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Vieillissement et conditions de vie des personnes âgées en République du Congo

Maryse GAIMARD, Université Bordeaux Segalen, Centre Émile Durkheim, CEPED, France
Benoît LIBALI, UERPOD Brazzaville - CEPED, République du Congo

La population congolaise a été longtemps mal connue. Le premier recensement général de la population et de l’habitat (RGPH) date de 1974. Après celui de 1984, le dernier date de 2007. Les résultats de ce dernier recensement donnent une population de 3 697 490 habitants (8,8 hab/km2). Le taux de croissance démographique est estimé à près de 3 % en moyenne par an. La population est à 62 % urbaine, concentrée dans les deux villes principales de Brazzaville (1 100 000 hab.) et de Pointe-Noire (650 000 hab.).

Comme dans tous les pays d’Afrique sub-saharienne, la population se caractérise par une extrême jeunesse comme en témoigne la pyramide des âges (figure 1) : 39 % de 0-14 ans et 49 % de 0-19 ans. L’indice synthétique de fécondité est de 4,8 enfants par femme en 2005 (EDSC-I, 2005). L’âge médian de la population est de 19 ans.

Figure 1 : Pyramide des âges de la population du Congo (recensement de 2007)

Dans ce contexte, les personnes âgées ne représentent encore qu’une part très faible de la population et sont méconnues, ne faisant pas l’objet de recherches empiriques. Aussi, dans cet article nous avons voulu préciser les contours de cette population âgée ainsi que conditions de vie. Les données disponibles, prenant en compte ces classes d’âges, sont rares au Congo comme dans la plupart des pays du Sud. Ce travail repose essentiellement sur l’exploitation secondaire de deux enquêtes nationales : le recensement de la population et l’enquête congolaise auprès des ménages (ECOM, 2005). Les résultats des analyses thématiques des données du dernier recensement de la population de 2007 ne sont pas encore publiés mais nous avons pu avoir accès à quelques tableaux statistiques. L’enquête congolaise auprès des ménages, réalisée en 2005, avait pour objectif de disposer de données actualisées sur les conditions de vie des ménages en vue de finaliser le Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP) et de suivre la réalisation des Objectifs du millénaire pour le développement (OMD). Cette enquête comporte de ce fait des informations sur les ménages dont le chef est une personne âgée au travers du module sur les indicateurs de base du bien-être (questionnaire QUIBB).

La première question qui s’est imposée est : qui est considérée comme une personne âgée au Congo ? Il n’existe pas de définition unique et simple ; celle-ci varie en fonction des sociétés. L’âge de 60 ans qui fixe l’entrée dans la vieillesse dans les pays développés s’applique-t-il en Afrique subsaharienne et au Congo ? Sur quel critère faut-il se baser pour définir la personne âgée ? Si l’on se réfère à l’activité professionnelle et à l’âge de la retraite, alors, en dehors des fonctionnaires de l’État, l’âge de la vieillesse doit être fixée à 70 ans voire 75 ou 80. En effet, dans ce pays, en l’absence de système de retraite, les personnes continuent à exercer une activité, sans limite d’âge. Si l’on tient compte du niveau de l’espérance de vie à la naissance, qui est de 53 ans [1], et comparativement à la situation dans les pays du Nord où l’âge de la retraite est inférieur de 15 ans à celui de l’espérance de vie, alors la vieillesse pourrait commencer, au Congo, à 40 ans.

A des fins comparatives et en accord avec le seuil retenu dans la plupart des pays, la population âgée prise en compte dans la suite de ce travail est celle âgée de 60 ans ou plus.

Les personnes âgées des 60 ans ou plus sont au nombre de 177 508 au Congo, soit 4,8 % de la population totale . En reculant le seuil à 65 ans, la population âgée représente 3,2 % de la population (119 533 personnes) et en ne retenant que les individus âgés de 75 ans ou plus, 1 % seulement de la population est âgée (38 065). Au-delà de 90 ans, on ne compte plus que 2 176 individus.

Après un aperçu des disparités géographiques du vieillissement, nous présenterons les caractéristiques sociodémographiques de la population âgée et quelques éléments de ses conditions de vie, notamment de ses conditions d’habitat et de son bien-être, à partir des variables relevées dans le recensement et l’ECOM.

1. Disparités géographiques du vieillissement

Le degré de vieillissement de la population varie selon le milieu de résidence et selon les régions. Le vieillissement marque plus fortement les zones rurales où les personnes âgées représentent 7 à 8 % de la population (Tableau 1).

