple à cet égard. Dans certains pays où l’avortement est légal, comme à Cuba ou à Puerto Rico, le Cytotec est utilisé dans les lieux habilités pour pratiquer l’avortement. Il est prescrit selon des protocoles très précis : il s’utilise par voie orale ou vaginale, à un moment déterminé de la grossesse, seul ou combiné avec d’autres médicaments comme le methotrexate. Son efficacité est reconnue et ses effets secondaires mineurs (Cabezas, 1998; Rodríguez Cárdenas et  Velasco Boza, 2003).

L’efficacité du misoprostol a entraîné son utilisation croissante. Au Pérou et dans d’autres pays latino-américains, des services de conseil existent pour utiliser correctement le misoprostol lorsqu’on veut interrompre une grossesse (Chávez, 2005).

Les auteurs d’une étude réalisée à Cuba auprès de 120 femmes qui allaient avorter entre la dixième et la douzième semaine de grossesse soulignent l’efficacité et la sécurité de l’utilisation du misoprostol par voie vaginale. Les taux d’efficacité du produit ont atteint 94% chez les cubaines blanches et 74% chez les femmes noires, qu’elles soient originaires de Cuba ou non (Carbonell Esteve et al., 1998). Une autre étude a été réalisée dans un hôpital de La Havane auprès de 141 femmes dont la durée de grossesse était de moins de 70 jours, âgées en moyenne de 24 ans, 52% étaient célibataires, plus de la moitié sans enfant et près de 60% avaient déjà avorté. Cette étude a montré le même rapport d’efficacité (94%) et la même absence de complications avec l’usage de différentes doses de ce médicament par voie vaginale (Rodríguez Cárdenas y Velasco Boza, 2003). Ces mêmes auteurs montrent dans une autre étude que l’efficacité de cette méthode diminue lorsque le médicament est employé à plus faibles doses (Rodríguez Cárdenas et Velasco Boza, 2003). Une recherche réalisée à Cuba confirme aussi l’efficacité de l’avortement médicamenteux, mais en associant le methotrexate par voie orale au misoprostol par voie vaginale (Carbonell, 1998), ou combiné à la mifepristone (Winikoff et al., 1997; Cabezas, 1998; Prine et al., 2003).

D’autre part, dans une étude aux Etats Unis, au Brésil et en Jamaïque, les gynécologues consultés ont souligné l’efficacité du misoprostol et ont évalué son acceptabilité élevée de la part des femmes qu’ils avaient reçues, laquelle variait entre 80 et 90% (Clark et al., 2002).

Dans d’autres pays le Cytotec est généralement utilisé de façon illégale. Ce médicament, initialement commercialisé pour traiter les ulcères gastrique ou duodénal, a acquis une certaine « notoriété » pour ses propriétés abortives, qu’il soit administré par voie orale ou par voie vaginale (Barbosa et Arilha, 1993). Il est distribué par plusieurs canaux, officiels ou non, puisqu’il est employé dans les centres de santé, qu’il se vend en pharmacie ou dans d’autres types d’établissements, parfois clandestinement, et sur le marché parallèle et informel (Arilha et Barbosa, 1993). Des informations sur les propriétés abortives du Cytotec circulent aussi parmi les médecins, les pharmaciens et tout type de personnes (Sherris et al., 2005). A Río de Janeiro, au Brésil, 84% des femmes qui ont utilisé ce produit en avaient eu connaissance par des amis, des collègues ou des relations, et 10% avaient été directement informées par des pharmaciens (Costa et Vessey, 1993).

Le Brésil est un bon exemple de la variété des situations quant à la diffusion de ce produit. A partir de son introduction en 1986, les ventes ont connu une croissance vertigineuse (Coelho et al., 1993). Ainsi, dans la ville de Goiânia les ventes du produit se sont multipliées par trois entre 1987 et 1989 (Costa, 1998). Cependant, à partir de 1988, son utilisation a fait l’objet de débats controversés pour les raisons suivantes: a) parce que le produit était plus utilisé pour ses propriétés abortives que pour le traitement des ulcères (son indication principale); b) parce que les gynécologues souhaitaient que le produit soit disponible pour l’utiliser en particulier dans le traitement des avortements incomplets, et c) parce que son usage a contribué à une augmentation du nombre des avortements (Barbosa et Arilha, 1993). Ces débats ont entraîné la mise en place de restrictions voire l’interdiction de la vente de ce médicament. A partir de 1991, le gouvernement brésilien a limité les conditions de vente afin de diminuer son utilisation comme produit abortif, avec des restrictions plus ou moins sévères appliquées en fonction des dispositions légales de chaque état (prescription médicale obligatoire, utilisation exclusive en hôpital ou dans certains lieux autorisés). Bien que ces restrictions aient effectivement contribué à une baisse des ventes officielles du Cytotec, elles ont aussi eu pour effet la commercialisation du produit au marché parallèle à des prix très élevés (Coelho et al., 1993).

