Accueil » Programme » Atelier 7 » Situation socio-économique des personnes âgées au Cameroun

Situation socio-économique des personnes âgées au Cameroun

État des lieux et facteurs explicatifs

Esther Crystelle EYINGA DIMI, Bureau Central des Recensements et des Études de Population, Cameroun

Résumé

Au Cameroun, le nombre de personnes âgées ne cesse de s’accroître d’année en année ; même si leur poids démographique, autour de 5% (RGPH), reste encore assez faible. Pourtant, les personnes âgées constituent, autant que les femmes et les enfants, un groupe vulnérable de la population. Cette communication a pour objectif de dresser d’une part, le profil des personnes âgées au Cameroun en mettant un accent particulier sur les différentes facettes de leur vulnérabilité économique et sociale d’une part, et d’examiner leurs mécanismes d’accès à la protection sociale d’autre part. L’analyse des données du troisième recensement de la population et de l’habitat (2005), révèle qu’environ quatre personnes âgées sur dix au Cameroun sont en situation de vulnérabilité économique. Au regard de leurs conditions de vie, l’on, note que la majorité des membres des ménages de personnes âgées sont des jeunes et des enfants. Ces résultats appellent à l’extension des mesures protection sociale, à un plus grand nombre de personnes âgées.

Mots clés : Personne âgée – Situation socio-économique – Vulnérabilité - Solidarités familiales - Protection sociale

Introduction

A l’instar d’autres pays d’Afrique Subsaharienne, le Cameroun ne fait pas encore face au vieillissement de sa population. La proportion des personnes âgées y est encore faible, autour de 5% (RGPH, 2005). Bien que le Cameroun ne connaisse pas encore un vieillissement de sa population, il faudrait s’attendre, au rythme d’accroissement annuel moyen de 2,3%, à voir les effectifs de personnes âgées dépasser le million dans les prochaines décennies (RGPH, 2005), en raison de l’amorce de la transition démographique [1]. Une telle évolution des effectifs de personnes âgées va très certainement engendrer d’énormes défis, en termes de soins gériatriques à satisfaire, de renforcement des filets de sécurité et de protection sociale.

Par le passé, la prise en charge des personnes âgées était du ressort de la famille et de toute la communauté. Mais en raison des mutations sociales, cette solidarité est aujourd’hui mise à rude épreuve. L’image de la vieillesse au Cameroun, est d’ailleurs celle d’individus faisant face à une précarité économique et à un isolement social. En effet, la majorité d’entre elles, ne bénéficie d’aucune pension-retraite et pour les plus chanceux, cette pension est assez dérisoire pour leur permettre de vivre décemment. Par ailleurs, nombre de personnes âgées n’ont d’autres choix que de continuer à travailler, en dépit de l’âge avancé. En outre, elles font souvent les frais, de la part des plus jeunes générations, d’attitudes négatives, de violence et de marginalisation. Enfin, avec l’avancée en âge, elles connaissent de plus en plus un affaiblissement de leurs fonctions physiologiques. Or, en raison de la faiblesse ou de l’absence de revenus, elles éprouvent des difficultés à recevoir, des soins de santé qui leurs sont inaccessible en raison de leur coût élevé. La situation socio-économique des personnes âgées au Cameroun est ainsi préoccupante.

Aussi les politiques et programmes à mettre en place en faveur des personnes âgées, ne peuvent être efficaces que s’ils sont fondés d’une part, sur des éléments pertinents du diagnostic de leur situation démographique et socio-économique et d’autre part, sur l’identification correcte de leurs besoins. Dans cette optique, une bonne connaissance des caractéristiques démographiques et socio-économiques de cette catégorie de population et une identification de leurs besoins est un préalable incontournable, pour envisager des actions mieux ciblées.

Cette communication s’inscrit ainsi dans cette perspective. Elle permet de s’interroger sur la prise en compte des besoins des personnes âgées dans les politiques et programmes sociaux au Cameroun. Elle permet aussi de décrire et d’identifier, à partir des données du recensement de 2005, les facteurs explicatifs de leurs conditions de vie. Elle a ainsi pour objectif de dresser d’une part, le profil des personnes âgées au Cameroun, en mettant un accent particulier sur les différentes facettes de leur vulnérabilité économique et social. Elle vise aussi à examiner les mécanismes d’accès des personnes âgées à la protection sociale. Pour y parvenir, l’on présente d’abord quelques éléments de contexte de protection et de promotion des personnes âgées au Cameroun. L’on examine ensuite des éléments d’ordre méthodologiques à travers notamment la définition des concepts de « personne âgée » et de « vulnérabilité ». L’article s’achève par quelques implications perspectives et défis politiques en termes de protection sociale des personnes âgées.

1. Contexte socio-culturel, de promotion et de protection des personnes âgées au Cameroun

Dans la société traditionnelle, une place importante était accordée aux personnes âgées. Elles bénéficiaient de leur famille et de leur communauté, d’attentions particulières et de soins au quotidien. Aujourd’hui malheureusement, la place et les rôles assignés aux personnes âgées ont connu des changements. En raison des mutations sociales, notamment de l’exode rural, de la crise économique et du « modernisme », la personne âgée doit aujourd’hui se battre elle-même, pour espérer vivre décemment. De plus avec la pandémie du VIH/SIDA qui laisse orphelins de nombreux enfants, les personnes âgées sont aujourd’hui appelées à jouer à nouveau le rôle de parent.

Pourtant, la Constitution du Cameroun fait de la protection sociale des personnes âgées, une exigence de solidarité nationale : «  la nation protège les femmes, les jeunes, les personnes handicapées et les personnes âgées ». Par ailleurs, des dispositions du code civil, du code pénal (article 180) et des avant-projets de code des personnes et de la famille, visent à contraindre les enfants défaillants à s’occuper de leurs parents âgés. En outre, pour faire face aux éventuelles situations d’abandon, d’abus, de violences et d’accusations de sorcellerie portant atteinte à l’intégrité physique et morale des personnes âgées, le code pénal sanctionne, en ses articles 282, 283 et 351 respectivement, le délaissement d’incapable, l’omission de porter secours et la violence sur ascendants.

