Accueil » Programme » Atelier 11 » Les conditions de vie des personnes du troisième âge à travers les enquêtes réalisées au Sénégal, à partir des années 1990

Les conditions de vie des personnes du troisième âge à travers les enquêtes réalisées au Sénégal, à partir des années 1990

États des lieux et perspectives

E.H. Seydou Nourou TOURÉ, IFAN-UCAD, Abdoulaye TALL, ANSD, Sénégal

Résumé

Cette étude s’intéresse au traitement de l’information recueillie sur les conditions de vie des personnes du troisième âge au Sénégal. Ces personnes sont assimilées à des groupes vulnérables au même titre que les femmes et les jeunes dans les différentes études consacrées à la pauvreté au Sénégal depuis le milieu des années 1990. Cette contribution cherche à apprécier les conditions de vie de cette catégorie prise isolément. Elle tente, en deux parties, d’informer sur la pauvreté chez les personnes du troisième âge et sur la qualité des indicateurs utilisés pour rendre compte de la vulnérabilité de cette couche de la population, et de montrer comment les solidarités publiques (fonds de pension, prise en charge sanitaire) et privées (transferts) sont mises à profit pour faire face aux besoins essentiels des familles.

Introduction

L’information contenue dans les bases de données relatives aux études consacrées à la pauvreté fournit des indications sur les conditions de vie des personnes du troisième âge. Cette couche est assimilée aux groupes vulnérables au même titre que les jeunes et les femmes. L’information sur les personnes du troisième âge se confond souvent avec celle des ménages dans les différentes enquêtes de suivi des conditions de vie réalisées au cours de la période post-ajustement structurel. Or, les données sur les ménages sont comptabilisées pour l’ensemble des membres du ménage. Elles ne sont pas désagrégées au niveau des individus alors que les chocs sanitaires et nutritionnels subis par les femmes et les enfants sont souvent mentionnés. Cette étude rend compte de la prise en charge des personnes du troisième âge dans ces différentes études. Elle tente, en deux parties, d’informer, d’abord, sur la pauvreté chez les personnes du troisième âge et sur la qualité des indicateurs utilisés pour rendre compte de la vulnérabilité de cette couche de la population, et de montrer, ensuite, comment les solidarités publiques (fonds de pension, prise en charge sanitaire) et privées (transferts) sont mises à profit pour faire face aux besoins essentiels des familles.

1. Problème et définitions

La pauvreté met en perspective le bien-être des populations mesuré par des indicateurs relatifs aux revenus et aux dépenses pour accéder aux biens et services dans les secteurs de la santé, de l’éducation, de l’alimentation, du logement, etc. (Touré, Lom, 2004). La mesure du profil de pauvreté est basée sur l’utilisation d’un indicateur composite qui résulte de l’effet combiné de plusieurs facteurs. La qualité de vie des populations est appréciée dans ce rapport à travers l’approche des besoins dits essentiels en matière d’éducation, de santé-alimentation et des besoins collectifs d’habitat (eau potable, électricité, assainissement). Cette approche basée sur la présentation de données agrégées par région ne permet pas de savoir, surtout pour les besoins alimentaires, quelle part de la population peut accéder à ces vivres, mais surtout quel est l’état de ces besoins pour les catégories vulnérables.

La construction d’un indicateur du développement social permet de mesurer l’offre potentielle par habitant (individu) dans les secteurs de l’alimentation et de la santé. Elle permet de mesurer, du côté de l’offre, les possibilités d’approvisionnement, mais néglige, du moins pour les questions alimentaires, la possibilité d’accéder ou de satisfaire les besoins et de réaliser un certain bien-être.

Le niveau de pauvreté des populations se mesure ainsi par celui de leur bien-être. Indissociable de la notion de la qualité de vie, cette notion a été souvent perçue comme un paramètre dont la mesure pourrait se faire à travers une combinaison de variables prenant en compte, à la fois, la dimension économique et la dimension sociale. En effet, la volonté de réduire une pluralité de paramètres en une seule valeur mesurable a conduit ces dernières années à adopter des démarches complexes de type agrégatif privilégiant des indicateurs synthétiques comme le PIB ou l’IDH et dont l’objet est de pouvoir refléter le caractère multidimensionnel de la pauvreté.

Avec le développement des DSRP et plus encore les OMD, la mesure du bien-être reste un souci pour les décideurs politiques, les chercheurs et les institutions internationales. Cette mesure ouvre des débats sur les « outils nouveaux, alternatifs » mais en réalité souvent complémentaires des grands indicateurs économiques classiques [1]. Ces débats mettent en jeu les partisans d’une vision s’appuyant sur des indicateurs de comptabilité nationale, le plus souvent de type macro-économique [2] et les tenants d’une démarche qui se fonde sur le caractère relatif du niveau de bien-être et du choix social [3]. Le bien-être est souvent assimilé à un niveau de confort résultant de la satisfaction effective des besoins de l’individu. C’est donc une situation graduelle dont le niveau dépend de la réduction des écarts entre l’état du moment et l’état de satisfaction intégrale des besoins.

Si le consensus autour de la notion de bien être n’est pas effectif, c’est en partie parce que la mesure du bien être inclut une perception de la richesse qui varie selon les contextes culturel et social, d’où une certaine part de subjectivité contrairement aux théories économiques qui tendent à reposer sur des critères dits normatifs. Les approches du bien-être et du choix social conduisent à une impasse, notamment en ce qu’elles tendent à ignorer les problèmes de répartition des richesses [4] pour ne s’appesantir que sur les inégalités, d’où un biais évident [5].

Par ailleurs, l’unanimité quant à la pertinence de tel ou de tel besoin pose problème et renvoie à la question de la relativité des priorités d’un individu à l’autre et d’une catégorie sociale à l’autre. Dès lors qu’une classification des besoins s’impose, la question des critères de classification et de leurs poids dans la mesure du bien-être suggère l’utilisation d’instruments de mesure appropriés.

