L’avortement ŕ l’adolescence

Droits reproductifs et obstacles à leur exercice

L’analyse de la pratique de l’avortement chez les adolescentes pose aussi la question des droits reproductifs de cette population et des modalités de leur exercice. Pour la plupart des femmes d’Amérique Latine et des Caraïbes, ces droits ne sont pas respectés ou ne le sont  que partiellement. Ce non respect affecte particulièrement les jeunes. Le respect de ces droits, qui font partie des droits de l’homme, peut contribuer de façon significative à éviter que les adolescentes n’exercent leur sexualité dans des conditions à risques pour leur santé. Pour les garantir, les jeunes doivent recevoir une éducation suffisante en matière de sexualité et de santé reproductive, et avoir accès à des méthodes contraceptives efficaces, qui les protègent non seulement d’une grossesse mais aussi des IST.

Le non respect de ces droits n’affectent pas toutes les femmes de la même manière: les plus exposées sont toujours les plus jeunes, surtout lorsqu’elles se trouvent dans des conditions économiques et sociales défavorables et très dépendantes que d’autres personnes.

D’autre part, la dénonciation des femmes qui ont avorté lorsqu’elles reçoivent des soins post-avortement dans des institutions de santé constitue une importante violation de leurs droits. Le personnel médical qui les soigne est tenu au respect de la confidentialité des cas et sont liés par le secret professionnel. Le droit des femmes à décider de leur reproduction et à être soignées avec respect dans les structures sanitaires selon leur besoin est lui aussi violé.

Cette situation est flagrante dans une étude faite au Salvador, où ont été examinés 46 dossiers de femmes dénoncées suite à un avortement. 50% de ces dénonciations étaient faites par le personnel de l’hôpital. On a également pu constater que la plupart des femmes concernées par la pénalisation de l’avortement appartenaient à des groupes particulièrement vulnérables (jeunes et célibataires) et n’ayant accès qu’à des méthodes abortives précaires. La majorité (31) avait moins de 25 ans, trois moins de 15 ans, quatorze entre 15 et 19 ans et quinze avaient entre 20 et 24 ans (CRLP, 2000).

Le droit à la santé des adolescent(e)s, qui comprend la santé reproductive, a été reconnu au niveau international par la Convention sur les Droits de l’Enfants, sous l’égide de l’Organisation des Nations Unies est en vigueur depuis 1990. Cette convention s’applique en général aux moins de 18 ans. L’article 24 reconnaît le droit aux filles et des garçons « de bénéficier du meilleur état de santé possible et de services médicaux et de rééducation ». Malgré l’ignorance de la plupart des adolescents de leur droits reproductifs, ils souhaitent toujours que le personnel médical qui les prend en charge les traite avec respect (Raguz, 2001).

L’accès à des méthodes contraceptives efficaces fait aussi partie des droits reproductifs de la femme. A ce sujet, Mahler (1993) affirme que, même lorsque le planning familial est conçu comme un droit humain dans les pays en développement, rares sont ceux qui traduisent cette responsabilité comme un droit démocratique dont toute personne peut bénéficier. Pour cet auteur, l’accès universel aux méthodes contraceptives reste un but à atteindre. Il explique que le non respect de ce droit touche plus la population la plus jeune et principalement les adolescentes.

Les cas d’abus sexuels sont aussi une expression de la violation des droits des adolescentes. A l’agression subie s’ajoutent le manque de volonté des autorités judiciaires, sanitaires, civiles, etc. pour faire respecter ces droits. En plus, dans le cas de l’avortement, les lois pénalisent en général les femmes et non les hommes responsables de la grossesse (CDM, 2004).

Bien que l’avortement soit légal en cas de viol dans certains pays latino-américains, les femmes, et en particulier les adolescentes, sont confrontés à beaucoup d’obstacles pour interrompre une grossesse dans cette circonstance. Les démarches pour obtenir l’autorisation d’avorter sont souvent difficiles, puisqu’elles exigent en général l’approbation préalable des différentes instances juridiques et sanitaires (Lara, et al., 2003).

L’attitude des médecins constitue un obstacle supplémentaire à l’accès à ces droits reproductifs. Beaucoup d’entre eux refusent de pratiquer des avortements pour des raisons personnelles, même dans les cas autorisés par la loi, comme le viol. Dans une étude réalisée entre 1998 et 1999 auprès de 467 gynécologues-obstétriciens rattachés à des hôpitaux publics de Buenos Aires, 78% des personnes interrogées ont manifesté leur accord à ce qu’une femme de moins de 15 ans avorte si la grossesse est conséquence d’un viol (Gogna et al., 2002). De même, dans une étude auprès de gynécologues-obstétriciens au Honduras, 31,6% des hommes et seulement 21,1% des femmes ont considéré que l’abus sexuel était une raison valable pour interrompre la grossesse. Interrogés sur la dépénalisation de l’avortement en cas de viol ou d’inceste, 52,3% des hommes et 55% des femmes ont montré leur accord (CDM, 2004).

Les opposants à la légalisation de l’avortement avancent fréquemment qu’une telle pratique porte atteinte au droit à la vie des non-nés. Ils passent ainsi outre les conséquences du “non avortement” pour les femmes qui sont confrontées à une grossesse non désirée, en particulier les plus jeunes, qui doivent faire face à ce type de situation dans des circonstances particulièrement adverses.

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