Atelier Mobilité et Résidence, 16 & 17 novembre 2004, CEPED, Nogent-Sur-Marne
Qualification
socio-spatiale préalable des migrants/migrations, pour
l’appréhension des processus migratoires
Dans le cadre de cet atelier qui porte sur la résidence et sur la pluri-résidence des individus, Françoise Dureau et Valérie Golaz m’ont demandé de participer à la réflexion portant sur la qualification de la résidence en m’appuyant sur les différentes enquêtes, sur la mobilité et les migrations, que j’ai pu réaliser en Afrique et en Amérique latine.
La résidence ainsi que les autres lieux où l’individu exerce ses activités sociales, économiques, politiques, etc., sont qualifiés ici dans le but de mieux appréhender les déplacements qu’effectue un individu entre ces différents lieux (l’atelier 3 portant directement sur la qualification des lieux). Il s’agit de reconsidérer la résidence et de prendre en compte la pluri-résidence des individus, afin de pourvoir considérer les mouvements de population qui sont d’une complexité croissante et dont la plupart sont de l’ordre de la circulation. L’idée générale est de discuter de l’intérêt et du type de qualification socio-spatiale de la résidence (et par extension des lieux construits et fréquentés au cours de ces processus de circulation) préalablement à toute enquête des déplacements des individus.
Il semble que dans une première approche on puisse appréhender les déplacements des individus d’au moins deux manières : d’une part, en qualifiant leur occupation des lieux et d’autre part, en délimitant le groupe social ou les groupes sociaux en référence desquels sont réalisés ces déplacements.
La situation de résidence d’un individu est caractérisée dans l’espace et dans le temps par un lieu, une date et éventuellement une durée effectuée dans le lieu considéré. Cette situation de résidence peut être définie avec ces seuls éléments temporels et spatiaux. Cependant on peut préciser des temporalités qui font sens en référence à différentes activités économiques et sociales comme habiter, travailler, étudier, se divertir, etc. ; on peut également considérer la qualité des lieux : rural, urbain, etc. Enfin, la situation de résidence d’un individu peut être plus largement qualifiée encore à travers son statut et à sa situation socio-politique (célibataire, marié ; propriétaire, locataire, hébergé ; national, étranger ; etc.) en référence à un groupe (familial, social, économique, politique, culturel).
L’idée première pour cet atelier était de présenter la méthode suivie aujourd’hui dans les enquêtes menées au Mexique qui consiste à identifier les lieux et les déplacements qui se construisent à partir du groupe familial et du groupe social d’appartenance ou des groupes sociaux de référence. Cependant il m’a semblé intéressant de revenir sur l’enquête migration mossi au Burkina (ex-Haute-Volta) réalisée en 1973 (Quesnel, Vaugelade,1975), pour l’exemple qu’elle offre d’une multiplicité des déplacements depuis le Pays mossi du point de vue de leur temporalité et de leur objectif d’une part, et d’un changements des lieux constitutifs de l’espace migratoire et des temporalités des déplacements, d’autre part.
Je veux aussi revisiter cette enquête dans la mesure où elle permet de rappeler la nécessité de contextualiser non seulement les déplacements mais aussi les concepts et les instruments d’analyse au moment de l’étude (Diapositive 1). Je présenterai l’étude et ses instruments de collecte (Diapositive 2). Dans une troisième diapositive, il s’agira de distinguer les déplacements à travers la résidence (et multi-résidence) des individus durant la période d’observation; puis, dans une quatrième, les éléments de distinction des différents déplacements. Enfin, je voudrais terminer en tirant les enseignements d’une telle identification et qualification des déplacements pour cette étude et les études que je mène aujourd’hui (Diapositive 5).
Pour cette « publication » j’ai opté pour un commentaire (texte en italique) des diapositives du Power-point qui a été présenté lors de l’Atelier (texte en caractères gras).