Que ce soit la notion de besoins fondamentaux ou celle des besoins dits essentiels [6] (incluant les services sociaux de base), la question de la définition de ce qui est indispensable ou non reste donc au centre des préoccupations des décideurs et des analystes du développement humain. Celle-ci amène à établir un seuil dont la délimitation passe, jusqu’ici, par des approches qui se fondent sur les jugements des individus à partir desquels sont établies des normes conventionnelles. La démarche consiste d’abord à voir si ce qui est prioritaire ou essentiel est appréhendé, ensuite « à définir un budget minimal nécessaire » à la prise en charge de cette catégorie de besoin et, enfin, à fixer un « seuil conventionnel » le plus souvent d’ordre monétaire.

La question de la vulnérabilité reste, comme celle du bien-être, au centre des difficultés d’interprétation des indicateurs de la pauvreté. Si la vulnérabilité se définit en termes « de risques et d’exposition des populations à ces risques [7] », l’étude des liens entre vulnérabilité et pauvreté devrait s’appliquer à toutes les couches de la population, y compris les personnes du troisième âge. Car la vulnérabilité met en perspective le risque de bascu¬lement de certains groupes ou individus dans la pauvreté en raison d’une perte significative de bien-être qui procède d’un changement de situation (DSRP II, 2006, 18). Par exemple, les départs à la retraite des personnes du troisième âge marque un changement de situation qui consacre l’abandon de la vie active et une perte (réduction) de revenus qui affecte négativement leur capacité de résistance aux chocs sanitaires ou autres, ainsi que la qualité de vie des personnes du troisième âge. La rupture avec le monde du travail fragilise une bonne partie de cette couche atteint par la limite d’âge au travail, et contrainte par une capacité budgétaire réduite qui limite du même coup les possibilités d’accès à certains services.

Il est à signaler que la mesure de la vulnérabilité repose sur une analyse dynamique des conditions de vie que la tradition en matière de collecte de données n’a pas encore permis de régler [8]. La collecte de données historiques est nécessaire pour réaliser des analyses longitudinales qui sont plus appropriées pour le suivi de l’évolution des conditions de vie et pour l’appréciation de leur dégradation [9]. Elle fait appel à des systèmes d’observation et d’information continue qui permettent une collecte régulière des données. Or les sources de données sont périodiques. Elles présentent des situations séquentielles (ou des états) dont les limites majeures restent l’agrégation des informations et le caractère par trop globalisant de l’approche. Les mutations n’y sont perceptibles qu’enveloppées dans des « volumes de populations » touchées par un phénomène sans que les écarts notés ne puissent être retracés de manière dynamique. Il devient, par conséquent, difficile de mettre en évidence les caté¬gories de populations concernées par une « mobilité » d’un état à un autre (riches basculant vers la pauvreté, pauvres sombrant dans une pauvreté plus extrême, pauvres sortant de la pauvreté sans compter les catégories qui parviennent à se stabiliser devant ces situations).

Ainsi, faute de pouvoir se matérialiser dans la continuité, le suivi de la vulnérabilité se satisfait de récits de vie anecdotiques qui mentionnent les inégalités de chance liés à des handicaps (facteurs physiques, intellectuels, ou d’opportunités) ou des manques qui réduisent les potentiels d’action des groupes ou des individus. La généralisation des histoires de vie des individus peut introduire des biais et paraître, à bien des égards, abusive.

Le suivi de la vulnérabilité des personnes du troisième âge est encore plus difficile en raison de leur faible niveau d’implication dans la génération des ressources (revenus d’emplois). Il l’est surtout du fait de la primauté accordée aux jeunes et aux femmes dans les politiques de développement et, notamment dans les programmes de lutte contre la pauvreté. Les personnes du troisième âge sont ainsi marginalisées alors que leur statut dans la société leur confère un rôle de décideurs habilités à prévenir et à amortir les chocs pouvant se traduire par un accroissement de la pauvreté sur les individus et sur la famille. Leur spécificité tient aussi dans leur plus grande vulnérabilité devant les chocs économiques et la maladie du fait de handicaps plus importants (physiques, intellectuels et mentaux).

Les personnes du troisième âge cumulent ainsi plusieurs handicaps comme le soulignent le tableau qui suit.

Tableau n°1 : Niveau de prévalence de handicaps dans la population totale et chez les 60 ans et +

On retrouve ainsi chez les personnes âgées 4 à 5 fois plus de personnes atteintes de handicaps que dans la population générale. Ceci ajoute à leur vulnérabilité d’autant plus que les sous-catégories de personnes du troisième âge n’exerçant pas d’activité économique (femmes au foyer, retraités, vieillards, etc.) peuvent être limitées dans l’accès aux ressources (revenus) et être plus exposées à des problèmes de bien-être. Au total, ces situations vécues par les personnes du troisième âge incitent à faire une revue de la littérature consacrée à la pauvreté pour examiner de quelle façon celles-ci sont prises en compte dans les différentes études consacrées à la pauvreté.

2. Informations sur les personnes du troisième âge dans les études consacrées à la pauvreté

Les Documents de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP I, II) sont des documents de politique économique et sociale conçus pour donner une orientation à la politique de réduction de ce phénomène. L’insuffisance et les inégalités d’accès des popu-lations aux différents services de base (éducation, santé, eau potable assainissement) sont signalées dans les DSRP I et II. Dans les cas spécifiques de la santé et de la nutrition, les enfants et les femmes sont considérés comme des sujets particulièrement vulnérables dont l’exposition à certains risques sanitaires est plus forte comparée aux autres couches de la population. Les personnes du troisième âge ne sont pas prises en compte dans ces cas-là, non pas parce que ces groupes ne sont pas exposés au risque de maladies, mais surtout parce que les approches classiques dans les études de population et de santé tendent à privilégier les jeunes et les femmes. S’y ajoute le fait que les statistiques sanitaires sont quasi inexistantes voire faibles, ce qui rend difficile la collecte de données sur cette couche de la population.

Le diagnostic de la pauvreté présenté dans le DSRP II renseigne sur l’incidence de la pauvreté au sein du ménage en milieu urbain et rural, et sur les liens entre la pauvreté et la taille du ménage. Il indique qu’environ 56% des ménages dirigés par une personne du troisième âge sont touchés par la pauvreté et mentionne les difficultés rencontrées par cette tranche d’âge (plus de 60 ans) parmi lesquelles figurent l’insuffisance de la prise en charge, le coût élevé des consultations, des actes médicaux et des médicaments relatifs à leur santé physique, et l’accès difficile au crédit bancaire. La vulnérabilité des ménages dirigés par des personnes du troisième âge est aussi liée à l’entrée tardive des jeunes dans la vie active qui retarde leur accès à l’autonomie financière (DSRP II, 9, 10).

