L'asile au Sud : Afrique, Méditerranée...

Les facteurs explicatifs de la demande d’asile au Cameroun

Félicien FOMEKONG
Institut National de la Statistique - Cameroun Yaoundé – Cameroun

1. Introduction

La mondialisation des échanges est aujourd’hui au centre de l’actualité internationale. Elle est largement reconnue et acceptée par la plupart des pays du Nord et du Sud. Avec ses bienfaits, l’ouverture des frontières au commerce des biens est censée à l’échelle mondiale favoriser la croissance économique. Ce qui suppose une libre circulation des hommes et des biens. Ce grand courant migratoire englobe à la fois les migrants économiques, à la recherche du bien-être, les migrants culturels constitués d'étudiants et d'élèves et les migrants politiques fuyant les violences, les persécutions, la guerre, etc.

Cependant, dans plusieurs pays, même si la réglementation par rapport à la mobilité des personnes est très contraignante, le nombre de candidats à la migration n’a cessé de croître. Pour ce qui est du cas particulier des réfugiés, les statistique du HCR (2000) montre que leur nombre a beaucoup évolué depuis le début des années 70, passant de près 2 millions en 1970 à plus de 27 millions en 1995 pour atteindre près de 22 millions en 2000 (HCR, 2002). La même source indique que près de 20 à 25 millions de personnes sont déplacées à l’intérieur de leur propre pays, soit près de 50 millions le nombre de personnes qui ont quitté leur lieu de résidence habituelle. La multiplication de la violence et de la misère sociale, les répressions politiques et même des catastrophes écologiques sont à l’origine de ce mouvement de population. Ce nombre assez élevé témoigne de la multiplicité de la violence sociale et politique mettant en péril la sécurité et les droits fondamentaux d’une fraction importante de la population mondiale.

En Afrique-subsaharienne, l’Afrique de l’Ouest et l’Afrique Centrale sont les régions les plus touchées par ce phénomène. Dans l’Ouest, les conflits interethniques et politiques du Libéria, de la Sierra Leone, de la côte d’Ivoire et l`instabilité politique au Togo ont conduit un grand nombre de personne soit à se déplacer ; ou à demander asile dans un pays en « paix ». En Afrique Centrale, et plus particulièrement dans la région des Grands Lacs, les conflits du Rwanda, du Burundi, de l`Ouganda et dans l’Est de la République Démocratique du Congo sont à l’origine d’un grand nombre de réfugiés, disséminés pour la plus part en Afrique Centrale et en Afrique Australe. Par ailleurs, l`instabilité politique au Tchad, en RCA, au Congo et les récents conflits au Darfour avec les violences qui ont suivies ont conduit plusieurs personnes à quitter leur pays.

Même si les origines du droit d`asile remonte au milieu du deuxième millénaire avant Jésus-Christ, le phénomène s`est amplifie en Afrique depuis les indépendances suite a la recrudescence de conflits armés, de guerres et de violences (Giri, 1986). Aujourd’hui, l`Afrique est devenu, comme l`a si bien révélé la presse, « un vaste continent en ébullition », secoué par de multiples crises : politiques, ethniques, culturelles, religieux, urbaines, etc. Dans les Grands Lacs par exemple, la dictature, la mauvaise gouvernance, les violations des droits humains, les conflits inter-ethniques sont les causes les plus fréquentes de départ des demandeurs d’asile. Dans les trois pays les plus touchés par ce phénomène (Rwanda, Burundi et République Démocratique du Congo), les alliances réciproques se sont liées. Les Rwandais, victimes de la discrimination du régime Habyarimana ne pouvaient demander exile en République Démocratique du Congo de peur d’être remis au régime en place au Rwanda. Les Burundais, demandeurs d’asile ne pouvaient être acceptés dans les pays voisins à cause des accords secrets conclus entre les chefs d’Etat Congolais, Burundais et Rwandais de ne jamais accueillir les opposants au régime voisin. De même, les réfugiés Congolais qui fuyaient le régime de Mobutu n’avaient pas le droit d’asile ni au Rwanda, ni au Burundi. Dans ce contexte, la demande d`asile dans les « pays de pays » s`est accru. C`est le cas du Cameroun qui accueil depuis les années 60 de nombreux réfugiés en provenance de différents pays africains. En 2005, le HCR estime à près de 60000 le nombre de réfugiés résidant au Cameroun. « Au moment ou les politiques d`immigration se durcissent un peu partout, et ou les frontières sont de plus en plus hermétiques aux afflux de réfugiés, le Cameroun continue a pratiquer sa politique d`hospitalité et reçoit un afflux continu de (1500 a 2000) de demandeurs d`asile qui arrivent des pays voisins ». Toutefois, leur nombre est mal connu au Cameroun comme partout ailleurs (Breillat, 1986). 

