Peuplement et organisation du territoire au Burkina Faso :

Un essai à partir de trois recensements de la population

  

 Gabriel SANGLI

ISSP (ex-UERD) - Ouagadougou

 Novembre 2004

 

  Introduction

La problématique du peuplement et celle de l’organisation du territoire sont intimement liés. Aborder cette interface est essentielle dans le contexte du Burkina. Depuis 1996, le Burkina c’est résolument engagé dans une politique de décentralisation primordiale à la recherche d’un développement équitable à travers sa volonté des autorités d’impliquer la collectivité dans la gestion locale. Dans ce processus, le Burkina a connu une succession de restructurations territoriales qui posent un certain nombre de questions.

A la lumière des observations faites sur les inégalités (annexe 1) d’extension spatiale et de taille de population. A quelle logique correspondent ces découpages ?

Sans omettre le caractère historique, social et politique qui animent les affinités entre groupes de population et qui participent à la détermination de l’organisation du territoire, la politique d’équipement du territoire en infrastructures socio-économiques de base va dépendre du découpage territorial adopté. Une organisation du territoire doit transcender certaines contraintes dans l’intérêt national. Une géographie n’est-elle pas nécessaire ?

Dans tous les cas, une préoccupation essentielle pour assurer une bonne gestion et une planification conséquente de l’administration, c’est de disposer à toutes les échelles administratives d’une vue synoptique d’informations sur la population avec un recul suffisant sur la dynamique en ces lieux.

Très peu de travaux ont été consacrés à la dynamique du peuplement au Burkina à l’échelle des localités. En démographie, la question de l’évolution de la population a souvent été approchée de façon globale pour l’ensemble du pays, au mieux à l’échelle des provinces et plus rare des départements. Dans tous les cas l’analyse des tendances reste limitée à quelques phénomènes seulement. Les résultats, même à l’échelle des provinces ne sont que peux spatialisées. Aucune analyse spatiale avancées n’est faite en la matière. Le traitement de la question de la dynamique du peuplement à l’échelle des villages est à faire. Au fait combien de villages y a t-il au Burkina et quelle est la superficie du territoire ?

Ce sont là des questions banales qui marquent pourtant le début d’une investigation périlleuse.

Pendant longtemps, la question du manque ou de la qualité des données a été mis en avant pour justifier la faiblesse de production de statistiques pertinentes relatives à la population. Cet argumentaire commence à faiblir et c’est en cela que nous nous essayons à cette recherche.

Trois recensements de la population (1975, 1985, 1996) existent et un autre est prévu pour la fin de l’année 2006. Quelle est la disponibilité de ces données et leur qualité ? C’est cela qu’il va falloir aborder si nous voulons réaliser une étude de la dynamique du peuplement.


Question principale de recherche : Quelle est la dynamique du peuplement au Burkina ? Autrement dit sur la période allant du premier recensement national de la population de 1975 au dernier réalisé en 1996, quelle est l’évolution de la population en relation avec l’organisation du territoire.

Hypothèse principale : L’organisation du territoire tient compte d’un équilibre démographique entre les unités géographiques.

Objectif général : Montrer la nécessité d’une approche du peuplement par les lieux pour assurer une meilleure cohésion à l’étude spatio-temporelle des faits de population déterminants pour un développement équitable au Burkina. 

Approche du peuplement

 

L’étude du peuplement met en scène une vision croisée selon deux champs scientifiques connexes que sont la démographie et la géographie.

 

L’ensemble des définitions aussi bien démographique R. Pressat (1979, 1980), L. Henry (1981) que géographique P. Georges (1970), D. Noin (1994), D. Pumain (1995) du peuplement lui connaisse une double dimension. Ainsi, selon Louis Henry (p.110-111, 1981), «Le mot peuplement revêt tantôt un sens actif, désignant l’action de peupler, tantôt un sens passif, qui le rend presque synonyme de population ». La nuance entre les deux termes est dans le rapport au « milieu physique, une image concrète » pour le peuplement alors que population est « plus abstrait ». Pressat (1979, p. 150) retient dans sa définition du peuplement « les modalités selon lesquelles un territoire reçoit sa population et les résultats de ce processus quant à la répartition géographique qui en résulte ».