Cependant, la définition de la vulnérabilité donnée dans les DSRP I et II montre bien l’intérêt de prendre en charge les personnes du troisième âge par un système de protection sociale adéquat pour éviter leur basculement dans la pauvreté lorsque surviennent des chocs qui pourraient les entraîner dans le cycle de pauvreté. Les personnes du troisième âge figurent bien dans l’estimation des groupes vulnérables mentionnées dans le DSRP I (2001, 30). Elles concernent ici les personnes âgées de 50 ans et plus alors que dans le DSRP II (2006, 10) [10], les personnes de cette tranche ont 60 ans et plus. L’écart de 10 ans observé sur l’âge des personnes du troisième âge entre les deux documents (DSRP I et II) provoque des pertes d’information et rend difficile le suivi de cette population d’un document à l’autre.

Le déplacement à 60 ans de la limite d’âge des personnes du troisième âge peut laisser supposer que leur âge est en réalité calé sur le départ à la retraite des travailleurs des secteurs publics (fonctionnaires) et ceux du secteur privé. Même si ces catégories de travailleurs présentent l’avantage d’appartenir au secteur dit structuré avec des revenus réguliers et la garantie de bénéficier d’un système de protection sociale, elles représentent un très faible pourcentage (5,7%) [11] et sont très peu représentatives de la population des personnes du troisième âge appelés les aînés.

Dans la composante de la stratégie nationale de protection sociale, le DSRP I reste vague sur les objectifs des programmes en faveur des « aînés ». Ce document (DSRP I, 2001, 32) souligne l’absence d’initiatives destinées à prendre en charge cette catégorie et se limite à l’énumération du programme de l’État axé sur les questions de population, à savoir notamment la mise en place d’un système de prise en charge, la reconversion professionnelle et la garantie de l’épanouissement physique et moral des personnes du troisième âge.

Le DSRP II (2006, 52 et 53) énonce des objectifs plus explicites pour la protection sociale des groupes vulnérables. Ce document indique la nécessité de mettre en œuvre des actions visant l’épanouissement physique et moral et l’amélioration de leur prise en charge et de leur conditions de vie par la création d’un minimum vieillesse qui garantirait un revenu minimal à tout « aîné » jouissant ou non d’une pension de retraite de base, la mise en œuvre de mesures fiscales incitatives en faveur des retraités, l’amélioration du pouvoir d’achat, la sécurité du travail des « aînés » qui exercent une activité professionnelle, la mise en place de structures sanitaires spécialisés en gériatrie en vue d’améliorer la couverture de leurs besoins sanitaires, en tenant compte de services spécifiques aux femmes âgées et, enfin, la mise en place d’un système durable pour assurer un accès gratuit aux services de santé aux personnes âgées d’ici 2010.

A côté de documents politiques, l’étude de la Banque mondiale consacrée à la gestion des risques en milieu rural au Sénégal [12] est, comme l’indique son titre, une revue multi¬sectorielle des initiatives prises dans ce pays en matière de réduction de la vulnérabilité. Elle se propose de livrer au Gouvernement du Sénégal des informations pour la conception et la mise en œuvre des politiques visant la réduction de la vulnérabilité des populations pauvres en milieu rural. Les personnes du troisième âge ne figurent pas dans les groupes les plus vulnérables recensés dans l’encadré n°1 de ce document (Banque mondiale, 2006, 11), qui s’intéresse aux groupes vulnérables dans les zones rurales et aux chocs auxquels les ménages ruraux sont confrontés.

Les données empiriques compilées à partir des enquêtes sur les conditions de vie réalisées par les agents de la Direction de la Prévision et de la Statistique (DPS) devenue l’Agence nationale de la Statistique et de la Démographie (ANSD) donnent une idée du contenu de l’information collectée sur le niveau de vie des populations et consignée dans des bases de données sur les ménages (ESAM I et II, ESP, ESPS, etc.). Les questions soulevées s’orientent vers l’évaluation des besoins de la population. L’examen du questionnaire révèle que la section santé marque un intérêt particulier pour les femmes en état de grossesse et les jeunes. Des questions d’ordre général sont posées sur les consultations, les problèmes d’accessibilité (cherté, distance, etc.). Elles concernent aussi bien les personnes du troisième âge que les autres. Autant dire que les données recueillies ne font pas l’objet d’un traitement particulier pour les personnes du troisième âge. C’est aussi le cas pour les questions sur l’emploi. Dans cette perspective, même si les questions concernant l’activité actuelle s’inté-ressent aux retraités, les questions posées sont d’ordre général. Les dépenses réalisées ne sont pas pondérées par rapport à l’âge et au sexe des individus enquêtés. Les dépenses de santé et d’éducation devraient permettre de comprendre si les personnes du troisième âge supportent des charges plus élevées dans ces deux secteurs même si une directive présidentielle institue depuis l’année 2006 la gratuité de soins pour ces personnes du troisième âge mais non pour les membres de leur famille.

Les rapports produits à partir de ces enquêtes mettent l’accent sur la demande d’éducation, de santé et la demande alimentaire, et présente la structure des dépenses de consommation réparties selon la nature des dépenses et le milieu de résidence. La répartition des dépenses des ménages est analysée selon les caractéristiques des ménages relatifs au sexe du chef de ménage (CM), son niveau d’instruction, et la taille du ménage. Ainsi, l’analyse de caractéristiques socioéconomiques des ménages (éducation, santé, patrimoine, emploi, dépenses, etc.) s’appuie sur les caractéristiques individuelles du chef de ménage. Le ménage est défini comme un ensemble d’individus (a) résidant ensemble (b) mettant en commun leurs ressources (c) et reconnaissant l’autorité du chef de ménage (DPS, 2004).