Cette étude a pour objectif de déceler les raisons de cet attrait exercé par le Cameroun sur cette population de déplacés, alors que ce pays ne dispose pas d`un environnement juridique particulièrement favorable. D`identifier les itinéraires suivis par ces derniers (1er, 2ème, 3ème pays de résidence antérieure) avant leur arrivée au Cameroun. Car, on peut supposer qu’un réfugié Rwanda par exemple traverse au moins deux pays avant d`entrer au Cameroun. De même, un réfugié Guinéen traverse près de trois pays.

Cette réflexion s`appuie sur les données d`une enquête quantitative que nous avons réalisé à Yaoundé au mois de Janvier 2006 auprès de 207 réfugiés et demandeurs d’asile résidant au Cameroun.

2. Définition du concept de réfugié

Le concept de réfugié est très complexe qui mérite d`être définit avant toute analyse. Le réfugié est un statut socialement et juridiquement identifiable, postérieur a des situations de déplacement a la suite de menaces physiques et morales manifestes due a des situations de guerre, de génocide, d`instabilité sociopolitique, de mutinerie, de coup d`état, etc. ainsi, est considéré comme réfugié tout individu qui a dû quitter son pays de suite des persécutions, de ce fait, il ne bénéficie plus de la protection des instances gouvernementales et juridiques de son pays.

Selon la convention de Genève de 1951, le réfugié est « toute personne ayant fui son pays et ne pouvant ou ne voulant pas y retourner, craignant à juste titre d’y être persécutée du fait de sa race, de sa religion, de sa nationalité, de ses opinions politiques ou de son appartenance à un groupe social particulier, et se retrouve hors de son pays dans lequel elle avait sa résidence habituelle à la suite de tel événement, ne peut en raison de ladite crainte ne veut y retourner ». Ses droits fondamentaux qui devraient être garantie par son pays d'origine sont bafoués. Et puisqu'il ne peut plus se tourner vers la justice de son Etat, il ne peut que demander asile à un Etat tiers, qui lui assurerait, dans des conditions reconnues par la communauté internationale sa protection, » le protocole de New-York, du 31 Janvier 1967, a élargie la période sus-mentionnée, L’union africaine étend ce statut à « toute personne qui du fait d’une agression, d’une occupation extérieure ; d’une domination étrangère ou d’événement troublant gravement l’ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d’origine ou du pays dont elle a la nationalité ». Le Cameroun, dans la loi no2005/006 du 27 Juillet 2005 étend cette définition à « toute personne qui du fait d'une agression, d'une occupation extérieure, d'une domination étrangère ou d'événement troublant gravement l'ordre public dans une partie ou dans la totalité de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité, est obligé de quitter sa résidence habituelle pour chercher refuge dans un autre endroit à l'extérieur de son pays d'origine ou du pays dont elle a la nationalité».

Le demandeur d'asile est un candidat au statut de réfugié. Au Cameroun, tout ressortissant étranger se trouvant sur le territoire camerounais et qui ne peut retourner dans son pays d'origine ou dans le pays dans lequel il a sa résidence habituelle, pour les raisons énoncées par les conventions ci-dessus est fondé à introduire une demande d'asile. Le projet Haut Commissariat aux  Réfugiés/Croix-Rouge Camerounaise est chargé de déterminer le statut du réfugié au Cameroun. A l`initiative du Représentant du HCR au Cameroun un comité d`éligibilité se réunit une fois par semaine pour délivrer aux demandeurs d`asile qui en remplissent les conditions, le statut de réfugié.

Cette définition permet certe de garantir le droit d'obtenir un asile face à la persécution, mais face à l'accroissement de la pauvreté, notamment dans les pays africains, et la multiplication des conflits régionaux et sous régionaux, il devient difficile de distinguer la persécution pour des raisons politiques (suite à un engagement politique) et l'insécurité existentielle, quotidienne et structurelle qui résulte d'une situation sociale précaire. De ce fait, la frontière entre l'émigration économique (fuite de la misère) et l'exil politique devient difficile à établir.