Le droit social camerounais comporte également une ensemble de textes organisant la protection sociale des personnes âgées admises à faire valoir leur droit à la retraite, notamment : la loi n°69/LF/18 du 10 novembre 1969 instituant un régime d’assurance de pension de vieillesse, d’invalidité et de décès, modifiée par la loi n°84 /007 du 04 juillet 1984 ou le décret n°77/495 du 07 octobre 1994 portant statut général de la fonction publique qui organise le régime des pensions de l’État servies aux agents publics retraités. Enfin, à la faveur de la loi n°90/53 du 19 décembre 1990 sur les libertés d’association au Cameroun et de la loi n°99/014 du 22 décembre 1999 régissant les ONG, de nombreuses associations et ONG de protection et de défense des doits de personnes âgées ont été créées.

Le Ministère des Affaires sociales (MINAS) qui compte en son sein, toute une Direction de la protection Sociale des Personnes Handicapées et des Personnes Agées, est chargée d’apporter une assistance sociale aux personnes âgées. Des institutions publiques telles que la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) et l’Office National des Anciens Combattants, Anciens Militaires et Victimes de Guerre du Cameroun (ONACAM) leur apportent également des prestations sociales. Enfin, des structures d’encadrement des personnes âgées ont été mises sur pied. Elles offrent un toit, un couvert, une assistance matérielle, morale et un encadrement éducatif aux personnes âgées. Pour l’heure, leur nombre reste encore assez limité.

2. Quelques éléments d’ordre méthodologique

a. Définition des concepts

Deux concepts clés mériteraient d’être définis : la personne âgée et la vulnérabilité économique.

Encore désignée sous le vocable de « personne du troisième âge », de « vieux/vieille », d’« aîné(e) », de « senior » ou de « vieillard », etc., plusieurs critères permettre de circonscrire le seuil de vieillesse : biologique, chronologique, sociologique, administratif ou socio-culturel.

Au plan biologique, elle désigne tout homme ou toute femme ayant atteint la dernière période de sa vie caractérisée par un ralentissement ou un affaiblissement de ses fonctions physiologiques. Chronologiquement, elle est celle qui, de par le nombre d’années vécues, a acquis beaucoup d’expérience de la vie et à qui, il ne reste malheureusement pas un grand nombre d’années à vivre. Vue sous l’angle sociologique, la personne âgée est une construction et une intervention de la société (Remi Lenoir cité par Mohsen, 2005). En organisation et gestion des entreprises, elle est synonyme d’invalidité et d’incapacité. Pourtant, certaines personnes dites « âgées » jouissent d’un bien meilleur état de santé que d’autres qui le sont moins. Enfin, sur le plan administratif, la personne âgée est celle qui a atteint l’âge de la retraite. Or, cet âge de départ à la retraite varie selon le type d’administration et la catégorie socio-professionnelle.

Au Cameroun, l’âge légal de départ à la retraite, entendu dans le sens où il existe un contrat de travail écrit donnant droit à une pension retraite, varie entre 50 ans et 65 ans. Pourtant, du fait de la prédominance du secteur informel dans l’économie camerounaise, une forte proportion de personnes âgées continue de travailler au-delà de cet âge. De même, les pensionnés de la fonction publique ou du privé, une fois la retraite professionnelle atteinte, se reconvertissent généralement dans des activités agricoles.

L’on ne saurait ainsi se limiter au seul critère d’exercice d’une activité économique pour définir un seuil de vieillesse. Or, dans le contexte camerounais, le statut de « personne âgée » s’acquiert dès lors que la lignée d’un individu atteint au moins deux générations, autrement dit lorsqu’on devient grand-parent. Ainsi, avec des âges médians au premier mariage et à la première maternité, qui restent généralement inférieurs à 18 ans pour les femmes et à 25 ans pour les hommes, il est fort probable dans ce contexte que l’on soit considéré comme une personne âgée dès l’âge de 50 ans. De plus, dans notre contexte, les activités économiques manuelles font très souvent que les manifestations du vieillissement biologique, apparaissent dès 50 ans.

Ainsi pour tenir compte de ces réalités, la personne âgée sera considérée comme toute celle qui a atteint ou dépassé 60 ans. Toutefois, afin de mieux circonscrire les niveaux de vulnérabilité croissante selon l’âge, nous allons distinguer les personnes du 3ème âge (60-79 ans) et celles du 4ème âge (80 ans et +).

Les personnes âgées font face à différentes formes de vulnérabilité : économique, sociale et liée à leur état de santé fragile. Dans le cadre de notre analyse, la vulnérabilité des personnes âgées n’est abordée que sous l’angle économique, à partir de l’analyse de la variable « situation d’activité ». Les personnes âgées faisant face à une vulnérabilité économique sont toutes celles qui, à l’évidence n’ont aucune source de revenus (chômeurs [2], femmes au foyer, vieillards, handicapés, autres).

Ainsi, du point de vue économique, une personne âgée est considérée comme vulnérable lorsque, face à son incapacité à faire face aux exigences et aux épreuves de la vie sociale, elle est obligée de recourir à une aide extérieure pour assurer sa survie au quotidien ou accéder aux soins de santé.

b. Variables d’étude et leurs limites

Les données analysées du troisième recensement général de la population et de l’habitat réalisé au Cameroun en 2005 (3ème RGPH) ont permis de conduire les analyses. Les variables suivantes sont concernées par les analyses essentiellement descriptives : l’âge, le milieu de résidence, la région de résidence, l’état matrimonial, le lien de parenté avec le chef de ménage, l’alphabétisation, la situation d’activité, le statut dans l’emploi, le type d’activité exercée, la maladie chronique/handicap, le statut de logement, le standing de logement [3], la source d’approvisionnement en eau de boisson et le mode d’éclairage.

