Orphelins et enfants vulnérables en Afrique
Sommaire  

 

Introduction

L’épidémie de sida frappe de plein fouet les enfants, sous diverses formes. Cette infection peut toucher directement les enfants, puisque, en l’absence de prévention, le virus est transmis au nourrisson par les mères lors de la grossesse, de l’accouchement puis de l’allaitement. Les enfants peuvent aussi être infectés au cours de transfusions avec du sang contaminé, ou encore d’abus sexuels. Mais les conséquences de l’épidémie de sida sur les enfants dépassent encore largement ces risques de contamination. En atteignant leurs parents, elle prive la famille de ses piliers et de ses ressources. Infectés ou non, les enfants vivant dans des familles touchées par la maladie sont fragilisés bien avant le décès des parents infectés par le VIH, et a fortiori lorsque les parents décèdent. Non seulement la pandémie prive les orphelins de leurs droits à jouir d'une enfance de qualité ou tout au moins normale, mais elle a des effets particulièrement délétères sur leurs chances de survie ou de développement harmonieux.

Le décès de la mère pendant les premières années de vie d'un enfant implique la disparition de son principal dispensateur de soins mais il compromet aussi la réalisation de ses besoins fondamentaux tels que l'accès aux soins de santé, l'accès à une nutrition suffisante, etc. D'une façon générale, pour un enfant rendu orphelin et/ou vulnérable par le VIH/SIDA, la perte de l'un ou de ses deux parents affecte toutes les dimensions de sa vie: son équilibre émotionnel, sa sécurité physique, son développement mental, sa santé, etc. Le décès des parents prive totalement ou partiellement l'enfant de ses droits à vivre dans un cadre familial et à être protégé contre la violence, la maltraitance, l’exploitation, la stigmatisation et la discrimination. Lorsque les parents qui s'occupent d'un enfant tombent malades du sida et en meurent, il est un autre droit de cet enfant qui se trouve généralement compromis: le droit à l'éducation. De nombreux orphelins du SIDA sont en effet contraints de quitter prématurément l'école faute de soutien financier ou parce qu'ils sont appelés à assurer la subsistance des autres membres de leur famille en l'absence de leurs parents. De constat général, quand le Sida s'infiltre dans une famille en faisant disparaître un ou les deux parents, il exacerbe la pauvreté dans cette famille et aggrave le risque que courent les enfants de se livrer à des activités illicites ou répréhensibles.
Une réalité à laquelle les familles élargies aux prises avec le sida doivent faire face est la prise en charge des enfants orphelins. Etant donné leur nombre croissant et les craintes que suscite généralement l’infection à VIH, peu de ménages du cercle familial acceptent de les accueillir. Dans un grand nombre de sociétés africaines, ce sont les grands-parents qui sont sollicités pour cet accueil. Avec la propagation rapide du sida que connaît l’Afrique, la pratique familiale de prise en charge ou d’hébergement des enfants orphelins par la parenté atteint ses limites. Face à ces réticences de leurs propre parenté à leur assurer l’hébergement et la protection, et à la rareté des institutions ou structures publiques susceptibles d’accueillir ces enfants, le devenir de ces enfants rendus orphelins par l’épidémie de sida pose une question cruciale aux sociétés.

Nous proposons ici une synthèse bibliographique des informations disponibles sur ces enfants dont un des parents est infecté par le VIH/sida, ou en est décédé.  Nous ne traitons pas dans ce document de la prise en charge médicale des enfants infectés par le VIH/sida, mais plutôt de la prise en charge familiale, sociale ou institutionnelle de ces enfants affectés par le VIH/sida.  La communauté internationale a pris conscience depuis quelques années de l’ampleur de la crise que représente cette augmentation rapide des enfants orphelins, avec la mortalité croissante des adultes par sida en Afrique. Des rapports sur la situation ont donc été produits, en particulier par l’UNICEF, l’OMS et l’ONUSIDA UNICEF, UNAIDS et al., 2004, Landis, 2002, WHO and UNAIDS, 2002. Notre objectif est ici, non pas de dupliquer ou répéter ce qui est très bien dit dans ces rapports, mais de les compléter par la contribution de chercheurs dans le domaine de la population et du développement.  Nous nous attachons ici à expliciter les critères adoptés pour définir (partie 1) et mesurer (partie 2) le nombre d’enfants rendus orphelins, ou plus généralement vulnérables, par l’épidémie de sida. Nous rappelons les estimations actuelles de l’ampleur du phénomène (partie 3), avant d’examiner les solutions envisageables à la lumière des connaissances disponibles sur les systèmes familiaux et de prise en charge des orphelins (partie 4). Enfin dans la cinquième partie nous rappelons les diverses conséquences de cette crise sur les enfants (partie 5). Cette synthèse a pour objectif de rendre accessible au lecteur une grande partie de la littérature produite sur ces thèmes. Elle intègre les chiffres et rapports communiqués par les organisations internationales, mais aussi les recherches sur la famille et les systèmes traditionnels de solidarités entre générations menées par les démographes et les sociologues en Afrique, ou encore les recherches originales les plus récentes menées auprès d’enfants orphelins à cause du VIH/sida.

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