L’approche conceptuelle de la notion de ménage amène à considérer dans la catégorie des chefs de ménage à la fois les personnes du troisième âge et les personnes âgés de moins de 20 ans (RGPH-2002, ESAM). Par conséquent, le statut du chef de ménage n’est pas spécifié par rapport à l’âge du chef de ménage. En revanche, la structure par âge des individus qui composent le ménage permet de se faire une idée sur la proportion des personnes du troisième âge au sein du ménage. Le rapport des personnes du troisième âge qui ont le statut de chef de ménage à l’effectif total des personnes du troisième âge dans la population enquêtée permet de savoir le pourcentage de personnes du troisième âge qui n’ont pas le statut de chefs de ménage. Ainsi, on pourrait classer les personnes du troisième âge en 2 catégories : les personnes du troisième âge chefs de ménages et (2) les personnes du troisième âge « ordinaires », pris en charge dans des ménages dirigés par des individus moins âgés.

En outre, les données disponibles (aussi bien celles issues du recensement [13] que celles fournies par l’enquête ESAM II [14]) permettent de relever qu’environ 50% des personnes du troisième âge (60 ans et +) ont un statut de chef de ménage et le reste est pris en compte par des chefs de ménages moins âgés. Parmi ces personnes du troisième âge pris en charge, environ 10% sont constitués de conjoints, 20 à 23% sont des ascendants directs (ou parents) du Chef du ménage tandis que plus d’une personne âgée sur 10, liée au chef de ménage, entre dans la catégorie « d’autres parents ». Cette situation peut être mesurée dans le tableau suivant qui tente d’établir une correspondance entre la situation en 2002 et celle trouvée au sein des ménages en 2005.

Tableau n°2 : Statut de la personne du 3ème Age (60 ans et +)

Une telle classification peut ainsi induire un certain nombre de biais et plus particu-lièrement une perte d’informations dans la prise en compte de la situation de la personne âgée (le profil de pauvreté) et dans les besoins spécifiques des différentes catégories que cette cible comprend i.e. dans la mesure de son niveau de bien-être.

Si les auteurs du rapport de synthèse de l’ESAM II insistent sur « l’intérêt de mettre en avant les caractéristiques personnelles du chef de ménage », c’est à cause de l’autorité que ce dernier exerce et de la responsabilité qu’il assume dans les décisions prises concernant le ménage considéré collectivement ou à travers ses différents membres (ESAM II, 2004, 37). Mention est faite dans la deuxième section du rapport du profil du chef de ménage, de ses caractéristiques démographiques et sociales ainsi que de sa situation par rapport à l’activité économique. L’âge du chef de ménage est signalée dans un bref chapitre pour indiquer l’âge moyen des chefs de ménage (50,0 ans), et la forte présence des personnes âgées à la tête des ménages [15] (ESAM II, 2004, 40) ; celles-ci restent actives si l’on tient compte de la reprise de l’activité par les travailleurs du secteur formel après le départ à la retraite.

Cette forte proportion des personnes du troisième âge n’a pas incité à un traitement spécifique de cette cible dans les différentes sections du rapport de synthèse de l’ESAM II pour présenter avec netteté les bases de leur vulnérabilité. Le document met plus l’accent sur les problèmes rencontrés par les populations pour accéder aux services sanitaires et sur la nécessité « d’aider les gouvernants à mieux assurer leur mission de protection de la mère et de l’enfant, notamment à travers les projets de lutte contre la malnutrition (ESAM II, 2006, 75). Il insiste sur la prise en charge des femmes pour les soins prénatals, l’assistance à l’accou-chement et sur la malnutrition des enfants de moins de 5 ans. Reste que cette conception de la vulnérabilité des enfants n’est pas articulée au niveau de vie des ménages, par conséquent à la situation du chef de ménage, pour faire ressortir les déterminants socio-familiaux de la malnutrition.

En somme, la base de données constituées à partir des enquêtes sur les conditions de vie des ménages (ESAM, EDS, Enquête 123, QUID, ESAM, ESPS) fournit des indications d’ordre général sur la population globale du Sénégal, incluant les personnes du troisième âge. Les rapports issus de ces différentes études ne présentent pas d’analyse spécifique sur les personnes du troisième âge, même si les données permettent de procéder à des extractions pour réaliser des analyses approfondies sur une cible particulière.

3. Mesure de l’incidence de la pauvreté

Les méthodes utilisées pour évaluer les situations de pauvreté affectant certaines couches de la population sénégalaise ne permettent pas de rendre compte de l’évolution de ce phénomène dans la durée. La question du bien-être reste comme celle de la vulnérabilité au centre des difficultés d’interprétation des indicateurs de la pauvreté. Au Sénégal, comme dans d’autres pays, le recours à des enquêtes de perception a permis d’établir des indicateurs et d’appréhender la question de la vulnérabilité et le bien-être des populations.

Cette démarche reste le soubassement de la plupart des enquêtes budget/consom¬mation ou celles plus récentes sur les conditions de vie (ESP, ESAM, QUID, ESPS, etc.). Cette approche accorde une place importante à la structure des revenus et/ou des dépenses présentées selon des normes standard qui permettent de mesurer des ordres de grandeur arithmétiques occultant ainsi les réalités sociologiques et sociodémographiques (culturelles, familiales, etc.).

La contextualisation des revenus et des dépenses par rapport à une période, un milieu ou à une culture donnés reste ici une tâche ardue, pertinente mais difficilement réalisable, en raison de la complexité qu’une telle disposition pourrait introduire dans les modèles de calcul [16]. Le but de ces modèles est de rendre plus intelligible le phénomène de la pauvreté aux fins de pouvoir établir des comparaisons et déterminer, au besoin, des stratégies ou des politiques visant à réduire les écarts entre unités d’observations ou catégories.

En réalité, on ne peut que déplorer que ces approches, qui articulent des matrices complexes (revenus vs dépenses), aient plus tenté de mettre l’accent sur les inégalités. De plus, il est rare qu’une analyse des déterminants se préoccupe de décrire de façon exhaustive les processus ayant conduit à la situation observée. Ce qui est le plus souvent apprécié, c’est le comportement du ménage (ici l’unité d’observation par excellence de ces enquêtes) devant les effets du phénomène de la pauvreté. L’incidence de la pauvreté est donc plus mesurée au niveau le plus bas (bottom level) : en d’autres termes, il est plus question de voir les effets de ce phénomène chez les individus et les ménages que de s’attaquer aux facteurs structurels qui ont conduit à cette situation.