L’évaluation de la qualité des données sur l’âge a révélé que seules 4,71% des personnes âgées interrogées maîtrisent de façon complète leur date de naissance (en jour, mois, année de naissance). Ce qui dénote d’une mauvaise qualité des données sur l’âge, les personnes âgées étant la plupart analphabètes et sujettes à des troubles de mémoire. La méthodologie de collecte des données n’a pas également permis de rendre compte de la situation des centenaires. De même, la non prise en compte des modalités telles que « grands-parents » et « petits-enfants » pour la variable lien de parenté n’a pas permis de rendre compte de cet aspects des relations intergénérationnels. Les limites méthodologiques dans la collecte des données sur l’activité économique, ont aussi conduit à une sous-évaluation du nombre de retraité. Le nombre de cas de maladies chroniques/handicap a également été sous-estimé en raison de la nature déclarative des informations collectées.

3. Facteurs explicatifs de la situation socio-économique des personnes âgées

La situation socio-économique des personnes âgées dépend de plusieurs facteurs (environnementaux, politiques, juridiques, institutionnels, socio-économiques et culturels). Ces facteurs peuvent interagir entre eux, et influer sur les conditions de vie des personnes âgées.

Sur le plan institutionnel, les systèmes d’offre de soins de santé et de protection sociale ont pour finalité de contribuer à l’amélioration des conditions de vie et de santé. Elles permettent également d’éviter leur exclusion sociale. L’environnement socioculturel des personnes âgées est également un élément important à prendre en considération lorsqu’on veut appréhender leur situation socio-économique. Une société dans laquelle les valeurs traditionnelles et les exigences affectives de solidarité familiale au sens large du terme sont reconnues, respectées et appliquées par tous ses membres est une collectivité au sein de laquelle, non seulement la hiérarchie entre membres de différentes générations est encore vivace, mais aussi la place et le statut privilégiés des personnes âgées en raison de leur sagesse et de leur expérience, sont favorablement établis. Dans une telle société, où la famille est à la fois un fait biologique et social, les personnes âgées bénéficient de l’appui et de l’encadrement de toute la communauté pour subvenir à leurs besoins essentiels. A l’inverse, dans une société où les valeurs traditionnelles de solidarité familiale commencent à s’effriter pour céder la place aux valeurs de modernité, la notion de famille au sens large se réduit progressivement à celle de la famille nucléaire ou famille conjugale.

S’agissant de l’environnement familial, la cohabitation de la personne âgée avec ses proches pourrait lui garantir une meilleure prise en charge et un meilleur équilibre psychologique, contrairement aux personnes âgées hébergées dans une institution caritative ou qui vivent seules dans leur ménage. Dans l’un ou l’autre cas, les personnes âgées ne jouissent pas du même confort psycho-social. Bien plus, il est fort probable que les personnes âgées (père et/ou mère) qui vivent dans le ménage de leur enfant aient une meilleure prise en charge que celles qui vivent dans le ménage d’un parent éloigné. Dans tous les cas, les personnes âgées qui vivent ou non dans le ménage d’un parent, sont d’autant mieux traitées et bénéficient des soins que les liens affectifs entre les membres de la famille appartenant à différentes générations sont encore vivaces.

Sur le plan individuel, il est tout à fait possible que les personnes du 4ème âge, en raison de leur âge très avancé, soient beaucoup moins à même de subvenir, par elles mêmes, à leurs besoins essentiels. Le statut matrimonial tout comme le statut de fécondité et la situation d’activité de la personne âgée contribuent également à expliquer la situation économique des personnes âgées. En effet, les personnes âgées qui vivent avec leur conjoint ou leurs enfants, bénéficieraient certainement d’un meilleur encadrement et soutien que celles qui vivent seules et/ou qui n’ont ni conjoint, ni descendance survivante. Par ailleurs, les personnes âgées qui exercent une activité économique, celles qui bénéficient d’un revenu de rente ou d’une pension-retraite, disposent à l’évidence d’une source de revenu potentiel pouvant leur permettre d’assurer plus ou moins leur subsistance au quotidien. A l’inverse, les personnes âgées qui sont au chômage, celles qui sont inactives et qui se sont déclarées « femmes au foyer », « vieillards », « oisifs » ou « handicapés », ne disposent par elles-mêmes d’aucune source de revenus propres : elles doivent en général compter sur le soutien extérieur (parents, amis, communauté, hospices, etc.) à travers des dons en espèces ou en nature pour assurer leur subsistance au quotidien.

Tous ces éléments contribuent à la promotion et à l’amélioration de la situation socio-économique des personnes âgées, tel qu’illustré dans le graphique 1 ci-après.

4. Résultats de l’analyse et discussions

4.1 Profil démographique et socio-culturel des personnes âgées

En 2005, le Cameroun comptait 870 642 personnes âgées, soit 418 843 hommes et 455 799 de femmes. Ainsi, les personnes âgées sont en majorité des vieilles femmes (52,4%). Le déficit en hommes aux âges avancés est une des conséquences de la surmortalité masculine aux âges adultes de façon générale et, aux âges avancés en particulier.

Lorsqu’on s’intéresse à l’évolution des effectifs de personnes âgées entre 1976 et 2005, l’on note que le nombre de personnes âgées a presque doublé en 29 ans, passant ainsi de 441 450 en 1976 à 870 642 en 2005 (cf. tableau 1). Dans la même période, le taux d’accroissement annuel moyen est resté nettement inférieur à celui de la population totale (2,3% contre 2,8% pour la population totale).