 

Les différents auteurs évoquent dans leur définition du peuplement la relation avec le contexte géographique dans lequel il s’inscrit. L. Henry (p19, 1981) recours à l’historique du concept de population qui au XVIIIe siècle désignait « l’action de peupler, et a été remplacé par le mot peuplement » dans le sens de modifier la répartition de la population sur un territoire. La population est alors le point de référence à partir duquel tous les éléments sont observés et acquièrent leur signification en ce sens que « la population constitue l’élément fondamental de toute étude géographique ou de toute étude d’aménagement portant sur un espace quelconque », D. Noin (p.11, 1994).

 

D. Pumain[1] (1995), rappelle que la question du peuplement était déjà perçu par Pierre Georges comme une extension de l’écoumène (oecoumène, oekoumène, ecumene, ou œcoumène) dont nous retenons la définition suivant : Ensemble du territoire habité ou exploité par l'homme où les conditions naturelles y sont diverses mais l'homme fait preuve d'une remarquable capacité d'adaptation. La référence à l’espace dans la définition de l’œcoumène est évidente à travers la répartition et les densités de population puis l’influence de l’environnement et de la civilisation sur l’explication du phénomène. D. Pumain, (p. 426, 1995) nous montre l’avancée opérée dans le domaine de l’étude du peuplement par les géographes à travers la loi rang-taille selon laquelle « il existe des rapports dimensionnels très précis entre le nombre total des habitants d’un territoire et le nombre des lieux habités de différentes tailles ». C’est cette démarche qui expliquerait l’organisation hiérarchique des unités de peuplement. L’auteur dégage également des perspectives en ce sens qu’« on s’oriente aujourd’hui vers des modèles à la fois dynamiques et spatiaux », (D. Pumain, p.436, 1995).

 

Lorsque nous plaçons le peuplement dans le champ plus large de la géographie humaine « l’approche de la géographie humaine peut aider, à sa manière, à mieux comprendre les inégalités devant la maladie ou la mort, devant la pauvreté ou la richesse ou devant l’accès aux ressources alimentaires ainsi qu’à différents équipements et services » J-P. Charvet et M. Sivignon (p.3, 2002). La géographie et la démographie sont alors dans une démarche commune.

 

L’organisation territoriale

Le Burkina Faso est un pays enclavé de 274 200[2] km2, situé en Afrique de l’Ouest. Il partage ses frontières avec à l’Ouest et au Nord-Ouest le Mali, au Nord et à l’Est avec le Niger, au Sud avec la Côte d’Ivoire, le Ghana, le Togo et le Bénin. Carte de situation

 

Initialement appelé Haute Volta, le pays connaît un dynamisme démographique qui le fait participer au développement de pays voisins comme la Côte d’Ivoire[3] et le Gabon[4]. Une forte communauté burkinabé réside également au Ghana.

 

Le dynamisme de la population du Burkina est aujourd’hui un enjeu important en période de démocratie et dans le contexte de la décentralisation[5] adopté en 1993[6]. Dès lors, le Burkina est activement engagé dans le processus de décentralisation avec :

 

-          la loi n°040/98-AN du 03 août 1998 portant orientation de la décentralisation qui fixe les principes de base de la décentralisation au Burkina Faso ;

 

-          la loi n°041/98-AN du 06 août 1998, portant organisation de l'administration du territoire qui distingue les circonscriptions administratives (village, département, province, région) et les collectivités locales (commune, province, région) ;

 

-          la loi n°042/98 du 06 août 1998, portant organisation et fonctionnement des Collectivités locales qui traite des organes de gestion, des représentants de l'Etat dans les collectivités locales, des organes consultatifs et de concertation ;

 

-          la loi n°043/98-AN du 06 août 1998 portant programmation de la mise en ouvre de la décentralisation qui servir de tableau de bord avec un échéancier pour la mise en application effective ;

 

-          le décret n° 2001-385/PRES promulguant la loi n° 013-2001 du 02 juillet 2001 portant modification des lois n°040/98/AN du 03 août 1998, n° 041/98/AN du 06 août 1998, n°043/98/AN du 06 août 1998. Ce décret crée la région.

 

La Loi n° 013-2001/AN du 02 juillet 2001 définie l’organisation du territoire telle que les circonscriptions administratives sont : la région ; la province ; le département ; le village. Le statut de village est attribué par le décret n°99-395/PRES/PM/MATS portant conditions et modalités d’érection ou de suppression de village au Burkina Faso qui stipule que « peut être érigé en village toute agglomération permanente comptant au moins cent (100) habitants ou vingt (20) familles et distante d’au moins trois (03) km d’un autre village ». La permanence d’une agglomération est caractérisée par une durée d’existence d’au moins 10 ans. Une exception toutefois, « les sites aménagés à l’initiative de l’Etat peuvent être érigés en villages ». La disposition sur la distance est caduque car selon INSD[7] (1985, p. 31) « le village est très dispersé avec des quartiers pouvant se situer dans un rayon de 10 km par rapport au village-mère ».

