Orphelins et enfants vulnérables en Afrique
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Prise en charge des orphelins à cause du VIH/Sida

Quand les orphelins se prennent en charge eux mêmes

« La pression croissante exercée sur les familles, la crise économique, la raréfaction des familles élargies (surtout en milieu urbain) et la crainte que suscite l’infection à VIH sont les facteurs qui jouent largement en défaveur du maintien de ces enfants dans le cercle familial » Centre International pour l'Enfance, 1991 » Pilon, 1996 et ont favorisé l’apparition de foyers dirigés par des enfants, et accrut le nombre d’enfants sans foyer, vivant dans la rue.

Les foyers dirigés par les orphelins eux mêmes

Le VIH couplé à la pauvreté  reste le principal facteur de l’apparition de foyers dirigés par les enfants eux-mêmes. Au Zimbabwe Foster, Makufa, Drew et Kralovec, 1997 et au Kenya Nyambedha, Wandibba et Aagaard-Hansen, 2001, il a en effet été observé que la principale raison du refus de prendre en charge des orphelins était la pauvreté, et que cette pauvreté était responsable de l’émergence des foyers dirigés par des enfants.

Ce phénomène peut également s’expliquer par la stigmatisation autour du VIH, certains membres de la famille pouvant avoir peur de prendre en charge un enfant dont les parents sont morts du sida, car ils suspectent les orphelins d’être séropositifs et ont peur pour eux mêmes et leurs enfants de les prendre en charge par risque de contamination ; même s’ils les prennent en charge, les orphelins restent bien souvent isolés au sein même de la famille Nyambedha, Wandibba et Aagaard-Hansen, 2001

Une étude menée dans le Nord de l’état du KwaZulu Natal en Afrique du Sud révèle que le décès d’un ou plusieurs adultes dans les ménages engendraient un risque de dissolution des familles quatre fois supérieur à ce qu’il est habituellement Hosegood et al., 2004.

Des études réalisées au Kenya et en Ouganda soulignent enfin le lien étroit entre l’émergence croissante des foyers dirigés par des enfants et l’éloignement et l’éclatement des familles élargies du fait des flux migratoires élevés, ainsi que le refus des orphelins eux-mêmes d’être placés dans un foyer loin de la maison d’origine et d’être séparés de leurs frères et sœurs Nyambedha, Wandibba et Aagaard-Hansen, 2001, Mukiza-Gapere et Ntozi, 1995.

D’ailleurs une étude réalisée au Zimbabwe confirme ce cas de figure : les enfants préfèrent rester ensemble entre frères et sœurs dans leur résidence familiale plutôt que de se séparer et changer de foyer, d’école, quitter leurs amis, leur maison, leurs voisins, même s’ils doivent assumer des responsabilités d’adultes trop tôt Foster, Makufa, Drew et Kralovec, 1997.

Enfin, il arrive parfois que les membres d’une famille ne reconnaissent pas un enfant comme légitime dans le cas par exemple où une femme a eu des enfants hors mariage, ou si la dot est impayée, cela peut justifier un refus de prise en charge des enfants de la part de leur famille à la mort de leur mère Foster, Drew et Makufa, 1995. La plupart de ces enfants sont des orphelins doubles. Une étude menée au Zimbabwe a observé que la plupart de ces foyers menés par des orphelins reçoivent des visites régulières ainsi qu’un soutien de la part des membres de la famille Foster, Makufa, Drew et Kralovec, 1997. Cependant, le constat inverse a été fait en Namibie, ou Monica Ruiz a pointé l’absence de visites et de soutien familial reçus par ces ménages tenus par des enfants Ruiz-Casares, 2005

Ce phénomène observé dès le début des années 90 a été confirmé par des études menées en Ouganda par Topouzis Topouzis, 1994, Konde-Lule Konde-Lule, 1995  et Ntozi Ntozi and Zirimenya, 1999, au Zimbabwe par Foster Foster, Makufa, Drew et Kralovec, 1997, au Kenya par Nyambedha et al. Nyambedha, Wandibba et Aagaard-Hansen, 2001. Foster et al. ont estimé que la proportion de ménages dirigés par des enfants de moins de 18 ans est de moins de 1% dans la plupart des pays d’Afrique subsaharienne, et l’ont décrit comme un phénomène qui concerne davantage les frères et sœurs aînés âgés en général de 18 ans ayant pris l’habitude de s’occuper de leurs frères et sœurs cadets pendant la maladie de leurs parents et étant devenus chef de famille à la mort de ces derniers. Foster, Makufa, Drew et Kralovec, 1997, Foster, 1997. Une étude récente menée en Afrique Australe (Zimbabwe, Afrique du Sud, Namibie) tendrait à montrer que ce pourcentage peut être plus élevé, et qu’une proportion non négligeable de  ménages ont à leur tête un enfant de 6 à 14 ans (Human Science Research Council, communication à la IIIème conférence africaine pour la recherche sur les aspects sociaux du VIH/Sida, Dakar, 2005).

Ces ménages tenus par des enfants ont bien évidement des besoins spécifiques. En particulier un fort besoin de soutien économique mais aussi psychologique. L’étude menée en Namibie a montré la fréquence des idées suicidaires chez les enfants vivant dans de tels ménages Ruiz-Casares, 2005.  

Les enfants des rues

L’ensemble des facteurs énumérés ci dessus ont également conduit de nombreux orphelins du sida dans la rue, livrés à eux-même. Que ce soit par exclusion ou abandon, ce phénomène reflète l’incapacité des familles à prendre en charge le nombre croissant d’orphelins, et surtout l’absence d’autres alternatives Preble, 1990; ce phénomène renvoie aux conditions économiques actuelles et aux situations de précarité des ménages qui se développent dans les villes africaines. Depuis l’apparition du VIH/SIDA le nombre d’enfants des rues s’est considérablement accru. On ne dispose à ce jour d’aucune estimation fiable du nombre ou du pourcentage d’enfants orphelins à cause du VIH/SIDA qui vivent dans la rue mais on peut émettre l’hypothèse que le nombre d’enfants des rues augmente dans de nombreuses villes d’Afrique subsaharienne, vraisemblablement à cause du nombre croissant d’orphelins à cause du VIH/SIDA UNICEF, UNAIDS, USAID et Jorge Scientific Corporation. Population, 2004. A Lusaka en Zambie, la majorité des enfants des rues sont orphelins Republic of Zambia et Office, 1999 tel que le graphique 6 l’indique.

Ainsi, parmi les enfants vivant dans les rues de Lusaka, 10% sont orphelins de mère, 26% orphelins de père, 22% sont orphelins doubles et 42% ont leurs deux parents en vie UNICEF, 2002 (Figure 6). Une étude réalisée au Congo Brazzaville confirme ces résultats en affirmant que près de la moitié des enfants des rues sont orphelins Nkouika-Dinghani-Nkita et G., 2000

Figure 6 : La majorité des enfants des rues sont orphelins à Lusaka (Zambie) en 2001

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