Tableau 1 : Évolution des effectifs des personnes âgées selon le sexe entre 1976 et 2005

Selon la catégorie d’âge, il ressort que les personnes âgées sont en majorité des personnes du 3ème âge (cf. tableau 2). Elles représentent à elles seules, 86,4% de l’ensemble des personnes âgées. Le tableau 2 ci-après montre par ailleurs, que ces dernières résident davantage en campagne, probablement en raison de la faible urbanisation de la plupart des régions du pays et des migrations de retour après la retraite. En effet, 66,5% des personnes âgées résident en milieu rural contre seulement 33,5% en milieu urbain.

Tableau 2 : Effectifs de personnes âgées par catégorie d’âge selon le sexe et le milieu de résidence

Graphique 1 : Facteurs explicatifs de la situation socio-économique des personnes âgées

Dans la région du Sud, 12,8% de la population rurale ont 60 ans ou plus. Plusieurs raisons pourraient expliquer le vieillissement démographique observé dans cette région. D’abord la fécondité faible dans le Sud, qui d’ailleurs est la plus faible du pays. Ensuite l’exode rural et les migrations vers les zones frontalières ou internes. Enfin, la grande longévité des populations de cette région pourrait être le fait, de l’adoption de comportements de santé plus sains du fait de leur niveau élevé d’alphabétisation.

Au regard de la situation des personnes âgées face au mariage, l’on note ainsi que l’illustre le graphique 2 ci-après, que les hommes sont en majorité en union (8 hommes sur 10) tandis que les femmes sont le plus souvent veuves (plus de 5 femmes sur 10). La prédominance des hommes mariés parmi les personnes âgées pourrait s’expliquer par la relative, facilité des hommes à se remarier en cas de veuvage ou de divorce et, par la pratique de la polygamie. Par contre, le pourcentage élevé de veuves âgées est principalement dû à une surmortalité masculine accentuée par la différence d’âge entre les époux et aussi et à un effet d’âge qui défavorise les femmes âgées devenues veuves, au regard d’un possible remariage. Dans le contexte socioculturel camerounais, le remariage de l’homme âgé, veuf ou divorcé, est non seulement accepté, mais fortement encouragé. L’homme, quel que soit son âge, ne saurait vivre seul. Il faut à ses côtés une femme capable de lui assurer une descendance et prendre soin de lui au quotidien. Par contre sur le plan social, l’on conçoit difficilement qu’une femme déjà âgée se remarie. Elle est censée être ménopausée et capable de s’occuper d’elle-même. Aussi, lorsque cette dernière perd son conjoint, il est difficile qu’elle se remarie.

Graphique 2 : Répartition (%) des personnes âgées par sexe selon le statut matrimonial

Enfin, près de deux tiers des personnes âgées (64,2%) ne savent pas lire et écrire le français ou l’anglais. Ce taux d’analphabétisme est encore plus élevé en milieu rural où il est de 71,6%, contre 49,4%, en milieu urbain. De même, le niveau d’alphabétisation des femmes âgées reste relativement faible (25,3%) comparativement aux hommes âgés qui ont un taux d’alphabétisation de 47,4%.

4.2 Situation économique des personnes âgées

Les données du tableau 3.1 ci-après permettent d’établir une catégorisation des personnes âgées selon qu’elles disposent d’une source potentielle de revenu ou non.

Tableau 3.1 : Répartition (%) des personnes âgées par situation d’activité selon le sexe

Catégorie 1 : les personnes âgées disposant d’une source de revenu

Les personnes âgées qui exercent une activité économique (commerce, élevage, agriculture, etc.) et toutes celles qui bénéficient dune pension-retraite ou d’un revenu de rente font partie de ce groupe.

L’on note ainsi que plus de la moitié des personnes âgées (54,3%) qui exerce une activité économique, s’adonne surtout à des activités agricoles (87%), en tant qu’indépendants (85,3%). On relève aussi que 8,8% d’entre elles sont des aide-familiaux, tandis que 5,4% de personnes âgées ont un emploi salarié. C’est certainement parmi ces derniers que l’on retrouve un grand nombre d’élus locaux (maires, conseillers, etc.), de membres de la société civile, de magistrats et d’enseignants du supérieur qui n’ont pas encore pris leur retraite dès 60 ans. Les personnes âgées qui exercent en tant qu’employeurs sont faiblement représentées (0,4%).

Dans tous les cas, si malgré leur grand âge, les personnes âgées continuent de travailler, c’est parce qu’elles sont d’abord physiquement et mentalement aptes à le faire. Ensuite, c’est parce qu’elles ressentent la nécessité de se faire des revenus, complémentaires ou non, leur permettant de s’assurer une existence décente.

Il est également à noter que plus de 8 retraités sur 10 et près de 6 rentiers sur 10 sont des hommes âgés. S’agissant des retraites, les femmes ont difficilement accès à des emplois leur garantissant une sécurité sociale. Pour celles qui ont la chance de bénéficier d’une pension de réversion, cela ne leur donne pas droit au statut de retraité.

Catégorie 2 : les personnes âgées en situation de vulnérabilité économique : chômeurs et inactifs autres que les retraités et les rentiers

Si les rentiers et les retraités disposent d’une source de revenus subséquente, il n’en est pas de même des 333 237 autres inactifs : vieillards, handicapés et femmes au foyer. Ce groupe fait face à une vulnérabilité économique [4]. Au Cameroun, 39,6% de personnes âgées vivent en situation de vulnérabilité économique. En milieu rural, les personnes âgées se trouvent en situation de vulnérabilité économique moins forte qu’en milieu urbain dans la mesure où elles s’adonnent davantage à des activités de subsistance afin de se prendre en charge au quotidien.

Tableau 3.2 : Taux (%) de vulnérabilité économique des personnes âgées par milieu selon le sexe

Selon le sexe, ce sont les femmes âgées qui sont le plus dépourvues de sources potentielles de revenu et qui de ce fait, sont dans une plus grande situation de vulnérabilité économique.

