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Solidarités familiales et rôles des personnes âgées dans l’organisation des activités en milieu rural malgache

Voahirana Tantely Annick ANDRIANANTOANDRO, CEPED, UMR 196 Université Paris Descartes-INED-IRD, Centre de Recherche pour le Développement (Université Catholique de Madagascar-IRD), France, Madagascar

I - Introduction

A Madagascar, l’organisation sociale repose sur deux axes principaux : la parenté et les groupes d’âge. A la tête de la hiérarchie se trouvent les personnes âgées (Ottino, 1998). Chaque membre de la famille leur doit respect et obéissance et à partir de certains âges, elles arrêtent de travailler pour être accueillies et prises en charge matériellement par les enfants (Rakotonarivo, 2010). Cette pratique s’appelle le « valimbabena » ou « des dos qui se répondent ». Elle consiste à rendre aux parents âgés tous les différents soins qu’ils ont apporté à l’enfant lors de sa petite enfance et jusqu’au jour où il devient socialement et économiquement indépendant.

Mais depuis quelques années, face à la pauvreté grandissante en milieu rural malgache, la famille n’arrive plus à répondre adéquatement aux besoins matériels des personnes âgées par manque de ressources. En effet, les études d’Omrane (2007) et de Briet (2007) montrent que dans les zones des Hauts-Plateaux, la forte fécondité en milieu rural a conduit au fil des générations au morcellement et au rétrécissement des terres agricoles. Aujourd’hui, les parcelles cultivables sont exiguës (30 à 40 ares/ménages sont exploités en moyenne) et l’agriculture ne permet plus aux ménages de subvenir à leurs besoins fondamentaux. Pour survivre, les actifs doivent trouver d’autres sources de revenu en s’adonnant à d’autres activités telles que la migration ou le salariat agricole.

Ainsi, tant que les personnes âgées peuvent encore travailler et s’adonner aux activités, elles restent dans leurs propres ménages. Dans le cas contraire, lorsque leurs forces physiques ne leurs permettent plus de travailler, un de leurs enfants les prennent en charge en les accueillant dans son propre foyer ou en s’installant chez eux. Dans notre échantillon, les premiers résultats montrent que sur l’ensemble des ménages 17,8% sont dirigés par des personnes âgées de 60 ans et plus et seulement 4,7% accueillent des parents âgés.

En l’absence de foyer d’accueil spécialisé ou de système de retraite dans les campagnes, les personnes âgées ne peuvent compter que sur des mécanismes d’entraide familiale ou communautaire pour résoudre les différents problèmes auxquels elles sont confrontées : santé, activités domestiques et économiques nécessitant une force physique.

Dans le cas particulier de la commune rurale d’Ambohimahasoa, une zone des Hauts-Plateaux confrontées au problème de saturation foncière, on se demande si les solidarités familiales envers les personnes âgées fonctionnent toujours. L’objectif de cette étude est donc d’analyser les mécanismes d’entraide entre les personnes âgées et leurs enfants et de montrer comment ces mécanismes sont intégrés dans l’organisation des activités des ménages.

II- Méthodologie

1- Données

1.1- Le Réseau des Observatoires Ruraux (le ROR)

En 1995, le projet MADIO a initié l’observation de 4 sites ruraux dont l’objectif était d’illustrer certaines problématiques particulières du milieu rural malgache. En 1999, le ROR a été créé pour étendre la couverture géographique des observatoires.

Le ROR utilise une méthode standardisée et tous les ans, sur la base d’un même questionnaire d’environ 255 variables, des enquêtes sont menées sur un panel de 500 ménages de chaque observatoire.

Notre étude se focalisera sur un seul observatoire, celui d’Ambohimahasoa. C’est une commune rurale des Hauts-Plateaux, située dans la zone « haute Mahatsiatra » (Voir carte en annexe). Dans cet observatoire, les ménages font face à une insuffisance des terres cultivables et la couverture alimentaire est la plus faible de tous les observatoires (inferieur à 6 mois dans l’année, ROR 2008), contraignant les ménages à diversifier ses sources de revenu.

Parmi les variables disponibles, nous avons utilisé celles des modules « Ménage, Transfert et Main-d’œuvre ». Le module Ménage présente les caractéristiques démogra¬phiques et socio-économiques de chaque membre du ménage, le module Transfert nous renseigne sur les types et les origines des transferts ; enfin, le module Main-d’œuvre traite les types de main-d’œuvre utilisée dans les travaux agricoles.

