Les numériques du CEPED - Analyser les représentations sexuées dans les manuels scolaires

Table des matières

Le masculin et le féminin dans les images des manuels mexicains destinés aux " Indigènes "

Gabrielle SEGUIN

Étudiante en Sciences de l'éducation - Université Paris V

Conclusion

Bibliographie

 

Le Mexique est le pays de l'Amérique latine connaissant la plus forte concentration de minorités ethniques. Ces populations, multiples et non homogènes, ont été dès la colonisation regroupées sous les termes d'Indien ou d'Indigène. " L'Indien " ou " l'Indigène " sont définis par différents critères, comme la langue, l'espace occupé, les coutumes, un nom, une même ascendance ou une conscience d'appartenir à un même groupe selon la finalité de la catégorisation et son auteur. L'Institut National de Statistiques de Géographie et d'Informatique (INEGI) a considéré lors du recensement de 2000 deux caractéristiques d'appartenance à un groupe indigène : la langue et l'auto-assignation ethnique [1]. Souvent jugée trop restrictive et peu pertinente, cette définition présente des avantages pratiques [2] et permet à l'INEGI de produire des données statistiques. Ainsi, selon cet institut, 10,5 % de la population mexicaine relève de cette catégorie. Au-delà des débats sur ses contours, cette catégorie renvoie à des réalités concrètes frappantes : alors que 17,9 %, de la population totale vit en dessous du seuil de pauvreté, plus de 90 % des Indigènes sont dans cette situation, et plus de 80 % sont en situation d'extrême pauvreté, des chiffres beaucoup plus élevés que ceux du reste de la population (Barreno, 2003). Les taux d'illettrisme des populations indigènes sont quatre fois plus élevés, et la scolarisation 50 % moins importante par rapport aux " non-Indigènes " (Mier y Teran et Rabell, 2002).

La carence d'une éducation appropriée [3] à ces populations a été l'un des facteurs déterminants dans la persistance de la pauvreté en Amérique latine (Parker et Pederzini citent Londoño, 1996) et de la marginalisation sociale et économique de ces populations, a fortiori féminines. En effet, dans un contexte national toujours marqué par le patriarcat, malgré la conquête de nouveaux espaces (économiques et sociaux) auparavant réservés aux hommes, les femmes restent encore touchées par des discriminations importantes en termes d'éducation, de travail, de violence intrafamiliale, de santé, etc. (Olivera Bustamente, 2004). Ainsi, le fait d'être de sexe féminin et indigène pénalise doublement notamment par rapport à l'accès à l'éducation et à la durée de scolarisation (Mier y Teran et Rabell, 2002).

Devant les situations de marginalisation auxquelles font face les Indigènes, a fortiori les femmes, l'État mexicain considère le développement de l'éducation comme un facteur susceptible d'améliorer leurs conditions de vie et a adopté des mesures visant, d'une part, à favoriser l'éducation indigène, d'autre part, à introduire la perspective du genre dans les politiques éducatives. En 1981, le Mexique signe la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes (CEDEF). Dès lors, de multiples initiatives naissent, dont la création d'institutions ayant pour principal objectif d'améliorer " la condition de la femme " au sein du pays [4]. Dès 1992 le Secrétariat d'Éducation Publique [5] (SEP) s'engage à rendre visible l'égalité entre les sexes dans les manuels scolaires. Depuis cette volonté a été réaffirmée aussi bien dans les discours, dans les textes gouvernementaux que par la signature de conventions internationales comme en 1995, lors de la Conférence de Beijing où l'État mexicain s'engage à élaborer des programmes, des manuels scolaires et du matériel didactique sans stéréotypes de sexe. Le Plan National d'Éducation 2001-2006 réaffirme cette volonté et les manuels scolaires sont au cœur de l'action gouvernementale.

En tant qu'objet de socialisation, les manuels scolaires véhiculent des normes et des valeurs. Ils participent à la production des différences entre les sexes (Chombart de Lawe et Bellan, 1979). Cependant, ils résultent de rapports sociaux antagonistes : " Les manuels scolaires ont plusieurs visages. Ils sont tributaires de l'évolution des disciplines académiques (recherche historique ou éducative), de l'influence des gouvernements et des groupes de pression (promotion de valeurs dites nationales), de l'engagement des auteurs (sensibilité idéologique, efficacité didactique et pédagogique) et parfois, souvent même, des maisons d'édition (marché et image de marque) " (Hoppin et Rodriguez, 1992). Ils sont révélateurs des rapports de force qu'entretiennent à un moment donné les différents partenaires du système éducatif (le pouvoir politique, les autorités religieuses, les enseignants, les professionnels du livre, les parents d'élèves, la communauté scientifique) qui ont des objectifs et des intérêts parfois divergents (Hoppin et Rodriguez, 1992). Ainsi, nous avons analysé les représentations du féminin et du masculin véhiculées par les ouvrages destinés à l'éducation indigène afin de mieux cerner les décalages (s'il y en a) entre les intentions politiques gouvernementales et le contenu des manuels.