Ces dernières ont 2,0 fois plus que les hommes âgés, respectivement en situation de vulnérabilité économique. Dans l’un ou l’autre cas, cette situation pourrait s’expliquer par le fait que les femmes sont majoritairement inactives, surtout en milieu urbain et de plus, par le fait qu’elles sont généralement très faiblement représentées parmi les retraités et les rentiers. Pour ce dernier cas d’espèce, les femmes n’ont pas très souvent accès à la propriété foncière, ce qui limite ainsi leur possibilité à pouvoir jouir d’un revenu tiré d’une rente foncière. Tous ces faits expliquent en grande partie pourquoi les écarts entre les hommes âgés et les femmes âgées, en termes de vulnérabilité, se creusent davantage en milieu urbain. En milieu rural, les personnes âgées, aussi bien les femmes âgées que les hommes âgés, continuent à s’adonner, jusqu’à un âge très avancé, à des activités agricoles de subsistance, ce qui réduit d’autant leur vulnérabilité économique.

Ainsi, pour subvenir à leurs besoins, cette dernière catégorie bénéficie très souvent de la solidarité familiale et de l’assistance des amis, des voisins, du clan, de la communauté religieuse ou associative au sein de laquelle elles militent. Cette solidarité constitue pour elles, le seul moyen d’espérer vivre de façon relativement décente.

Catégorie 3 : les personnes âgées indigentes

Ce sont toutes celles qui sont obligées de mendier pour assurer leur survie au quotidien. Parmi elles, l’on compte de nombreux « sans domicile fixe », au nombre de 1325 d’après le 3ème RGPH. La mendicité est la principale activité à laquelle cette catégorie s’adonne. L’on pourrait ainsi penser que cette catégorie fait davantage face à une précarité économique. Aussi, des actions d’assistance sociale devraient-elles être prioritairement orientées vers cette catégorie là.

4.3 Statut résidentiel des personnes âgées

La typologie du statut résidentiel telle que présentée dans le tableau 4 ci-après a été construite à partir de la variable, « lien de parenté ».

Tableau 4 : Répartition (%) des personnes âgées par statut résidentiel dans le ménage selon le sexe

A l’examen de ce tableau, il ressort que 63,4% des personnes âgées sont en grande majorité à la tête d’un ménage, 11,9% d’entre elles sont conjoints au chef de ménage tandis que 24, 7% sont hébergées soit par des parents, soit par des voisins ou des familles amies.

La majorité (84,2%) des personnes âgées chefs de ménage vit avec d’autres membres, apparentés ou non, et 20,9% résident uniquement avec leur conjoint(e). Ces derniers bénéficient certainement d’un soutien au quotidien. En dépit des difficultés liées à la vieillesse, une minorité (15,8%) d’entre elles, soit 9,0% de l’ensemble des personnes âgées vit seul. Les veuves âgées sans descendance se retrouvent généralement dans cette catégorie. Dans le cas où ces enfants seraient en vie, les conditions matérielles ou les multiples accusations de « sorcellerie » dont elles font face, peuvent limiter leur sortie de l’isolement.

Les personnes âgées hébergées par un parent représentent 23,3% de l’ensemble des personnes âgées. Parmi ces personnes âgées, on note que les femmes âgées sont davantage accueillies que leurs homologues de sexe opposé : 86,9% contre 13,1% chez les hommes âgés. Les parents qui leur offrent l’hospitalité sont surtout leurs enfants et leurs neveux (57,9%), puis leurs frères, sœurs et cousins germains (14,2%). Viennent ensuite une série de parents divers : oncles, tantes, petits fils, petits neveux etc., regroupés dans la classe des Autres parents ». Ils représentent 27,2 % de l’ensemble des aidants des personnes âgés.

4.4 Caractéristiques des ménages dirigés par les personnes âgées

Les résultats du recensement de 2005 révèlent que plus de la moitié (50,5%) des ménages dirigés par les personnes âgées ont en moyenne en leur sein, plus de 5 membres. Quel que soit le milieu de résidence, les femmes âgées accueillent beaucoup moins de personnes dans leur ménage que leurs homologues de sexe opposé : 3,6 personnes chez les femmes âgées contre 6,2 chez les hommes âgés.

Graphique 3 : Taille moyenne des ménages dirigés par les personnes âgées selon le sexe et le milieu de résidence

On retrouve en grande majorité, des enfants et des jeunes dans les ménages dirigés par une personne âgée. Environ 6 membres de ces ménages, sur 10 sont des enfants et des jeunes. Les enfants orphelins ou ceux issues de mères célibataires sont généralement confiés à leurs grands-parents, obligeant ainsi les personnes âgées à jouer de nouveau, le rôle de parents en dépit de leur âge avancé. Par ailleurs, la montée du chômage des jeunes et la prolongation des situations d’accueil et de séjour chez les parents, en raison de la crise du logement et de son coût élevé, peuvent expliquer la présence de jeunes dans les ménages de personnes âgées. L’on pourrait également lire derrière cette apparente dépendance résidentielle des jeunes, une dépendance économique des personnes âgées, avec pour conséquence, leur perte d’autorité.

4.5 Quelques éléments du cadre de vie des personnes âgées

L’accès des personnes âgées à un logement décent est également un problème de protection sociale de cette catégorie de la population. Les personnes âgées rencontrent également de nombreuses difficultés en raison de l’inadéquation de leur environnement résidentiel avec les exigences de leur état de santé. Cette situation est d’autant plus désavantageuse pour les personnes âgées se trouvant en campagne ou dans des quartiers mal construits où le logement peut manquer de confort et l’accès y être difficile. L’on s’intéresse particulièrement dans cette section, à leur accès à un logement décent, à l’eau salubre et à l’électricité.