Tableau 1 : Part (en %) des personnes âgées de 60 ans ou plus selon le milieu de résidence

Ce sur-vieillissement du milieu rural apparaît comme la conséquence du rythme accéléré de l’urbanisation du pays. Des vagues entières de jeunes, que la démocratisation et la massification de l’éducation ont envoyées à l’école, quittent les zones rurales pour la ville afin de poursuivre leurs études ou dans l’espoir de se faire une situation et de toucher leur part de la rente pétrolière. Les zones rurales se vident ainsi de leurs éléments les plus actifs et ne sont plus habités que par leurs éléments les plus âgés. Les troubles politiques (1997, 1998-99 et 2001-2003) ont encore amplifié le mouvement en faisant disparaître de nombreux villages (Mianzenza, 2005).

Les cartes 1 et 2 présentent les disparités du vieillissement selon les régions. Les communes de Brazzaville et de Pointe Noire comptent les plus gros effectifs de personnes âgées mais le degré de vieillissement y est le plus faible du pays : moins de 3 % de personnes de 60 ans ou plus dans la population. Le vieillissement est également beaucoup moins avancé dans le département agro-pastoral de la Likouala, au nord du pays, où avec le nombre de personnes âgées est très faible. A l’opposé, la proportion de personnes âgées dépasse 8 % dans les départements ruraux du centre (Plateaux, Pool et Lékoumou).

Dans l’ensemble, la population âgée de 60 ans ou plus se répartit presque de manière égale entre les zones urbaines et les zones rurales : 44 % en milieu urbain et 43 % en milieu rural ; les 13 % restant résidant en milieu semi-urbain, alors que la population congolaise est au deux tiers urbanisée (tableau 2). La ruralité de la population âgée s’accroît sensiblement avec l’âge. Cette évolution par âge traduit un effet de génération : les générations les plus anciennes étant plus fréquemment rurales que les générations les plus récentes. Les femmes âgées vivent plus fréquemment dans les zones rurales que les hommes.

Tableau 2 : Répartition de la population selon le milieu de résidence

Carte 1 : Répartition des personnes âgées de 60 ans ou plus selon la région

Carte 2 : Proportion (en %) de personnes âgées de 60 ans ou plus selon la région

2. Caractéristiques sociodémographiques des personnes âgées

La composition par sexe et âge

Comme dans toute population, la population féminine est plus vieillie que la population masculine : respectivement 5,4 % et 4,2 % de personnes âgées de 60 ans ou plus (tableau 3).

Tableau 3 : Part des personnes âgées dans la population du Congo selon le sexe

La population âgée de 60 ans ou plus est composée à 57 % de femmes et cette proportion augmente avec l’âge comme l’illustre l’évolution du rapport de masculinité (figure 2). Toutefois, le rapport de masculinité diminue moins rapidement avec l’âge que dans las populations du Nord, reflétant ainsi le moindre écart entre l’espérance de vie des femmes et celle des hommes.

Figure 2 : Évolution du rapport de masculinité selon l’âge

Près de 60 % de la population âgée a moins de 70 ans, et les 90 % ont moins de 80 ans : les 60-64 ans représentent le tiers environ des personnes âgées, les 65-69 ans un peu plus du quart, les 70-74 ans près de 20 % et les 75-79 environ 10 % (tableau 4). Cette répartition par âge des personnes âgées est sensiblement la même pour les deux sexes à la différence près que les femmes sont proportionnellement plus nombreuses dans les groupes les plus âgés ; ce qui est conforme à la différence d’espérance de vie entre hommes et femmes (52 ans pour les hommes et 54 ans pour les femmes ).

Tableau 4 : Répartition par sexe et grands groupes d’âge des personnes âgées

Le niveau d’instruction

Les personnes âgées se caractérisent par un faible niveau d’instruction (Tableau 5). Parmi les personnes âgées de 60 ans ou plus, les deux tiers n’ont jamais fréquenté l’école (65 %), près du quart (24 %) n’ont qu’un niveau de primaire et 7 % seulement sont allés au collège. Les femmes sont davantage concernées que les hommes : 85 % d’entre elles sont sans instruction contre 38 % des hommes âgés et 11 % ont le niveau du primaire contre 41 % des hommes âgés (2,7 % au collège contre 11 %).

Tableau 5 : Niveau d’instruction des personnes âgées

Le niveau d’instruction s’avère plus élevé pour les générations les plus jeunes, ayant 60-64 ans et 65-69 ans au moment de l’enquête, et cela pour chacun des deux sexes.

Situation économique et activité professionnelle

A l’inverse des pays développés, la majorité de la population âgée du Congo est encore active. Plus de la moitié (52 %) déclare exercer une activité professionnelle (49 % des hommes et 54 % des femmes). Les retraités, ou ceux qui se sont déclarés comme tels, représentent 17 % des personnes âgées de 60 ans ou plus ; cette proportion s’élève à 36 % dans la population masculine. En effet les femmes qui ne déclarent pas exercer une activité professionnelle se disent ménagères (29 %) et plus rarement retraitées (3 %).