Au Brésil, ce médicament est bien connu comme étant une méthode d’avortement illégal et il est souvent utilisé à des doses incorrectes. Malgré les restrictions imposées, les résultats de plusieurs enquêtes démontrent que son utilisation est très courante. Bien que la vente de Cytotec ait été interdite de 1992 à 1996 dans les villes de Fortaleza, Goiânia et Recife, 40 à 78% des femmes ont été hospitalisées suite à des avortements provoqués par ce produit (Costa, 1998). Une étude réalisée à la maternité de Fortaleza (dans la région nord-est du Brésil) a montré une augmentation de l’utilisation du misoprostol pour provoquer des avortements, qui est passé de 12% des cas en 1988 à plus de 70% dans les années 1990 (Costa, 1998). Dans la maternité de l’hôpital universitaire de la ville, on a constaté qu’entre 1990 et 1992, 73% des femmes admises dans cet hôpital avaient utilisé le misoprostol pour provoquer un avortement. En 1991, sur 593 femmes admises à l’hôpital, 75% avaient utilisé le misoprostol et 16% d’autres médicaments (Schonhofer, 1991; Coelho et al., 1993). De même, dans le cas de Fortaleza, les deux tiers des femmes hospitalisées pour des complications suite à un avortement ont déclaré avoir utilisé le misoprostol, par voie vaginale et/ou orale, seul (29%) ou combiné à d’autres produits (37%), tandis que les autres femmes avaient eu recours à des plantes médicinales (14% les avaient consommées en infusions), à des produits pharmaceutiques (souvent appliqués en injections intramusculaires), ou à des mélanges de produits hormonaux, utilisés par 17% des femmes (oxitocine et neostignine prostigmine, dicolantil, ou ginacoside). Enfin le reste des femmes ont introduit des objets dans le vagin, utilisé des cathéters ou la méthode d’aspiration (Fonseca et al., 1996; Misago et al., 1998; Misago et Fonseca, 1999). Les auteurs cités soulignent que la plupart des femmes essayent plusieurs méthodes pour avorter.

Dans l’étude de Mengue et d’autres chercheurs au Brésil, à laquelle ont participé plus de 6000 femmes dans des cliniques prénatales, 16% d’entre elles avaient utilisé le Cytotec (Mengue et al., 1998). Dans l’hôpital de Florianópolis, la moitié des femmes admises entre 1993 et 1994 pour des complications suite à un avortement avaient utilisé le Cytotec, seul ou combiné à d’autres méthodes (Fonseca, 1998). Lors d’une étude à Río de Janeiro, 57% des femmes hospitalisées interrogées ont déclaré avoir utilisé le Cytotec, 13% un produit dont elles ne connaissaient pas le nom (qui pouvait donc aussi être du Cytotec) et 18% ont admis avoir employé d’autres méthodes (comme les herbes ou l’introduction d’objets) (Costa, 1993). A Sao Paulo, plus de 50% des interruptions de grossesse ont été faites avec du Cytotec, et ont très souvent donné lieu à une hospitalisation pour achever ces avortements (Rocha, 1994; Paxman et al., 1993).

On peut déduire de toutes ces études que le misoprostol joue un rôle important comme produit abortif, en particulier pour les femmes pauvres des zones urbaines brésiliennes (Coelho et al., 1993). Une étude sur les ventes en pharmacie montre que cette méthode est demandée ou proposée dans près de 50% des cas (Coelho et al., 1991).