Trois manuels sont considérés. Ils sont issus d'une série de manuels-cahiers d'exercices d'éducation interculturelle bilingue, appelés " Cuardeno de Trabajo para las Niñas y los Niños de Educación Indígena " [6] et sont destinés à des enfants tseltals scolarisés à l'école primaire. Chaque manuel couvre deux niveaux scolaires. Avant de les analyser, sera brièvement présentée l'histoire des manuels scolaires mexicains afin de les situer dans leur contexte de production.

 

[1]Il s'agit du fait de se considérer Indien, c'est-à-dire d'avoir conscience d'appartenir à un groupe et d'être reconnu comme tel par ce groupe et par des personnes extérieures.

[2]La définition des groupes indigènes est le sujet d'un vaste débat dans toute l'Amérique latine impliquant politiques et chercheurs en sciences sociales. Le lecteur peut se référer sur ce thème à Lavaud et Lestage, 2005.

[3]" L'éducation qui est appropriée est une éducation aux programmes planifiés et réalisés conjointement avec les Indiens, en fonction de leurs intérêts et à partir des associations et fédérations indigènes. Il s'agit de leur permettre de renforcer leurs identités et leur rendre le statut de sujets de leur propre histoire, ce dont ils ont été si longtemps privés " (Marín, 2000).

[4]Création de la Commission Nationale de la Femme (Conmujer, en 1995) ; création de l'Institut des femmes (Inmujeres, en 2001).

[5]Créé en 1921, le SEP (Secretaría de educación pública) a d'abord été perçu comme un levier pouvant rétablir l'unité nationale à travers l'administration de l'éducation. Il est toujours l'organe principal de l'État dans cette tâche, mais travaille en collaboration avec de nombreuses institutions.

[6]" Cahiers de travail pour les petites filles et petits garçons de l'Éducation indigène ".

1. Éducation indigène, manuels scolaires : un peu d'histoire

1.1. Des manuels scolaires reflets de la conception politique des populations indigènes

Le livre est apparu dès la colonisation à des fins principalement évangélisatrices. Ce n'est que bien plus tard, en 1959, que le manuel scolaire est considéré comme un outil pédagogique à part entière dans la politique éducative. La distribution gratuite de manuels à l'ensemble des enfants à l'école primaire est un des éléments de l'éducation visant à favoriser l'unité nationale et à éliminer les discriminations à l'encontre des groupes indigènes par l'homogénéisation culturelle (Villa Lever., 1988). Les manuels nient les réalités de la société mexicaine composée de multiples groupes ethniques utilisant de nombreuses langues indigènes.

Les années 1970 témoignent d'une transformation dans la façon d'aborder les questions éducatives des populations indigènes. L'apparition des mouvements indigènes sur la scène politique avec pour principales revendications les droits culturels et éducatifs des minorités ethniques, les nombreuses critiques de l'imposition du castillan aux populations indigènes dès les premières années de scolarisation ainsi que l'échec de la politique d'homogénéisation culturelle et linguistique, amènent l'État en 1973 à reconnaître comme politique officielle l'alphabétisation en langue vernaculaire durant les premières années de l'éducation primaire. L'éducation bilingue pour les populations indigènes s'institutionnalise. Cependant, la politique éducative garde ses traits intégrationnistes et aucun changement réel n'est apporté aux manuels : il s'agit toujours des mêmes manuels pour les Indigènes et les autres populations. Ils présentent un modèle de famille occidentale, loin des réalités des différentes cultures (Modiano, 1974).

Suite à la création de la Direction Générale d'Éducation Indigène (DGEI) en 1979, est publiée en 1980 une série de manuels scolaires indigènes en vingt langues environ. Ces derniers sont utilisés comme passerelle pour un apprentissage plus rapide et plus efficace de la langue officielle, l'espagnol. L'objectif reste inchangé : construire l'unité nationale dans l'homogénéité culturelle et linguistique (Falquet, 1991).

Un changement radical est opéré dans les années 1990. Dans un contexte de revendication de la reconnaissance des cultures indigènes dans toute l'Amérique latine et à l'échelle internationale, le gouvernement reconnaît officiellement le caractère pluriethnique et multiculturel de la nation mexicaine en 1992. Il ne s'agit plus de tenter de construire une nation unitaire, mais une nation pluraliste ou plurielle (Gigante, 2001). L'acceptation rhétorique d'une nation plurielle se répercute dans l'élaboration de manuels scolaires tant en langues espagnole qu'indigènes. Depuis 1997 une éducation interculturelle bilingue est développée avec pour finalité la formation des citoyens aux valeurs nationales et universelles, et cela à partir de leurs réalités sociale, culturelle et linguistique (SEP, 2003). Dans cette optique, lors de l'année scolaire 2003-2004, 1 200 000 livres en 55 variantes de 33 langues vernaculaires ainsi que 51 cahiers d'éducation civique pour l'école primaire ont été publiés. Cependant, cette politique présente des limites. Bien que la nécessité de faire intervenir les populations indigènes dans la définition et la planification de leur éducation soit de plus en plus évoquée, notamment par les universitaires, les politiques éducatives destinées aux Indigènes sont jusqu'à présent conçues en dehors d'eux. Ainsi, la non implication des acteurs directement concernés (associations indigènes, professeurs, communautés) dans les projets d'éducation " interculturelle " est une critique de plus en plus courante. Par ailleurs, tous les enfants indigènes ne reçoivent pas de livres dans leur langue, une des raisons principales étant que les Indigènes ne sont pas forcément inscrits dans des structures éducatives indigènes, ni même dans des structures éducatives reconnues par le SEP. De plus, contrairement aux volontés du SEP, l'enseignement se fait en espagnol (langue souvent étrangère aux enfants), les professeurs présents dans ces communautés n'en parlant pas forcément la langue (Gómez Muñoz, 2004). De ces limites sont nées de nombreuses initiatives éducatives de la part d'ONG ou encore de la société civile (Bertely, 2007) comme la création de manuels scolaires dans le cadre d'une éducation autogérée. Ces outils pédagogiques ne concernent qu'une minorité d'élèves inscrits dans ces d'établissements.

