5 - situation nutritionnelle des jeunes enfants en afrique : évolution et facteurs explicatifs

Marie-Claude Dop, Amélie Solal-Céligny et Chiara Deligia
(Division de l’Alimentation et de la Nutrition, Organisation des Nations Unies pour l’Alimentation et l’Agriculture, Rome)

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Les déterminants de la malnutrition et de la mortalité des nourrissons et des jeunes enfants sont résumés dans le schéma conceptuel de l’UNICEF (figure 1). Ce schéma classe les causes de mortalité et de malnutrition en trois groupes : causes immédiates (apports alimentaires insuffisants et maladies), causes sous-jacentes (relevant de la sécurité alimentaire des ménages, des soins aux mères et aux enfants, des soins de santé et de l’hygiène du milieu), et causes fondamentales (ressources potentielles, conditions économiques et politiques).

En 1994, Pelletier et coll. montraient que la moitié des morts par maladie infectieuse ou parasitaire chez les enfants de moins de 5 ans était associée à la malnutrition (insuffisance pondérale). Les conclusions de cette analyse basée sur 8 enquêtes de cohorte ont été récemment confirmées par une nouvelle analyse de Caulfield et coll (2004) basée sur 10 enquêtes de cohorte. La relation entre la malnutrition et la mortalité est donc bien établie. La part de la mortalité attribuable à la malnutrition varie suivant les maladies (elle est plus importante pour la diarrhée que pour le paludisme). Parmi les décès associés à la malnutrition, environ 20% sont survenus chez des malnutris sévères, mais 80% sont survenus chez des malnutris modérés. Il est donc important de lutter contre la malnutrition modérée, celle-ci étant responsable du plus grand nombre de décès.

Les Enquêtes Démographiques et de Santé (EDS) permettent de suivre le niveau et les tendances de la prévalence de la malnutrition (retard de croissance, maigreur et insuffisance pondérale) chez les jeunes enfants. Les données utilisées pour cette présentation sont issues des EDS conduites en Afrique depuis 1990 : elles fournissent la prévalence de la malnutrition chez les enfants de moins de 3 ans dans 29 pays Africains, au niveau national (figure 2). Sur la base du modèle conceptuel de l’UNICEF, des indicateurs des causes de la malnutrition sont également utilisés pour l’analyse de données provenant d’autres sources (FAO, OMS etc.). Les tendances de fond de la malnutrition sont observées à travers l’évolution de la prévalence du retard de croissance, un indicateur de malnutrition chronique ; en effet les tendances de la maigreur (malnutrition aiguë) sont difficiles à interpréter en raison d’une composante saisonnière de ce type de malnutrition qui empêche de comparer des enquêtes consécutives si elles ne sont pas conduites pendant la même saison (période de soudure ou bien post-récolte).

Suivant les pays, la prévalence du retard de croissance va de 18% à 45% chez les moins de 3 ans. Les pays où la population est plus fortement urbanisée ont une prévalence plus faible. On observe la relation attendue entre mortalité infantile/juvénile et malnutrition. En revanche il n’y a pas de lien entre prévalence du retard de croissance et infection par le VIH (estimée d’après la prévalence dans la population adulte, ONUSIDA, 2004) ; en effet les pays où l’endémie est forte sont plus urbanisés et ont souvent un niveau de malnutrition plus bas. La malnutrition est liée aux indicateurs macro-économiques, aux variables de santé, et à l’état nutritionnel des mères.

Parmi les 23 pays pour lesquels on dispose de deux EDS consécutives, on note une augmentation de la prévalence du retard de croissance dans 11 et de l’insuffisance pondérale dans 7. Même si elles sont liées, la mortalité et la malnutrition n’évoluent pas toujours dans le même sens. L’examen plus approfondi de pays où l’endémie HIV est faible et n’a donc pas ou peu d’influence sur la mortalité et la malnutrition, montre que la pauvreté en milieu rural, des conditions climatiques difficiles, un accès très insuffisant aux soins de santé sont les éléments explicatifs essentiels de l’évolution de la malnutrition (par exemple au Mali, Niger, Bénin, Ghana). Cependant, une augmentation mesurée au niveau national peut masquer d’impor-tantes disparités régionales.

La persistance de la pauvreté est un des facteurs essentiels de la stagnation ou de la hausse de la malnutrition et de la mortalité chez les jeunes enfants dans certains pays africains.

Références :

Pelletier DL. The potentiating effects of malnutrition on child mortality: epidemiologic evidence and policy implications. Nutr Rev. 1994 Dec; 52(12):409-15.

Caulfield LE, de Onis M, Blossner M, Black RE. Undernutrition as an underlying cause of child deaths associated with diarrhea, pneumonia, malaria, and measles. Am J Clin Nutr. 2004 Jul; 80(1):193-8.

ONUSIDA. Rapport annuel, 2004.

 

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