Le Cytotec a acquis sa popularité pour plusieurs raisons. D’après une étude menée au Brésil, il est très bien accepté par les femmes, puisque –par rapport aux autres méthodes abortives utilisées illégalement- son coût est bas, et il est donc plus simple d’y recourir pour interrompre une grossesse que d’aller à une clinique pour se faire pratiquer un avortement. Cette facilité est particulièrement appréciée chez les jeunes femmes, dont l’accès à l’avortement reste souvent assez difficile. Ainsi, les femmes de classe moyenne soulignent l’avantage de ce médicament qui permet d’avorter directement à leur domicile, sans devoir subir l’attente des cliniques. Enfin, pour les femmes de milieux sociaux défavorisés qui ont traditionnellement recours à des méthodes dangereuses pour leur santé, le Cytotec est perçu comme « une méthode sûre qui ne tue pas les femmes » (Barbosa et Arhila, 1993).

Les gynécologues interrogés dans ce pays citent aussi un autre avantage du Cytotec: les complications sont moins graves qu’avec d’autres méthodes comme l’introduction d’objets dans l’utérus, et son utilisation facilite donc le travail des médecins lorsqu’ils doivent soigner des complications issues d’une interruption de grossesse. En raison de son efficacité, et malgré les tentatives des autorités brésiliennes pour restreindre son utilisation, le misoprostol a finalement été inclus dans la norme sanitaire du pays. On utilise l’AMIU et le Cytotec dans les services d’avortement au Brésil depuis les années 1990, et le produit a même été recommandé par la Norme Technique de la Santé (1998) sur la violence contre la femme. Les normes techniques en vigueur, qui ont trait à la « Prévention et le Traitement des Dommages Issus de la Violence Sexuelle contre les Femmes et les Adolescentes » (Ministerio de Saúde, 2005) et à la « Prise en Charge Humanisée de l’Avortement » (Ministerio de Saúde, 2005), toutes deux établies en 2005, incluent ces méthodes et précisent leurs conditions d’utilisation (communication personnelle de María Isabel Baltar de Rocha).

Plusieurs études constatent qu’à partir de l’utilisation de cette méthode, une diminution des complications graves comme les infections, les perforations et les hémorragies, fréquentes avec certaines méthodes clandestines, principalement l’introduction d’objets dans l’utérus et une baisse de la morbidité et de la mortalité associées à l’avortement ont été enregistrées (Barbosa et Arhila, 1993; Espinoza et al., 2004; Costa et Vessey, 1993; Lima, 2000; Rocha, 1994). En ce sens, Billings (2005), dans une étude sur l’utilisation de ce médicament pour avorter pendant le premier trimestre de grossesse, signale que le misoprostol constitue une bonne solution dans les endroits où les services d’avortement ne sont pas très accessibles et où l’interruption de grossesse est une cause importante de mortalité maternelle. Bien que l’auteure souligne l’efficacité de la méthode, elle avertit aussi qu’il ne doit être employé que sur prescription d’un personnel médical qualifié. Dans une autre étude qui a évalué l’efficacité et la sécurité de l’utilisation intra-utérine du misoprostol dans des gestations de moins de 12 semaines au Panama, on a conclu que malgré des résultats positifs, l’étude ne permettait pas de considérer l’utilisation intra-utérine de ce produit comme une alternative sûre et efficace d’avortement différé. On précise aussi que presque toutes les femmes de l’étude (92%) ont été satisfaites et ont dit préférer cette technique au curetage utérin (Campos et al., 2001).

Bien que le Cytotec soit perçu comme une méthode de moindre risque, des complications liées à une mauvaise utilisation du produit sont possible, en particulier si le dosage est incorrect. Ce problème se pose surtout lorsque les femmes avortent seules et sans aucun conseil médical (Barbosa et Arhila, 1993). De fait, par manque d’information précise, par non respect des posologies et des modes d’administration, les femmes utilisent fréquemment Cytotec à des doses trop faibles ou trop fortes, ce qui explique les  complications. Une utilisation en surdosage peut entraîner des effets secondaires comme des nausées, des vomissements, une diarrhée, de la fièvre, tandis qu’une dose insuffisante produira un avortement incomplet ou pas d’avortement du tout (Clark, 2002). En cas d’avortement incomplet, un traitement est nécessaire pour le terminer et des risques de malformations congénitales existent en cas de poursuite de la grossesse (González, et al., 1998; Lima, 2000; Rocha, 1993; Pastuszak et al., 1998). En Argentine, une étude sur l’usage incorrect du misoprostol chez les adolescentes enceintes a montré que le médicament était très connu chez les femmes en âge de procréer. Cela expliquerait l’augmentation du nombre de femmes finalement hospitalisées pour métrorragie (hémorragie utérine hors des périodes de règles), produite par l’utilisation à des doses inappropriées du misoprostol pour avorter (Vázquez et Gutiérrez, 2004).