 

La région, la province et la commune sont des collectivités locales. De la dernière, il est écrit : « Peut être érigée en commune rurale toute agglomération d’au moins 5000 habitants et ayant une activité économique lui permettant d’élaborer un budget équilibré en recettes et en dépense à au moins 5 000 000[8] », loi n° 041/98/AN du 06 août 1998.

Pour l’histoire, selon le MATD[9], la décentralisation au Burkina remonte à l’érection en communes mixtes de Bobo-Dioulasso d’abord en 1926 et de Ouagadougou en 1952. Elles passeront au statut de commune de plein exercice en 1955. En 1960, sont créées des collectivités locales. Les événements politiques de 1966 et 1983 ainsi que la réorganisation du territoire de 1974 restent des expériences inachevées. Ce sont : la constitution de 1991, l’adoption des lois de décentralisation de 1993, la création de nouvelle division administratives en 1996, la révision de la constitution en 1997 et l’ordonnance des lois de 1998 (TOD), qui consacrent le mouvement actuel de la décentralisation au Burkina.

 

Dans cette acceptation de l’organisation du territoire, le Burkina compte 13 régions, 45 provinces, 350 départements, et environ 8000 villages (nous allons y revenir). (Carte des divisions administratives)

 

Pour l’heure, la mise en œuvre des communes rurales est un vaste chantier prévu pour être territorialement délimité courant le premier trimestre de l’année 2005. Entre-temps, l’administration cherche sa voie entre déconcentration et décentralisation.

 

Dynamique démographique

 

Depuis son indépendance en 1960, le Burkina Faso est passé de 4 349 000 habitants en 1960-61 à 10 312 609 individus en 1996, soit une croissance annuelle moyenne[10] de 2,92%. Cette croissance a d’abord accélérée entre 1975 et 1985 (3,51%) avant de se réduire entre 1985 et 1996 (2,38% selon nos calculs). (cf. figure).

 

 

Figure 1 : Croissance de la population au Burkina

 

 

La  densité moyenne au recensement de 1996 est de 38,1[11] hts/km2. La densité de population des 45 provinces varie de 5,8 hts/km2 (Kompienga) à 335,8 hts/km2 (au Kadiogo, qui est celle de la capitale). L'écart de superficie entre les provinces varie dans un rapport de 1 à 10 entre la plus petite province (Kourweogo) et la plus grande (Comoé). Ce rapport est plus important de l’ordre de 1 à plus de 100 entre les départements de Béguédo (province du Boulgou) et celui de Pama (province de la Kompienga). Carte de densité de population

 

Le taux d'urbanisation est passé de 3,7% en 1960-1961 à 12,7% en 1985 et 18,4% en 1996. Les villes officiellement reconnues comme telle au sortir du recensement de 1975 sont au nombre de 5, puis 18 au recensement de 1985 et 26 au recensement de 1996. Depuis cet instant, la mise en oeuvre de la décentralisation a permis de désigner 49 communes[12] urbaines de plein exercice, puis 303 communes[13] rurales pour jouer le rôle de leader. (Carte des villes)

 

Les données

 

Les sources existantes

 

Les données existantes sont de divers ordres, mais celles qui nous intéressent le plus en matière de peuplement sont celles relatives aux trois caractéristiques essentielles qui définissent le recensement :

- le caractère individuel du dénombrement de toutes les personnes présentent ou résidentes ;

- la visite reçu par chaque habitation sur la totalité du territoire;

- enfin, la courte durée de la réalisation spontanée du recensement.

 

Cet exercice est possible grâce à l’existence de données que sont les 3 recensements de population réalisés en 1975, 1985 et 1996 par l’Institut National de la Statistique et de la Démographie (INSD). Le prochain recensement est prévu pour la fin de l’année 2006. Ces données sont de même nature sur bien de plans : collectées par la même structure, avec les mêmes concepts éprouvés et une collecte exhaustive. Associées à leur régularité dans le temps (tous les 10 ans), les trois recensements sont des données idéales pour une analyse diachronique à différentes échelles spatiales.

