L’avortement ŕ l’adolescence

Conclusions

L’avortement pratiqué dans de mauvaises conditions est un grave problème de santé publique en Amérique Latine et dans la Caraïbe, qui affecte de façon particulièrement aigue les femmes les plus jeunes de la région. Sa prévalence élevée chez les adolescentes –bien supérieure à ce que laissent transparaître les chiffres officiels- reflète les carences en matière de santé reproductive qui sont encore le lot de nombreux pays de la région. Les jeunes comptent souvent avec une information très partielle sur la sexualité et leur accès aux méthodes contraceptives reste encore limité. A cela s’ajoute le fait que les jeunes de ces pays ont tendance à avoir des rapports sexuels de plus en plus précoces, sans être pleinement conscients des conséquences possibles. Tout cela explique en grande partie l’augmentation de la grossesse à l’adolescence dans la région et donc l’augmentation du nombre d’avortements chez les femmes mineures qui avortent. Ces avortements sont le plus souvent pratiqués dans la clandestinité et dans des conditions à haut risque pour la santé et même la vie de ces jeunes femmes.

Bien que des femmes d’âge différent avortent, ce recours a souvent des conséquences plus lourdes chez les adolescentes, puisqu’elles sont en général plus vulnérables. Dans beaucoup de cas, les jeunes femmes sont dépendantes sur les plans économique et affectif de leurs parents ou des adultes avec qui elles vivent. C’est pourquoi, dans le cas d’une grossesse non désirée, elles manquent souvent d’autonomie pour décider si elles la poursuivent ou si elles l’interrompent. Dans ce dernier cas de figure, elles manquent de ressources pour pratiquer un avortement avec du personnel médical qualifié et dans des conditions adéquates. De même, les adolescentes enceintes hors mariage sont souvent stigmatisées, ce qui peut les conduire, dans les cas extrêmes, à tenter d’interrompre elles-mêmes leur grossesse par tous les moyens. Parallèlement, l’avortement est condamné socialement en tant qu’acte interdit par la justice, la religion et la société, et aussi parce qu’il révèle une sexualité adolescente peu admise socialement. Ainsi, les femmes cachent souvent cet avortement à leurs proches et ont tendance à décrire comme des fausses couches leurs avortements, pour éviter d’être stigmatisées, en particulier par le personnel médical qui les prend en charge (Erviti, et al., 2004).

De même, la domination masculine enracinée dans les sociétés latino-américaines est présente aussi sur le plan sexuel. Il est courant que le partenaire sexuel d’une femme s’oppose à l’usage du préservatif ou d’un autre type de contraceptifs, malgré le risque de grossesse non désirée et qui devra éventuellement être interrompue. Cette incapacité de la femme à convaincre son partenaire pour utiliser une méthode de protection est souvent plus forte lorsqu’elle est très jeune.

Comme on l’a expliqué précédemment, les avortements chez les adolescentes sont le reflet d’une problématique qui affecte particulièrement cette population dans la région. Pour mettre fin à cette situation, plusieurs auteurs proposent une série d’actions, parmi lesquelles des programmes d’éducation sexuelle envers les jeunes, non seulement à l’école mais aussi dans les autres lieux qu’ils fréquentent. Il est également important de leur proposer des services de santé reproductive spécialement orientés sur leurs besoins avec une prise en charge gratuite ou bon marché. De tels services doivent préserver la confidentialité des usagers et être disponibles de façon permanente (GIRE, 2003; Ehrenfeld, 1999).

Une autre action nécessaire consiste à fournir  aux jeunes et adolescents ayant débuté leur vie sexuelle en contraceptifs modernes et efficaces. Parmi ces méthodes, indispensables dans la prévention des grossesses non désirées, la contraception d’urgence est particulièrement utile notamment dans les cas de viol et de relations sexuelles non protégées. De même, l’accès des jeunes à des services médicaux de qualité doit être garanti, où les avortements sont pratiqués et les complications traitées. Cela pourrait contribuer à cette expérience soit la moins douloureuse possible puisque, comme l’explique Almeyda Castro (2001), l’avortement chez les adolescentes est un processus traumatisant d’un point de vue biologique, psychologique, social et sanitaire, puisque c’est une cause importante de morbidité et de mortalité maternelles chez ces jeunes. Les conséquences de l’avortement sont souvent plus graves chez les moins de 16 ans,  un groupe d’âge qui présente les risques psychologiques et physiologiques les plus élevés (Guzmán et al., 2001). Comme on l’a dit, la situation de vulnérabilité de ces adolescentes et de ces jeunes les expose à une violence sexuelle pouvant déboucher sur une grossesse non désirée ou sur une IST comme le sida, dont la propagation chez les jeunes latino-américains est inquiétante (Rede Nacional Feminista de Saúde e Direitos Reprodutivos, 1999).

Un accès plus vaste des adolescentes et des jeunes à des services d’avortement sans risque implique nécessairement l’abrogation des lois concernées. Bien qu’elles soient encore très restrictives dans la plupart des pays d’Amérique Latine, elles n’ont pas contribué jusqu’à présent à supprimer l’avortement et n’ont fait qu’augmenter sa pratique clandestine. De même, il est important de faire respecter l’application des lois existantes sur l’avortement, pour garantir l’accès des jeunes à cette pratique lorsque par exemple la femme souhaite interrompre une grossesse suite à un viol ou d’autres cas prévus par la loi. Ceci suppose alors d'éliminer les barrières institutionnelles (comme les démarches bureaucratiques) pour obtenir l'autorisation d’avorter, et de faciliter l'accès à l'avortement dans les cas permis par la législation.

Un autre point qui mérite l’attention est la nécessité de faire une réelle promotion des droits sexuels et reproductifs pour que les jeunes puissent les exercer (Díaz Sánchez, 2001). Certains progrès ont été faits dans la région. Au Mexique par exemple, la Commission Nationale des Droits de l’Homme et des organisations de la société civile ont rédigé la Charte des Droits Sexuels et Reproductifs des Jeunes, laquelle établit entre autres que la sexualité des personnes doit être respectée, y compris celle des mineurs. Elle stipule aussi qu’une information suffisante doit être fournie en la matière. La connaissance appropriée de leur sexualité permet aux jeunes de l’exercer de façon plus responsable et de prévenir ainsi des grossesses non désirées qui se terminent généralement par des avortements à risques, pratique encore courante et qui touche surtout la population la plus jeune.

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