1.2. Les manuels scolaires gratuits du SEP : de leur élaboration à leur distribution

L'ensemble de la population scolarisée en primaire reçoit les mêmes manuels scolaires dans les matières générales (mathématiques, histoire, géographie…) conformément aux programmes nationaux. Les livres bilingues distribués aux élèves indigènes des structures éducatives indigènes s'ajoutent aux matières générales et sont destinés à l'apprentissage des langues vernaculaires.

La conception des manuels gratuits s'effectue soit par le biais de contrats à durée indéterminée entre le SEP et des chercheurs, soit par appel d'offres aux professeurs ainsi qu'aux chercheurs, une commission du SEP se chargeant de les sélectionner. Les auteurs retenus sont employés par le gouvernement le temps de l'élaboration des manuels.

Les manuels gratuits destinés aux Indigènes sont principalement gérés par la Direction Générale d'Éducation Interculturelle du sous-secrétariat d'Éducation Publique ou encore par la Coordination Générale d'Éducation interculturelle bilingue (CGEIB).

L'édition, l'impression et la distribution sont à la charge de la Commission Nationale des manuels scolaires (CONALITEG) [7].

La distribution des manuels scolaires est effectuée par le SEP qui se charge d'acheminer les livres dans les sous-secrétariats d'éducation des différents états qui composent le pays. Cette étape réalisée, chaque état gère la redistribution dans les mairies qui se chargent ensuite de les acheminer dans les écoles.

En 2005, 200 000 livres d'éducation indigène ont été distribués (CONALITEG, 2006).

 

[7]Organisme public décentralisé avec une personnalité juridique et un patrimoine propre. Son rôle est l'édition, l'impression et la distribution des manuels scolaires et de tout type de matériel didactique.

2. L'analyse des représentations sexuées dans les manuels scolaires

2.1. Méthodologie et corpus

Trois manuels d'éducation interculturelle bilingue ont été analysés dans une version en Tseltal. Chaque manuel étant destiné à deux niveaux scolaires, l'étude couvre l'ensemble du corpus utilisé pour les populations tseltales pendant les six années du cycle primaire. Ces manuels ont été élaborés par la DGEI et édités en 2000. Seize personnes ont participé à leur conception : dix hommes et six femmes. Deux d'entre elles ont contribué à l'écriture, quatre à l'illustration. Les hommes se répartissent également dans l'écriture (5) et l'illustration (5). Les équipes de l'écriture et des illustrations sont mixtes, mais chaque fois composées de plus d'hommes que de femmes.

Ils ont été traduits en 51 langues. Ainsi, ces livres sont les mêmes pour les différents groupes ethniques en termes de contenus. Seule la traduction change. En circulation depuis 2000, sans autres modifications, les livres sont distribués à chaque rentrée scolaire dans les écoles indigènes du pays.

Ces livres sont une sorte de combiné de manuels d'éducation civique, de sciences et de géographie dans une optique interculturelle. Ils abordent différentes questions telles que l'identité et la culture du groupe indigène au sein de la culture mexicaine, les valeurs démocratiques (citoyenneté, démocratie), les problèmes de santé et l'environnement, la technologie, la science et la géographie.

Les manuels, composés de huit chapitres de cinq sections chacun, sont présentés sous forme de jeux ou d'exercices mettant en scène de nombreux personnages. Si chaque livre diffère dans son approche et son contenu, leur structure est identique : une section est en espagnol, l'autre en tseltal. Les deux premiers chapitres des trois manuels s'attachent à la description de la culture et de l'identité tseltales et à l'identité indigène en général au sein de la culture mexicaine : " Nous sommes tseltals et mexicains " [8]. La troisième partie décrit le fonctionnement de la démocratie (lois, droits, devoirs…). La quatrième partie informe sur le Mexique et le restant du monde. Le chapitre V aborde le thème de la santé (hygiène, alimentation, sexualité), le VI, le thème de l'environnement, le VII, celui de la science, et le VIII, la technologie.

Encadré - Référence des trois manuels scolaires analysés.