1.2- Les enquêtes préliminaires dans l’observatoire d’Ambohimahasoa

Dans le cadre de nos travaux de recherche sur « les structures familiales et organisation des activités productives en milieu rural malgache », l’objectif de ce travail de terrain est de comprendre, dans un contexte de pauvreté, de saturation foncière et d’insécurité alimentaire, les logiques productives des ménages. Un des principaux volets des entretiens semi-directifs a été de déterminer comment les solidarités familiales et communautaires s’intègrent dans les stratégies productives ?

Les entretiens ont été menés auprès de 40 chefs de ménage et conjoints [1] (25 hommes et 15 femmes) de trois catégories d’âges : les jeunes mariés [2], les adultes et les personnes âgées tout en considérant la structure familiale à laquelle appartient le chef de ménage (avec conjoint(e) ou monoparental). Le choix de ces trois catégories d’âge relève des problèmes liés à la saturation foncière qui limitent l’accès aux terrains agricoles, surtout pour les jeunes mariés et de l’accroissement de la part des ménages dirigés par les personnes âgées.

Les points d’entrées de ces entretiens ont été les chefs quartiers, l’adjoint au maire et les directeurs d’école. Les ménages éligibles pour les entretiens ont été repérés à partir des registres disponibles auprès de ces personnes. Un premier échantillon de 40 ménages a été constitué en effectuant un tirage au sort de 5 chefs ménages un (1) jeune, 1 (une) personne âgée, trois (3) adultes) de chacun des 8 quartiers qui composent la commune. Sur le reste, 8 autres ménages (2 jeunes, 2 personnes âgées et 2 adultes) ont été également choisis de manière aléatoire dans le cas où des ménages de l’échantillon n’existeraient plus.

2- Méthode

L’âge retenu pour désigner un individu comme « personne âgée » est 60 ans, l’âge légal pour partir à la retraite à Madagascar.

Il existe plusieurs manifestations de la solidarité familiale mais notre étude porte principalement sur la cohabitation à l’intérieur d’un même ménage, les transferts financiers et matériels entre deux ménages différents, et les visites pour des entraides dans les activités productives et domestiques. Les analyses sont effectuées sur les ménages dirigés par les personnes âgées et ceux qui en accueillent.

2.1- Étude de la cohabitation à travers une typologie des ménages

L’essentiel de la méthode consiste à créer des typologies de ménage à travers un fichier ménage qui donne les liens de parenté des autres membres avec le Chef. Les nomenclatures se fondent alors sur ce noyau qu’est le chef de ménage (CM), et on distingue : l’isolé fondé par le CM seul, le couple comportant le CM et son conjoint, le nucléaire simple comprenant le CM, son conjoint et leurs enfants, le nucléaire élargi dont la base est le nucléaire simple en cohabitation avec d’autres parents ou non, le monoparental simple incluant le CM sans conjoint et ses enfants, et enfin le monoparental élargi dont la base est le monoparental simple auquel s’ajoute des membres apparentés ou non. Il s’agira ensuite de procéder à une estimation de la cohabitation d’une personne âgée chef de ménage avec un enfant.

2.2- Les transferts matériels ou en nature

Il s’agit d’une analyse des transferts à deux niveaux. La première analyse porte sur les caractéristiques même des transferts : la participation, la nature, le montant. La seconde analyse décrira les partenaires des ménages dans les transferts et propose une estimation de la probabilité qu’un chef de ménage de 60 ans et plus reçoive des transferts.

2.3- Les visites pour des entraides dans les activités économiques et domestiques des ménages

En milieu rural malgache, le « Firaisankina » ou solidarité peut également se manifester par l’appui de la famille ou de la communauté dans les activités domestiques et les activités agricoles. Dans notre étude, les entraides familiales pour ces activités seront évaluées à travers les visites. Il s’agira d’une part, d’estimer la probabilité pour un parent de recevoir une entraide dans les activités agricoles et d’autre part d’analyser les rôles des parents âgés dans l’organisation des activités des ménages à travers les données des entretiens.