 

Nous avons entrepris d’analyser le peuplement suivant la dynamique des lieux. Dès lors il s’est agit de constituer une base de données des villages du Burkina à partir des statistiques de l’INSD (support électronique, support papier). L’une des premières difficultés est dans l’indisponibilité de fichier village officiel de référence au niveau du Burkina. Il s’ensuit, le faible possibilité d’exploitation des données du recensement de 1975. Le seul support papier du fichier village de ce premier recensement que nous avons pu utiliser a subit des avaries liées aux nombreuses reproductions.

 

Au niveau spatial, nous nous sommes orientés vers l’IGB (l’Institut Géographique du Burkina) la principale structure qui produit des cartes à l’échelle nationale. Nous nous sommes procurer la carte administrative à jour du découpage du Burkina. Nous avons par ailleurs le découpage du Burkina à la date des différents recensements que nous avons reconstitué à travers la revue de littérature et la recherche de cartes. Notre effort de rendre les différentes cartes compatibles met en exergue l’absence d’un fichier officiel des villages comme référence pour joindre la carte et les données.

 

Conséquence de l’évolution de la configuration territoriale du Burkina

 

De 1960 année des indépendances à nos jours le Burkina est à sa troisième organisation générale du territoire. Elles ont respectivement eu lieu en 1974, 1984 et 1996. La création récente des régions en 2001 n’a fait que regrouper des provinces existantes dans des nouveaux regroupements.

 

La complexité de la comparaison des entités géographiques vient en partie de sa restructuration. En effet, seules les localités recomposées permettent de construire des unités géographiques comparables. Notre approche par le lieu trouve sont fondement dans le fait que le lieu donne également une explication locale aux manifestations particulières des phénomènes observés. Les analyses effectuées dans les documents consultés de l’INSD sont éphémères et se limitent à une simple spatialisation d’un nombre limité de phénomène. L’un des obstacles majeurs au Burkina est de reconstituer la liste complète des villages.

 

Qu’à cela ne tiennent, il n’y a pas une source unique du nombre de village au Burkina de nos jours. Les tentatives récentes demandent que les responsables administratifs locaux remonte leur liste des villages officiels, dans l’autre cas c’est la tentative par soit même de reconstituer la liste des décrets fondateurs des villages. Dans un ou l’autre cas, les listes sont respectivement en sureffectif ou incomplètes.

 

Le nombre de village fini par se confondre avec celui des localités toutes hiérarchies confondues. L’expression d’« environ 8000 villages » est désormais consacré dans le parlé des burkinabè pour caractériser l’imprécision du nombre de village du pays. Les politiques sont demandeurs d’une information que les services spécialisés ont du mal à fournir.

 

La toponymie est la clé de l’identification des lieux. Elle est adoptée volontiers, mais dans bien de cas, un travail d’harmonisation attend d’être réalisé. A la suite de nos divers entretiens, il s’avère qu’un comité national sur la toponymie a été créé mais nous n’avons pas d’information sur leurs travaux. Les propos de ceux qui ont su l’évoquer rien n’a encore été fait du moins pour les villages. Une commission similaire a pourtant été mise en place par le ministère de la culture pour faire des propositions sur les gentilés[14] qui ont été adoptés en mars 2004. Chaque unité géographique au niveau provinciale et départementale a été dotée d’une appellation. Cette commission a eu l’avantage de rendre l’orthographe des niveaux provinces et départements ainsi que les variantes et la transcription éventuelle en langue locale. Pour l’heure ces gentilés « trop francisés » selon l’appréciation des burkinabé ont du mal à être adopté par la communauté.

 

Un consensus émerge donc sur la toponymie de la région, de la province et du département. Pour les villages presque tout est à faire. L’INSD est la structure qui tente le mieux grâce à ses opérations régulières de terrain de rendre cette toponymie locale. Si la consonance y est, la règle de l’écriture n’est pas la spécialité de l’INSD.

 

Malgré la restriction du champ de notre travail aux chefs-lieux de département, une vingtaine de localités nous échappent encore (annexe 2). Pour ces localités difficiles à repérer, nous avons parfois plusieurs fois le même nom dans la même entité géographique avec des effectifs de population différents. Dans d’autres cas, nous avons des noms probables avec des variantes qui ne sont pas évidentes lorsque le nom a la même racine avec des rajouts d’élan ethnique ou autre (Pabré et Pabré Saint-Joseph). En la matière le summum est atteint lorsque la localité dispose de plusieurs noms différents comme c’est le cas pour Saponé (Karkuidiguin) et éventuellement pour Morolaba (Domerla). Il est à signaler aussi les regroupements et dispersions de noms pour constituer une même localité (Ourgou et Manéga pour donner Ourgou-manéga). Nous avons enfin, les localités pour lesquelles les investigations se poursuivent ou doivent l’être sur le terrain.

