Atelier mobilité et résidence, 16 & 17 novembre 2004, Nogent-Sur-Marne



Les pratiques résidentielles et leur mesure à Accra

Ni assignation ni ubiquité résidentielle : pratiques ghanéennes et pluralisme méthodologique

 

Par Monique BERTRAND (Université de Caen – UMR ESO)

La communication s’est inscrite dans la continuité de l’atelier préparatoire du 24 juin 2004 au cours duquel les définitions et catégories du recensement ghanéen, ainsi que de grandes enquêtes nationales, avaient été présentées en parallèle à celles des sources maliennes.

On s’attache désormais à la mesure des pratiques résidentielles citadines menée dans la seule capitale économique et politique du Ghana, à la faveur de l’enquête « Housing Pratctices and Residential Mobility in the Greater Accra Region, 2000-2001 » (IRD / University of Ghana, Legon), le Grand Accra comptant près de trois millions d’habitants au recensement de 2000.

L’enquête a recueilli des données portant sur les ménages (plus de 800), leurs membres (près de 3 300) et leurs représentants adultes (près de 1 400) ; mais aussi sur les maisonnées (230) dans lesquelles en général cohabitent les ménages, qu’ils soient apparentés ou non ; ainsi que sur sept quartiers dans lesquels s’inscrivent les grappes résidentielles ainsi observées à l’échelle de quelques îlots de voisinage.

La communication présente six propositions de mesures extraites des questionnaires et traitements (voir tableau page suivante). Les unes relèvent d’une collecte transversale ; les autres d’une double orientation longitudinale : questions rétrospectives de caractère biographique et suivi en continu des maisonnées et de leurs habitants à la faveur des passages répétés d’enquête.

On cherche donc avant tout à plaider pour un pluralisme méthodologique, plutôt que de figer la mesure résidentielle dans une perspective univoque qui conduirait soit à assigner un lieu de résidence unique aux citadins, soit à dissoudre leurs pratiques spatiales dans une idée post-moderne d’ubiquité.

Chacune de ces mesures présente des biais analytiques propres. C’est donc la combinaison d’ensemble qui fait sens pour aborder les pratiques résidentielles des familles et des individus en s’appuyant certes sur l’équation ménage-logement, mais aussi en la dépassant.

La communication met alors en évidence deux niveaux géographiques de mobilité et de circulation résidentielle, et insiste sur les pas de temps (fréquence et durée des séjours) qui leur sont respectivement associés.

Le premier niveau est celui de l’espace métropolitain : à bien des égards, la famille citadine, même réduite par une fécondité en réelle baisse, se reproduit en systèmes résidentiels composites. Ceux-ci tentent de pallier les contraintes drastiques du marché foncier et immobilier ghanéens. Ils peuvent aussi expliquer le fractionnement territorial des mobilités métropolitaines, globalement centrifuges, mais qui apparaissent de courte portée géographique dans le détail d’itinéraires en « sauts de puce ».

Le second niveau d’analyse spatial est national. L’enquête met ainsi en évidence la relation persistante des citadins à une « communauté » extra-urbaine de référence, ainsi que les flux de visites et divers investissements, matériels, sociaux et symboliques, qu’elle suscite.

Ces deux perspectives conduisent in fine à la nécessité de mettre en rapport, mieux que ne le font actuellement bien des études menées au niveau des individus, la composante migratoire du mouvement géographique et la mobilité intra-urbaine. Articuler trajectoires externes, « en amont » de l’entrée en ville, et redistributions internes à l’espace métropolitain (y compris du fait de mobilités non promotionnelles) permet de dépasser les limites souvent apparentes dans les analyses consacrées soit aux navettes hometown / capitale, soit à l’insertion urbaine des migrants.

 

Tableau récapitulatif des six mesures

Type de mesure

Echantillon

Technique

Avantages

Limites

Typologie des résidents : présents, absents, visiteurs

Individus membres des ménages

Transversal

Méthode simple, alignée sur les catégories du recensement (populations de droit / de fait)

Méthode frustre, catégories pas toujours bien comprises lors de la collecte

Principaux jalons de l’insertion résidentielle : entrées dans

- la région urbaine

- le quartier d’enquête

- la maisonnée d’enquête

Individus membres des ménages

Longitudinal rétrospectif (questionnement biographique partiel)

Tous les individus

Pas de référent temporel commun pour la comparaison

Biographies résidentielles

Adultes représentants des ménages

Longitudinal rétrospectif (questionnement biographique complet)

Toutes les étapes de la mobilité résidentielle

Limites de la mémoire

Autres lieux de vie au moment de l’enquête

Adultes représentants des ménages

Transversal

Rend compte de cas variés de pluri-résidence

Difficile saisie de la fréquence des séjours

Entrées et sorties dans l’échantillon de maisonnées

Ménages et individus membres des ménages

Longitudinal en suivi continu (2000-2001)

Qualité de l’information, y compris sur les sortants dont les caractéristiques sont bien reconstituées par des tiers

Echéance courte, caractère aléatoire des flux ?

Stables dans l’échantillon de maisonnées

Ménages et individus membres des ménages

Longitudinal en suivi continu (2000-2001)

Confirme les relations maintenues avec autres attaches territoriales

Echéance courte, caractère aléatoire des visites ?