III - Résultats

1- Présentation générale des échantillons

Les personnes âgées représentent 4,5% de la population totale de la commune rurale d’Ambohimahasoa (tableau n°1). Ce résultat est similaire à ceux de l’EDS (4,6%) et de Tang (2009) qui montrent un taux des personnes âgées dans l’ensemble des observatoires ne dépassant pas les 5%. En considérant le ménage comme unité statistique, nos résultats montrent que 22,5% des ménages comportent au moins une personne âgée de 60 ans et plus (tableau n°2).

Tableau n°1 : Répartition de la population selon les grands groupes d’âge

Tableau n°2 : Répartition des ménages selon leur statut (en %)

Tableau n°3 : Répartition des personnes âgées suivant le sexe, le statut matrimonial et le statut socio-économique

Dans notre échantillon (tableau n°3), seuls 20% des personnes âgées sont accueillies dans d’autres ménages .Sur l’ensemble, il y a plus de femmes que d’hommes (82 femmes contre 68 hommes). Par contre, les hommes ont une probabilité plus élevée d’être toujours en union à partir de cet âge (une femme sur deux est veuve contre un sur dix pour les hommes).

1.1- Caractéristiques démographiques et socio-économiques des ménages ayant une/des personne(s) âgée(s) comme membre(s)

Dans notre perspective, la cohabitation avec un enfant est perçue comme un moyen de survie des parents âgés. Étudier la structure familiale des ménages ayant une personne âgée comme membre permet de résoudre deux questions principales : Qui habite avec qui ? Et qui prend en charge qui ? En effet, la cohabitation recouvre différentes variables telles que la taille, les typologies des ménages, le ratio de dépendance démographique qui donne la proportion des jeunes et des personnes âgées par rapport aux adultes et le ratio de dépendance économique qui donne la proportion des inactifs sur les actifs. Théoriquement, les jeunes et les personnes âgées sont des personnes économiquement dépendantes, mais dans la réalité, il se trouve que des jeunes entrent tôt en activité ou que des personnes de 60 ans et plus restent en activité.

- 1.1.1- Structures familiales des ménages dirigés par les personnes âgées

Contrairement aux nombreux pays d’Afrique, quelque soit le milieu, la prépondérance des ménages nucléaires est spécifique à Madagascar. Dans la capitale, Razafindratsima (2005) fait état de 52% de ménages de type nucléaire strict et Tang (2009) montre que 9 sur 13 observatoires ruraux ont une proportion de ménages de type nucléaire supérieure à 50%.

La construction des typologies des ménages dans notre échantillon montre une forte proportion des personnes âgées à cohabiter avec la famille élargie (78% pour les hommes et de 87,5% pour les femmes). Dans l’ensemble, 37,4% des membres du ménage sont des petits enfants de la personne âgée chef de ménage.

Tableau n°4 : Structures familiales des ménages dirigés par les hommes et les femmes de 60 ans et plus

Dans les deux cas, on trouve le même ratio de dépendance démographique soit un adulte devant prendre en charge 2 jeunes et/ou personnes âgées. Mais bien que ce ratio soit élevé, les membres des ménages dirigés par les personnes âgées sont pour la plupart des actifs. En effet, le ratio de dépendance économique montre qu’il y a plus d’actifs que d’inactifs.

Ainsi, malgré l’existence d’un déséquilibre entre le nombre des personnes économi-quement dépendantes et celui des indépendantes, les ménages dirigés par les personnes âgées sont capables de produire des actifs.

- 1.1.2- Structures familiales des ménages accueillant des personnes âgées

Les personnes âgées accueillies ont un lien de parenté avec le chef de ménage : environ 2/3 sont les mères ou pères de celui-ci ou de son conjoint et le reste sont des autres parents tels que frère, sœur, oncle ou tante.

Parmi les 27 chefs de ménages qui accueillent des personnes âgées, trois sont des personnes de 60 ans et plus et environ le quart sont des femmes.

Tableau n°5 : Structures des ménages accueillant des personnes âgées

La lecture des ratios montre que le RDE ne diffère pas de celui des ménages dirigés par les personnes âgées. Lors des entretiens, la principale raison de l’accueil évoquée est l’incapacité des parents à s’adonner à des activités économiques. « J’ai accueilli mon père car il ne peut plus pratiquer aucune activité économique » Laurence, 37 ans. Ni l’âge, ni la pauvreté n’ont été évoqués comme déterminants de l’accueil.

