La variété des méthodes d’avortement

Conclusions

Le développement des méthodes abortives a contribué à ce que les femmes puissent interrompre une grossesse dans des conditions plus sûres et beaucoup moins douloureuses qu’avant. Cependant les restrictions légales à l’avortement dans la majorité des pays d’Amérique Latine constituent un obstacle considérable pour l’accès aux meilleures méthodes, ce qui fait que beaucoup de femmes de la région, et surtout les plus pauvres, interrompent encore leur grossesse dans des conditions à haut risque.

A cela s’ajoute le manque de moyens financiers de la majorité des pays  latino-américains et caribéens, qui empêche la généralisation de l’utilisation des méthodes abortives les plus efficaces. Par exemple, dans un pays comme le Mexique, beaucoup d’avortements chirurgicaux se font encore par curetage plutôt que par l’aspiration manuelle intrautérine qui permettrait pourtant une moindre durée d’hospitalisation et un rétablissement plus rapide.

Les méthodes modernes comme l’avortement médicamenteux sont malgré tout de plus en plus employées en Amérique Latine, en particulier en Guyane, au Puerto Rico, ainsi qu’à Cuba et dans d’autres pays des Caraïbes où cette pratique est autorisée et où il existe même une assez grande disponibilité de la « pilule abortive » RU-486, reconnue pour sa grande efficacité.

Bien que à certaines étapes de la grossesse ou dans certains cas, les méthodes chirurgicales soient recommandées, plusieurs études confirment que l’avortement médicamenteux a plus d’avantages, parmi lesquelles l’absence d’hospitalisation. Cette méthode constitue une alternative importante dans les pays où l’accès aux méthodes chirurgicales est difficile, ou si l’avortement est illégal ou d’un accès limité. Ce type d’avortement peut même se réaliser au domicile de la femme, ce qui facilite son accès et un certain anonymat.

Les méthodes médicamenteuses, indique Berer (2005), ont encore d’autres avantages sur l’avortement chirurgical. Par exemple, leur accès est plus facile, puisque dans certains pays ils sont disponibles « en rayon » dans les pharmacies, sans prescription médicale. Elles sont aussi en général plus accessibles financièrement, sauf lorsqu’elles sont achetées au marché parallèle. Ces méthodes peuvent éviter une intervention chirurgicale et donc la pratique d’une anesthésie. Ceci fait que beaucoup de femmes les considèrent comme plus naturelles et plus accessibles, et moins traumatisantes. Elles exigent aussi une moindre intervention du personnel de santé et une prise en charge médicale moindre, évitant ainsi aux femmes de s’exposer aux critiques de ceux qui les traitent. Ces méthodes sont plus sûres et plus efficaces si elles sont utilisées aux doses appropriées, et les complications sont plus limitées et moins graves qu’avec d’autres méthodes. La possibilité de faire des avortements à domicile représente un avantage pour certaines femmes, puisqu’une réalisation discrète évite des dénonciations, surtout dans les pays où l’accès à l’avortement est limité. Enfin, ces méthodes peuvent être pratiquées dans des établissements sanitaires de niveau primaire, sans infrastructure médicale sophistiquée, et non seulement par des médecins mais aussi par des infirmières, des sages-femmes et par le personnel des services de planning familial. Une formation appropriée devrait tout de même être garantie pour tous les professionnels de la santé, pour qu’ils puissent prescrire ces produits abortifs le mieux possible.

Un large consensus existe sur l’acceptabilité de l’avortement médicamenteux, puisque le misoprostol prescrit correctement peut constituer une méthode d’avortement sûre et efficace et contribuer à une diminution de la mortalité maternelle. L’introduction des techniques mentionnées doit être généralisée pour éviter que les femmes n’aient recours à des méthodes risquées, comme les plantes, l’insertion d’objets, les médicaments en surdosage ou l’usage de produits chimiques ou acides. Cependant, les méthodes d’avortement chirurgical ou médicamenteux représentent aussi un défi pour les systèmes sanitaires des pays en développement, puisque, comme le signale Schiavon (2003), leur utilisation demande d’organiser les services en conséquence et de former le personnel de santé, ainsi que d’informer la population sur la disponibilité et la prescription des médicaments existants.

On peut supposer, étant donné les bons résultats, que de nombreux pays implanteront la pratique l’avortement médicamenteux. L’Organisation Mondiale de la Santé a inscrit la mifepristone et le misoprostol sur la liste des médicaments essentiels. En Guyane, le premier médicament cité est enregistré comme produit abortif (Lafaurie et al, 2005).

Le développement des meilleures méthodes abortives doit être complété par l’emploi de moyens plus efficaces de prévention des grossesses non désirées et par conséquent des avortements, comme la contraception d’urgence. L’utilisation de cette méthode contraceptive est très efficace après des relations sexuelles non prévues, qui sont très fréquentes, ou dans les cas de viol. C’est aussi le cas lorsque les rapports ont lieu sans aucune protection, ou en cas d’échec contraceptif (préservatif, pilule, injections, rythme, abstinence), puisque c’est la seule méthode qui permette de prévenir une grossesse dans les 72 heures qui suivent les rapports sexuels (la « pilule du lendemain » peut être prise jusqu'à 120 heures après le rapport, mais on recommande sa prise le plus tôt possible). Au Mexique, cette méthode a été intégrée en janvier 2004 à la Norme Officielle Mexicaine des Services de Planning Familial et elle est officiellement proposée aux femmes victimes de viol, afin qu’elles puissent en bénéficier si elles le désirent. De plus, elle a été mise à disposition des utilisatrices des services publics de planning familial, et on espère que chaque jour un plus grand nombre de grossesses indésirées seront ainsi évitées. D’après le Consortium Latino-américain de Contraception d’Urgence, en plus du Mexique, au moins 16 autres pays d’Amérique Latine et des Caraïbes ont déjà intégré cette méthode aux normes liées au planning familial (http://www.clae.info/Mecanismos%20de%20Accion/cuadro_resu_nov05.doc).

Une plus grande disponibilité en Amérique Latine des contraceptifs et des produits abortifs plus efficaces serait sans aucun doute bénéfique pour les femmes aux faibles ressources et éviterait que beaucoup d’entre elles continuent à avorter, souvent de façon répétée, dans des conditions qui mettent en péril leur santé et souvent leur vie. Cela permettrait aussi de réduire l’inégalité et l’injustice sociale qu’implique un accès différencié à l’avortement et aux services médicaux où sont traitées ses complications. Ceci, essentiellement dans des contextes où l’avortement est illégal et autorisé seulement sous certaines conditions.

Finalement, même si des acteurs sociaux divers et variés interviennent dans la diffusion d’information et de conseil sur la vaste gamme de possibilités des méthodes abortives, ce sont les prestataires de santé et les organisations non gouvernementales qui travaillent dans ce domaine qui devraient être considérés comme les acteurs principaux. L’élargissement des choix disponibles de méthodes pour les femmes qui souhaitent interrompre une grossesse non désirée montre l’importance de leur garantir un accès aux meilleures technologies, et aux établissements médicaux et services de conseils les plus performants. Dans des contextes légaux restrictifs, les prestataires de santé doivent répondre en proposant l’éventail de services et de méthodes dont les femmes ont besoin et qu’elles demandent en fonction de leurs caractéristiques sociales et culturelles.

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