Avortement et contraception

Conclusions

Les barrières sociales, culturelles et institutionnelles dans l’accès à la contraception expliquent dans une large mesure la rareté voire l’absence totale d’une culture et d’une conduite de prévention pour réduire la pratique des avortements à répétition.

Bien que les contraceptifs modernes revêtent une importance fondamentale pour éviter des grossesses non désirées, leur accès et leur utilisation effective restent encore insuffisants en Amérique Latine et dans les Caraïbes. C’est l’un des principaux facteurs qui expliquent que la région ait le taux d’avortement le plus élevé du monde, et qu’ils soient pratiqués le plus souvent de façon clandestine et à risque, comme on l’a vu dans les chapitres précédents. Plusieurs facteurs expliquent que l’emploi de contraceptifs efficaces dans la région soit peu répandu, malgré les progrès obtenus en la matière. L’un des principaux est le manque d’information précise et claire sur ces méthodes. De nombreuses femmes latino-américaines et caribéennes expriment encore des réticences et des craintes sur les méthodes efficaces et ne les utilisent donc pas, sous couvert d’éviter des effets secondaires que la plupart du temps qu’elles n’ont pas. Ceci est étroitement lié au manque de services de santé de la reproduction, où est entre autres proposée une information claire et précise sur les contraceptifs, qui permet aux femmes de choisir celui qui leur convient le mieux en fonction de la fréquence de leurs relations sexuelles, de leur âge et d’autres paramètres les concernant.

La situation est plus inquiétante pour les jeunes et les adolescentes, dont l’accès aux contraceptifs modernes est souvent plus difficile que pour leurs aînées. Les femmes de groupes vulnérables, comme les indiennes ou les femmes vivant dans des villages isolés où les services de planning familial sont inexistants ou ont une influence limitée, sont aussi confrontées à de gros obstacles dans l’accès à ces méthodes. La campagne permanente des groupes conservateurs qui appellent à l’abstinence ou à l’emploi de méthodes naturelles peu efficaces pour le contrôle de la fécondité, constitue un autre facteur qui contribue à décourager la contraception moderne. Mais ces incitations, loin de parvenir à leur but, ne servent qu’à accroître le nombre de grossesses non désirées et donc d’avortements. Faúndes et Barzelatto (2005) soulignent “le paradoxe à être contre l’avortement tout en s’opposant à la prévention des grossesses non désirées” dans les arguments des groupes conservateurs: l’opposition à l’utilisation des méthodes modernes, donc artificielles, ou considérées comme ayant un effet abortif, ainsi que l’opposition à l’éducation sexuelle sous le prétexte qu’elle favorise ainsi une initiation sexuelle plus précoce et plus fréquente. Les auteurs notent aussi qu’il s’agit d’arguments qui mènent finalement à promouvoir l’avortement, avec toutes les conséquences néfastes que cela entraîne dans les pays aux législations restrictives.

A tout cela s’ajoute ce fait indéniable: même lorsqu’elle est faible, la possibilité d’un échec contraceptif existera toujours, et même avec les méthodes les plus efficaces. Cela peut même se produire lorsque les femmes utilisent correctement la méthode pour éviter une grossesse. Cette situation montre la nécessité de garantir à toutes les femmes un accès à des services médicaux de qualité, où des avortements puissent être pratiqués sans risque, puisqu’il y aura toujours des grossesses non désirées qu’il faudra interrompre.

Pour réduire le nombre de grossesses non désirées de façon conséquente, les pays d’Amérique Latine et de la Caraïbe doivent généraliser les services de santé de la reproduction et les programmes de planning familial. Il est parallèlement très important de faciliter l’accès aux méthodes contraceptives. Elles devraient même être distribuées gratuitement ou à coût dérisoire aux populations les plus démunies, majoritaires dans presque tous les pays de la région. Il faut aussi améliorer l’utilisation de la contraception et diversifier les choix des méthodes proposées aux femmes, pour que l’avortement à répétition ne soit pas la seule possibilité pour les femmes de réguler leur fécondité. La résistance de beaucoup d’entre elles à l’emploi de contraceptifs pourrait s’estomper si on leur proposait un vaste éventail de méthodes, adaptées à leurs besoins. La contraception d’urgence pourrait, comme on l’a déjà mentionné, répondre à certains de ses besoins, notamment en cas de sexualité non protégée et de viol.

Il serait aussi très important d’informer toutes les femmes ayant avorté sur l’utilisation des méthodes contraceptives, de façon fiable et facile à comprendre, afin de prévenir des grossesses non désirées et donc des avortements. Des évaluations sur la qualité des soins post-avortement dans les pays latino-américains confirment que la proportion est encore faible de femmes qui ont recours à ce type de service et qui reçoivent cette information. En même temps, beaucoup d’études sur les soins post-avortement montrent clairement l’intention manifeste des patientes d’utiliser une méthode sûre, pourtant les études de suivi de ces intentions et des facteurs qui freinent sa réalisation sont presque inexistantes. Étudier l’occurrence des avortements à répétition pourrait être un moyen d’avoir une approximation de cette pratique.

Le décès d’une femme à cause d’une grossesse imprévue et non désirée, en raison du manque d’accès à des méthodes contraceptives, est la manifestation la plus criante de cette lacune. Elle représente de plus une évidente violation des droits de l’homme, dont les droits reproductifs font partie (Padilla et McNaughton, 2003). Un large accès aux contraceptifs modernes et à des services de santé de la reproduction de qualité sont des aspects qui contribueraient à réduire de façon significative la mortalité et la morbidité maternelles en Amérique Latine et de la Caraïbe, où un grand nombre de femmes souffrent des conséquences de l’avortement à risque. Les engagements souscrits par les pays de la région aux conférences du Caire (1994) et de Beijing (1995) qui réaffirment la reconnaissance internationale des droits reproductifs, lesquels comprennent l’accès universel à des services médicaux de qualité où soient pratiqués des avortements sans risque seraient ainsi respectés.

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