2- La cohabitation avec un enfant chez les personnes âgées

Les observations empiriques montrent que la cohabitation s’effectue entre les individus membres d’une même famille, les parents et les enfants. Dans la théorie écono¬mique, plusieurs hypothèses sont à l’origine de cette cohabitation. D’une part, elle accroit la productivité des ménages à travers le soutien psychologique ou l’affection (Laferrère, 1997). D’autre part, elle constitue un mécanisme d’assurance à travers la gestion commune des risques (Ben-Porath, 1981). En effet, elle permet de mettre à la disposition d’un individu en besoin d’assistance les biens collectifs du ménage.

La principale raison de la cohabitation est donc de pouvoir partager les biens collectifs tels que le logement ou de bénéficier des services domestiques, etc. Mais les transformations économiques favorisent également des arrangements familiaux à l’origine de la cohabitation. Ainsi, les études de Rakotonarivo (2010) montrent des arrangements de résidence entre parents âgés et migrants tels que le confiage des enfants et du conjoint du migrant chez les personnes âgées. Dans notre échantillon, la migration n’est pas à l’origine de la cohabitation car cinq ménages seulement ont un membre migrant. Et en présence d’un faible accueil des parents âgés chez les enfants, nous émettons l’hypothèse selon laquelle les enfants sont hébergés par les parents afin d’aider ces derniers dans leurs activités économiques.

2.1- Proportion des personnes âgées à héberger au moins un enfant

A Madagascar, la cohabitation avec un enfant marié présente une forte ambivalence. D’une part, la tradition orale marque l’union de la famille à travers cette pratique. Et d’autre part, elle met en garde la cohabitation avec la famille qui peut être source de conflits. Ainsi, afin de prévenir les difficultés engendrées par la cohabitation « Les normes sociales à Madagascar semblent notamment insister sur l’importance, pour les couples, de s’installer dans un logement indépendant de celui de leurs parents » (Razafindratsima, 2005 : 89-90). Cette pratique prime encore dans la commune rurale d’Ambohimahasoa. En effet, dans le tableau suivant, on constate que plus les enfants et les parents avancent dans l’âge moins les parents hébergent leurs enfants chez eux. Cette situation s’explique par le mariage de l’enfant à partir de 20 à 25 ans et la prise en charge des parents par les enfants le moment où leurs forces physiques ne leurs permettent plus de travailler. Les parents changent alors de statut de chefs de ménage à accueillis.

Ainsi, la cohabitation entre un parent âgé et son enfant dépend de deux facteurs : sa capacité physique à s’adonner à des activités et le mariage de l’enfant.

Tableau n°6 : Proportion des personnes âgées chefs de ménage vivant au moins avec un enfant

2.2- Modélisation de la probabilité qu’un chef de ménage de 60 ans et plus héberge au moins un enfant

La variable dépendante est le fait d’héberger un enfant (d’âge quelconque) modélisé par un logit dichotomique. Les variables explicatives sont le statut matrimonial de la personne âgée, son âge, son niveau scolaire et son statut socio-économique. Le sexe du Chef de Ménage n’a pas été introduit comme variable explicative en raison de sa forte corrélation avec le statut matrimonial [3]. En effet, dans nos précédents résultats, les femmes chefs de ménages de l’échantillon sont veuves ou séparées.

Tableau n°7 : Modélisation logit de la Probabilité qu’un chef de ménage de 60 ans et plus héberge un enfant

Le modèle sans statut économique montre que la cohabitation n’est pas reliée unique-ment aux caractères sociodémographiques de la personne âgée. Lorsque l’on a introduit cette variable dans le second modèle, le log-vraisemblance est devenu significatif à 5%. Ainsi, le fait qu’un individu de 60 ans et plus soit inactif accroit la probabilité de cohabiter avec son enfant et/ou ses petits enfants directs.

Dans cette perspective, on peut dire que la cohabitation est une forme de soutien des enfants à leurs parents âgés sans activité.

3- Les transferts matériels et financiers entre les personnes âgées chefs de ménages et les autres ménages

Les transferts matériels et financiers peuvent aider à la prise en charge des personnes les plus vulnérables de la population, dont les personnes âgées. Ainsi, l’objectif de cette partie est de fournir des données de cadrage sur les transferts monétaires et en nature entre les ménages dirigés par les personnes âgées et les autres ménages. Qui sont les ménages impliqués dans les transferts et combien sont-ils à participer dans ce type de solidarité ? En effet, l’organisation sociale en milieu rural malgache est régie par « le Fihavanana » ou « le lien social qui unit la famille ». L’étude de transferts, en tant que manifestation du Fihavanana permettrait alors de faire ressortir les réseaux d’entraide.