D1. Titre : Qualification socio spatiale préalable des migrants/migrations. Pour l’appréhension des processus migratoires.
D2. Contextualisation des déplacements, d’une part et des concepts et des instruments d’analyse, d’autre part
L’enquête sur
« les mouvements de population à partir
du pays mossi »
(1972-73)
D3. Carte du Pays mossi et déplacements anciens et récents
D4. Enquête sur les mouvements de population à partir du Pays mossi
Pour
ce faire deux instruments :
-
Un suivi des séjours
- Un suivi des emplois lors du dernier
séjour à
l’extérieur ;
- Un suivi des visites (moins de 3 mois au village) lors du dernier séjour.
D5. La distinction des déplacements depuis le Pays mossi à partir de la résidence
- Migrant absent : individu en migration
de travail à l’intérieur
ou à l’extérieur des
frontières, sans considération de durée
. La durée d’absence sera en
fait considérée lors du passage du
questionnaire démographique. Il s’agira du dernier
séjour ouvert
. Rappelons que l’enquête
renouvelée nous donne la situation de
résidence (Présent ou Absent) lors du passage en
1960
- Emigrant : individu sorti de la population pour des motifs matrimoniaux, agricoles, sociaux
- Séjour : intervalle de temps
de plus de trois mois entre un
départ et un retour au village
- Migration : séjour dans le même lieu entrecoupé de visites de moins de trois mois
D6. L’identification des déplacements
-
La notion de projet migratoire est heuristiquement pertinente dans la
mesure où
elle permet de renvoyer à différents
niveaux : macro (situation
nationale, régionale, de tout ordre), meso
(localité,
groupe social d’appartenance, famille) et individuel
(statuts). Tels que nous
les examinons ci-dessous.
On
y intègre deux critères qui, selon nous,
distinguerons les migrants
« porteurs de projet » :
le lieu de destination et la durée.
Autrement dit, on rassemble des
caractères présentant a priori une
corrélation et porteurs d’une forte
distinction.
-
Unité collective de référence du
projet migratoire
. On distingue
les unités
collectives locales des unités de production et des
unités résidentielles. Par
rapport à l’unité collective, le projet
migratoire du migrant s’inscrit dans un
processus de rupture, de survie, de patrimonialisation et/ou plus
largement de
reproduction sociale.
-
Statut de l’individu en déplacement
. On distingue : chef
d’unité résidentielle,
d’exploitation agricole; rang dans le segment de
lignage ; marié
accompagné par sa(ses) femmes, marié seul,
célibataire.
L’analyse montrera la rupture dans la diachronie d’accès aux différents statuts, notamment le fait que le mariage se trouve dissocié de l’accès à la terre, et le fait que la migration internationale n’est plus le fait des hommes célibataires dans l’attente d’accéder aux statuts supérieurs.
-
Lieu de départ et de destination ou
d’arrivée
. Les lieux sont différenciés
selon leur statut et selon les contraintes
et opportunités qu’ils
présentent : au Burkina (l’ouest de la
colonisation agricole ; les
vallées des Voltas au Sud et au Sud-est des
aménagements hydro-agricoles ;
Ouagadougou, la capitale ; les capitales
régionales ; au Ghana (les
différentes régions rurales ; les
capitales régionales ;
Accra) ; en
Côte-d’Ivoire (les
régions de l’est ; les zones de
l’ouest et du centre-ouest ; le
sud-ouest ; Abidjan)
-
Durée du déplacement ou
du séjour est
en conséquence dépendante des
éléments
précédents constitutifs du projet migratoire.
Ces
référents permettent de distinguer :
- Déplacements de travail et migrations agricoles
On a distingué simplement dans un
premier temps les déplacements liés
aux recherches de terre et les déplacements
de travail, des
autres
déplacements dont les raisons
sont liées
à des raisons sociales (mariage, étude, confiage,
etc.). Les installations avec
accès à la terre dans les zones de colonisation
agricole seront considérées
comme des migrations.