Ces proportions varient peu avec l’âge, contrairement à ce que l’on pourrait penser. La proportion des hommes âgés ayant une activité aux environs de 50 % entre 60 et 69 ans demeure ensuite autour de 45 % ; la part des retraités diminuent à partir de 80 ans (passe au-dessous des 30 %) au profit d’une catégorie "autre". Dans la population féminine, la proportion de femmes déclarant exercer une activité, de 58 à 60 % entre 60 et 69 ans passe aux environs de 50 % entre 70 et 79 ans pour diminuer ensuite à un quart de la population. La baisse de ces proportions se fait aussi au profit de la catégorie "autre" et de celle des ménagères.

Au total, la population âgée est encore très souvent active et le statut professionnel déclaré est celui de travailleur indépendant à plus de 90 %. Cette situation traduit un niveau élevé de précarité des activités économiques des congolais, dominées par le secteur informel ; jusqu’au aux alentours de l’an 2000, 5% seulement de la population active congolaise exerçait une activité économique relevant du secteur formel moderne.

3. Situation résidentielle des personnes âgées

La situation résidentielle des personnes âgées découle en partie de la situation matrimoniale et varie beaucoup selon le sexe, les femmes étant les plus vulnérables face à la solitude. Du fait d’un écart d’âge au mariage relativement grand, les femmes sont plus souvent veuves que les hommes (figure 3).

Alors que près de 80 % des hommes âgés de 60 ans ou plus sont encore mariés, ce n’est le cas que de 30 % des femmes. Notons que les personnes divorcées et les célibataires ne constituent qu’une partie infime de la population âgée. Quel que soit le sexe, la part des mariés diminue avec l’âge alors que s’accroît la part des veufs/ves.

Figure 3 : Situation matrimoniale des personnes âgées au Congo (en %)

Les personnes âgées vivent plus souvent seules que l’ensemble de la population, notamment les femmes. En effet, 14 % des personnes de 60 ans ou plus vivent seules contre 4 % pour l’ensemble de la population congolaise.

La solitude est plus marquée dans le monde rural qu’en ville et augmente avec l’âge, jusque vers 85-89 ans (figure 4) et affecte davantage les femmes (tableau 6) : 17 % d’entre elles contre 11 % des hommes. La situation est particulièrement critique pour les femmes résidant dans les zones rurales et semi-urbaines (figure 5). Elles sont donc amenées à subvenir elles-mêmes à leur besoins.

Figure 4 : Évolution de la proportion de personnes vivant seules selon l’âge et le milieu de résidence

Tableau 6 : Part des personnes âgées de 60 ans ou plus vivant seules (en %)

Figure 5 : Part des personnes âgées vivant seules selon le sexe et le milieu de résidence

Quand elles ne vivent pas seules, les personnes âgées vivent avec leur conjoint ou leurs enfants. Les personnes âgées qui vivent dans des ménages de deux personnes représentent 17 % du total et celles vivant dans des ménages de trois personnes, 12 %. Ensuite les proportions diminuent avec la taille du ménage (tableau 7). En milieu rural, les personnes âgées vivent proportionnellement plus souvent dans des ménages de petite taille, contrairement à ce que l’on observe en ville. A l’inverse, les personnes âgées vivant dans des ménages de plus grande taille (5 personnes ou plus) sont plus nombreuses en milieu urbain. Ceci pourrait s’expliquer principalement par le fort niveau de chômage des jeunes, obligés de demeurer plus longtemps à la charge des parents ou des aînés ayant bénéficié des effets de l’état providence. Dans l’ensemble, la taille des ménages ne varie pas considérablement selon la zone de résidence (4,9 en milieu rural à 5,5 à Pointe-Noire). En milieu rural, la taille et la composition du ménage sont modifiées par les migrations rural-urbain.

Tableau 7 : Taille des ménages dans lesquels vivent les PA (en % des PA) selon le milieu de résidence

4. Ménages dont le chef est une PA

Les personnes âgées sont encore très souvent (68 %) chef du ménage dans lequel elles vivent, même lorsqu’elles ne vivent pas seules ; et cela l’est encore davantage pour les hommes. La presque totalité des hommes âgés (94 %) et la moitié des femmes (48 %) sont responsables de leur ménage. Ce qui signifie que la moitié des femmes âgées devront se prendre en charge vivant seules (17 %) ou auront à leur charge d’autres membres de la famille (31 %). Ce n’est qu’à partir de 90 ans que la part des chefs de ménages dans la population féminine âgée diminue aux environs de 30 %. A partir de cet âge-là, les femmes sont davantage prises en charge par les enfants ou d’autres personnes de la famille élargie.