3. Quelques aspects méthodologiques

3.1. Les données utilisées

Les données utilisées proviennent d`une enquête que nous avons réalisé a Yaoundé au mois de Janvier 2006 auprès des réfugiés et demandeurs d`asile. Pour cerner tous les aspects intervenant dans le projet migratoire des réfugiés et demandeurs d`asile et sur les conditions du choix du pays d`asile, l`enquête a touché tous les étrangers vivants a Yaoundé, ayant déjà acquis le statut de réfugié ou ayant le statut de demandeur d`asile. A fin de recueillir toutes les informations requises permettant d`atteindre les objectifs de l`étude, le questionnaire a été subdivisé en quatre modules. Le premier module permet de recueillir les informations sur les caractéristiques des personnes enquêtées. Le deuxième permet d`avoir des informations sur les raisons du choix du Cameroun comme pays d`asile et les itinéraire migratoire suivis par les enquêtés. Le troisième porte sur les questions relatives aux moyens de transport utilisé pour arriver au Cameroun, les difficultés rencontrées et sur la prise en charge. Enfin, le quatrième traite des rapport entre d`une part la famille et les réfugiées/demandeurs d`asile et d`autre part  avec le HCR et le gouvernement camerounais.

3.2. Données et méthodes d’analyse

Collecte des données

La méthode de collecte des informations était celle de l’interview directe sur la base d’un questionnaire élaboré à cet effet. La population cible était constituée des hommes et des femmes résidentes ayant acquis le statut de réfugié au Cameroun ou ayant déposé une demande d`asile auprès du projet HCR/CRC. Ce questionnaire a été subdivisé en 4 sections : caractéristiques individuelles de l’enquêté ; raisons du choix du Cameroun et itinéraire migratoire ; moyens de transport, difficultés et prise en charge ; rapport avec la famille, le HCR et le gouvernement.

Codification et saisie de données

L’activité de codification a été menée en deus temps, d’abord le dépouillement des questions ouvertes et semi-ouvertes, puis, l’attribution des codes à chaque réponse. Après la codification de l’ensemble des questionnaires, les données ont été saisies en recourant au logiciel Epi-info 6 et  traite en recourant aux logiciel STATA.

Tailles effectives de l’échantillon et informations collectées

Comme le montre le tableau 1, 207 personnes ressortissants de 11 nationalités différentes ont été enquêtées. Près de 56,0% sont des hommes contre 44,0% de femmes.

Tableau 1 : Répartition de la population enquêtée selon le sexe

 

Effectif

%

Masculin
Féminin

116
91

56,0
44,0

Ensemble

207

100,0

Méthodes d’analyse

L’analyse est descriptive. Dans ce cas, nous avons recouru aux tableaux croisés pour présenter le profil des enquêtés, leur itinéraire migratoire, les raisons du choix du Cameroun pays d`asile, le vécu quotidien de ces derniers et leur projet migratoire. Enfin, leur relation avec le gouvernement camerounais et le HCR.

4. Profil socio-économique, démographique, culturel et politique des réfugiés et demandeurs d’asile

Le tableau 2 montre que la population enquêtée est relativement jeune. Plus de 80% d`entre eux ont moins de 35 ans.

Tableau 2: Répartition des enquêtées selon quelques caractéristiques

 

Masculin

 

Féminin

 

Ensemble

 

Effectif

%

Effectif

%

Effectif

%

Groupe d`ages
13-24 ans
25-29 ans
30-34 ans
35 ans et plus

23
49
22
22

19,8
42,2
19,0
19,0

30
24
24
13

33,0
26,4
26,4
14,2

53
73
46
35

25,6
35,3
22,2
16,9
Statut matrimonial
Célibataire
Union libre
Marié (e)
Divorcé(e)/séparé(e)
Veuf/veuve

87
15
12
1
1

75,0
12,9
10,3
0,9
0,9

48
11
27
3
2

52,7
12,1
29,7
3,3
2,2

135
26
39
4
3

65,2
12,6
18,8
1,9
1,5
Religion
Catholique
Protestant
Musulman
Autres religions
Sans religion

45
34
29
3
5

38,8
29,3
25,0
2,6
4,3

37
23
27
2
2

40,7
25,3
29,7
2,2
2,2

82
57
56
5
7

39,6
27,5
27,1
2,4
3,4
Niveau d`instruction
Sans niveau
Primaire
Secondaire 1er cycle
Secondaire 2nd cycle
Supérieur

1
9
55
27
24

0,9
7,7
47,4
23,3
20,7

3
12
45
26
5

3,3
13,2
49,4
28,6
5,5

4
21
100
53
29

1,9
10,1
48,3
25,6
14,0
Ensemble 116 56,0 91 44,0

 

 

Considérant la même tranche d`age, les femmes semblent plus jeunes que les hommes (85,8% contre 81%). Selon statut matrimonial, les célibataires sont les plus nombreux (65,2% contre 30,4% de personnes seulement vivant en union). Par rapport a la religion, les enquêtés appartiennent majoritairement a trois religions : le catholicisme 39,6%, le protestantisme (27,5%) et l`islam (27,1%). Les adeptes des autres religions et les personnes sans religion sont très peu nombreux et ne représentent que près de 5,8% de personnes enquêtés. L`examen du niveau d`instruction montre que la plupart des enquêtés ont fait au moins le secondaire, et ceci quelque soit le sexe de l`enquêté. La proportion de ceux qui ont fait le secondaire est également assez élevée.