 

Le Burkina a tout autant mal à sa superficie. Selon les auteurs, elle est estimée entre 267 950[15] km2et 274 500 km2. C’est pourtant elle qui permet de calculer la densité de la population, cet indicateur qui est un marqueur fort de l’occupation de l’espace. Communément, le territoire du Burkina est estimé à 274 200 km2. A la suite du différend frontalier qui a opposé le Mali au Burkina Faso de 1985, le rendu de la cour internationale de la justice de la Hayes en 1986 a été accepté de part et d’autre avec comme conséquence la réduction de la superficie initiale du Burkina. La carte actuelle du Burkina est à l’image du consensus sur sa nouvelle frontière avec le Mali. Le bornage définitif de la frontière lui a pris fin le mois de mai 2004 dernier.

 

Dans le processus de transformation des chefs-lieux de département en commune, il y a une extension des aires qui permettent d’absorber des localités environnantes. La population des communes se trouve alors gonflée. La comparabilité avec les statistiques anciennes n’est plus aisée. La commune de Ouagadougou par exemple a sous son emprise 17 nouveaux villages. La multiplicité de ces cas de figure va certainement avoir une influence sur la dynamique des lieux qui auront ainsi vu s’accroître dans des proportions assez élevées leur effectif de population. C’est pour cela que la nécessité d’une collecte fine des données et la documentation des regroupements doit se faire. Ce sera un enjeu important dans le recensement à venir de 2006.

 

Les divisions administratives successives ne sont pas tout simplement un découpage à l’intérieur d’unités anciennes. Il s’agit souvent d’une redéfinition totale des entités en témoignent les cartes des divisions administratives de 1974, 1984 et 1996. Comme une coïncidence, c’est toujours à la veille des recensements que se fait la réorganisation administrative du territoire. La mise en place des communes va entraîner une fois de plus un redimensionnement des unités géographiques. (Carte administrative 1974, 1984 et 1996)

 

Les unités administratives du Burkina ancienne Haute-Volta ont aussi évoluées. En 1974 l’organisation territoriale avait la configuration suivante : environ 7200 villages, 98 arrondissements, 44 sous-préfectures et 10 départements. Auparavant, à la fin de 1959, la Haute-Volta était divisé en 37 cercles, 19 subdivisions, 14 cercles et 7055 villages. En 1984, le Burkina est restructuré à la faveur de la révolution en 30 provinces composées de 300 départements contrôlant plus de 7285 villages. En 1996, le pays est passé à 45 provinces et 350 départements et 8312 villages (INSD, recensement 1996). Les 13 régions introduites dans la hiérarchie administrative de 2001 ont tout simplement chapeauté des regroupements de province.

 

Des appellations nouvelles sont apparues au fur du temps comme la province, par contre d’autre ont disparus comme le canton et les cercles, ou n’ont plus les mêmes représentation comme le département et l’arrondissement. D’autres découpages ont eu lieu de manière plus localisée. Nous le constatons dans la littérature car le nombre des unités administratives en début de période de restructuration n’est pas toujours le même à la veille du passage à une autre forme d’organisation. Certaines entités résistent à ces réaménagements. Nous faisons remarquer avec Hien (2004) la survivance des noms de 10 départements de 1974 dans les nouvelles régions créées, mais aussi le maintien d’un certain nombre de d’entités géographiques dans leur limite depuis 1974. Sans être exhaustif, il s’agit entre 1974 et 1996 des sous-préfectures de Djibo, Gorom-Gorom, Diapaga, Koudougou, Kongoussi qui sont devenues des provinces respectivement du Soum, de l’Oudalan, Tapoa, Boulkiemdé, Bam.

 

La multiplicité du discours de l’INSD autour d’un même phénomène dans ses différents rapports d’analyse rend caduc l’exploitation de ces documents. Sans que nous ne disposions de toutes les clés de contrôle, l’exemple illustratif est la statistique autour du nombre de village et de ville ainsi que leur population qui fluctue au gré du discours.

 

Les premiers résultats de la taille et de la croissance de la population effectuée sur les lieux montre de très fortes évolutions annuelles par endroit que nous attendons de vérifier à nouveau. C’est sous réserve donc que nous en faisons usage dans le cadre de cet exercice. Néanmoins, les valeurs extrêmes traduisent toute la difficulté d’une analyse diachronique avec des données dérivées car les opportunités de générer des erreurs sont fortement accrues. La solution idéale est dans une collaboration réelle avec différents partenaires dans un projet commun qui permettent de travailler à partir de fichier ou sous fichier de données. Cette éventualité est envisageable dans la mesure ou les fichiers villages sont dans le domaine public.