Les personnes âgées propriétaires de leur logement peuvent dans une certaine mesure, être considérées comme bénéficiant d’une sécurité face au logement : 91,8% de personnes âgées occupent des logements dont ils sont propriétaires tandis que 8,2% d’entre elles sont confrontés à une insécurité face au logement. A l’examen de leur standing de logement, l’on note toutefois que 29,1% d’entre elles vivent dans des logements de bas standing et 43,1% dans des logements de type traditionnel (amélioré ou simple). Une faible proportion, soit 6,2%, vit dans un logement précaire. L’on note également que 45,3% des personnes âgées n’ont pas accès à l’eau salubre [5].

Graphique 4 : Répartition (%) des personnes âgées ayant ou non accès à l’eau salubre par milieu de résidence

De même, 67,6% de ménages des personnes âgées n’ont pas accès à l’électricité. Même si plus des deux tiers de ces ménages ont accès à l’électricité en milieu urbain, une proportion non négligeable s’éclaire encore au pétrole (28,5%) et au bois/charbon (3,1%) en ville. En milieu rural par contre, le mode d’éclairage par pétrole est le plus privilégié : 69,8% de ménages âgés y ont recours. Quand on sait que le prix du litre de pétrole a connu une flambée ces dernières années, l’on pourrait déduire que la dépense liée à l’achat du pétrole, qui en fait est un besoin incompressible, pourrait contribuer à grever davantage le revenu, déjà hypothétique, des personnes âgées. Enfin, 84,4% des personnes âgées utilisent, pour la cuisson de leurs aliments, le bois ou le charbon de bois, à raison de 72,4% en milieu urbain et 90,5% en milieu rural.

4.6 État de santé des personnes âgées

L’on s’intéresse ici à la situation des personnes âgées face aux maladies chroniques [6] et aux handicaps. Chez les personnes âgées, la prévalence déclarative de l’hypertension est relativement plus importante (49,1%) (cf. tableau 5). Cette prévalence est plus élevée en milieu urbain où elle est 55,9% contre 43,8% en milieu rural et, chez les femmes où elle est de 54,8% contre 42,9% chez les hommes âgés.

L’on note par ailleurs que 5,7% des personnes âgées présentent au-moins un handicap. La cécité constitue le handicap majeur auquel sont confrontées les personnes âgées au Cameroun : 10318 personnes âgées sont aveugles. Ces problèmes visuels sont aggravés dans un contexte où la cuisson des aliments se fait le plus souvent à l’aide du bois de chauffe ou du charbon. L’infirmité des membres inférieurs tout comme la surdité, sont également d’une relative importance.

Tableau 5 : Taux de prévalence déclarative par type de maladie chronique chez les personnes âgées selon le milieu de résidence et le sexe

5. Quels sont les mécanismes de protection sociale en faveur de ces personnes âgées vulnérables ?

La protection sociale des personnes âgées au Cameroun repose aussi bien sur le système contributif que non contributif. A mi-chemin de ces deux systèmes, il existe aussi un système dit volontaire, géré par les banques et les compagnies d’assurances. Dans le premier cas, il faut avoir au préalable cotisé pour prétendre bénéficier de la solidarité sociale. Le système contributif actuel est assis sur deux régimes principaux : le régime des travailleurs relevant du Code du travail, géré par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) et le régime des Fonctionnaires et assimilés, géré par l’État. Ainsi, seuls les ex-fonctionnaires et agents de l’État ainsi que les ex-travailleurs des structures privées et para publiques, affiliés à la CNPS peuvent faire valoir leurs droits à la retraite. Or, l’économie camerounaise est à plus de 80% essentiellement informelle (EESI, 2005). Aussi, le système de sécurité sociale en faveur des travailleurs, reste quantitativement et qualitativement insuffisant dans la mesure où une minorité de travailleurs peut espérer faire valoir ses droits à la retraite. De plus, les pensions allouées aux retraités restent dérisoires, au regard du coût relativement élevé de la vie. Ces derniers ne bénéficient d’aucune assurance maladie, susceptible d’amortir l’absence ou la faiblesse des pensions-retraites.

Le système non contributif de protection sociale en faveur des personnes âgées comporte non seulement un ensemble de mesures relevant de l’assistance sociale générale, de l’assistance judiciaire et des mesures spécifiques en faveur de celles qui font face à un handicap. L’assistance sociale « aux indigents et nécessiteux » est généralement du ressort du Ministère des Affaires Sociales (MINAS). Les revenus d’assistance sociale apportés aux personnes âgées dans ce cadre, sont généralement des revenus de minima sociaux. Il convient toutefois de relever qu’à la faveur des lois sur la décentralisation, de nombreuses prérogatives de l’État, notamment en matière d’aides sociales, ont été transférées aux collectivités terri-toriales décentralisées, à l’instar des communes, qui désormais seront fortement interpellées pour apporter une assistance aux personnes vulnérables ou indigentes de leur circonscription.

L’on note enfin qu’à côté de ces systèmes formels il subsiste, dans le tissu social camerounais, des formes d’entraide ou de solidarités familiale et communautaire qui permettent de venir en aide, dans des circonstances diverses, à des personnes ou groupes en difficulté. Il s’agit notamment, des « tontines » et autres regroupements de solidarité sur la base d’affinités, religieuses, tribales ou autres. La solidarité envers les parents âgés s’explique par des motivations diverses, notamment l’affection, l’attente de réciprocité ou tout simplement le sens du devoir et le soutien apporté concerne les travaux ménagers, l’assistance financière, le soutien moral, etc. Ces aspects d’organisation de la solidarité sociale, avec des règles plus ou moins formelles ou contraignantes, doivent être dûment pris en compte dans la recherche efficace des solutions aux problèmes des groupes vulnérables de la population.

Les développements qui vont suivre, permettent d’évaluer les différentes réponses apportées par l’État, les structures d’accueil et d’encadrement des personnes âgées et les communautés, pour assurer une protection sociale à certaines catégories de personnes âgées vulnérables.