Titre : La Educación Intercultural Bilingüe: cuaderno de trabajo para las niñas y los niños de Educación Primaria Indígena : Primero y segundo grados/ tercer y cuarto grados/quinto y sexto grados

Éditeur : Secretaría de Educación Pública

Niveaux : Premier et second grade primaire/ troisième et quatrième/ cinquième et sixième

Année de l'édition étudiée : 2000

Pays d'édition : México

Auteur(e)s : Victor D. Mora Sandoval (coord.), Clara María de la Cruz Franco, Hugo Martín Flores Hernández, Luis Alfredo Gutierrez Castillo, Humberto Hernández Araiza, José Luis López Carmona, Claudia Morales Ramírez

Illustrateur(s) de la couverture : Juan Carlos Gomez S.

Illustrateur(s) du manuel : Gerardo Cunillé V.,Guillermo Reyes T.,Raúl Reyes T., Araceli Juárez S., Abraham Tonix, Verónica Centeno, Marisol Ramírez T., Ana María Benavides

Nombre de pages : 215

Notre recherche s'appuie sur une méthode quantitative d'analyse proposée par Carole Brugeilles et Sylvie Cromer (Brugeilles et Cromer, 2005). Néanmoins, compte tenu des faibles effectifs, cette méthodologie sert parfois de support à une analyse plus qualitative. Nous avons choisi d'étudier dans les trois cahiers uniquement les illustrations, faute de connaissance du tseltal. Le choix de ne faire l'analyse d'aucun texte peut constituer un point faible, l'écrit étant également un véhicule de valeurs et de représentations. Cependant, les images appréciées sans le texte permettent d'appréhender ce que les jeunes élèves découvrent en feuilletant les ouvrages, ne prêtant attention qu'aux images.

 

[8]" Somos tzeltales y mexicanos ": titre du chapitre I.

2.2. Une population d'enfants majoritairement

Si 846 personnages ont été dénombrés dans les illustrations [9], 785 ont été retenus, ceux dont le sexe et l'âge sont déterminés. Ils sont analysés globalement, sans considérer l'ouvrage dont ils sont issus. Ce choix semblait plus judicieux, les personnages étant plus ou moins nombreux selon les livres (le premier comporte le plus de personnages).

En nous appuyant sur quelques caractéristiques attribuées aux personnages selon leur sexe et leur âge -lieux, actions, interactions, fonctions professionnelles et sociales-, nous cherchons à mettre en évidence les représentations du masculin et du féminin.

Le recensement des personnages par sexe et âge révèle un déséquilibre entre les quatre groupes de population : les enfants sont plus nombreux (64 % de la population) et les personnages masculins sont dominants (60 % contre 40 %, cf. tableau 1) [10].

Ainsi les garçons sont en première position (36 %), suivis par les filles (27 %). Les hommes sont en troisième position (24 %), et les femmes occupant la dernière place (13 %) apparaissent comme une population marginale.

 

[9]Nous avons employé deux modes de recensement des personnages, le premier dénombrant les groupes (au-delà de quatre personnages sur la même image), le second, les personnages seuls ou formant partie d'un collectif composé au maximum de quatre personnages. Cette étude ne fait l'analyse que des personnages seuls ou formant partie d'un collectif composé au maximum de quatre personnages. De l'analyse des groupes, nous ne retenons dans cette étude que la variable des métiers.

[10]Les personnes âgées ont été considérées dans la catégorie adulte et les enfants en bas âge dans celle des enfants, ces catégories ayant été presque occultées dans les dessins. Les auteurs ne se sont guère inspirés de la démographie des Tseltals du Chiapas, qui certes révèle une faible proportion de personnes âgées, mais pas inexistante.

2.3. Les actions : une organisation sexuée et générationnelle

476 [11] personnages sont recensés en train de réaliser une action, soit 61 % de la population des livres. Ces proportions varient très peu selon le sexe et l'âge : au minimum 59 % des femmes, au maximum 65 % des filles réalisent une action. Les personnages masculins ont une position intermédiaire (62 % des hommes, 63 % des garçons).

Cinq grandes catégories d'actions ont été relevées :

La division entre travail domestique et travail professionnel est une construction abstraite lorsqu'il s'agit du contexte rural indigène, à savoir que toutes ou une partie des activités gravitent autour de l'économie de subsistance. Nous avons cependant choisi de distinguer ces deux catégories. Nous avons considéré les activités domestiques comme toute action exécutée à petite échelle pour la subsistance de la famille : y sont inclues les tâches telles que la cuisine, le ménage, le maternage, la couture, mais également des activités telles que l'alimentation des animaux, les actions visant à nourrir toute la famille, le bricolage ou la coupe de bois. Enfin, les activités professionnelles productives correspondent à des métiers " reconnus " socialement : professeur, ouvrier, agriculteur, scientifique… Ces activités seront analysées indépendamment des autres.