Les ménages dirigés par une personne âgée représentent 14 % de l’ensemble des ménages congolais : 11 % des ménages dirigés par un homme et 23 % des ménages dirigés par une femme. Ces proportions diminuent sensiblement en milieu urbain pour augmenter en milieu rural ; 9,7 % en milieu urbain et 22 % en milieu rural (15 % en semi-urbain) pour l’ensemble de la population. Quel que soit le milieu de résidence, ces proportions sont toujours plus élevées pour la population féminine : 23 % au total, 15 % en milieu urbain et 38 % en milieu rural (24 % en semi-urbain) (tableau 8).

Tableau 8 : Part des ménages dirigés par une personne âgée dans le total des ménages (en %)

La taille des ménages dirigés par une personne de 60-64 ans est en moyenne de 5 personnes soit une situation semblable aux autres ménages dont le chef est âgé de 40 ans ou plus. Au-delà de 65 ans les ménages comptent en moyenne une personne de moins (4,1 personnes par ménage pour les 65 ans ou plus). Il n’existe pas de différence significative selon le milieu de résidence.

Au total, 14 % de la population congolaise vit dans un ménage dirigé par une personne âgée (13 % de la population masculine et 15 % de la population féminine) ; 12 % en milieu urbain et 16 à 20 % en milieu rural (13 à 17 % en milieu semi-urbain).

Ménages unipersonnels

Les personnes vivant seules représentent 21 % environ des ménages dont le chef est une personne âgée de 60 ans ou plus, soit un peu plus que pour l’ensemble des ménages congolais (18 % sont des ménages d’une personne) (tableau 9).

Tableau 9 : Part des ménages unipersonnels dans le total des ménages (en %)

En zone urbaine, 14 % des ménages âgés sont des ménages de personnes seules contre 28 % en milieu rural (21 % en milieu semi-urbain). Ces proportions s’élèvent considérablement dans la population féminine contrairement à ce que l’on rencontre dans l’ensemble des ménages. En zone rurale, près de la moitié des ménages dirigés par une femme âgée sont des ménages unipersonnels, alors que ces derniers ne représentent que 8 % de l’ensemble des ménages.

Enfants des ménages dont le chef est une PA

Les ménages dirigés par une personne âgée comptent encore très souvent des enfants de moins de 17 ans à charge du chef de ménage, représentant 53 % des ménages dirigés par un chef de plus de 60 ans. Cette proportion s’élève à 58 % quand le chef est un homme et s’abaisse à 46 % quand le chef est une femme.

Maximale entre 60-64 ans (près des deux tiers pour les hommes), la part des chefs de ménages âgés ayant des enfants à charge diminue avec l’âge. Cette part ne passe, cependant, au-dessous de 40 % qu’à partir de 80 ans (75 ans pour les femmes).

Les chefs de ménage mariés ont plus fréquemment des enfants à charge que les célibataires, les divorcés ou les veufs, surtout lorsque le chef est un homme. Quand le chef de ménage est une femme, les différences selon la situation matrimoniale sont beaucoup moins marquées (tableau 10).

Tableau 10 : Part des ménages dont le chef est une PA ayant des enfants de moins de 17 ans à charge (en %)

5. Accès aux services sociaux de base et cadre de vie des ménages "âgés"

Certains éléments du cadre de vie des ménages et de l’accès aux services sociaux de base ont été relevés lors de l’enquête congolaise auprès des ménages, afin de faire le point sur les conditions de vie dans un souci d’amélioration de celles-ci. Les personnes âgées qui ne sont pas responsable du ménage car hébergées par un membre de la famille ne devraient pas avoir, à priori, des conditions de logement différentes de celles des autres membres du ménage. Nous nous sommes donc intéressés au cadre de vie des ménages dont le chef est une personne âgée.

Statut d’occupation du logement

Les ménages dont le chef est âgé vivent principalement dans des maisons individuelles (70 % d’entre eux) quel que soit le sexe du chef de ménage, puis plus secondairement dans des maisons à plusieurs logements (23 %). La maison individuelle est beaucoup plus développée chez les ménages âgés que dans la population totale où seulement 55 % des ménages vivent dans ce type d’habitat et 34 % en maison à plusieurs logements.

