Atelier Mobilité et Résidence, 16 et 17 novembre 2004, CEPED, Nogent-Sur-Marne



Introduction à l’Atelier Mobilité et résidence

 

Françoise DUREAU, Université de Poitiers – Migrinter

 

Pourquoi cet atelier ? et comment ?

Dans la plupart des enquêtes démographiques et des recensements, la résidence est définie comme le lieu où l’individu « a coutume d’habiter », le plus souvent considéré comme unique. C’est à travers ce filtre de la résidence unique et permanente que l’analyse de la mobilité spatiale a longtemps été limitée aux seules migrations correspondant à un transfert de résidence, laissant donc dans l’ombre toutes les autres formes de mobilités temporaires ou circulaires. Les recommandations internationales en matière de statistique démographique continuent d’ailleurs d’identifier la multi-résidence comme un problème, jamais comme un objet d’observation et de mesure.

Les conséquences de cette appréhension réductrice du mode de rattachement des hommes aux lieux sont multiples. On pourrait évoquer, de façon très immédiate, la mauvaise appréhension des effectifs de population dans les contextes caractérisés par des fréquentations temporaires massives : les zones touristiques en sont la première illustration. On pourrait aussi évoquer le cas des villes comptant une proportion importante de population flottante, ou de celles peuplées de populations ‘circulantes’ alternant entre deux résidences géographiquement éloignées. De façon générale, la dynamique réelle de leur peuplement échappe à la comptabilité statistique, laissant de ce fait totalement démunis les organismes ayant en charge la gestion de ces territoires. Des collectivités locales envahies par les résidences secondaires se saisissent d’ailleurs du problème, sans attendre sa résolution par la statistique nationale. C’est le cas dans le Lubéron, par exemple, où une équipe a réfléchi à la production « d’indicateurs géographiques de l’espace de la résidence secondaire », c’est-à-dire d’indicateurs statistiques traduisant l’expression spatiale de cette pratique[1].

Il semble pourtant acquis que l’amélioration des transports se soit accompagnée d’une complexification des pratiques spatiales et des situations résidentielles. Le « dédoublement de la résidence » (pour reprendre les termes employés par Philippe Bonnin et Roselyne de Villanova dans le Dictionnaire de l’habitat et du logement[2]) est un fait « bien réel, ni marginal, ni affaire de nantis ». Ce dédoublement n’est pas un phénomène entièrement nouveau. Jean Loup Amselle évoquait dans les années 1970 « l’ubiquité des sociétés africaines »[3]. C’est aussi la pluri-localisation qui constituait (et constitue encore) la base de la reproduction des communautés paysannes dans les Andes. En Afrique comme en Amérique Latine, de nombreux travaux produits dans les trente ou quarante dernières années ont fait progresser, tant sur le plan des concepts que celui des méthodes, l’appréhension des situations résidentielles complexes.

En France, c’est la bipolarité des pratiques résidentielles et des investissements des migrants internationaux qui a fait l’objet d’une reconnaissance précoce et partagée, que l’on retrouve par exemple sous le terme « d’espace de vie transatlantique » (employé par Stéphanie Condon à propos des migrants antillais[4]), ou plus généralement sous le terme « d’espace de vie transnational » des migrants. L’analyse des populations immigrées en France a conduit à remettre en cause sans équivoque la notion de ‘résidence principale’, et à analyser au contraire les deux résidences dans leur complémentarités, leurs relations[5].

Compte tenu des enjeux, tant en termes de compréhension des comportements des individus qu’en termes d’action sur les territoires, il nous a semblé intéressant de convoquer à une réflexion sur les situations résidentielles contemporaines associant des expériences différentes, construites « ici et là-bas » (pour reprendre le vocabulaire des migrations internationales).

Dans un premier temps, nous avons organisé une rencontre, le 24 juin dernier, sur le thème de la pluri-résidence. Cette rencontre a réuni une trentaine de chercheurs de l’UR6 (Mobilité, habitat et espaces urbains) de l’INED et de l’UR13 (Mobilités et recompositions urbaines) de l’IRD. Cette journée a été structurée autour de deux questions : quelles sont les pratiques spatiales et les logiques des comportements pluri-résidentiels de certains groupes de population ayant fait l’objet de travaux spécifiques en France ? Comment la pluri-résidence est-elle appréhendée par les systèmes nationaux de statistiques, dans différentes régions du monde ? Valérie Golaz évoquera d’ici quelques minutes les principaux enseignements de cette journée : nous pourrons ainsi tirer tous parti de cette première journée de réflexion pour la prolonger aujourd’hui.

Dans ce deuxième atelier organisé cette semaine au Ceped, celui qui nous réunit aujourd’hui, l’objectif est de confronter des connaissances sur des situations résidentielles complexes produites dans différents contextes, en France, en Afrique, en Amérique latine ou en Asie. A  travers cette mise en perspective internationale, il s’agit donc de tirer des enseignements de travaux ayant justement pour point commun la reconnaissance de la complexité résidentielle.

 

Comment allons nous procéder dans cet Atelier ?

Au vu des propositions reçues et des interventions que nous avons sollicitées, nous avons restructuré l’Atelier autour de 3 thèmes.



 

Dernier élément du ‘comment’ de l’atelier: concrètement, quel mode de fonctionnement ?

Nous avons volontairement limité le nombre de participants : nous sommes une petite trentaine. Il s’agit bien d’un atelier de travail, où le programme a été conçu de façon à laisser une large place aux débats.

Merci donc aux intervenants de bien vouloir limiter leurs exposés à 15 minutes : il serait dommage de ‘déraper’ et de ne pas profiter pleinement des temps de discussion. Les 3 présidents de séance sauront être vigilants sur ce point.

 

Et, enfin, quelles suites à cet atelier ?

L’ensemble des matériaux sera réuni sur un CD Rom, qui sera diffusé à chacun des participants.

Seront rassemblés dans ce Cdrom les éléments suivants :

 




[1] Bachimon P., 1996. « Indicateurs géographiques de la résidence temporaire. Demande sociale et offre disciplinaire », in : Geopoint 1996 : objets et indicateurs géographiques, Université d’Avignon, 121-132.

[2] Bonnin P. et de Villanova R., 2003. « De la double résidence », in : Segaud M., Brun J. et Driant J.C. (dir.), Dictionnaire de l’habitat et du logement, Paris, Armand Colin, 372-376.

[3] Amselle J.L., 1976. « Aspects et significations du phénomène migratoire en Afrique Noire », in : Amselle J.L. (dir.), Les migrations africaines, Paris, Maspero.

[4] Condon S., 1996. « Les migrants antillais en métropole : un espace de vie transatlantique », Espace, Populations, Sociétés, n°2-3, 513-520.

[5] Voir le bilan bibliographique sur la double résidence réalisé par Eliane Nicolino : Nicolino E., 1996. « Orientations bibliographiques et statistiques », in : Bonnin P. et de Villanova R. (dir.), D’une maison l’autre. Parcours et mobilités résidentielles, Creaphis, 347-367.