Une différenciation dans les répartitions des activités entre le monde des adultes et le monde des enfants peut être observée (tableau 2). Tandis que les filles et les garçons sont principalement occupés par des activités de loisirs et de sociabilité (34 % des garçons et 37 % des filles), les adultes sont en plus forte proportion occupés par des tâches domestiques : 48 % des hommes et 39 % des femmes. La forte proportion des hommes dans ces activités peut révéler une volonté de les montrer dans des activités traditionnellement considérées comme féminines dans un objectif d'égalité. L'analyse plus fine des activités domestiques ainsi que des activités professionnelles permettra de vérifier cette hypothèse. Les adultes sont présents de façon non négligeable dans les activités de sociabilité et de loisirs, où ils accompagnent les enfants. Ces derniers réalisent en proportion significative des tâches domestiques, ce qui révèle l'importance de leur participation à ces activités.

 

[11]Ce chiffre ne prend pas en compte les personnages illustrés dans les métiers.

2.3.1. Les loisirs, des activités principalement réservés aux enfants

Chez les adultes comme chez les enfants, on observe une différenciation sexuée selon les activités de loisirs. Des domaines d'exclusion émergent chez tous les personnages, mais dans une proportion plus grande pour les femmes, qui apparaissent dans une palette d'activités de loisirs beaucoup moins diversifiée que les autres personnages. On les retrouve majoritairement en train de danser (6 femmes sur 10 ayant une activité de loisirs), et dans des proportions plus faibles dans les activités telles que marcher [12] (1 femme sur 10), jouer de la musique (1 femme sur 10), et jouer aux cartes (1 femme sur 10), activité qu'elles partagent uniquement avec les garçons.

Les hommes sont également absents de certaines activités comme les loisirs extérieurs, les jeux de billes, de cartes et le chant, et se répartissent principalement dans la marche (3 hommes sur 10), la danse (3 hommes sur 10) et la musique (2 hommes sur 10). Ils sont les seuls adultes à accompagner les enfants dans les activités sportives.

Un point frappant est la rareté des personnages dans des activités de lecture en tant que loisirs. Alors que les politiques éducatives affichent la volonté de promouvoir la lecture, seulement 2 % des filles et 5 % des hommes sont représentés dans ce type d'activités. Les femmes et les garçons sont absents de ces activités.

Si l'on compare les activités ludiques des garçons et des filles, les garçons exercent des activités plus physiques (3 garçons sur 10 effectuent des activités sportives contre 1 fille sur 10) que les filles, davantage tournées vers la danse (2 filles sur 10 ; 1 garçon sur 10) ou les loisirs extérieurs tels que la marelle ou la balançoire, traditionnellement considérées comme des loisirs féminins (2 filles sur 10, 1 garçon sur 10).

 

[12]Cette action peut renvoyer à la promenade ou encore à la marche dans le cadre d'une activité productive (marcher pour aller chercher du bois).

2.3.2. La répartition des rôles dans les tâches domestiques

127 personnages effectuent des tâches domestiques. Ces dernières renvoient à tout " travail " pouvant être considéré comme tel dans un contexte rural indigène, c'est-à-dire toute action gravitant autour de la question de l'organisation familiale rurale et participant à la subsistance de la famille. Les hommes sont les plus représentés dans les tâches domestiques (43 %), suivis des petits garçons (24 %) puis des femmes (18 %) et enfin des petites filles (15 %). Malgré la plus forte présence des personnages masculins dans cette catégorie d'activités, la suite de l'analyse fait ressortir une réelle répartition sexuelle et générationnelle des tâches.

Ces tâches se divisent en deux catégories. La première renvoie principalement au travail domestique s'exerçant en dehors de la maison (pêche, récolte, jardinage, coupe de bois, eau…). Ces activités seront nommées " tâches domestiques externes ". La seconde que nous avons appelée " tâches domestiques internes " s'attache aux activités s'effectuant au sein de la maison (cuisine, ménage, maternage…). Cette division met en exergue la répartition des personnages dans des activités traditionnellement masculines ou féminines.

Il s'avère que seules les femmes effectuent majoritairement des tâches domestiques internes (7 sur 10). Les garçons et les hommes sont principalement illustrés dans les activités externes (9 garçons sur 10 et 8 hommes sur 10). Les filles sont plus partagées entre ces deux types d'activités, même si elles sont davantage présentes dans les activités externes (6 sur 10).

87 personnages sont dénombrés dans les sous-catégories des tâches domestiques externes, la majorité étant des personnages masculins. Les hommes sont les plus fréquemment occupés par ces activités (presque la moitié) suivis des garçons (un quart des personnages). Les filles et les femmes y participent peu (seulement 11 filles et 6 femmes).

Les tâches domestiques externes dominantes chez les hommes sont le bricolage et la culture, presque quatre hommes sur dix pour chacune. Les autres se répartissent de façon égale dans les actions de pêcher, porter, couper du bois et de porter de l'eau. Quant aux femmes qui n'apparaissent que très rarement, elles portent des objets domestiques (plats, nourriture), cultivent, font du feu, bricolent, jardinent et traient les vaches. Les petites filles sont éloignées d'un certain nombre de tâches comme couper du bois ou bricoler, activités réservées aux petits garçons et aux hommes. Enfin, on ne retrouve aucun adulte dans la cueillette et aucun enfant dans les actions de traire une vache ou de porter de l'eau, ces dernières étant réservées respectivement aux femmes et aux hommes.