 

Les valeurs extrêmes interpellent également sur l’échelle pertinente d’analyse des données du fichier village compte tenu de leur sensibilité liée parfois à de petits effectifs. Cependant, il peut s’avérer qu’un réel problème de qualité de données sous-tend cette variabilité. Il est plus aisé de mettre ensemble les éléments (villages) d’un tout (département ou province) dont le contour externe est mieux identifié que de circonscrire les limites d’un village dont les quartiers sont dispersés.

 

Certaines données ne sont pas rendu comparable car les indicateurs de mortalité par exemple de 1985 et de 1996 sont pour le premier le taux brut de mortalité standardisé et le second les taux comparatifs. Seul la reprise des calculs sur la base de méthode similaire donnera des éléments de comparaison. 

 

Une observation cependant sur l’organisation administrative actuelle c’est le nombre fort variable de village dans les départements. A titre illustratif, les 8068 villages du site Internet du MATD se répartissent tel que dans les départements de Wolonkoto et de Douna, tous situés dans la province de la Léraba, sont composés chacun de 2 villages contre 96 villages dans le département de Kampti province du Poni.

 

Les restructurations successives du territoire entraînent aussi une modification artificielle des indicateurs du fait du redimensionnement des espaces couverts par les nouvelles entités administratives. En effet, l’emprise territoriale initiale des phénomènes observés s’en trouvent modifiés. La densité de population s’exprime alors différemment.

 

Nos investigations se poursuivent car les ZD semblent être une source d’information qui peut contribuer à dénouer en partie les questions liées à la manière dont les données villages ont été collectées.

 

Le GPS est de plus en plus utilisé comme moyen pour résoudre dans une certaine mesure le problème lié à la toponymie en s’assurant de la localisation exacte des lieux. Toutefois, l’usage du GPS nécessite une harmonisation de sa configuration et une documentation sur le lieu de mesure dans une localité donnée. La forme (concentrée ou dispersée) d’un village devient tributaire des coordonnées géographiques prises.

 

L’accessibilité aux données

 

L’essentiel de notre travail a été fait à travers l’exploitation des fichiers village sur support papier ou électronique produit par l’INSD et/ou l’INSEE (1975) à la suite des différents recensements. Ce qui ne nous permet pas d’aller au delà de l’approche globale de la population des localités.

 

Notre démarche a été facilitée par des personnes disponibles qui croient comme nous à l’intérêt d’une analyse du peuplement. Une procédure officielle d’acquisition de données existe mais elle est soumise à un délai d’attente. Le plus souvent il est demandé de soumettre une requête (tableau et son format, puis les variables en étude).

 

Il y a des données anciennes inaccessibles. En effet, il est difficile de localiser le fichier village du recensement de 1975. Toutefois, il apparaît dans la littérature (INSD, 1978) que les données ont été archivées sur bandes magnétiques. Au regard des évolutions actuelles en informatique c’est la possibilité de leur exploitation actuelle qui inquiète autant que la localisation de cette base de données dont l’INSD semble ne plus en avoir la trace. 

 

Les personnes rencontrées dans les services visités ont été soumises à des entretiens non structurés autour de leur spécificité. Du point de vu de la collaboration, les relations entre les principales structures nationales productrices de données sont plus de l’ordre de la concurrence.

 

Conclusion et perspectives

 

A la lumière de différentes contraintes, nous avons choisi de traiter dans un premier temps sur les 350 chefs-lieux de départements et la commune de Ouagadougou. Les localités en observations sont des lieux connus et dont les statistiques sont disponibles pour la plus part sur l’ensemble des trois recensements. Le recours à des échelles pertinentes nous permettrons d’effectuer des analyses selon les niveaux géographiques comparables.

 

Nous disposons de plus de données sur le dernier recensement mais l’objet de cette démarche n’est pas de travailler sur une source particulière. C’est la couverture nationale qui est la référence première de ce travail et sur laquelle nous avons axé nos efforts car nous savons que reconstituer la cartographie des lieux (villes, villages et localités) avec les données de population nous permettra de redessiner le contour de la comparabilité des entités géographiques et offrir un dénominateur aux phénomènes observés localement.