Les personnes âgées incarcérées dans les prisons

Les personnes âgées incarcérées dans les prisons, ont perdu toute liberté d’action et de mouvement à cause des infractions commises. Les personnes âgées qui s’y trouvent, comme d’autres prisonniers d’ailleurs, ont face à de réelles conditions d’existence difficiles. Surpeuplés, ces établissements pénitentiaires ne disposent pas de moyens suffisants pour une bonne intendance et un bon économat des lieux. Dans ces conditions matérielles et d’hygiène de vie où le minimum de soins de santé n’est toujours pas garanti, les personnes âgées détenues, qui doivent purger pas mal d’années, n’attendent plus que la mort.

Toutefois, ces détenus d’âge avancé bénéficient des actions d’assistance, à travers l’accompagnement psychosocial des services sociaux et les actions ponctuelles d’assistance, par des âmes de bonne volonté. Ces actions ponctuelles concernent les visites hebdomadaires des familles ou amis et les dons en nature (stocks alimentaires, literie, savons, médicaments, etc.) des œuvres sociales privées, institutions religieuses, âmes de bonne volonté. Au niveau des services sociaux, des démarches sont entreprises afin de faciliter d’une part, les relations entre les personnes âgées et leur famille et/ou leurs réseaux relationnels et de résoudre les problèmes auxquels sont confrontées les personnes âgées en milieu carcéral ou dans leur famille d’autre part. Or, le ratio nombre de travailleurs sociaux sur nombre de prisonniers (de l’ordre de 1 travailleur social pour 500 prisonniers) est généralement faible. Ce qui ne facilite pas toujours, leur suivi psycho-social dans les prisons du pays. Des activités génératrices de revenus existent également dans les prisons et des programmes d’éducation initiés en vue de réduire leur isolement social. Ces actions restent encore timides et les personnes âgées en prison sont très souvent abandonnées à leur triste sort.

Cas des personnes âgées indigents internées dans les hôpitaux

De même, au Ministère de la Santé Publique (MINSANTE), des mesures ont été prises afin de faciliter l’accès des personnes vulnérables, aux soins de santé. Il en est ainsi de la réduction des tarifs aux malades chroniques et aux personnes handicapées ou indigentes dans les hôpitaux généraux de Yaoundé et de Douala. Certaines formations sanitaires à l’instar de l’Hôpital Central de Yaoundé disposent aussi de provisions budgétaires d’appui pour la prise en charge des cas de malades indigents. De même, les personnes âgées présentant un handicap peuvent espérer bénéficier d’une assistance sanitaire (appareillages, assistance médicale soutenue…). Ces secours sont accordés dans la limite des ressources disponibles et sont sous-tendus par l’aide psychosociale des travailleurs sociaux.

Le recensement de 2005 a permis de glaner quelques informations sur les personnes âgées internées depuis au moins 6 mois dans des hôpitaux. Plusieurs raisons peuvent contribuer au rallongement de leur internement à l’hôpital : l’insuffisance sinon l’absence de services de gériatrie dans les grands hôpitaux du pays, tout comme le nombre insuffisant de médecins spécialisés dans les maladies liées à la sénilité. En raison de leur grand âge et des difficultés à faire face aux factures d’hospitalisation, les personnes âgées indigentes, bénéficient très souvent de la gratuité des hospitalisations dans les établissements publics. Cependant, en cas de prescription d’une ordonnance médicale, elles doivent disposer de ressources financières pour acheter les médicaments prescrits pour leur traitement médical. Très souvent, ce sont les parents, les connaissances, les âmes de bonne volonté qui prennent en charge ces dépenses médicales.

En dépit de tous ces mécanismes de protection sociale des personnes vulnérables, un nombre considérable de personnes âgées n’est pas au courant qu’elles peuvent se référer aux services sociaux pour bénéficier d’une aide. De plus, les procédures d’obtention des aides d’assistance médicale et/ou judiciaire sont généralement longues.

Cas des personnes âgées dans les hospices de vieillards et dans les institutions religieuses

Des associations caritatives, ONG de bienfaisance apportent également leur soutien aux personnes âgées. Elles offrent un toit, un couvert, une assistance matérielle, morale et un encadrement éducatif aux personnes âgées. Pour l’heure, leur nombre reste encore assez limité. Elles ont Naturellement, elles y reçoivent gîte et couvert, bref une assistance sociale leur permettant de continuer à vivre beaucoup mieux qu’en dehors de ce cadre.

Dans la pratique, le placement des personnes âgées dans ces centres d’accueil est très souvent précédé d’une enquête sociale qui permet, sur la base des investigations menées par le MINAS, d’établir ou non la preuve de l’indigence effective de la personne âgée identifiée. Dans le cadre de cette enquête, des actions de sensibilisation, de plaidoyer et/ou de conciliation auprès de la famille sont entreprises, par les services sociaux compétents. Si en dépit de toutes ces tentatives, la réinsertion familiale de la personne âgée n’a pas été rendue possible, ce n’est qu’en dernier ressort qu’il est envisagé de placer la personne âgée dans une institution donnée. Les communes sont aujourd’hui mises à contribution, dans la prise en charge des personnes âgées indigentes.

Cas des « Sans domicile fixe apparent » âgés

Étant entendu que ces catégories sociales dorment en toute saison à la belle étoile, elles sont exposés aux pires intempéries, surtout en saison de pluie et surtout à la faim. L’absence de structures d’accueil et de toilettes publiques aux endroits qu’ils fréquentent, le non accès à l’eau potable, la faim sont autant de facteurs de risques de contamination et de propagation de maladies auxquels ils sont exposés. Aussi l’hygiène et l’hébergement des « Sans domicile fixe apparent » posent un sérieux problème de santé et d’hygiène publique. La situation particulière de ces mendiants âgés dans les grandes villes de Yaoundé et Douala, devrait ainsi amener les autorités communales et le gouvernement à prendre des mesures d’urgence pour pallier les carences constatées en matière de salubrité publique mais aussi pour redonner un certain espoir à ces exclus d’un autre âge qui abondent dans les rues de ces métropoles. Aussi, des actions d’assistance sociale devraient-elles être prioritairement orientées vers cette catégorie là.