3.1- Les caractéristiques des transferts

Deux hypothèses sont à l’origine des transferts matériels et financiers entre parents et enfants : l’altruisme et l’échange. L’altruisme (Becker, 1974, 1991) pousse un individu à s’intéresser au bien être de ses proches ; un enfant altruiste cède alors un transfert à ses parents par bienveillance. Dans l’échange par contre, l’enfant attend d’un transfert cédé aux parents une contrepartie. La contrepartie peut être actuelle comme la prise en charge des enfants des migrants par le ménage (Lucas et Stark, 1985) ou future, comme la perspective de recevoir un héritage qui se trouve encore entre les mains des parents (Hoddinot, 1994). Enfin, les transferts peuvent être une manifestation de la solidarité familiale pour surmonter les difficultés liées aux imperfections du marché de crédit et de l’assurance (Lucas et Stark, 1985, Stark, 1988). Dans ce cadre, les transferts migratoires peuvent jouer un rôle « d’amortisseur de choc ».

Les différents motifs de transferts peuvent coexister (Brown, 1991), (Lucas et Stark, 1985). Dans nos analyses, nous émettons l’hypothèse selon laquelle les enfants sont altruistes et les transferts constituent un mécanisme d’entraide pour la famille.

- 3.1.1- Participation des ménages

D’après le tableau n°8, 83,7% des ménages dirigés par une personne âgée dans la commune rurale d’Ambohimahasoa ont réalisé au moins un transfert monétaire ou en nature avec d’autres ménages.

Tableau n°8 : La participation des personnes âgées chefs de ménage aux transferts

Parmi les 59 ménages qui ont reçu au moins un transfert, 34 sont dirigés par des hommes et 25 par des femmes, soit respectivement 56,6% des ménages dirigés par les hommes et 78,1% des ménages dirigés par les femmes.

- 3.1.2- Type de transfert : nature, montant et motifs

Dans les transferts reçus, le tableau n°12 montre une proportion importante de transferts d’argent entre les ménages soit 71,8% des valeurs des transferts. Les transferts cédés, sont constitués de 81,4% de nourritures et la valeur (le montant) des transferts monétaires devient faible, s’élevant seulement à 16,4%.

Tableau n°9 : Type de transferts reçus ou cédés en nombre et en valeur (en %)

Les motifs des transferts nous renseignent au mieux sur la différence entre la nature des biens cédés et reçus. En effet, 86,3% des transferts reçus sont destinés à l’autocon¬sommation. On peut émettre alors l’hypothèse selon laquelle les ménages dirigés par les personnes âgées disposent d’un revenu agricole ou monétaire plus faible que les autres ménages. Il est possible alors que les transferts soient réalisés de manière périodique [4] à l’initiative de « la famille et des enfants » pour subvenir aux besoins des personnes âgées.

Tableau n°10 : Motifs des transferts reçus ou cédés en nombre et en valeur (en %)

- 3.1.3- Origines et destinataires des transferts

Les transferts entre institutions/individus et personnes âgées chefs de ménage diffèrent selon les transferts reçus ou cédés. D’une part, les transferts reçus par la famille constituent près de deux tiers (2/3) du montant des transferts reçus et 28,9% du montant des transferts cédés sont destinés à la famille. D’autre part, la majorité des transferts cédés vont dans des ONG ou Associations, 67,5% en nombre et 66,9% en valeur. Nous ne disposons pas de données sur le type d’association vers laquelle est destiné le transfert mais ces résultats réitèrent notre hypothèse sur le sens ascendant des flux des transferts intergénérationnels.

Tableau n°11 : Origines et destinataires des transferts monétaires ou en nature (en %)

3.2- Modélisation de la probabilité qu’un chef de ménage de 60 ans et plus reçoive un transfert monétaire ou en nature

La variable dépendante est le fait de recevoir un transfert (quelle que soit la nature et quelle que soit la valeur), modélisée par un logit dichotomique. Les variables explicatives sont le statut matrimonial de la personne âgée, son âge, son niveau scolaire et son statut socio-économique. Comme dans les modèles précédents, le sexe du Chef de ménage n’a pas été introduit comme variable explicative en raison de sa forte corrélation avec le statut matrimonial.