 

Notre engagement à travailler spécifiquement sur les fichiers villages peut achever de dresser un fichier harmonisé des villages du Burkina. La preuve que cet exercice est faisable est la reconstitution en cours d’un dossier des décisions créant les villages du Burkina par l’INSD d’une part et de l’autre une tendance à l’harmonie. Nos entretiens avec l’IGB on révélé qu’en 2001, un fichier harmonisé d’environ 6300 villages avait été constitué dans un travail collectif entre l’IGB, l’INSD, le MATD et le PNGT. Il s’agissait d’un croissement de données basé sur la toponymie. Nous avons eu connaissance d’une remontée de la liste des villages du Burkina vers le ministère de l’administration territoriale. Les écarts entre 2 listes provenant des mêmes responsables locaux (Hauts-commissaires) de l’ordre de 400 villages ne sont pas un travail de vérification insurmontable. Nous avons dans ce sens offert nos services au MADT qui est prête à mettre à notre disposition son fichier village en ce sens.

 

Une opportunité de pouvoir améliorer la base des données des localités et villages du Burkina est dans le recensement de 2006 à venir. L’introduction du GPS dans la collecte des données depuis peu va offrir plus de précision pour peu que les compétences nécessaires soient engagées dans ce travail. Notre souhait est de pouvoir y participer et nous ne ménageons pas nos efforts pour y arriver. Il faut dire que nous avons un atout institutionnel favorable.

 

Nous insistons pour rappeler que dans le processus actuel de la décentralisation, il est important de mettre à la disposition des décideurs locaux une information fine qui leur permette de prendre des décisions avisées.

 

Un tel travail nécessite une mobilisation de compétences que le partenariat locale et transnational peut faciliter. La France à travers l’INSEE qui a facilité les premiers pas de l’INSD au cours du premier recensement de 1975 et l’INED sont des références pour accompagner cette démarche.
 

Bibliographie

 

 

 

Le Burkina Faso

 

 

 


 

 


 


 

 


 


 


 


 

Annexe 1

Tableau[16] synthétique des résultats des recensements de 1975, 1985 et 1996

 

 

1975

1985

1996

Population

5 638 203

7 964 705

10 312 609

Population urbaine

362 610

1 011 074

1 601 168

 

 

 

 

Nombre de ville

5

18

26

Nb village

7 200

Entre 7 100* et 7 285**

8 312

Nb département

10

Entre 290* et 300**

350[17]

Nb province

-

30

45

Nb arrondissement

98

-

-

Nb sous préfecture

44

-

-

Nb Région

-

-

13[18]

Densité de population

20,6

29,0

38,1

 

 

 

 

Taille moyenne des ménages

5,7

6,2

6,3

Nombre moyen des ménages par concession

2

1,82

1,8

Taille moyenne des concessions

11,3

11,15

11,1

 

 

 

 

Emigration (entrant) internationale[19] (solde)

ND

83479 (72120) (-11359)

121931 (41688) (-80243)

 

 

 

 

Proportion de chef de ménage féminin

5,1%

7,2%

9,9%

Age moyen CM Homme

45,0

45,05

43,24

Age moyen CM Femme

53,0

44,73

42,82

Age moyen CM

45,4

45,2

43,2

 

 

 

 

Taux brut de natalité pour 1000

46,0‰***[20]

49,6‰

48,9‰

Proportion des < 5 ans

17,3%

18,4%

17,2%

Proportion 65 ans et +

3,8%

4,0%

4,1%

Rapport de dépendance

96,9

109,6

108,3

 

 

 

 

ISF[21]

6,7***

7,2

6,8

Mortalité 1q0 pour 1000

176‰

134‰

107‰

Mortalité 5q0 pour 1000

269,0‰

216,2‰

174,2‰

Taux brut de mortalité pour 1000

24,0‰***

17,5‰

14,8‰

Espérance de vie

42,0***

48,5

53,8

* INSD, octobre 1989 ; ** INSD, novembre 1990 ; ***INSD, enquête post-censitaire de 1976 In : INSD, 2000.

ND : non déterminé car émigré uniquement disponible (235778 hommes + 98937 femmes).