Les personnes âgées chefs de ménages sont presque tous propriétaires de leur logement, à raison de 87 % d’entre eux ; les locataires ne représentent que 8 % des ménages dont le chef est âgé de 60 ans ou plus. Ces proportions sont sensiblement identiques quel que soit le sexe du chef de ménage. En revanche, les locataires sont proportionnellement plus nombreux dans le groupe d’âge 60-64 ans (3 points de plus que la moyenne) au détriment des propriétaires et inversement dans les tranches d’âges plus élevées (70 ans ou plus). La propriété s’acquiert avec l’âge : dans la population totale les propriétaires ne représentent qu’un peu plus de la moitié (54 %) des ménages pour 37 % de locataires. On observe de grandes différences selon le milieu de résidence, la propriété étant quasi-générale dans les zones rurales (tableau 11). Les propriétaires de leur habitation sont avant tout des agriculteurs.

Tableau 11 : Part des ménages propriétaires et des locataires selon le milieu de résidence et l’âge du chef de ménage (en %)

Qualité du cadre de vie

La qualité du cadre de vie des personnes âgées est étudiée à partir des éléments de confort de l’habitation (énergie, eau de boisson, installations sanitaires, salubrité) et des équipements (ménager, transport, loisirs, communication) dont disposent les personnes âgées. Les caractéristiques du logement occupé laissent apparaître que la qualité des matériaux utilisés est moindre pour les ménages dont le chef est une personne âgée (tableau 12).

Tableau 12 : Accès au logement et cadre de vie des ménages dont le chef est âgé de 60 ans ou plus

Les habitations des personnes âgées sont en parpaings (26 %) en briques cuites (19 %), en briques non cuites (19 %), en planches (12 %) ou en terre battue (15 %). La plus faible proportion de maisons en dur chez les personnes âgées par rapport à l’ensemble (34 %) s’explique par la plus grande ruralité des personnes âgées. En effet, le parpaing est surtout utilisé en ville alors que dans les campagnes le matériau dominant est la terre battue (30 % des ménages ruraux) puis la brique cuite ou non cuite (20 %). Il n’existe pas de différences significatives selon le sexe du chef de ménage ni selon l’âge.

Les toits sont pour plus des trois quarts en matériaux durables (tôle, tuile ou béton), contre 82 % pour l’ensemble des ménages, et pour près de 20 % en paille ; cette dernière est surtout répandue dans les zones rurales où elle couvre près de la moitié des maisons. Le sol des habitations n’est en dur (ciment ou carreaux) que dans 46 % des cas contre 63 % dans l’ensemble des ménages ; plus de la moitié (52 %) des ménages dont le chef est une personne âgée possède encore une habitation avec un sol en terre battue (33 % dans l’ensemble des ménages). Le sol en terre battue se rencontre essentiellement en campagne (82 % des maisons) et en milieu semi-urbain (60 %). En ville, plus de 80 % des logements ont un sol en ciment. Le sol est plus souvent en dur quand le chef de ménage est un homme (50 %) et en terre battue quand le chef est une femme (58 %).

Au total, les logements dont le chef est âgé de 60 ans ou plus sont moins fréquemment en matériaux durables que pour l’ensemble des ménages. La différence provient d’une plus grande ruralité des ménages âgés.

Les logements dont le chef est une femme âgée de 60 ans ou plus sont en moyenne de taille plus petite que ceux dont le chef est un homme âgé. Ainsi, 44 % des femmes âgées chef de ménage ne disposent que d’une chambre à coucher dans leur logement contre 21 % des hommes. Or, les personnes âgées vivant seules dans leur logement représentent seulement 21 % des chefs de ménage. A l’inverse lorsque le chef de ménage est un homme, les logements comptent plus souvent trois chambres à coucher (23 % contre 15 %) ou quatre (30 % contre 12 %). Les logements sont en moyenne plus grands en milieu rural, notamment pour l’ensemble des ménages.

L’accès à l’électricité est également plus rare pour les ménages âgés : 23 % contre 35 % dans l’ensemble des ménages. Le type d’énergie utilisé par les personnes âgées est le plus souvent le pétrole (73 % d’entre eux), puis loin derrière l’électricité (22 %). Les autres sources d’énergie sont négligeables (2,5 % s’éclairent au bois). De très légères différences sont à relever selon le sexe : les hommes utilisent un peu plus souvent l’électricité (25 %) que les femmes (20 %), la balance se fait avec le recours au pétrole. Ces ménages, dont le chef est une personne âgée, semblent moins bien équipés que l’ensemble des ménages, disposant moins souvent de l’électricité (33 % du total des ménages utilisent l’électricité et 60 % le pétrole). Mais dans les zones rurales et semi-urbaines c’est 88 % et 81 % des ménages qui ont recours au pétrole alors qu’en zone urbaine 51 % des ménages s’éclairent à l’électricité.