En termes d'effectifs, quarante personnages seulement effectuent des tâches domestiques " internes ", qui correspondent aux courses, à la cuisine, aux tâches ménagères, à la couture et au maternage. Les femmes sont les plus présentes dans cette catégorie (4 sur 10 personnages) suivis des hommes (3 sur 10), des petites filles (2 sur 10) et des garçons (1 sur 10).

La variété de ce type de tâches est plus grande pour les personnages féminins. Les femmes sont principalement occupées par des tâches ménagères (4 sur 10), puis se répartissent de manière égale entre la couture, le maternage et la cuisine (chaque fois 2 femmes sur 10). Les filles s'affairent au ménage, à la couture (3 filles sur 10 pour chaque tâche) et une enfant au maternage. Les hommes, ainsi que les petits garçons, apparaissent en majorité dans les tâches ménagères (6 hommes sur 10 et 7 garçons sur 10). Trois hommes sur dix sont affairés à la cuisine et un à la couture. Une tâche est réservée aux enfants, notamment aux filles, les courses (2 garçons et 5 filles).

2.3.3. Une sociabilité différentielle selon le sexe et l'âge

La sociabilité renvoie aux faits de discuter, se tenir par la main ou saluer, écouter quelqu'un parler et offrir. Chez les enfants, il n'y a pas de grandes différences dans les modes de sociabilité : plus de la moitié discute, une autre partie a des échanges impliquant un contact physique comme se tenir par la main.

La proportion d'hommes en discussion est très élevée (plus des trois quarts des hommes) alors que c'est le cas de moins de la moitié des femmes. Un point frappant est la participation plus fréquente de ces dernières dans les échanges impliquant des contacts physiques (4 sur 10 femmes et 1 sur 10 hommes), qui les renvoient à des rôles liés à l'affectif. Ce point est d'ailleurs renforcé par le fait que seulement une femme sur dix est représentée dans l'action d'offrir quelque chose.

2.3.4. Une représentation traditionnelle des métiers

127 adultes, population à 77 % composée d'hommes, exercent une activité professionnelle. Les activités professionnelles sont peu variées, autant pour les hommes que pour les femmes.

Les hommes sont le plus souvent " agriculteurs " (la moitié) et " ouvriers " (23 %). Les femmes exercent en majorité des métiers liés à l'enseignement ou encore à la santé : 25 % des femmes sont professeures, 39 % infirmières ou médecins (tableau 3). Les femmes sont exclues des métiers de militaire et d'ouvrier. Aucun métier n'est fermé aux hommes.

Manifestement, les concepteurs ont choisi de ne pas faire une description fine des métiers. Les livres décrivent un mode de vie rurale, ce qui peut refléter la réalité de certains groupes tseltals. Il est aussi courant chez les Tseltals du Chiapas, et encore plus depuis l'expansion du tourisme, que les familles vivent essentiellement de l'artisanat féminin (poterie, vêtements brodés…). Or dans les manuels aucune femme n'a ce type d'activité professionnelle et aucune ne vend de l'artisanat au marché. Beaucoup de jeunes Tseltals choisissent également d'être chauffeurs de taxis, de bus ou policiers (Ciesas, 2003), métiers absents des images.

Étant donné les différences d'effectifs, à savoir que les hommes sont davantage impliqués par les activités professionnelles, ces derniers sont surreprésentés dans la plupart des activités : neuf agriculteurs et sept professeurs sur dix sont des hommes. Les ouvriers et les militaires sont tous des hommes. Trois secteurs font exception : les professions de santé où les femmes sont majoritaires (7 sur 10) et celles du commerce et de la science où hommes et femmes sont à égalité. Le métier de scientifique est montré seulement en photo, caractéristique intéressante puisqu'elle met en image des scientifiques n'ayant pas les attributs physiques de la population indigène (les photos ont sûrement été prises aux États-Unis).

2.3.5. Des personnages " figurants " porteurs de messages égalitaires

Plus d'un tiers des personnages n'ont pas d'activités spécifiques (environ 39 % de la population). Cette proportion varie très faiblement selon le sexe des personnages. Ils sont représentés en figuration (par exemple, une photo montrant la diversité des êtres humains) ou comme supports d'exercices (par exemple, un exercice où l'on demande aux enfants de " trouver le plus grand des personnages "). Ils sont également utilisés pour transmettre certaines consignes ou messages inscrits dans des bulles. Les messages distillés par les bulles reflètent l'idéologie sous-tendant la conception des manuels.

Ces messages participent à la formation de la conscience nationale, en respectant l'origine indigène. Ainsi peut-on lire : " Somos tseltals y Mexicanos, esto es un gran motivo de orgullo " - " Nous sommes Tseltals et Mexicains, cela est un grand motif de fierté "- (Cuaderno de trabajo 2, niveau 3-4). Ils posent aussi l'égalité entre les êtres, ce qui implique l'égalité entre les sexes : " Todas las personas son valiosas, sin importar su edad, su sexo, el color de su piel, su estado de salud, su raza, su pais o su ocupación " - " Toutes les personnes ont de la valeur quels que soient leur âge, sexe, couleur de peau, état de santé, race, pays ou activité "- (Cuaderno de trabajo, niveau 1-2). Ils assurent la promotion de valeurs telles que la solidarité et le devoir civique mais valorisent aussi le mode de vie mexicain et suscite l'amour du pays. Ils transmettent parfois des connaissances plus ponctuelles.