Le calcul des indicateurs

L’évaluation de la pauvreté semble avoir été faite uniquement à partir des dépenses si l’on considère les méthodes utilisées dans l’ESAM II et l’ESPS pour apprécier le niveau de pauvreté des populations. Il s’est agi de voir de quelle façon le ménage est en mesure d’acquérir un minimum de biens considérés comme essentiels pour le panier de la ménagère.

Il est admis que la pauvreté est un phénomène cumulatif nécessitant pour son calcul une approche multidimensionnelle combinant ainsi plusieurs facteurs en relation avec les ressources disponibles et les possibilités des individus ou des ménages à y accéder (GRS [17], 1998 : AFDS [18], 2004). Une telle perception de la pauvreté conduit nécessairement à calculer un indice « composite » qui fait la synthèse de l’incidence de multiples facteurs. La démarche utilisée consiste à calculer des indicateurs aptes à retracer les inégalités dans les domaines ciblés (santé, éducation, environnement, création de revenus), et à déterminer un indicateur de synthèse qui agrège l’incidence des différentes composantes. L’accès des personnes du troisième âge à l’emploi permet aussi de se faire une idée sur les opportunités offertes à cette catégorie pour générer des ressources et prendre en charge leurs besoins spécifiques en termes de dépenses.

L’emploi chez les personnes du troisième âge

L’emploi des personnes du troisième âge revêt un intérêt manifeste à partir du moment où on considère qu’une importante partie d’entre eux assume des charges de chef de l’unité de consommation familiale. Les données disponibles sur l’emploi des personnes du troisième âge mettent en évidence un taux d’occupation selon lequel plus d’un tiers des personnes de cette catégorie continuent d’occuper un emploi en dépit de leur âge. Le niveau d’occupation baisse en six ans de 6 points entre l’ESAM I et l’ESAM II et de plus de deux points en un an entre l’ESAM II et le Recensement général de la population et de l’habitat [19].

Tableau n°3 : Activité principale de la population âge de 60 ans et +

L’emploi des personnes du troisième âge se confond le plus souvent à des activités qui se mènent en marge du marché du travail et qui s’appuient, parfois, sur des ressorts de type familial voire domestique. Ainsi selon l’ESAM II, près de 9 emplois sur 10 occupés par les personnes du troisième âge (soit 87,4%) se rencontrent dans le secteur des emplois de type individuel ou réalisés au sein du ménage. La proportion des personnes du troisième âge qui travaillent dans l’administration publique ou parapublique reste marginale. Cependant, une faible proportion de ces personnes (soit 3,9% en 2001 et 2,5% en 2005) s’investit dans le secteur privé tandis qu’une part non négligeable est enregistrée dans les emplois de type « autres ».

Tableau n°4 : Secteur d’activité de la population âge de 60 ans et +

Les revenus des ménages ne sont pas pris en compte dans ces différentes enquêtes. Les tableaux ci-dessus permettent de se faire une idée des types de dépenses réalisées par les catégories de chef de ménage âgés de 60 ans ou moins, ainsi que des types de dépenses en biens et en service réalisés par les ménages dirigés par les personnes du troisième âge selon le milieu de résidence.

L’activité des personnes du troisième âge est essentiellement dominée par deux grandes branches d’activité que sont les commerces et les services marchands, d’une part et, d’autre part, les activités primaires. Environ la moitié des effectifs des personnes du troisième âge, soit respectivement 36,4% et 12,7%, se concentrent en 2001 sur les activités de commerce et de services marchands. Les activités du secteur primaire comprenant les acti¬vités agricoles (30,3%) et les activités de pêche (2,6%) occupent environ 1/3 des personnes du troisième âge en 2001 tandis que ces deux activités représentent les domaines dans lesquels s’insèrent plus de la moitié des personnes du troisième âge en 2005, soit respectivement 51% et 2%. Le commerce et les services marchands baissent en 2005 (ESPS) par rapport à leur niveau de 2001 (ESAM II) avec des proportions avoisinant le tiers des effectifs des personnes du troisième âge occupées.

En dehors de ces deux groupes, les branches d’activités manufacturées, les BTP et dans une moindre mesure les services domestiques et les Transports constituent des domaines dans lesquels se spécialisent les personnes du troisième âge avec des niveaux de participation faible. Il en est ainsi des activités administratives (publiques ou privées) au niveau desquels on ne dénombre que 2,4% des personnes du troisième âge en tout en 2001. Cette situation est bien décrite dans le tableau suivant.

Tableau n°5 : Branche d’activité principale de la population âgée de 60 ans et +

Par ailleurs, les personnes du troisième âge s’établissent généralement comme indé-pendants et travaillent à leur propre compte dans plus de 8 cas sur 10 (voir tableau n° 6) et, dans une moindre mesure, comme aide familial et comme salarié. En outre, le nombre de personnes du troisième âge pourvoyeurs d’emplois n’est pas très significatif par rapport à leur représentativité au niveau de l’ensemble de la population.

Tableau n°6 : Situation dans la profession de la population âgée de 60 ans et +

Les tableaux suivants donnent des indications sur le niveau de dépenses obtenues à partir des données fournies par l’ESAM II. Ils mettent en évidence certains postes de consommation des ménages. Dans un premier temps, les dépenses des ménages des personnes du troisième âge sont comparées à celles des chefs de ménages plus jeunes. Ensuite, cette comparaison se fera au sein même des ménages des personnes du troisième âge.

Tableau n°7 : Type de dépenses en bien et services réalisées par catégorie de Chef de ménage

La structure des dépenses (colonne n° 4) des ménages dirigées par les personnes du troisième âge ou les jeunes montre que les dépenses consacrées à l’alimentation (54,6% contre 53,4% pour les jeunes), à l’habillement, aux équipements ménagers et aux cérémonies familiales sont sensiblement égales pour les deux catégories de ménage. Si pour le poste relatif au logement, les personnes du troisième âge consacrent un effort légèrement plus important (18,3% contre 16,7%), en revanche elles dépensent moins pour le transport (4,4%) par rapport aux chefs de ménage plus jeunes (7%).

Cependant, des écarts importants sont notés selon le milieu de résidence entre certains postes de dépenses des ménages dirigés par des personnes du troisième âge (voir tableau n° 8).