L`analyse du tableau 3 montre que le Cameroun est très sollicité par réfugiés et demandeurs d`asile. Dans l`ensemble, les ressortissants de près de 11 nationalités ont été dénombrées. En fonction de la proximité et de la similitudes des problèmes ayant conduit les enquêtés à s`exiler, nous avons constituer quatre groupes de pays. Le premier groupe est constitué des pays de grands lacs (Rwanda-RDC-Congo- Burundi). Ce groupe englobe près de 45,6% de personnes enquêtées. Le deuxième groupe est constitué de la RCA, du Tchad et du Soudan (29,1%). Le troisième groupe du Liberia et de la Sierra Leone (10,7%). Enfin le quatrième groupe du Togo et de la Côte d`Ivoire (14,6%).

Tableau 3 : Répartition des enquêtés selon la nationalité

 

Masculin Féminin Ensemble
Effectif % Effectif % Effectif %
Grand groupe de nationalité
RCA-Tchad- Soudan
Rwanda-RDC-Congo- Burundi
Liberia- Sierra Leone
Togo- Côte  d’Ivoire

31
58
14
13

26,7
50,0
12, 1
11,2

29
36
8
17

32,2
40,0
8,9
18,9

60
94
22
30

29,1
45,6
10,7
14,6

La figure 1 présente la répartition des enquêtés par nationalité. Il ressort de cette figure que les ressortissants de la RDC (18,0%), du Tchad (16,5%) et  du Rwanda (12,1%) sont les plus nombreux. Pour chacun des 8 autres pays, cette proportion est inférieur a 10%.

5. Statut de résidence de l’enquête

La figure 2 montre que près de 67,6% de personnes enquêtées ont le statut de réfugié. Les femmes sont plus nombreuses que les hommes (74,7% contre 62,1%). Environ 32,4% ont déposé une demande d`asile. Pour ce qui est des demandeurs d`asile, se sont les hommes qui sont les plus nombreux (62,1% d`hommes contre 37,9% de femmes).

6. Type et raisons de départ

Type de départ

Près de (47,2%) de personnes qui ont déclaré avoir quitté volontairement leur pays d`origine ont le statut de réfugié. En principe, si l`on s`en tient a la définition du concept de réfugié, les personnes ayant déclaré avoir quitté volontairement leur pays ne devraient pas obtenir ce statut. Ce qui n`a pas été le cas. Pour les autres types, le départ a été imposé (26,1%) ou décidé par la famille (26,6%).

Tableau 4 : Répartition des personnes enquêtées selon le type de départ

Type de départ Sexe Statut Ensemble
Masculin Féminin Réfugié Demandeur d`asile
Départ volontaire
Départ impose
Départ décidé par la famille
59,5
19,0
21,5
31,8
35,2
33,0
47,2
26,4
26,4
47,8
25,4
26,8
47,3
26,1
26,6

Raison du départ

Quelque soit le type de départ, la guerre, l`insécurité et la persécution sont les principales raisons qui poussent à l`exil. Pour les départs imposés, même si la famille a joué un rôle important, c`est la guerre (34,0%) et l` insécurité (30,2%) provoquée par les guerres et les troubles politiques et interethnique qui ont poussé les populations à rechercher refuge ailleurs. De même, pour les départs volontaires ou décidés par la famille, la guerre (66,4%) est la raison la plus citée. La famille n`a été qu`a l`origine de 10,1% de départ.