Pour la cuisine, la source d’énergie la plus utilisée est le bois de chauffe (64 % contre 41 % dans l’ensemble des ménages) suivi du charbon (18 %). Le gaz n’est utilisé pour la cuisine que par 9 % des personnes âgées et le pétrole par 7 %. L’électricité n’est pratiquement pas utilisée pour la cuisine (2 %). Les femmes utilisent un peu plus le bois que les hommes, mais la différence est faible (65 % contre 60 % des hommes) et légèrement moins le charbon, le pétrole, mais surtout le gaz. Le bois est dans l’ensemble la source d’énergie des campagnes (88 % des ménages) et des zones semi-urbaines (69 %) ; en ville il n’est utilisé que par 14 % des ménages contre 41 % pour le charbon.

Plus de 80 % des ménages âgés ont accès à une source d’eau potable : 22 % des personnes âgées disposent d’un robinet dans la parcelle, 17 % d’un robinet hors de la parcelle, 18 % d’un puits ou d’un forage et 26 % d’une source. Il n’existe pas, sur la provenance de l’eau de boisson, des disparités selon le sexe des chefs de ménage ni entre les ménages âgés et l’ensemble des ménages.

Les installations sanitaires sont encore traditionnelles pour la plupart des personnes âgées. C’est le cas pour la douche : plus de la moitié (52 %) des 60 ans ou plus dispose d’une douche traditionnelle et près du quart (22 %) vont au cours d’eau pour se laver. La douche semi-moderne n’est utilisée que par 11 % des personnes âgées et la douche moderne par 9 % d’entre elles (4 % dans le logement et 5 % dans la parcelle). Là encore il n’existe pas de différences significatives selon le sexe. Les écarts sont également faibles avec l’ensemble de la population (53 % utilisent la douche traditionnelle et 13 % la douche moderne). En revanche, le lieu de résidence est un facteur plus déterminant du confort. Alors qu’en ville près de 20 % des Congolais disposent d’une douche moderne et 20 % d’une douche semi-moderne, en zone semi-urbaine la douche traditionnelle est utilisée par 70 % des personnes et en zone rurale le cours d’eau fait encore près de 50 % d’adeptes (47 %) et la douche traditionnelle (37 %).

Près de 20 % des ménages âgés ne disposent pas de toilette dans leur habitation. Le type de lieux d’aisance le plus répandu sont les latrines dans la parcelle (63 %). Par ailleurs, 16 % des personnes âgées ne disposent pas de lieu d’aisance et font leurs besoins dans la nature. 12 % disposent d’un WC moderne (4 % dans le logement et 8 % dans la parcelle) et 8 % d’une fosse vidangeable, légèrement plus souvent dans la population masculine. Là encore, les personnes âgées sont moins bien équipées que l’ensemble de la population, sans doute en lien avec leur habitat plus rural moins souvent pourvu de WC moderne et où les latrines dans la parcelle et le recours à la nature (33%) sont encore très répandus.

Le système d’évacuation des eaux usées est aussi très rudimentaire. Pour près de 60 % (57 %) des personnes âgées l’eau est évacuée dans la parcelle et pour 22 % dans la rue. Le puisard et le caniveau ne concernent respectivement que 5 % des personnes âgées. Le niveau d’équipement est toujours un peu moindre pour les femmes et que dans l’ensemble des ménages où une plus grande partie est évacuée dans la rue.

Le quart des ménages âgés dispose d’un système de ramassage des ordures ménagères : 14 % des personnes âgées donnent leurs ordures à un système de ramassage privé et 10 % les jettent dans une poubelle publique. Dans 49 % des cas elles sont laissées sur la parcelle et dans 15 % elles sont jetées dans la rue. Les différences sont plus marquées entre les milieux de vie qu’entre les ménages âgés et les autres.

Biens d’équipement des PA

L’équipement en appareils ménagers est dans l’ensemble faible pour les personnes âgées : 20 % d’entre elles disposent d’un fer à repasser et 11 % d’un réchaud à pétrole. Les autres équipements sont peu répandus (réchaud à gaz, réfrigérateur, congélateur et cuisinière). Les hommes paraissent toujours plus équipés que les femmes notamment en fer à repasser et en réchaud à pétrole (respectivement 25 % contre 17 % et 12 % contre 10 %). Les écarts sont nettement plus importants selon le milieu de résidence (tableau 13).

Les personnes âgées résidant en milieu urbain disposent plus souvent que les autres d’équipements ménagers en fer à repasser et réchaud à pétrole mais surtout en autres équipements. En revanche, les personnes âgées des zones rurales ne possèdent pratiquement pas d’équipement ménager. On observe le même sous-équipement des femmes quel que soit le milieu géographique.