Tableau n°12 : Modélisation logit de la Probabilité qu’un chef de ménage de 60 ans et plus reçoive un transfert

Il ressort de cette modélisation que le statut matrimonial joue un rôle sur la probabilité « qu’un enfant ou la famille » verse un transfert aux parents. La plupart des chefs de ménage qui ne sont plus en union sont des femmes et généralement, les femmes chefs de ménage sont un fait du veuvage. Ainsi, le fait que la mère soit la seule survivante du couple parental augmente la probabilité qu’elle reçoive un transfert.

Le fait pour un parent d’être inactif n’influe pas sur le second modèle. Cette situation peut s’expliquer par la présence d’un enfant actif dans le ménage comme nous l’avons vu dans la partie descriptive de la cohabitation d’un parent âgé avec un enfant.

4- Les rôles des personnes âgées dans les activités économiques et domestiques des ménages

La microéconomie de la famille initiée par Becker (1974, 1980), Barro (1974) et Ben-Porath (1980) considère la famille comme une organisation économique non marchande. Comme toutes les organisations, elle a un objectif de continuité, dont l’atteinte est assurée par chaque membre de la famille à travers les droits et devoirs.

Pour les pays du Sud, en l’absence de marché d’assurance et de crédit, l’objectif économique de la famille consiste à survivre. Les comportements économiques des paysans sont alors orientés vers des stratégies de minimisation des risques et vers une diversification des activités dont les risques ne sont pas covariants. Ellis (2000) fait référence à un système de gestion de portefeuille d’activités chez les paysans, et la diversification porte essentiel¬lement sur deux mécanismes de gestion de risque : les stratégies ex-ante mises en œuvre sur le long terme telles que la diversification des sources de revenu, la constitution d’épargne de précaution, etc. et celles ex-post, en réponse aux différents chocs telles que la migration, la vente d’actifs, etc.

Sur le long terme, l’organisation des activités agricole en milieu rural des Hauts-Plateaux repose sur l’entraide communautaire. Mais depuis quelques années, les études de Sandron (2007), montrent que la pauvreté et la diversification des sources de revenu ont conduit au rétrécissement de cette organisation au niveau de la famille.

Traditionnellement, la culture du riz est soumise au « valintanana ». Pour respecter le calendrier cultural, cette pratique consiste à se « prêter des mains » entre famille, voisin, villageois lors des périodes de grands travaux agricoles tels que le labourage, le repiquage, le moissonnage, etc. Des arrangements peuvent alors émerger entre parents et enfants pour assurer la continuité des activités agricoles.

4.1- L’entraide dans les activités agricoles

Dans notre échantillon, quatre (4) ménages dirigés par les personnes âgées ne possèdent pas de rizières. Sur l’ensemble des ménages, la superficie moyenne des rizières cultivées est de 42,3 ares.

Tableau n°13 : Proportion des personnes âgées chefs de ménage utilisant l’entraide et la main-d’œuvre salariale dans les différents types de travaux agricoles

Lors des grands travaux rizicoles, 59,6% des ménages utilisent uniquement l’entraide agricole ; 37,1% pratiquent uniquement le salariat et 4,3% recourent aux deux types de main- d’œuvre.

D’après les propos d’enfants dont les parents sont encore en vie, l’entraide agricole chez les parents relève d’un devoir. « C’est un devoir de travailler les terres de nos parents, c’est un devoir envers eux et un devoir d’entretien des terres des nos ancêtres. Si au moment de la culture, on est encore occupé dans nos propres travaux agricoles, alors on envoie de l’argent à nos parents pour payer des salariés agricoles » Louisette, 21 ans. « Moi, comme je ne possède pas de rizières, je travaille celles de mes parents avant de faire du salariat agricole chez d’autres propriétaires terriens. Cette aide est un devoir envers ma mère mais en même temps, je reçois une part de la récolte » Jean, 28 ans. Pour les parents, le travail des enfants dans les activités économiques est incontournable : « de nos jours, il n’y a presque plus d’entraide entre villageois, chacun est occupé à sa propre survie, seuls les enfants peuvent être sollicités à travailler les rizières des parents » Jacqueline, 68 ans.