Tableau 5 : Répartition des enquêtés selon la raison du départ

 

Masculin Féminin Ensemble
Effectif % Effectif % Effectif %
Raisons départ impose
Famille
Guerre
Insécurité/persécution

5
6
9

22,7
36,4
40,9

14
10
7

45,2
32,3
22,6

19
18
16

35,8
34,0
30,2
Raisons départ volontaire ou décidé par la famille
Famille
Guerre
Insécurité/persécution
Autres

8
63
19
3

8,6
67,7
20,4
3,3

7
36
5
8

12,5
64,3
8,9
14,3

15
99
24
11

10,1
66,4
16,1
7,4

7. Itinéraire migratoire

Dans l`ensemble, près de 36,7% n`ont transité par aucun pays tiers avant d`entrer au Cameroun. Il s`agit dans la plupart cas des ressortissants des pays limitrophes du Cameroun tel que le Tchad (100,0%), la RCA (100,0%) et le Congo Brazzaville (88,2%). La proportion de ceux qui sont ont transité par un pays tiers est relativement plus élevée (63,3%). Pour mieux apprécier l`ampleur du phénomène, il est important d`examiner les pays dans lesquels ces enquêtés ont antérieurement vécu et les différents flux migratoires engendrés.

Figure 3

Pays de résidence antérieure

Le tableau 6 présente les différents pays dans lesquels ont résidé les réfugiés et demandeurs d`asile avant leur entrée au Cameroun. Ainsi, parmi les Rwandais séjournant au Cameroun et ayant transité par un pays tiers, 44,0% ont résidé en RDC, 32,0% en RCA et 16,0% au Congo. Les Burundais quand à eux transitent par les même pays : 46,7% en RDC, 33,3% en RCA et 13,3% au Congo. Pour les ressortissant de la RDC, les pays de transit identifiés sont : le Congo (59,5%) et la RCA (35,1%). Bien que le Congo soit un pays limitrophe du Cameroun, on constate que près de 17,6% des ressortissants de ce pays ont transité par la RCA. Dans l`ensemble, la RCA apparaît comme un pays de transit en Afrique Centrale. Pour les ressortissants de l`Afrique de l`Ouest, c`est par le Nigeria que la plupart des demandeurs d`asile transitent pour arriver au Cameroun. On note par exemple que les libériens transitent dans leurs majorités par le Nigeria (52,9%), par ailleurs, les Béninois (17,6%) et l`ivoiriens (17,6%) transitent par le même pays. Pour les Togolais, 80,0% ont transité par le Nigeria et 20,0% par le Bénin. Les Ivoiriens quand a eux transitent par le Nigeria (80,0%), le Ghana (13,3%) et le Togo (6,7%). Enfin les Soudanais transitent soit par la RCA (71,4%), soit par le Tchad (28,6%).

Tableau 6 : Répartition des enquêtés selon le pays de résidence antérieur

 

Pays de résidence antérieur %
Rwanda Rwanda 8,0
RDC 44,0
Congo 16,0
RCA 32,0
RDC RDC 5,4
Congo 59,5
RCA 35,1
Congo Congo 82,4
RCA 17,6
Burundi Burundi 6,7
RDC 46,7
RCA 33,3
Congo 13,3
Liberia Ghana 11,8
Côte  d’Ivoire 17,6
Bénin 17,6
Nigeria 52,9
Togo Bénin 20,0
Nigeria 80,0
Côte  d’Ivoire Nigeria 80,0
Ghana 13,3
Togo 6,7
Soudan Tchad 28,6
RCA 71,4

Flux migratoire

L`enquête a permis d`identifier les différents pays par lesquels les enquêtés ont transité avant leur entrer au Cameroun. Ces données on permis de reconstituer l`ensemble des itinéraires migratoires (figure 4). Il ressort de cette figure que les flux sont plus denses en Afrique de l`Ouest qu`en Afrique Centrale. Ceci probablement à cause de la récurrence des conflits ethniques et de l`instabilité politique dans cette partie du Continent.

figure 4

8. Moyen de transport et raisons du choix du Cameroun comme terre d’accueil

Moyens de transport

Dans l`ensemble, la voiture est le principal moyen de transport utilisé par les réfugiés et demandeurs d`asile. En effet, comme nous l`avons vu précédemment, la plupart de personnes parce que persécuté ou recherche dans leurs pays, partent sans préparation préalable. Ils sont dépourvus de moyens financiers et logistiques pouvant leur permettre de voyager dans des conditions décentes. Ce moyen de transport a été utilise par près de 78,1% de personnes. Viennent ensuite l`avion et la pirogue utilisée respectivement par 14,6 et  6,8% de personnes. Considérant la nationalité du réfugié/demandeur d`asile, tous les centrafricains, soudanais et les sierra léonais ont traversé la frontière camerounaise en voiture. Cette proportion est tout aussi élevée chez les tchadiens (97,0%), les togolais et ivoiriens (respectivement 80,0%), les ressortissants de la République Démocratique du Congo (75,7%), les congolais (68,0%) et les rwandais (68,0%). Par rapport à ceux qui sont arrivés au Cameroun par voie aérienne, près de 53,3% de burundais ont utilisé ce moyen de transport. Cette proportion est de 47,1% chez les libériens, de 24,0% chez les rwandais et de 20,0% respectivement chez les togolais et chez les ivoiriens. Pour ce qui est du voyage par pirogue, seuls quelques ressortissants des pays des grands lacs (Rwanda et RDC) et les ressortissants congolais ont utilisé ce moyen de transport. Il faut enfin relever que près de 3,0% de tchadiens ont traversé la frontière camerounaise a pied.