Quel que soit le contenu, il y a un vrai souci d'égalité entre les enfants des deux sexes. Les formes féminine et masculine du mot enfant sont toujours employées conjointement :

" Si todas las personas tienen derechos, entonces las niñas y los niños también tenemos derechos " -" Si toutes les personnes ont des droits, alors nous aussi les filles et les garçons avons des droits "- (Cuaderno de trabajo, niveau 1-2).

" Los cantos y los bailes de los niños y de las niñas son como una luz que ilumina el mundo " -" les chants et les danses des garçons et des filles sont comme une lumière qui illumine le monde "- (Cuaderno de trabajo, niveau 1-2).

De plus, les enfants qui énoncent ces bulles sont souvent deux, une fille et un garçon. Incontestablement, les auteurs ont souhaité capter l'attention des enfants des deux sexes et promouvoir l'égalité. On ne retrouve pas ce souci quand il s'agit de l'ensemble de la population ou des adultes. Les bulles se réfèrent alors aux Mexicains : " Todos son Mexicanos, porque todos nacieron en nuestro pais Mexico " -" Tous sont mexicains, parce qu'ils sont tous nés au Mexique, notre pays "- (Cuaderno de trabajo, niveau 1-2).

2.4. Une division sexuelle et générationnelle des lieux bien marquée

Seuls 240 personnages (28 % de la population en général) ont été recensés dans des lieux identifiables. La majorité des personnages sont dessinés sur un fond coloré ou sans décor. Parmi ces 240 personnages, 62,5 % sont masculins et 37,5 % féminins, 58 % sont des enfants, 42 % des adultes.

L'analyse des lieux a été affinée en prenant en compte, d'une part, l'intérieur ou l'extérieur (tableau 4), et, d'autre part, le lieu précis où évoluent les personnages. Il s'avère que le sexe et l'âge ont bien une incidence sur la fréquentation des lieux. Les enfants et les adultes, même s'ils occupent des lieux identiques, le font à des fréquences différentes. Les enfants sont largement plus représentés à l'extérieur (81 % contre 19 % à l'intérieur), alors que les adultes fréquentent de manière presque équilibrée les deux types de lieux (57 % à l'extérieur).

Chez ces derniers, on perçoit une division des lieux selon le sexe, les hommes sont plus enclins à être à l'extérieur que les femmes (63 % contre 46 %) qui incarnent le groupe le plus souvent montré à l'intérieur.

Les catégories suivantes ont été retenues en termes de lieux : maison, rivière, école, rue, campagne, champ. La maison constitue l'unité domestique au sein de laquelle vit la famille. La rue renvoie aux " voies bordées, au moins en partie, de maisons…" [14], l'école aux salles de classes ainsi qu'à la cour de récréation. Lorsque les personnages sont représentés sur ou dans l'eau, ce sont en général des rivières ou des lacs et les personnages sont souvent dans des barques et s'affèrent, la plupart du temps, à une activité de pêche.

Nous distinguons le champ, qui renvoie à une étendue de terre réservée à la culture (maïs, haricots…), et la campagne, qui désigne les étendues de terres éloignées de toute construction et de toute culture (forêts, plaines…).

Une réelle polarisation d'occupation des lieux est observable entre hommes et femmes. Tandis que la plupart des hommes sont représentés au champ (un tiers) ou à la campagne (moins d'un quart), la plupart des femmes sont à la maison (plus d'un quart) ou à l'école (plus du tiers), c'est-à-dire dans des rôles en continuité avec des rôles domestiques comme la prise en charge d'enfants dans le cadre professionnel ou familial. On les retrouve au champ (2 sur 10) où elles accompagnent les hommes afin de participer à la vie économique de la famille, mais toutefois moins intensément que leurs conjoints. Elles sont totalement exclues de la rue, symbole de l'espace public. Les hommes sont présents dans tous les types d'espace et se distribuent, en dehors des champs et de la campagne, de façon relativement égale dans les autres lieux recensés.

Les enfants sont très souvent dans des lieux que l'on assimile à la population rurale : plus de la moitié des garçons sont à la campagne, un sur dix au champ ; près des trois quarts des filles sont à la campagne, aucune n'est au champ. Elles occupent en moindre proportion des lieux comme la maison, la rue et les rivières. Paradoxalement, alors que le gouvernement assure la promotion de la scolarisation des populations indigènes, très peu d'enfants sont mis en scène à l'école (1 enfant sur 10).

 

[14]Définition du Petit Robert 1993.