- 4.1.1- Estimation logit de la probabilité pour qu’une personne âgée chef de ménage soit aidée dans ses activités agricoles

La variable dépendante est le fait de recevoir de l’entraide non salariée dans les grands travaux agricoles, modélisée par un logit dichotomique. Les variables explicatives sont le statut matrimonial de la personne âgée, son âge, son niveau scolaire, son statut socio-économique et le nombre d’enfant présent dans le ménage. Comme dans les analyses précédentes, le sexe du Chef de ménage n’a pas été introduit comme variable explicative en raison de sa forte corrélation avec le statut matrimonial.

Tableau n°14 : Estimation logit de la probabilité qu’un chef de ménage de 60 ans et plus reçoive de l’entraide dans les travaux agricoles

L’entraide agricole est reliée à la possession de rizières et dans les trois modèles, la seule caractéristique socio-économique de la personne âgée qui influe sur l’entraide agricole est le niveau scolaire. Ainsi, il y a plus d’entraide agricole chez les parents d’un niveau scolaire plus élevé car ils ont acquis plus de terre que ceux de niveau inférieur au cours de leur vie.

Enfin, l’entraide venant des autres membres du ménage (parents ou non) varie négativement avec le nombre d’enfants présents dans le ménage. Cette situation est normale car plus il y a d’enfants dans le ménage, moins on fait appel à l’entraide.

4.2- Les rôles des personnes âgées dans les activités productives des ménages

Le fait que la plupart des personnes âgés chefs de ménage reçoivent de l’aide dans leurs activités agricoles nous amène à se questionner sur les rôles de ces personnes dans l’organisation des activités des ménages et sur les services qu’elles peuvent rendre à leurs enfants. Les données utilisées dans cette partie sont les entretiens effectués dans la commune rurale en Août 2010. Parmi les quarante (40) chefs de ménage interviewés sur les solidarités familiales, huit (8) sont des personnes âgées, six (6) sont des adultes accueillant des parents âgés et sept (7) sont des adultes ayant des parents âgés qui n’habitent pas dans leurs ménages.

Tableau n°15 : Les rôles des personnes âgées dans les activités économiques des ménages

Le tableau n°15 montre que la plupart des personnes âgées ne participent plus aux grands travaux agricoles qui nécessitent beaucoup de force physique. Leurs rôles consistent à entretenir la culture et les animaux d’élevage et, à commercialiser les produits agricoles.

Outre la participation aux activités physiques, il est important de souligner la place des parents âgés dans l’organisation des activités économiques des ménages. Quelque soit le statut des parents « chef de ménage » ou « accueillis », en raison de leur âge et de leurs expériences, ils dirigent les activités économiques des enfants. Chez les parents, Line, une mère de famille séparée de 64 ans, assume ses décisions parentales dans l’organisation des activités agricoles telles que le choix des périodes et des techniques de culture, etc. « Comme je me fais vieille, j’ai invité mes enfants à habiter avec moi il y a deux ans. C’est mon fils qui gère notre revenu, et moi, je lui conseille dans l’organisation de ses activités ». Chez les enfants, cette consultation est également fréquente : « Je prends en charge mes parents car ils ne peuvent plus travailler mais je leur demande conseil avant d’entreprendre une importante activité, qu’elle soit liée à l’agriculture ou à la vie sociale » Christophe, 27 ans.

Tableau n°16 : Les rôles des personnes âgées dans les activités domestiques et communautaires des ménages

Dans la commune rurale d’Ambohimahasoa, les personnes âgées participent moins aux tâches domestiques lourdes telles que la collecte d’eau et de bois. Dans la vie sociale, du fait de leur âge, la plupart du temps, elles sont présentes dans les réunions communautaires et les visites de solidarité telles que le décès, le mariage ou le rapatriement des ossements.

Toujours dans la vie sociale, plusieurs évènements peuvent être à l’origine du confiage des petits enfants chez les grands parents : la migration (Rakotonarivo 2010), l’entraide dans les activités domestiques (Gastineau 2007), les naissances issues d’une union prémaritale (Delaunay et al, 2010) et les décès des parents. Dans la commune rurale d’Ambohimahasoa, outre les orphelins, la plupart des petits enfants accueillis sont issus d’une union prémaritale et ont été confiés aux grands parents lors du mariage de la mère.