Tableau 7 : Répartition des enquêtés selon le moyen de transport utilisé pour arriver au Cameroun

 

Voiture Avion A pied Pirogue
Rwanda
RDC
Congo
Tchad
RCA
Burundi
Liberia
Sierra Leone
Togo
Côte  d’Ivoire
Soudan
68,0
75,7
70,6
97,0
100,0
46,7
52,9
100,0
80,0
80,0
100,0
24,0
5,4
0,0
0,0
0,0
53,3
47,1
0,0
20,0
20,0
0,0
0,0
0,0
0,0
3,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
8,0
18,9
29,4
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
Ensemble 78,1 14,6 0,5 6,8

Raisons du choix du Cameroun

Le choix du Cameroun comme pays d`asile peut s`expliquer par la stabilité politique et le climat de paix dont jouit ce nationalité de l`enquêtée, ays depuis des années. Cette raison a été citée par plus de 7 personnes enquêtées sur 10. Considérant la nationalité de l`enquêté, on constate que tous les soudanais et tous les sierra léonais enquêtés ont également cité cette raison. Par ailleurs, la proximité du Cameroun par rapport à leur pays d`origine cité par près de 12,8% de personnes est la deuxième raison. Cette deuxième raison a été évoquée majoritairement par les ressortissants des pays limitrophes au Cameroun (Congo, Tchad et RCA).

Tableau 8: Répartition des enquêtés selon les raisons du choix du Cameroun comme pays d`asile

 

Proximité Stabilité/paix Raisons familiales Autres
Rwanda
RDC
Congo
Tchad
RCA
Burundi
Liberia
Sierra Leone
Togo
Côte  d’Ivoire
Soudan
4,4
2,7
52,9
20,6
42,1
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
0,0
78,3
81,1
47,1
70,6
52,6
86,7
88,2
100,0
85,7
93,3
100,0
13,0
13,5
0,0
8,8
0,0
6,7
0,0
0,0
14,3
6,7
0,0
4,4
2,7
0,0
0,0
5,3
6,7
11,8
0,0
0,0
0,0
0,0
Ensemble 12,8 76,8 7,4 3,0

 Perspectives

L`enquête a permis de rendre compte de l`intention des enquêtés de rentrer dans leurs pays d`origine ou de s`installer définitivement au Cameroun. Quelques soit les conditions d`existence assez précaires de ces réfugiés/demandeurs d`asile, seules 8,2% d`entre eux semblent admettre la possibilité de rentrer dans leur pays d`origine. Ces derniers ne désirent non plus s`installer définitivement au Cameroun. Dans ces conditions, le Cameroun est alors perçu comme un pays de transit pour de nombreux réfugiés et demandeurs d`asile.

9. Vécu quotidien, prise en charge des besoins quotidiens et perspectives

Vécu quotidien

Comme on peut le constater en examinant le tableau 9, les réfugiés et demandeurs d`asile résidant au Cameroun sont confrontés aux problèmes de survie quotidienne. Il s`agit des problèmes de sécurité, de logement, de nutrition, de santé, de scolarisation et des difficultés financières. Pourtant le projet HCR/CRC d`assistance au réfugiés urbains existe depuis plus de 5 ans et fonctionne de manière autonome. Ce projet déploie ses activités dans quatre secteurs a savoir : la protection, l`éducation, le social et les micro-projet. Il faut noter ici que les charges liées au logement et à la nutrition ne font pas partie du mandat du projet.