Tableau n°8 : Type de dépenses en biens et services réalisées par les ménages dirigés par des personnes du troisième âge selon le milieu de résidence (Source : ESAM II, 2001)

Le montant de la dépense globale journalière par personne est au moins 2 fois plus faible en zone rurale (308 FCFA contre 639 FCFA pour les individus appartenant à des ménages dirigés par une personne du troisième âge. L’effort pour accéder à la nourriture est plus important pour les ménages ruraux et requiert plus de la moitié des ressources disponibles par individu (63,2% contre 48,8% en zone urbaine) alors que ces zones concentrent 59% des ménages (soit 6 ménages sur 10) dirigées par une personne du troisième âge.

Les dépenses pour les besoins en matière de logement et d’accès aux services de base, qui constituent le deuxième poste de dépenses le plus important, enregistrent des écarts importants. Comparés à ceux des zones rurales, les ménages en zones urbaines font face à des charges deux fois plus importantes : ils engagent en moyenne 22,6% de leurs ressources alors que les ruraux affectent seulement 11,8% des dépenses à ce poste.

4. Les solidarités publiques et privées (fonds de pension, prise en charge sanitaire, transferts) à l’égard des personnes du troisième âge

Les solidarités publiques et privées sont nécessaires là où la pauvreté réduit à la fois le pouvoir d’achat et l’accès aux services de base des ménages. L’État intervient pour corriger les distorsions de revenus entre les différentes catégories sociales en accordant des subventions sur certains produits qui entrent dans la consommation courante des ménages. L’évolution du taux d’inflation illustre bien la dégradation des conditions de vie des ménages au Sénégal, depuis l’année 2006. En effet, le taux d’inflation est passé de 2,1% en 2006, à 5,9 % en 2007 et à 5,8 % en 2008 en variation annuelle. Le niveau d’inflation s’est ainsi stabilisé en 2008 après avoir connu une hausse de plus de 280% alors que le taux de croissance ainsi que le PIB/tête n’ont pas connu des performances comparables [20]. L’État a octroyé des subventions sur les prix de l’électricité et le gaz butane. Ce sont des transferts réalisés en faveur des ménages qui allègent la facture de la consommation pour ces deux produits. Ainsi, les subventions des prix électricité et gaz butane sont estimées à 103 milliards FCFA, ce qui équivaut à 10 % des recettes de l’État en 2006 contre 1,5 % en 2004. En 2008, la subvention a été portée à 72 milliards de FCFA. Elle a été levée en 2009 avec les tensions de trésorerie observée et son impact sur le déficit budgétaire. Ces transferts profitent à l’ensemble de la population. Ils ne sont pas destinés aux catégories vulnérables qui concernent aussi les personnes du troisième âge.

Si l’en croit les conclusions du rapport de l’Institut IDEA international, les transferts peuvent produire un impact très positif dans la lutte contre la pauvreté. En effet, les conclusions de ce rapport (6, 2008) indiquent bien que le transfert direct à chaque personne du troisième âge d’un montant égal à la moitié du SMIG réduirait l’incidence de la pauvreté de 6 points de pourcentage au niveau de national. Avec le même montant, l’impact du transfert serait encore plus significatif en milieu rural, car la pauvreté y serait réduite de 13 points.

Au nombre des initiatives en faveur des couches vulnérables conduites par le gouvernement du Sénégal figurent :

  • le programme d’allocation financière fixe pendant quelques mois à des enfants de familles défavorisées en vue d’améliorer leur état nutritionnel (Programme de Renforcement de la Nutrition (PRN). Ce programme soutenu par la Banque mondiale, est logé à la Primature ;
  • l’initiative nationale pour la Protection Sociale (INPS) avec la distribution de bons d’achat, en rapport avec le PAM (Ministère de la Famille) ;
  • Le Fonds National de Solidarité (Ministère de la Famille) ;
  • Le Plan SESAME pour la gratuité des soins aux personnes âgées (Ministère de la Santé) ;
  • Projet PAPA : financement des personnes âgées (micro financement, Ministère de l’Action Sociale).

Les personnes du troisième âge sont bénéficiaires de deux programmes sur les cinq recensés. Ils profitent aussi indirectement des programmes destinés aux familles défavorisées.

Cette assistance est nécessaire car le rapport de l’Institut IDEA international (3, 2008) atteste que seuls 13,3% des individus, incluant les travailleurs des secteurs public et privé et correspondant à 7,8% de la population active, serait couverte par la sécurité sociale. Ensuite, seuls 29,4% des personnes âgées bénéficient d’une couverture répartie entre le FNR et l’IPRES. Les efforts réalisés par l’État dans ce secteur sont encore insuffisants car le montant des dépenses consacrées à la sécurité sociale ne dépasse pas 3,5% du PIB. Outre les transferts qui proviennent du ministère de la solidarité nationale, estimé à 6 milliards de francs en 2004, « les collectivités locales reçoivent chaque année des allocations budgétaires dans le cadre du fonds de dotation à la décentralisation qui leur permet de participer à l’effort de santé et d’accorder des secours aux groupes vulnérables dont les personnes âgées font partie » (Institut IDEA international, 4, 2008).

Il semble que les préoccupations des personnes âgées ne sont pas totalement prises en compte pour l’accès à consultations spécialisées, aux médicaments destinés aux traitements de leurs pathologies et aux moyens de diagnostic. Dans cette perspective, le plan Sesame mis en place depuis le 1er septembre 2006 devait permettre aux personnes du troisième âge de bénéficier gratuitement de l’accès aux prestations médicales, à l’hospitalisation, aux médicaments essentiels, aux analyses biologiques et à la radiologie (IDEA, op cit). Il est aussi question de mettre en place un système d’assurance maladie en faveur des personnes du troisième âge. Ces derniers pourraient bénéficier de cette assurance ; moyennant le paiement d’un ticket modérateur équivalant à 16 ou 25 % de la valeur coût des médicaments reçus. Le financement de ce dispositif, évalué à 2,112 milliards en 2010 comprendrait une part constante constituée d’une cotisation de 2% sur la pension de retraite, d’une part variable correspondant au cumul des contributions payées sous forme de ticket modérateur. S’y ajoute la part de l’IPRES et celle que l’État verserait au titre du financement du plan SESAME. Ces deux contributions seraient insignifiantes ; car elles ne dépasseraient pas 325 millions de francs CFA.