D’autre part, la large utilisation du Cytotec au Brésil contraste avec les autres pays de la région, dans lesquels le médicament semble encore peu répandu. Dans le cas mexicain, l’ignorance quant aux propriétés abortives du Cytotec est surprenante. Une étude menée auprès d’hommes et de femmes de classe moyenne a montré une très faible connaissance des méthodes pour avorter avec des médicaments, malgré l’avantage qu’elles présentent de pouvoir réduire la morbidité et la mortalité liées à l’avortement (Gould et al., 2002). Dans ce pays, seuls 49% des médecins connaissent les vertus du Cytotec pour le traitement des avortements incomplets (García et al., 2003). Au Mexique, les employés des pharmacies  ignorent apparemment les propriétés abortives du Cytotec, lequel n’est en général vendu que pour le traitement d’ulcères, comme l’a montré l’étude de Pick et al. (1999).

Différentes notices ont été élaborées pour contribuer à réduire les risques liés à l’utilisation de misoprostol, seul ou combiné à d’autres médicaments. On peut citer entre autres le prospectus fait par l’Ipas avec la Fédération Latino-américaine des Sociétés d’Obstétriques et de Gynécologie (FLASOG) sur l’interruption de grossesse sans risque pendant le premier trimestre de gestation avec cette substance (FLASOG et Ipas, 2005), et le numéro de juillet 2005 de la revue Outlook (2005), consacré à l’utilisation du misoprostol. Mentionnons aussi le manuel de Faúndes, notice détaillée sur l’utilisation du misoprostol à différentes fins dont l’avortement (Faúndes, 2003).

D’autre part le texte « Prestation de services d’avortement médicamenteux dans les pays en développement: guide introductif » (Blumenthal et al., 2004) fournit des informations spécifiques sur l’utilisation du methotrexate et du misoprostol, ainsi que sur la mifepristone, dans les pays où la législation autorise l’usage de ce dernier médicament à l’efficacité reconnue.

En Guadeloupe, où l’avortement est légal sur demande de la femme, l’usage de la pilule RU-486 est fréquent, seule ou associée au misoprostol, procédé abortif à l’efficacité démontrée (Guengant et Bangou, 2000). A Saint Martin, où les lois françaises s’appliquent aussi, l’avortement se pratique avec ces médicaments; de même, il semble que le misoprostol soit largement utilisé dans la plupart des îles des Caraïbes, soit sous contrôle médical soit auto-administré par la femme (Petherson et Azize, 2005).

Une autre étude faite à Cuba confirme la grande efficacité de l’usage de la pilule RU-486, combinée à un autre médicament par voie vaginale (ONO802) pour interrompre les grossesses à un stade précoce de la gestation (Gómez et al., 1995).

A propos de la pilule RU-486, Marta Lamas considère qu’avec ce médicament « l’avortement ne dépend plus d’une tierce personne et devient un procédé beaucoup plus simple et accessible ». Avec son utilisation, ajoute l’anthropologue mexicaine, « on pourrait laisser aux femmes la pleine responsabilité d’une décision privée » (Lamas, 2005).

Grâce à l’utilisation des médicaments cités, le nombre de femmes hospitalisées pour des complications suite à un avortement à risque s’est réduit (Coeytaux, 2002); cela transparaît clairement dans les registres et les estimations existantes sur cette pratique.

Aspiration manuelle et curetage : deux méthodes chirurgicales d’avortement

Les avortements chirurgicaux se font généralement par dilatation et curetage ou par aspiration manuelle intrautérine (AMIU). Le choix de la méthode dépend de la durée de gestation et de la formation des personnes qui pratiquent l’interruption, mais aussi du caractère légal ou non de l’acte. Les curetages utérins instrumentaux sont parfois pratiqués par des personnes insuffisamment formées, en particulier dans le cas des avortements illégaux, ce qui augmente les risques d’infections, d’hémorragies, ou de séquelles gynécologiques pouvant affecter leurs grossesses ultérieures.