Tableau  9 : Répartition des enquêtés selon les difficultés quotidiennes rencontrées

 

Masculin Féminin Ensemble
Problèmes nutritionnels
Difficultés financières
Problèmes de santé
Problèmes de logement
Problèmes de scolarisation
Problèmes de sécurité
Mépris
Problèmes d`intégration
17,4
17,9
16,1
18,3
10,1
19,7
0,2
0,4
18,2
19,8
14,2
17,5
10,4
20,0
0,0
0,0
17,7
18,7
15,3
17,9
10,2
19,8
0,1
0,2
Ensemble 100,0 100,0 100,0

Prise en charge des besoins quotidiens

L`examen du tableau 10 montre que les réfugiés semblent abandonner à eux même. Ainsi, leurs propres besoins sont pris en charge dans la plupart des cas par eux même. Le projet HCR/CRC qui a en charge la gestion de ces derniers semble ne pas remplir pleinement son rôle. Parmi ceux qui prennent en charge leurs principaux besoins (éducation, santé, nutrition, …), cet projet n`a été cité que par 11,8% de personnes. Les parents proches et les autres membres de la famille participent également dans une moindre mesure au financement des besoins quotidiens de ces derniers.

Tableau 10 : Répartition des enquêtés selon la prise en charge de leurs besoins

 

Réfugie politique Demandeur d`asile Ensemble
Effectif %
Moi-même
HCR/CRC
Mes parents
Mes frères et sœurs
Autres membres de la famille
Copain (e )/Amis
connaissance
Mari
52,6
15,8
6,3
8,5
9,2
5,5
1,5
0,7
48,3
2,6
14,7
16,4
11,2
4,3
0,9
1,7
199
46
34
42
39
20
5
4
51,2
11,8
8,7
10,8
10,0
5,1
1,3
1,0
Ensemble 100,0 100,0 389 100,0

Lieu d`habitation

Le tableau 11 montre qu`un réfugié/demandeur d`asile sur 2 est locataire et 23,3% vivent chez un copain ou chez un ami. Considérant le sexe de l`enquêté, on constate que les femmes sont plus logées par leurs parents/conjoints que les hommes (28,9% contre 2,6%). Elle vivent aussi moins chez leur copain/amie que les hommes (14,4% contre 30,2%). Selon le statut, les demandeurs d`asile semble avoir plus de problèmes de logement que les réfugiés. En effet la plupart d`entre eux sont logés par leurs copains/amis (33,3% contre 18,6% chez les réfugiés).  Ils sont également moins capables que les réfugiés à pouvoir prendre en charge eux même leur location.

Tableau 11 : Répartition des enquêtées selon le lieu d`habitation

 

Masculin Féminin Réfugie politique Demandeur d`asile Ensemble
Copain(e)/ami(e)
Location
Parents/conjoint(e)
Autres
30,2
56,0
2,6
11,2
14,4
42,2
28,9
14,4
18,6
56,4
15,0
10,0
33,3
36,4
12,1
18,2
23,3
50,0
14,1
12,6

Tableau 12 : Répartition des enquêtés selon leur projet migratoire

 

Masculin Féminin Réfugie politique Demandeur d`asile Ensemble
Intention de rentrer dans son pays
Oui
Non
Ne sais pas
10,4
81,0
8,6
5,5
69,2
25,3
10,7
73,6
15,7
3,0
80,6
16,4
8,2
75,9
15,9
Intention de s`installer définitivement au Cameroun
Oui
Non
Ne sais pas
6,0
83,6
10,4
3,3
67,0
29,7
3,6
75,0
21,4
7,5
79,1
13,4
4,8
76,4
18,8

Pays de réinstallation souhaité

Le Canada et les USA sont les pays de réinstallation les plus sollicités par les réfugiés/demandeurs d`asile. Ces deux pays ont été cités respectivement par 20,6 et 15,8% de personnes enquêtés. Suivent ensuite la Suède (9,5%), la Suisse (9,1%), la Hollande (7,4%), la France (5,0%). Considérant la nationalité des enquêtés, la même tendance est observée. Il faut noter ici que seuls trois pays africains ont été cités. Et ce par moins de 4% de personnes enquêtés.

Rapport avec la famille restée au pays

Si certains réfugiés/demandeurs d`asile sont sceptiques quant à la possibilité de retourner dans leur pays d`origine, c`est parce qu`ils n`ont plus de famille au pays. Le tableau 13 montre en effet que près de 29,5% de personnes n`ont plus de famille au pays. Cette proportion est plus élevée chez les réfugiés que chez les demandeurs d`asile (35,7% contre 16,4%). Elle est également plus élevée chez les femmes que chez les hommes (45,1% contre 17,2%).

Tableau 13 : Répartition des enquêtés selon l`existence d`une famille dans leur pays d`origine

 

Masculin Féminin Réfugié politique Demandeur d`asile Ensemble
Oui
Non
82,8
17,2
54,9
45,1
64,3
35,7
83,6
16,4
70,5
29,5

Pour ceux ayant tout de même une famille dans leur pays d`origine, plus de 50% ont déclaré n`avoir aucun rapport avec ces derniers. Pour 10,3% d`entre eux, les rapports sont rares. En revanche, près de 4 enquêtés sur 10 assistent ou sont assistés par leur famille restée au pays.