La prise en charge des besoins économiques de ces enfants est partagée entre la mère et les grands parents. Selon Madame Farah, 65 ans et veuve « Lorsque ma fille s’est mariée, elle m’a confiée ses deux enfants car elle ne devait pas emmener les enfants d’un autre homme dans son nouveau foyer. Je prends en charge la nourriture des enfants mais c’est leur mère qui achète les vêtements et les fournitures scolaires. Elle me donne également de l’argent tous les mois pour les autres dépenses ».

4.3- Participation et déterminants des visites auprès des parents âgés chefs de ménage

Quel que soit le motif, Vola, 24 ans déclare que le fait de rendre visite aux parents est une obligation : « les enfants doivent « veiller » (mijerijery) et rendre visite aux parents (mamangy) autant qu’ils le peuvent, ne serait-ce que pour leur tenir compagnie et prendre des nouvelles ».

Tableau n°17 : Participation et déterminants des visites auprès des personnes âgées chefs de ménage

La majorité des parents et enfants interviewés ont déclaré avoir reçu/effectué au moins 2 visites simples par mois de la part de leurs enfants/chez leurs parents. Comme l’organisation sociale dans la commune est basée sur le mariage virilocal, (ROR/Agro-Action Allemande, 2008 ; ROR/Association Somontsoy, 2007 ; Tang, 2009), il se trouve que parents et enfants deviennent voisins. Dans la plupart des cas, les activités domestiques ou économiques qui nécessitent une force physique sont effectuées par les belles-filles. Madame Irina, 61 ans déclare à ce sujet l’importance de l’aide octroyée par ces dernières : « Mon mari et moi, nous n’avons plus la force de travailler, et comme mes fils sont occupés dans leurs activités, ce sont mes belles-filles qui m’aident tous les jours dans la collecte d’eau, dans le labour des champs, et dans toutes les autres activités « ny taoraha ».

En conclusion, on peut dire que plusieurs mécanismes de solidarités privées sont déployés dans la commune rurale d’Ambohimahasoa pour assurer la survie et améliorer les conditions de vie de personnes âgées. Et ces différentes formes d’entraide peuvent répondre à diverses logiques. Les transferts sont ponctuels et effectués dans un objectif d’aide aux parents en difficulté économique. Ils relèvent donc de l’altruisme des enfants. La cohabitation constitue à la fois un acte d’altruisme et d’échange : elle permet aux enfants de jouir des biens parentaux tels que la terre et le logement ; elle fournit aux parents une main-d’œuvre dans les activités économiques et domestiques, et leur permet de profiter des transferts effectués par les mères des enfants issus d’une union prémaritale. Enfin, l’entraide agricole familiale se situe dans une logique marchande où les enfants doivent payer un salarié agricole s’ils ne sont pas disponibles lors des grands travaux agricoles pour recevoir en retour une part de la récolte.

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Annexe 1 : Carte des observatoires du ROR

[1] Le questionnaire s’adresse directement au chef de ménage. Lorsque celui-ci est absent pour une durée supérieure à une journée, l’entretien est effectué avec le conjoint. Dans le cas où le couple est à la fois présent, les propos du conjoint sont recueillis en complément.

[2] Le mariage (le 1er mariage) concerne les enfants qui habitent encore chez les parents chefs de ménages. Traditionnellement, en milieu rural malgache, à la suite d’un mariage, le jeune quitte le foyer parental pour fonder son propre foyer. Pour faire vivre ce nouveau foyer, les parents donnent généralement une parcelle cultivable aux nouveaux mariés. Cependant, ces derniers sont uniquement des exploitants car la parcelle reste une propriété parentale. Elle sera reprise le moment où le couple accède à d’autres terrains et sera donnée au prochain enfant marié dans le cas où les parents ne disposent pas suffisamment de terres agricoles pour faire vivre leur propre foyer.

[3] On sait que cette différence de statut matrimonial entre homme et femme est importante. Une étude séparée aurait été alors plus pertinente mais les données disponibles ne le permettent pas.

[4] Cette hypothèse même si elle est effective ne signifierait pas une régularité ni une périodicité fixe. Les enquêtes préliminaires réalisées dans la commune (Août 2010) montrent que les aides financières sont données unique¬ment lorsque les enfants trouvent un surplus d’argent.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011