La méthode par aspiration est très fréquente quand l’avortement est autorisé. Il s’agit d’une méthode moins traumatisante que le curetage; elle se fait sous anesthésie locale ou parfois générale jusqu'à 12 semaines de grossesse. Les complications sont rares. Elle est de plus en plus utilisée pour le traitement des complications post avortement et les programmes de santé de nombreux pays l’ont déjà introduite. (Rayas et Catotti 2004; Rayas et al., 2004). Dans certaines cliniques clandestines, des médecins spécialistes en gynécologie proposent cette méthode de façon responsable et parfois à des prix accessibles pour la majorité de la population. Le procédé est aussi proposé par des spécialistes privés, dont les honoraires sont élevés et uniquement accessibles aux femmes de milieux privilégiées.

Les méthodes chirurgicales citées exigent l’intervention de professionnels de la santé et garantissent en principe une plus grande sécurité aux femmes. Cependant, dans les pays où l’avortement clandestin est pratiqué par des personnes peu ou pas qualifiées dans un contexte sanitaire inadapté, les risques encourus sont très nombreux. Les lieux où l’avortement est fait dans ces circonstances sont variables: hôpitaux, cliniques privées ou tout simplement au domicile de la patiente, sans aucune garantie d’hygiène ni d’aseptie.

Plusieurs études témoignent de l’utilisation du curetage : au Pérou par exemple, ce sont les médecins qui le pratiquent (Fort, 1993). Une étude réalisée dans six pays montre que les femmes qui ont des revenus suffisants peuvent aller dans des cliniques pour avorter par curetage ou par aspiration (Singh et Deidre, 1994).

Dans la littérature, la pratique de ces deux méthodes est décrite surtout comme “interventionniste”, puisqu’elles sont souvent employées pour soigner les complications post-avortement et non pour la pratique des avortements eux-mêmes. Les discussions sont souvent centrées sur les avantages et les inconvénients de chacune des méthodes. D’après Jonhson et al. (1993), le curetage est la méthode la plus utilisée pour traiter les avortements incomplets, bien que des programmes soient mis en oeuvre pour lui substituer l’aspiration manuelle, qui est moins coûteuse en termes de traitement, de personnel et de durée de l’hospitalisation.

Une étude faite au Panama dans des hôpitaux de quatre régions différentes a montré par exemple que recourir à l’aspiration consommait moins de ressources que le curetage, aussi bien en termes de médicaments et de matériels que dans le temps d’hospitalisation (Lacayo et al., 2003).

Au Mexique on a constaté une baisse de la morbidité et de la mortalité maternelles après l’introduction de cette méthode pour traiter les complications des avortements, ainsi que la réduction du coût du traitement et l’amélioration de l’utilisation de la capacité des structures sanitaires (Quiroz-Mendoza et al., 2003). Le coût des services de soins post avortement a baissé de 264 dollars par patient à 180 quand cette méthode était employée à la place du curetage. Les auteurs ajoutent que le Mexique a adopté l’aspiration manuelle dans le cadre de l’introduction de nouvelles technologies et en accord avec le Pacte International des Droits Sociaux, Economiques et Culturels. Le pacte est parrainé par l’Organisation des Nations Unies et stipule que les individus ont le droit de jouir des progrès scientifiques et de leurs applications.

Les procédés d’aspiration manuelle sont plutôt bien connus au Mexique puisque environ 60% des médecins des hôpitaux publics et des services de planning familial post avortement sont formés à ces techniques (Reproductive Health Matters, 2002). Cependant, Rayas et al. (2004) estiment qu’au Mexique entre 60 et 70% des avortements se réalisent encore par curetage.

A Fortaleza, au Brésil, l’introduction de l’aspiration manuelle à la place de la dilatation et du curetage pour le traitement des avortements incomplets a permis de réduire de 77% le temps d’hospitalisation et de 41% les ressources employées (Fonseca et al., 1997). Il est admis que ce procédé, tout comme l’avortement médicamenteux, réduit la morbidité et les décès liés à ces pratiques (Misago et Fonseca, 1999).

Dans une étude réalisée dans plusieurs pays d’Amérique Latine, la diminution des coûts de traitement des avortements incomplets est 89% grâce à la méthode d’aspiration manuelle, et la réduction de la durée d’hospitalisation d’un tiers (King et Benson, 1998).