Conclusion et implications politiques

L’objectif de cette communication était de mettre en relief d’une part, de dresser le portrait de la personne âgée au Cameroun d’une part et, de ressortir les différentes facettes de leur vulnérabilité économique et sociale d’autre part. Les résultats de cette étude ont permis de se rendre compte que 39,6% des personnes âgées vivent dans une situation de vulnérabilité économique. L’examen des conditions de vie des personnes âgées, a également permis de montrer que les personnes âgées sont appelés à jouer de nouveaux rôles sociaux. En outre, il s’est agi de voir si le système de protection sociale en faveur des personnes âgées vulnérables au Cameroun, arrivait à apporter des réponses efficaces à la situation de dénuement total de ces populations. Le constat fait est que les personnes âgées expriment un réel besoin de protection social au Cameroun. Ainsi, il découle de ces résultats les implications politiques suivantes :

  1. L’extension de la protection sociale à un plus grand nombre de personnes âgées. L’État camerounais devrait renforcer les régimes non contributifs, au travers de transferts réguliers de revenus ou en nature en faveur des personnes âgées les plus vulnérables, ayant la responsabilité des enfants en bas âge. Ces mesures pourraient commencer au niveau des communautés locales, qui sont plus aptes à définir les domaines prioritaires de prise en charge des personnes âgées. Notre étude suggère par ailleurs que tout plan d’action en faveur des personnes âgées cible prioritairement les personnes âgées du milieu rural.
  2. En raison de la forte prévalence des maladies chroniques chez les personnes âgées, des unités gériatriques devraient être ouvertes dans tous les hôpitaux régionaux. De même, il serait souhaitable de promouvoir et de renforcer les compétences des professionnels de la santé dans le domaine de la gériatrie. Enfin, des campagnes de dépistage et de soins gratuits des maladies telles que l’hypertension, le diabète devraient être initiées et intensifiées par le MINSANTE.
  3. L’état de santé relativement fragile des personnes âgées nécessite aussi une adaptation de l’architecture des logements sociaux, des hôpitaux, des rues, des établissements et des services fréquentés par les personnes âgées à leurs spécificités. Le Ministère du Développement Urbain et de l’Habitat (MINDUH), les conseils communaux et les intervenants dans la conception des schémas directeurs sont ici interpellés.
  4. La Journée Internationale des personnes âgées célébrée le 1er octobre de chaque année, donne la possibilité au MINAS de diversifier des campagnes de sensibilisation et d’information publiques, dans le but d’approfondir la culture de la solidarité intergénérationnelle.

Bibliographie

Desjardins B. (1984) : « Le seuil de vieillesse : quelques réflexions de démographes », Sociologie et Sociétés, vol XVI, n° 2, octobre 1984, pp 37-34.

Eloundou E. (1992) : « Solidarité dans la crise ou crise des solidarités africaines au Cameroun ? », les dossiers du CEPED, n° 22, 39 pages.

Evina Akam et Radriambanona R. (1988) : « Vieillissement et besoin éducationnels des personnes âgées : le cas spécifique de l’Afrique », Louvain, Institut de Démographie-Université de Louvain, Document de recherche n° 86, janvier, 10 pages.

Loriaux M. (2002) : « Vieillir au Nord et au Sud : convergences ou divergences ? », in Gendreau et al. (sous la direction de) : Jeunesses, Vieillesses, Démographies et Sociétés, Chaire Quetelet, AUF, Institut de Démographie de l’UCL, Academia/Bruylant, L’Harmattan, pp. 25-42.

Ministère des Affaires Sociales (2009) : Avant-projet de politique nationale de protection et de promotion des personnes âgées, Document de travail, 17 pages

Mveing S. et Fomekong F. (2008) : « Conditions de vie des ménages et recours aux soins parmi les personnes âgées au Cameroun », in African Population Studies, Vol. 23, No 1, pp. 85-102.

République du Cameroun (2003) : Document de Stratégie de Réduction de la Pauvreté, Yaoundé, 220 pages.

Soh R. (2007) : « La protection sociale des couches vulnérables au Cameroun : Présentation générale », Document de travail, Yaoundé, 6 pages.

[1] La transition démographique est le passage d’un régime traditionnel d’équilibre caractérisé par des niveaux élevés et peu distants de mortalité et de fécondité, à des niveaux relativement bas.

[2] Les personnes âgées font partie de la population inactive, au sens stricte du terme. Or, en raison de la précarité économique qui prévaut, l’on rencontre couramment des personnes âgées qui sont à la recherche d’un travail.

[3] Le standing de logement est un proxy des caractéristiques du logement .Cette variable a été construite à partir des variables suivantes : type de structure, types de matériaux de construction, mode d’éclairage, type d’approvi¬sionnement en eau, mode d’aisance et enfin mode d’évacuation des eaux usées.

[4] Les personnes âgées faisant face à une vulnérabilité économique sévère sont toutes celles qui, à l’évidence n’ont aucune source de revenus (chômeurs, femmes au foyer, vieillards, handicapés, oisifs). Tandis que les personnes âgées faisant face à une vulnérabilité économique modérée sont toutes celles qui sont inactives et au chômage.

[5] Une eau provenant de puits non aménagés, cours d’eau, lacs/étangs et marécages sera qualifiée d’insalubre. Par contre, une eau sera dite salubre, lorsque celle-ci provient d’un robinet interne ou externe, d’une borne fontaine, d’un forage ou d’un puits aménagé. L’eau minérale ou eau de table est également une eau salubre accessible aux plus nantis.

[6] Les maladies chroniques sont celles qui persistent dans le temps, exigent des soins prolongés, ne sont pas guérissables et peuvent laisser des séquelles sources d’incapacité et de handicap.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011