Tableau 14 : Répartition des enquêtés selon le type de rapport qu`ils entretiennent avec leur famille restée au pays

 

Masculin Féminin Réfugie politique Demandeur d`asile Ensemble
Aucun rapport
Contact rare
Rapport d`aide/assistance
49,5
7,5
43,2
54,0
16,0
30,0
56,2
10,1
33,7
42,9
10,7
46,4
51,0
10,3
38,6

Rapport avec le HCR/GVT

Le tableau 15 montre que la relation entre les réfugiés et le HCR ne sont pas bonnes. En effet, près de 41,4% ont déclaré être frustrés par cet organisme. Cette proportion est plus élevée chez les demandeurs d`asile que chez les réfugiés. Elle est également plus élevée chez les hommes que chez les femmes. Leurs conditions de vie semblent être très précaires. C`est d`ailleurs ce qui justifient l`appel qu`il lance au gouvernement camerounais pour qu`il leur vienne en aide. A cet effet, près de 52,2% de réfugiés/demandeurs d`asile souhaitent que le gouvernement leur accordent des facilitées quant a l`obtention d`un emploi, et a la survie quotidienne.

Tableau 15: Répartition des enquêtés selon leur opinion sur leur rapport avec le HCR et le gouvernement camerounais

 

Masculin Féminin Réfugie politique Demandeur d`asile Ensemble
Assistance mitigée du HCR 43,0 39,3 38,6 47,5 41,4
Que le gouvernement camerounais nous accorde des facilités 50,5 54,4 54,3 47,5 52,2
Précarité des conditions de vie 6,5 6,3 7,1 5,0 6,4

10. Conclusion

Le premier réflexe de tous réfugiés ou demandeurs d`asile, c`est fuir d`abord les menaces et se mettre a l`abri. Les réfugiés/demandeurs d`asile installés au Cameroun semblent s`inscrire dans cette logique. Si non, comment comprendre que plus de 75% de personnes ne sont ni prés à rentrer dans leurs pays d`origine, ni prés à s`installer définitivement au Cameroun. Au départ de leur pays d`origine, le Cameroun est un asile privilégié à cause de sa position géographique, de sa relative stabilité sociopolitique et de son environnement économique favorable. Or le réfugié/demandeur d`asile recherche la ou il pourra « dormir en paix chez lui la porte fermée », « se sentir a l`abri de l`insécurité », « trouver du travail », « trouver a manger pour ses enfants », « bénéficier d`une assistance ». Ce qui n`est pas toujours le cas au Cameroun. C`est la raison pour laquelle une fois sur place, ces derniers manifestent immédiatement le désir de repartir. Pourtant, comme l`a souligné Zognong (2001) « le Cameroun est l`un des rare havre de paix dans une Afrique centrale ruinée par les conflits de toutes sortes générateurs de réfugiés ». Dans ce contexte, l`ambition de tous réfugiés/demandeurs d`asile est désormais de repartir pour le Canada, la Suisse, la Suède, les Etats-Unis, etc.

Références bibliographiques

Arous Ben Michel, (sous la dir.) (2001), Medias et conflits en Afrique, Paris, Institut Panos Afrique de l`Ouest, Karthala.
Breillat Dominique, (1986) « Les réfugiés en Afrique Australe », in Les réfugiés en afrique. Situation et problèmes actuels. Les cahiers du droit public, no 14, Bordeaux, Institut Français des droits de l`homme, pp.83-95.
Esso Nicolas Olivier, (1999) Conflits politico-identitaires et migrations transfrontalières : le cas des réfugiés Rwandais et Burundais a Yaoundé, Mémoire de DEA en sociologie, Université de Yaoundé.
Giri Jacques, (1986) L`Afrique en panne : vingt-cinq ans de « développement », Paris, Karthala.
Mimche H., Kom D., Fomekong F. Meli Meli V., (2006) « Le droit a l`éducation : Quelles effectivités pour les réfugiés au Cameroun ? », Communication présentée au Colloque International, Education, Violences, conflits et perspectives de paix en Afrique, Yaoundé, 6-10 mars 2006
UNHCR, Afrique centrale et occidentale, Rapport global 2002
UNHCR, Plan d`opération par pays. Cameroun, 2006
Zognong Dieudonné, (2001), « Le Cameroun, une destination privilégiée pour les réfugiés », in Governance Alert, no6

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