- Les
migrations saisonnières.
On verra à l’analyse
qu’elles sont en diminution, les déplacements le
temps de la saison sèche se font moins nombreux. Ils sont
déconnectés du
calendrier agricole du Pays mossi.
- Les
migrations de travail
pluriannuelles.
A
l’analyse on constatera
qu’elles sont les plus importantes et surtout que les
durées de séjour sont de
plus en plus longues, entrecoupées de visites de moins en
moins fréquentes.
D7. Quels enseignements, quelle formalisation ?
Il faut reconnaître que
par cette identification a priori des
différents déplacements l’analyse se
trouve alor enfermée
par et dans ces aspects de la
mobilité. Cependant on retiendra les résultats de
cette étude :
Une pluri-résidence
socialement définie sur une longue période
d’observation afin d’appréhender la
diversité des déplacements
La qualification des lieux de
déplacement pour une approche de la
mobilité aux différents niveaux de
déterminations de ces déplacements
La qualification
des lieux de résidence et des
activités
sociales et économiques réalisées dans
différents lieux par les individus d’un
groupe social durant une période donnée
d’observation, a pour objectif de
rendre compte de l’espace migratoire de ces individus. La
qualification, plus
avant, de ces lieux en référence aux contraintes et aux
opportunités qu’ils
présentent, d’une part, et aux usages
qui en sont faits en référence à des
unités sociales, d’autre part, permet
alors d’aborder les déterminations de ces
déplacements à différentes
échelles :
-
Territoires et inégalités territoriales
La prise en compte des différents lieux
et
de leur qualification du point de vue de leur
intérêt et de l’usage qu’ils
ont
constitué, et peuvent constituer, encore pour un individu et
son groupe
familial et social d’appartenance, permet
d’appréhender la valorisation de ces
lieux au cours du temps. Ces lieux
constituent ainsi l’archipel de la famille et/ou
du groupe
d’appartenance à un moment donné et
dans le temps.(Quesnel,Del Rey, 2001)
-
Localité et institutions (communautaires et familiales)
La référence à une
localité et à des
institutions est essentielle pour appréhender
l’usage et la fréquentation des
lieux constitutifs de l’archipel et la nature des différents
déplacements qui s’y inscrivent.
-
Individu / statut comme acteur, porteur
d’intérêts
Le statut de l’individu en
référence à ces
différentes unités sociales permet
d’appréhender son inscription dans le
système résidentiel de la famille et de la
localité, ainsi que sa
transformation.
En guise de conclusion
La multi-résidence, ou mieux, la
multi-localisation des activités sociales,
économiques et résidentielles d’un
individu ou d’un groupe d’individus, permet
d’appréhender les déplacements de
ceux-ci, et la transformation de leur champ migratoire, dès
l’instant qu’elles
sont examinées en référence
à une période d’observation
suffisamment longue et
en référence à des unités
sociales où s’inscrivent les individus.
En faisant ce retour en arrière, nous
avons
voulu souligner que le recours à une notion de
résidence, socialement et
temporellement construite, aussi simplifiée soit-elle, comme
dans le cas de
l’enquête Migrations mossi,
s’avère efficace pour appréhender les
déplacements.
Dans notre dernier travail, en milieu rural mexicain, nous nous sommes intéressés aux lieux fréquentés par le groupe familial sur trois générations, partant de l’idée que les lieux du passé (histoire migratoire des ascendants) ont pu, et peuvent, constituer une ressource migratoire potentielle (examen des lieux de résidence actuelle des ascendants, des collatéraux et des enfants d’égo, d’une part et de son épouse, d’autre part), notamment dans les années qui suivent l’entrée du Mexique dans l’Alena (examen des déplacements des membres de l’unité domestique, les deux dernières années précédant l’enquête réalisée en 1999).
Références bibliographiques citées