Les hommes âgés étant presque tous des chefs de ménages leur équipement, correspond à celui des ménages dont le chef est une personne âgée. En revanche, il n’en est pas de même pour les femmes. Celles-ci disposent encore moins souvent d’équipements ménagers lorsqu’elles sont chefs de ménages : plus de la moitié moins que les chefs de ménage hommes.

Tableau 13 : Équipement ménager des personnes âgées selon le milieu de résidence (en % de l’ensemble des personnes âgées du milieu)

Peu de personnes âgées disposent d’un moyen de transport individuel ; le plus répandu chez elles est la bicyclette : 7 % des personnes âgées en possèdent une. La bicyclette est le moyen de transport privilégié dans les zones semi-urbaines (14 % des personnes âgées) et rurales (10 %). La pirogue vient ensuite comme moyen de transport individuel avec 5 % des personnes âgées qui en possèdent une (8 % en zone semi-urbaine et 10 % en zone rurale). La voiture n’est observée qu’en zone urbaine avec 4 % des personnes âgées en disposant. Ces proportions sont toujours un peu plus élevées pour les hommes que pour les femmes et les femmes sont moins bien équipées lorsqu’elles sont chefs de ménages que lorsqu’elles sont membres d’un ménage.

Si les personnes âgées ne disposent pas d’équipement électronique (micro-ordinateur ou boîte électronique), elles possèdent, en revanche, très souvent un téléphone mobile. Le tiers d’entre elles en possèdent mais en milieu urbain cette proportion s’élève à près de 60 % (26 % en milieu semi-urbain et 8 % seulement en milieu rural). On retrouve là encore le sous-équipement des femmes. En zone urbaine, ce sont les deux tiers des hommes âgés et 53 % des femmes qui possèdent un téléphone mobile. Lorsque la femme âgée est chef de ménage elle est moins bien équipée : 21 % des femmes âgées chef de ménage disposent d’un téléphone mobile contre 30 % de l’ensemble des femmes âgées. Pour les hommes il n’existe pas de différence entre les chefs de ménages et les autres (membres d’un ménage).

Les mêmes disparités sont observées quant aux équipements de loisirs et de divertissements (tableau 14). Les personnes âgées semblent dans l’ensemble bien équipées en matériel de loisir : plus de la moitié d’entre elles possède un poste de radio (27 %) ou de radio-cassette (27 %) et 17 % un téléviseur. Quand on passe en milieu urbain ces proportions s’élèvent pour dépasser le tiers pour chacun de ces trois équipements et 15 % des personnes âgées disposent d’un lecteur de CD. En milieu rural, en revanche, ces équipements sont moins répandus chez les personnes âgées.

Le sous-équipement est notoire chez les femmes âgées chefs de ménage : elles sont moins bien équipées, toutes zones de résidences confondues, que les personnes âgées des zones rurales ; alors que chez les hommes il n’y a pas de différences entre les membres d’un ménage et les chefs de ménage.

Tableau 14 : Équipement de loisirs des personnes âgées selon le milieu de résidence (en % de l’ensemble des personnes âgées du milieu)

Conclusion

La population âgée est encore peu nombreuse en République du Congo qui est encore fortement marquée par la jeunesse de la population ; seuls 4,8 % des habitants sont âgés de 60 ans ou plus. La description des caractéristiques sociodémographiques et des conditions de vie (de logement) de ces personnes âgées a permis de mettre en évidence certains aspects du vieillissement dans ce pays.

Vulnérabilité des femmes âgées

• Comme dans beaucoup de pays, la population âgée est en majorité composée de femmes, et le déséquilibre des sexes s’accentue avec l’âge : au-delà de 80 ans les deux tiers sont des femmes.

• Le vieillissement touche davantage le monde rural que le monde urbain : la part des personnes âgées est de 7 % en milieu rural contre 3 % en ville. Ainsi près de la moitié des personnes âgées vivent dans des zones rurales. Il ressort, au regard des caractéristiques sociodémographiques, que les conditions de vie des personnes âgées sont déterminées par le sexe, le niveau d’instruction et le milieu de résidence.

• Les femmes sont les plus vulnérables face au vieillissement alors que pour les hommes il y a moins d’écarts entre la vie adulte et la vieillesse. Plusieurs facteurs accroissent leur vulnérabilité :

  • Elles sont pour la plupart (85 %) sans instruction ;
  • Elles sont plus ruralisées que les hommes ;
  • La condition de la femme âgée est marquée par le veuvage : plus d’une femme sur deux est veuve (60 % sont veuves, célibataires ou divorcées) pour un homme sur 12. Près de la moitié des femmes veuves ont encore un enfant ou plus à charge. -* Les femmes âgées ont donc plus de risques de vivre seules, et cela d’autant plus dans les zones rurales : près du quart des femmes âgées en milieu rural vivent seules contre 13 % pour les hommes âgés.
  • Elles sont pour près de la moitié à être chef de ménage et près du tiers (31 %) ont à leur charge d’autres membres de la famille. En zone rurale, ces proportions augmentent et la moitié des ménages dirigés par une femme âgée est un ménage unipersonnel.