Toutefois, les perspectives de vieillissement soutenu de la population sénégalaise, qui découlent de la mise en œuvre des politiques de population ainsi que de l’amélioration des conditions de santé, augmentent, du coup, les défis qui se posent déjà au plan SESAME. Celui-ci se trouve interpellé, dans sa première phase d’opérationnalisation, par une demande de plus en plus forte dont la prise en charge se heurte à l’insuffisance, voire la modicité des ressources mobilisées (dotations allouées) à sa prise en charge. Au plan opérationnel, on déplore le niveau dérisoire des ressources mobilisées (ou dotations) pour la prise en charge du Plan SESAME (tant au niveau des prestations de service que des médicaments pharma-ceutiques). On signale aussi des lenteurs ainsi que des lourdeurs dans le remboursement des médicaments (recouvrement des couts) de même qu’une inadaptation du système de gestion de l’initiative notamment son manque d’articulation avec le système sanitaire existant au Sénégal (Ndiaye et Diémé, 2007) [21]..

Tous ces facteurs, qui peuvent constituer des motifs de découragement dans l’application de l’initiative, apparaissent mineurs devant la perception de la gratuité des services qui replonge dans le mythe de l’État Providence que le Plan SESAME tend à développer auprès des cibles. Cette perception pourrait affecter la durabilité de cette initiative ainsi que sa viabilité dans une société qui, dans le cadre d’une transition démographique, aura à se gérer une population de personnes du troisième âge en perpétuelle croissance.

Face à de tels enjeux, des filets de sécurité sont à mettre en place dans le cadre des politiques de réduction de la pauvreté, avec un accent particulier sur les personnes du troisième âge.

Cette préoccupation pourrait être prise en charge dans le cadre de la révision de la 2ème génération de DSRP que le Sénégal a entreprise mais, également, dans le cadre de la mise en place d’un observatoire de la pauvreté et du suivi des conditions de vie (OPCV). Les ménages dirigés par des personnes du troisième âge devraient y constituer une cible importante.

Conclusion

Des efforts ont été faits depuis plus de deux décennies pour appréhender les manifestations de la pauvreté, identifier ses déterminants et mesurer son impact sur les populations. Si les indicateurs mis en évidence ont permis d’apprécier les différences de vulnérabilité entre différents groupes-cibles, les mesures préconisées pour réduire la pauvreté privilégient les jeunes et les femmes, et accordent très peu de place aux personnes du troisième âge. Or ces mesures s’appuient sur les ménages considérés comme unité d’analyse dans les différentes études réalisées par les services statistiques du Sénégal alors que les besoins d’assistance sont envisagés par rapport à des groupes d’individus (jeunes et femmes), non par rapport aux ménages. Pourtant une proportion assez significative des ménages (50%) sont dirigés par des personnes du troisième âge que ces programmes tendent à marginaliser. L’information sur les personnes du troisième âge se confond avec celles des ménages. Le statut de chef de ménage confère des responsabilités aux personnes du troisième âge et les incitent à rester en activité pour faire face aux besoins des membres de leurs familles. Ces personnes s’investissent dans des activités qui se mènent en marge du marché du travail et qui s’appuient, parfois, sur des ressorts de type familial voire domestique. La structure des dépenses des ménages dirigés par ces personnes reste identique à celles des ménages dirigés par des chefs de ménages plus jeunes pour les postes relatifs à l’alimentation, à l’habillement, aux équipements ménagers et aux cérémonies familiales. Les dépenses consenties pour le logement et pour le transport révèlent des écarts entre les catégories de chefs de ménages. Les personnes du troisième âge consacrent un effort légèrement plus important pour les dépenses de logement, mais investissent moins dans les dépenses de transport. En revanche, les écarts peuvent être importants entre ménages dirigés par les personnes du troisième selon le milieu de résidence. Il paraît donc important que les mesures de réduction de la pauvreté s’emploient à résorber les écarts existant entre ménages ruraux et urbains pour améliorer le bien-être des personnes du troisième âge.

Sigles

AFDS  : Agence du Fonds du Développement social

ANSD  : Agence nationale de la Statistique et de la Démographie

DPS  : Direction de Prévision et de la Statistique

DSRP  : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté

EDS  : Enquête démographique et de Santé

ESAM  : Enquête sénégalaise auprès des Ménages

ESP  : Enquête sur les Priorités

ESPS  : Enquête de suivi de la Pauvreté au Sénégal

GRS  : Groupe de Réflexion stratégique

IDH  : Indice du Développement humain

IFAN-UCAD  : Institut fondamental d’Afrique noire – Université Cheikh Anta Diop Dakar

OMD  : Objectifs du Millénaire pour le Développement

OPCV  : Observatoire de la pauvreté et du suivi des conditions de vie

PIB  : Produit intérieur brut

PNUD  : Programme des Nations unies pour le Développement

QUID  : Questionnaire unifié des indicateurs de Développement

RGPH  : Recensement général de la Population et de l’habitat

UCAD  : Université Cheikh Anta Diop Dakar

Références

Banque mondiale, 2006, Gestion des risques en milieu rural au Sénégal : revue multisectorielle des initiatives en matière de réduction de la vulnérabilité, Développement humain II (AFTH2), Région Afrique, 145 p.

Cito F., Michael R., Measuring poverty : a new approach, Washington, Bureau of Census, National Accademy Press.

Cornilleau G., 2005, Croissance économique et bien être matériel, Paris, Document de travail, Office Français des Conjonctures Économiques, 22 p.

Faye C., Berthelette D., 2006, Évaluation de la cohérence entre les besoins des populations et les orientations programmatiques du DSRP : analyse de l’intervention des programmes visant la réduction de l’exclusion sociale des populations vulnérables. Le cas des aînés, Symposium internationale de Dakar, UCAD, organisé sur le thème « les Stratégies des populations et les stratégies de développement : convergences ou divergences », pp. 11-21.

Gadrey J., 2006, Peut-on mesurer le bien-être ? in Courrier des statistiques, n° 117-119, pp. 51-58.

