L'asile au Sud : Afrique, Méditerranée...

La Côte d’Ivoire à la croisée de l’humanitaire et du leadership régional ouest-africain

Souleymane YEO
Institut d’Ethno-Sociologie, Université de Cocody-Abidjan
22 BP 535, Abidjan 22, COTE D’IVOIRE
souley.yeo@caramail.com

Mots clefs : Humanitaire, exilé politique, réfugié de guerre, leadership régional, Houphouët-Boigny.

La Côte d’Ivoire n’est officiellement entrée dans le système humanitaire HCR que très tardivement. En effet, lorsqu’éclate le 18 et 19 septembre 1998 une des dernières phases  de la guerre libérienne opposant les hommes de Roosevelt Johnson aux forces gouvernementales, des populations essentiellement composées de femmes et d’enfants se retrouvèrent réfugiées en Côte d’Ivoire. Un an plus tard, on les évaluaient à 15000 auxquels on apporta officiellement assistance humanitaire après une mission conjointe PAM/HCR/Gouvernement ivoirien.

Auparavant, au déclenchement en décembre 1989 de cette guerre civile à répétition, 400000 Libériens ont été accueillis dans les villages ivoiriens au nom du principe cher à Houphouët-Boigny « qu’un frère ne pouvait être un réfugié chez un autre frère ». Cette hospitalité à l’africaine, érigée en principe, avait permis d’accueillir déjà des Biafrais en 1967 et plus tard des exilés politiques venant de toute la région ouest-africaine et d’ailleurs. Ces derniers étaient principalement composés des « ennemis » des régimes socialistes de N’Krumah, de Modibo Kéita, de Sékou Touré et de Mathieu Kérékou… C’est dans le même esprit qu’avaient été accueillis des réfugiés cambodgiens, vietnamiens et libanais. Aujourd’hui, exilés politiques et réfugiés de la période antérieure au drame libérien ont été rejoints par les Sierra Léonais, les Congolais de Kinshasa et de Brazzaville, les Rwandais, des Burundais, les Tchadiens, les Iraniens, etc, tous victimes des guerres civiles.

La communication proposée vise à faire une lecture rétrospective de la politique ivoirienne dans le domaine de l’humanitaire rassemblant exilés politiques et réfugiés de guerre venant des différentes zones en conflit dans le monde. Au-delà d’une première lecture de ces nationalités diverses montrant une Côte d’Ivoire généreuse et solidaire de toute personne en détresse, c’est l’expression  d’un leadership régional, transposé de l’économique à l’humanitaire. Cette quête plonge ses racines dans le projet politique de son premier président, feu Félix Houphouët-Boigny. Celui-ci, en plus de l’affirmation de son prestige personnel, a toujours voulu faire de la Côte d’Ivoire dans une Afrique de l’Ouest balkanisée, une plaque tournante au plan géopolitique et un microcosme au plan politique.

Aussi a-t-il favorisé l’accueil  en exilés des élites politiques, intellectuelles et scientifiques en rupture de ban  avec leurs gouvernements, mais aussi l’acceptation en réfugiés d’anonymes personnes fuyant guerres et exactions. La différence de conception entre une intégration au sommet des Etats chère aux leaders politiques d’obédience socialiste, et une intégration de ressortissants de la région  au sein de chacun des Etats, apparaît être le prolongement la rivalité d’antan. Est-ce pour cette raison qu’au plus fort de la crise actuelle, malgré de sérieux dérapages, on ne note pas de la part des Ivoiriens une véritable remise en cause de cette conception. En tout état de cause, celle-ci ne s’est jamais soldée par des expulsions massives d’exilés et de réfugiés, maintenant qu’eux-mêmes font l’expérience d’accueil dans d’autres pays.

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