• Les conditions de logements des personnes âgées tiennent davantage au fait qu’elles vivent dans des zones rurales plutôt qu’à leur âge : type d’énergie, installations sanitaires, évacuation des eaux usées ou des déchets. Les femmes sont toujours moins bien équipées que les hommes.

Il faut ajouter à cela, que les personnes âgées sont les principales victimes d’une forte morbidité : le taux de morbidité dépasse 70 % dans la population âgée de 60 ans ou plus, augmentant avec l’âge. Le taux de consultation n’est pas significativement différent selon l’âge se situant entre 60 % et 70 % quelle que soit la tranche d’âges ; l’accessibilité financière aux services de santé apparaît plus problématique que l’accessibilité physique.

Il ressort donc que les conditions de vie des personnes âgées au Congo sont difficiles surtout pour les femmes qui apparaissent plus vulnérables et d’autant plus qu’elles sont chefs de ménages. Elles méritent donc une attention particulière de la part des autorités en vue d’une amélioration de leurs conditions de vie.

Or, en République du Congo, il n’existe pas de plan national sur le vieillissement visant à aider les personnes âgées (service de protection sociale, soins de santé, prise en charge à long terme). Celles-ci doivent se prendre en charge elles-mêmes ou doivent se faire aider par leurs enfants ou petits-enfants. Mais, en période de crise économique, les solidarités intergénérationnelles ont tendance à s’effriter (Béri, 2009).

Avenir du vieillissement au Congo

Dans l’avenir, et selon les perspectives des Nations Unies (World Population Prospects), le vieillissement de la population va s’accentuer avec la baisse simultanée de la fécondité et de la mortalité.

La physionomie de la pyramide des âges va donc connaître une importante évolution dans les cinquante années à venir (figure 6). De convexe avec une base très large et un sommet rétréci, elle tendra à devenir convexe relativement rétrécie à la base sans décrochage entre les générations.

Le groupe appartenant aux 0-14 ans, dont le poids n’a cessé d’augmenter depuis les années 1950 va marquer un reflux qui le conduira à 25 % en 2050. Le passage progressif du groupe des jeunes de moins de 15 ans à celui des jeunes adultes aura pour conséquence automatique l’augmentation de la part des 15-24 ans, puis celle des 25-59 ans à partir de 2030 qui constitueront 63 % de la population totale entre 2030 et 2050. Dans le même temps, la part des personnes âgées de 60 ans ou plus n’augmentera de manière significative qu’à partir de 2030 pour atteindre 11,5 % en 2050 (figure 7).

La période 2030-2050 devrait constituer une fenêtre démographique et devrait ainsi voir diminuer la charge des actifs, sous l’effet de la baisse de la part des jeunes et avant qu’augmente celle des personnes âgées. Ce sera un moment favorable que les pouvoirs publics devront savoir saisir.

Figure 6 : Pyramides des âges du Congo en 2030 et en 2050

Figure 7 : Évolution de la part des groupes d’âges de 2005 à 2050

Bibliographie

Antoine Philippe, Golaz Valérie, 2010, Vieillir au sud : une grande variété de situations, Autrepart, 53, pp. 3-16.

Béri Jean-Claude, 2009, Congo-Brazzaville : quelles réponses apporter au vieillissement des Congolais ?, Economie, 27 novembre 2009.

Mianzenza Aimé D., 2005, La population congolaise : évolution à long terme et impact sur les régimes sociaux, Cesbc, .

Mianzenza, Aimé D., 2001, "Crise économique et régression sociale", in Etsio (dir.) Congo 2000. Etats des lieux, Paris, L’Harmattan.

CNSEE, Recensement général de la population et de l’habitat – 2007.

CNSEE, 2006, Profil de la pauvreté au Congo en 2005, Enquête congolaise auprès des ménages pour l’évaluation de la pauvreté (ECOM 2005), Rapport final d’analyse, 124 p.

CNSEE et ORC Macro, 2006, Enquête Démographique et de Santé du Congo 2005, Calverton, Maryland, USA : CNSEE et ORC Macro, Rapport, 347 p.

United Nations, 2009, World Population Prospects, the 2008 Revision, site internet http://esa.un.org/unpp

[1] L’espérance de vie est de 52 ans pour les hommes et de 54 ans pour les femmes.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011