Gilbert A., Andrews C., 2001, Les Facteurs de bien-être de la Population vieillissante : le points de vue des intervenants. Calgary, Communication présentée au 10ème Congrès bi-annuel sur les Politiques sociales canadiennes « Richesses, santé et bien-être : conflits et passions », 23 p.

Houtart F., 2006, Le sens de la « lutte contre la pauvreté » pour le néolibéralisme, 8 p. multigr.

Ministère de le Fonction publique, du travail et des Organisations professionnelles, 2008. Étude sur les conditions de vie des personnes du troisième âge au Sénégal, document préparé par l’Institut IDEA international pour le compte de la Commission de Supervision et de Régulation des Institutions de Sécurité sociale (COSRISS), 172 p.

Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan du Sénégal, 1993, Enquête sur les priorités, Résultats préliminaires, Direction de la Prévision et de la Statistique, 120 p.

Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan du Sénégal, 1997, Enquête sénégalaise auprès des ménages (ESAM-I), Rapport de synthèse, Direction de la Prévision et de la Statistique, 178 p.

Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan du Sénégal, 1997, Enquête sénégalaise auprès des ménages (ESAM-II), Rapport de synthèse, Direction de la Prévision et de la Statistique, 222 p.

Ministère de l’Économie et des Finances du Sénégal, 2001, Document de stratégie de réduction de la pauvreté (DSRP I), 75 p.

Ministère de l’Économie, des Finances et du Plan du Sénégal, Banque mondiale, 2004, La pauvreté au Sénégal, de la dévaluation de 1994 à 2001-2002, version préliminaire, Direction de la Prévision et de la Statistique, 31 p. multigr.

Ministère de l’Économie et des Finances du Sénégal, 2006, Document de stratégie pour la croissance et la réduction de la pauvreté (DSRP II), 2006-2010, 104 p.

Perret B., 2002, Indicateurs sociaux, état des lieux et perspectives, Paris, Séminaire DARE, téléchargeable sur le site http://www.cerc.gouv.fr.

Sen Amaryata, 1999, La possibilité du choix social. Conférence donnée à l’occasion de la réception du Prix Nobel, in Revue de l’OFCE, n° 70.

Sharpe A., Méda D., Jany_Catrice F., Perret B., 2003, Débat sur l’indice du bien être économique, in Travail et Emploi n° 93, Janvier, pp. 75-111.

Strobel P., 2005, Familles fragilisées : quels outils de connaissance ? in colloque UNAF/ FNARS sur le thème « Familles fragilisées : questions et regards croisés », Paris.

Short K. et alii, 1999, Experimental poverty measures, Bureau of Census.

Wautelet J.-M. (Prof), 2006, Intégration des questions de population dans les stratégies de lutte contre la pauvreté, Symposium internationale de Dakar, UCAD, organisé sur le thème « les Stratégies des populations et les stratégies de développement : convergences ou divergences », 37 p. + ann.

Touré E.H.S.N., Lom A.D., 2006, Impact des programmes et des investissements initiés au Sénégal pour lutter contre la pauvreté depuis 1980, Études du CREA sur la pauvreté, 26 p.

Annexe

Indicateurs généraux au Sénégal de 2000 à 2008

[1] Gadrey J : Peux-on mesurer le bien-être ?, in Courrier des statistiques, n° 117-119, année 2006, pp : 51-58.

[2] Le PIB en est le plus classique.

[3] Cornilleau G. (2005) : Croissance économique et bien-être subjectif, Paris, OFCE, 2005.

[4] Le principe de Kaldor-Hicks postule que les gains réalisés par les plus riches pourraient « dédommager » les pertes ou les désagréments subis par les moins riches, grâce à une meilleure péréquation des ressources générées par ces gains au niveau national.

[5] Perret, B (2002) : Indicateurs sociaux, état des lieux et perspectives. Paris, Séminaire DARE, téléchargeable sur le site http://www.cerc.gouv.fr /

[6] On se reportera à la définition donnée par Maslow (1954), Motivation and Personnality, notamment le chapitre relatif aux Basic Needs, qui identifie ainsi une hiérarchie de besoins (physiologiques, de sécurité, de sociabilité, d’estime de soi et, enfin, de réalisation personnelle).

[7] DSRP II, 2006, 18.

[8] Cette tradition consacre les enquêtes périodiques (ESAM, EDS, ESPS) qui renseignent sur les niveaux de vie des ménages au lieu de privilégier des systèmes de collecte continue réalisés au sein d’observatoires qui suivent des cohortes de ménages ou de population.

[9] Les enquêtes biographies pourraient à ce titre avoir plus de pertinence dans le suivi continu des conditions de vie. Il en est de même des observatoires de suivi des conditions de vie dont les projets d’implantation tardent à être mis en œuvre.

[10] Cf. point 22 de la page 10 du chapitre consacré au diagnostic de la pauvreté.

[11] Cf. tableau n°4.

[12] Banque mondiale, 2006, 145 p.

[13] Recensement général de la population et de l’habitat (RGPH3) réalisé en 2002.

[14] Deuxième Enquête sénégalaise auprès des ménages réalisée en 2004 (ESAM II).

[15] Cette enquête a été conduite à un moment où l’âge d’éligibilité à la retraite était de 50 ans.

[16] Il est souvent proposé à ce que les seuils de pauvreté soient calculés selon les catégories sociales, selon les régions ou encore pour chaque année.

[17] Groupe de Réflexions Stratégiques ; notamment l’étude sur le profil de la pauvreté en milieu rural (cf. Abdou Salam Fall et ali.).

[18] Agence du Fonds du Développement Social (financement Banque mondiale) ; Les Évaluations Participatives de la Pauvreté (EPP) réalisées par ce programme et notamment celles réalisées par APAPS.

[19] La comparaison avec les données de l’ESPS (2005) n’a pas été possible parce que la question de l’activité principale n’a pas été posée au cours de cette enquête.

[20] Cf. Annexe,

[21] Colonel Omar Ndiaye et Edourd J. Diémé, (2007) : Évaluation des initiatives de subventions et du fonds social. Rapport final. Dakar, Ministère de la Santé et de la Prévention Médicale. Aout 2007, 175 pages.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011