 

 

Annexe 2

 

Tableau des localités pour lesquelles la population à l’un quelconque des recensements n’a pas été retrouvée

 

Province

Département

Population 1975

Info+ (1975)

Population 1985

Info+ (1985)

Population 1996

Info+ (1996)

1

YATENGA

Barga

2118

 

N

 

3090

 

2

OUBRITENGA

Dapelogo

N

 

N

 

6118

 

3

GOURMA

Diapangou

1249

 2358

N

 

1514

 

4

ZOUNDWEOGO

Gombousougou

N

 

4378

BOUSSOUGOU

2584

 

5

ZOUNDWEOGO

Guiba

N

 

N

 

1615

 

6

YATENGA

Kossouka

3271

 

N

 

4318

 

7

KENEDOUGOU

Kourinion

1492

 

N

 

2457

KOURIGNON

8

KOSSI

Madouba

268

 

N

 

390

 

9

ZOUNDWEOGO

Manga

N

 

10245

 

14035

 

10

KENEDOUGOU

Morolaba

2512

ourgou yarce 825

N

 

N

Domerla

11

SOUM

Nassoumbou

N

ourgou mossi 877

2015

 

2106

 

12

OUBRITENGA

Ourgou-manega

1702

Ourgou total 1702

N

 

2104

OURGOU MOSSI 1727+ OURGOU YARCE 377

13

KADIOGO

Pabre

3499

Pabré 2160

N

 

4430

PABRE 2684 + SAINT-JOSEPH 1746

14

SANMATENGA

Pissila

N

pabre st joseph 1339

2334

 

17869

 

15

KADIOGO

Saaba

1435

 

N

 

6942

 

16

NAHOURI

Tiebele

N

 

2607

 

13305

 

17

NAHOURI

Zecco

131

zecco yarce 131

1046

ZECCO YARCE

N

 

18

BAM

Zimtenga

652

 

N

ZITENGA 565

850

 

19

OUBRITENGA

Ziniare

1895

 

N

 

11153

 

20

NAHOURI

Zio

N

 

N

 

N

ZIOU

21

OUBRITENGA

Zitenga

N

 

N

 

N

 

 

Total

 

9

 

15

 

4

 

 

Dans les cellules info + suivi de l’année pour laquelle la localité est difficilement repérée, nous avons soit placé un chiffre de population parce que la localité est retrouvé plus d’une fois avec des statistiques différentes, soit un nom probable avec des combinaisons, ainsi que le chiffre de population lié à ce nom. Il y a aussi le cas ou les localités sont susceptibles d’avoir un nom autre que celui connu de tous. Enfin pour le reste nous n’avons pas d’autre solution que de poursuivre les investigations.


 


[1] Encyclopédie de géographie ; Grand dictionnaire terminologique. Office de la langue française et Sémantix, 2000. http://www.qc.ec.gc.ca/csl/glo/glo007_f.html; http://perso.wanadoo.fr/thierry.delthe/geo-2de-001.htm;

[2] A la suite du règlement du conflit Burkina-Mali de 1985, la nouvelle frontière a achevé d’être matérialisé en mai 2004. Nous ne disposons pas encore des nouvelles données sur la superficie. La frontière reste à être bornée également avec le Niger, le Bénin et le Togo.

[3] Convention de main-d’œuvre du 9 mars 1960 avec la République de Côte-d’Ivoire.

[4] Convention de main-d’œuvre du 13 août 1973 avec la République Gabonaise.

[5] Système d'organisation de l'administration du territoire qui confère à des collectivités territoriales décentralisées ou collectivités locales le pouvoir de s'administrer à travers une participation active, (http://matd.cenatrin.bf/decentral/default.htm).

[6] Loi n°003/93/ADP du 7 mai 1993, portant organisation de l’administration du territoire au Burkina Faso.

[7] INSD, 1985. Rapport méthodologique et administratif, 28 p.

[8] En franc CFA.

[9] Ministère de l’Administration Territoriale et de l’Administration. http://www.matd.gov.bf/decentral/default.htm

[10] Selon nos calculs sous hypothèse d’une croissance arithmétique.

[11] Sur la base de 270 771 km2 de superficie utilisé par l’INSD.

[12] Tous les chefs-lieux de provinces sont d’offices des communes urbaines.

[13] Tous les chefs-lieux de départements sont des chefs-lieux de communes rurales.

[14] Journal Officiel du Burkina, n°21 du 20 mai 2004.

[15] http://www.world-gazetteer.com/r/r_bf.htm

[16] L’appellation des entités territoriales ne couvre pas toujours la même définition ou le même espace. Certains éléments du tableau sont simplement illustratifs.

[17] Dont 1 communes à statut particulier : Bobo-Dioulasso.

[18] 10 régions au moment du recensement.

[19] Migrations internationales récentes

[20] 1976 (INSD, sans date, p. 16)

[21] Nombre moyen d’enfants nés vivants qu’aurait mis au monde une femme arrivée à la fin de sa vie féconde.