2.5. Une forte mixité dans les interactions

Les personnages sont représentés soit seuls, soit en présence d'autres personnages. Le fait d'être seul peut révéler une certaine autonomie et l'analyse des interactions peut révéler les relations privilégiées en fonction du sexe et de l'âge. En effet, on peut supposer que les femmes sont plus souvent représentées avec les petites filles, et les hommes avec les petits garçons. Au sein des sociétés indigènes, la socialisation des enfants s'effectue principalement dans la participation de ces derniers aux activités de leurs parents. Traditionnellement, les filles accompagnent leur mère et les garçons leur père.

Les personnages seuls sont au nombre de 247. Les différences selon le sexe et l'âge sont faibles, mais dévoilent une majeure autonomie des personnages masculins quel que soit leur âge : 32 % des petits garçons sont seuls comme 30 % des hommes versus 25 % des filles et 27 % des femmes.

Nous dénombrons dans les trois livres 333 interactions entre personnages masculins et féminins, et 344 entre enfants et adultes. Cette légère différence est due au fait que nous n'avons pas pu identifier le sexe de certains personnages en interaction, alors qu'il était possible de discerner leur âge. Cela ne signifie pas qu'il y ait 344 personnages en interaction. Chaque personnage peut être au maximum en interaction avec trois personnages. 228 personnages sont en interaction avec au moins un personnage. Parmi eux, 23 % ont une interaction avec un deuxième personnage et 11 % avec un troisième.

Selon le tableau 5, les interactions entre personnages masculins et féminins prévalent (59 %), point important qui révèle une volonté des concepteurs des manuels de projeter un monde mixte. Les interactions entre personnages masculins sont un peu plus nombreuses que les interactions exclusivement féminines (23 % contre 18 %). Cela s'explique en grande partie par le déséquilibre numérique entre personnages masculins et féminins, et reflète incontestablement une moindre autonomie des femmes par rapport aux hommes. Les personnages féminins ont-ils plus besoin de la présence de l'autre sexe pour figurer dans le manuel ?

Qu'en est-il des relations différentielles selon l'âge ?

Soixante-trois pour cent des interactions se font entre les enfants, 21 % entre les enfants et les adultes et 16 % entre les adultes. Le tableau 6 montre que les relations les plus affichées sont mixtes et impliquent les enfants des deux sexes. La plupart de ces interactions (entre filles et garçons, exposés comme " couples " de figurants) sont représentées à travers des bulles destinées à transmettre des messages aux lecteurs. Viennent ensuite les interactions entre filles, puis celles entre garçons. Si les garçons sont moins souvent entre eux que les filles, c'est qu'ils bénéficient de plus d'attention de la part des adultes. En effet, les relations impliquant un adulte quel que soit son sexe sont plus fréquentes avec les garçons : on dénombre onze relations entre une femme et un garçon, neuf entre un homme et un garçon, huit entre un homme et une fille et seulement trois entre une femme et une fille. La disqualification de la relation femme-fille est particulièrement évidente au regard de la prévalence des interactions femme-garçon.

Les relations entre adultes sont moins fréquentes et celles faisant intervenir uniquement des femmes sont rares. Les femmes sont moins nombreuses et leur apparition nécessite la présence d'une autre catégorie de personnages, un homme ou un garçon.

Conclusion

Dans ce travail, le manuel scolaire a été abordé comme agent de socialisation : il participe à la transmission de valeurs, de manières d'être ou d'agir, que les enfants sont susceptibles d'intérioriser. Les manuels étudiés reflètent la volonté politique de promouvoir des représentations égalitaires entre les sexes. Incontestablement l'attention a été portée à la mixité et aux représentations sexuées. On l'observe en particulier chez les personnages figurants délivrant des messages aux lecteurs et lectrices ou encore à travers les tâches domestiques traditionnellement effectuées par des femmes et illustrés par des personnages masculins.

Cependant, ces efforts n'aboutissent pas à une réelle égalité de la représentation des personnages masculins et féminins. En premier lieu, on constate un déséquilibre numérique au profit des personnages masculins. En second lieu, les caractéristiques des personnages sont marquées par de subtiles différences entre les sexes, variables selon l'âge. Le monde de l'enfance est principalement dédié à l'activité ludique et de façon mineure aux activités de la vie collective (activités domestiques) et aux apprentissages scolaires. Mais garçons et filles ne fréquentent pas les mêmes lieux, n'ont pas les mêmes occupations ludiques ou domestiques, ni n'établissent des relations similaires avec les adultes. Ces différences sont certes moins accentuées que celles des adultes, les enfants bénéficiant davantage de liberté de mouvement et des rôles plus diversifiés. Les adultes sont occupés principalement par des activités productives et professionnelles avec une forte division sexuelle du travail, même si des hommes apparaissent dans des activités traditionnellement féminines telles que les tâches ménagères.

Ce décalage entre le monde des enfants et celui des adultes peut refléter une volonté des concepteurs de projeter un modèle de société en changement en rupture avec certains aspects traditionnels, dont les enfants incarneraient les principaux protagonistes. Par exemple, alors que nous supposions que les interactions renverraient à des modes traditionnels de socialisation -les filles ayant davantage d'interactions avec les femmes et les hommes avec les garçons- c'est l'inverse qui a été constaté.

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