De même, dans une étude faite dans l’état mexicain du Oaxaca, les auteurs montrent que, grâce à la méthode d’aspiration, les coûts de traitement ont diminué de 32% et les durées d’hospitalisation de plus de 10 heures. Ils ont aussi confirmé une augmentation de l’utilisation des contraceptifs suite à un avortement, de 29 à 57% (Population Council, Latin America et al., 1998; Langer et al., 1998). En Bolivie, les coûts ont été de 94 dollars et une réduction de 35% de la durée d’hospitalisation a été observée (Brambila et al., 1998).

Au Pérou, l’aspiration a permis d’atteindre une réduction des séjours hospitaliers de 33,3 à 6,4 heures par rapport au curetage. Les coûts se sont aussi abaissés de 119 à 45 dollars. En complément de ces interventions, les services de conseils en planning familial ont pour leur part pu augmenter la proportion d’utilisatrices de méthodes contraceptives de 31% à 64% (Benson et al., 1998; Reproductive Health Matters, 2000). Ces procédés entraînent des économies importantes dans les structures sanitaires engagées dans la réalisation d’avortements sans risque (Guzmán et al., 1995).

A Cuba, où comme on l’a vu l’avortement est légal, l’aspiration manuelle est pratiquée sans anesthésie jusqu’à 45 jours d’aménorrhée dans les cliniques d’une commune de La Havane (Álvarez Vázquez et al., 1999). De même, indique Sanseviero (2003), en Uruguay un nombre important de cliniques clandestines utilisent la AMIU. Il ajoute cependant que cette méthode n’est pas courante pour les avortements incomplets dans les centres hospitaliers légaux, où le curetage est plus fréquent.

Les auteurs d’une recherche menée dans un pays latino-américain où l’avortement est illégal ont décrit la pratique d’avortements clandestins par aspiration manuelle dans une clinique. Ils ont aussi souligné des taux de complications très bas (Strickler et al., 2001).

Au Salvador, deux études signalent une baisse des coûts de 11 à 13% et des temps d’hospitalisation de 27%, grâce à l’utilisation de l’aspiration manuelle plutôt que le curetage (Foster-Rosales et al., 2003; Koontz et al., 2003). Au Nicaragua, 20% des services de santé pratiquent exclusivement le curetage, bien que les médecins aient été formés à la technique d’aspiration. De même en Uruguay on utilise moins l’aspiration que le curetage (Rayas y Catotti 2004; Rayas et al., 2004).

L’introduction de procédés d’aspiration manuelle constitue sans aucun doute un progrès important pour la réalisation des avortements. De gros efforts ont été faits dans plusieurs pays pour promouvoir cette méthode : en Bolivie et au Brésil, le remboursement de ces deux interventions (aspiration et curetage) s’effectue à parts égales par la Sécurité Sociale (Rayas et Catotti 2004; Rayas et al., 2004).

Citons une autre méthode très employée dans certains pays bien qu’elle ne soit pas spécifiquement prescrite pour l’avortement. Il s’agit de la régulation menstruelle, un procédé médical qui, comme l’expliquent Faúndes y Barzelatto (2005), « consiste à évacuer le contenu utérin d’une femme qui a un léger retard de règles (en général de plus de deux semaines) sans savoir si elle est enceinte ou non ». La méthode, ajoutent les auteurs, « apparaît avec l’aspiration à vide, à une époque où il n’y avait pas d’examens de laboratoire permettant un diagnostic précoce de la grossesse ». De même, l’emploi de la régulation menstruelle convient à la femme enceinte qui préfère « rester dans le doute et continuer à croire, pour des raisons morales, religieuses ou culturelles, qu’il ne s’agit que d’un retard de règles ». Les médecins aussi peuvent préférer cette méthode “pour des raisons légales dans les pays où la législation est restrictive ». Avec le temps, la période durant laquelle on peut avoir recours à la régulation menstruelle s’est étendue « jusqu'à huit et même douze semaines de gestation si l’aspiration peut se faire à vide et sous anesthésie locale ». A Cuba, on estime que 50 à 60% du total des avortements sont pratiqués par cette méthode (Álvarez, 1994; Cortés et al., 1999).

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