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Les perceptions des personnes âgées sur leurs conditions de vie

Cas de l’Association Musulmane de Bienfaisance de Meknès

Mohammed AMAR, École Nationale d’Agriculture de Meknès, Maroc.

Dans un pays en transition démographique comme le Maroc, la question du vieillissement de la population et de la prise en charge des personnes âgées se pose de plus en plus et aura tendance à prendre de l’ampleur dans les vingt prochaines années puisque leur part dans la population doublera à l’horizon 2030 en passant à 16%. En effet la baisse du taux de fécondité (de 7,2 en 1960 à 2,4 en 2006), conjuguée à l’augmentation de l’espérance de vie, amènera inéluctablement les pouvoirs publics et la société civile à inventer une ingénierie sociale susceptible de répondre aux besoins spécifiques de cette catégorie de personnes.

Il faut dire que pour l’essentiel, ce sont jusqu’à présent les solidarités familiales [1] qui ont servi de filet de sécurité pour les personnes âgées au Maroc surtout que près de 87% d’entre elles n’ont aucune couverture médicale (96,8% dans les campagnes et 77,6% dans les villes). Ces solidarités trouvent leurs origines aussi bien dans des valeurs culturelles ancestrales que dans des préceptes de l’islam. Les familiers des structures sociales marocaines connaissent bien le respect et la vénération dont bénéficient les aînés. J’en veux pour preuve le fait que les chefs des communautés villageoises (cheikh, amghar, etc.) sont systémati¬quement choisis parmi les personnes âgées connues pour leur sagesse et leur intégrité. La sagesse populaire met également en exergue l’importance de l’âge associé à l’expérience : je citerai uniquement cet adage qui dit « la personne qui vous a précédé d’un jour vous a devancé d’une expérience » [2]. On retrouve également dans le coran des versets qui mettent l’accent sur le respect inconditionnel que l’on doit à nos parents. Le texte in extenso dit : « Ton seigneur a décrété : N’adorez que Lui, et (marquez) de la bonté envers les père et mère : Si l’un d’eux ou tous deux doivent atteindre la vieillesse auprès de toi, alors ne leur dis point : « Fi » et ne les brusque pas, mais adresse-leur des paroles respectueuses. Et par miséricorde, abaisse pour eux l’aile de l’humilité, et dis : « Ô mon Seigneur, fais-leur, à tous deux, miséricorde comme ils m’ont élevé tout petit » » [3]. Enfin, selon l’enquête nationale sur les valeurs, « 97% des interrogé-e-s estiment que c’est le devoir des enfants d’assister leurs parents, seuls 2% pensent que c’est le rôle de l’État et des hospices » [4].

Problématique et éléments de méthodologie

Dès que je me suis intéressé à la question de la prise en charge des personnes âgées en situation de précarité, plusieurs interrogations m’ont traversé l’esprit :

  • Quelles sont les conditions qui peuvent amener nos aînés à se retrouver en difficulté ?
  • Quels rôles les organisations de la société civile peuvent-elles jouer pour assurer aux personnes âgées des conditions de vie qui respectent la dignité humaine ? et en fin ;
  • Les pouvoirs publics ont-ils une vision claire de la politique à mener en faveur d’une catégorie fragile de la population ?

Je me suis alors posé la question de savoir s’il fallait me contenter de parler de ce qui se fait, au risque d’être descriptif ou si je devais, en tant que sociologue, plutôt écouter les personnes âgées et essayer de leur servir de porte voix. Chacun comprendra aisément que la deuxième option présente plus d’intérêt et d’originalité. Mais, étant donné que les personnes âgées en situation de précarité vivent dans des situations diverses et variées (avec leurs familles, seules, dans la rue, etc.), je me suis demandé à quelle(s) catégorie(s) particulière(s) je devais m’intéresser. Mon choix s’est porté sur les Centres pour Personnes Âgées (CPA).

Dès lors, s’est imposée à moi la question de savoir ce qui fait que, dans un pays réputé pour sa solidarité familiale, pour le respect de ses aînés et son hospitalité légendaire, des personnes âgées se retrouvent hébergées en dehors du cadre familial. Ce travail s’attachera à apporter quelques éléments de réponse à cette interrogation.

Sur une liste de 41 établissements de protection sociale gérés quasi exclusivement par des associations travaillant dans une trentaine de provinces, seuls quatre portent l’appellation « Centre pour personnes âgées » : ce sont les établissements de Meknès, d’Oujda, de Kénitra et d’El Jadida. Ce sont les centres de Meknès et d’Oujda qui semblent avoir une certaine envergure puisqu’elles prennent en charge plus d’une centaine de personnes ; ceux de Kénitra et El Jadida hébergent respectivement 70 et 30 personnes.

Plusieurs considérations ont fait que mon choix s’est porté sur le CPA de Meknès [5] : d’abord Meknès Tafilalet est en même temps une des régions les plus grandes et les plus pauvres du pays, ensuite l’essentiel des PA est pris en charge par le CPA de Meknès [6] et enfin, dans une enquête qui a pris plusieurs semaines, la proximité est loin d’être un facteur négligeable.

Étant donné que sur un effectif total de pensionnaires de 130 personnes, plus de la moitié souffrent de divers handicaps (troubles psychiques, handicaps sensoriels liés à la surdité et à la faculté d’expression, personnes alitées et souffrantes), j’ai fait le choix de mener des entretiens avec toutes les personnes en mesure de s’exprimer normalement. Ainsi, 50 personnes (20 femmes et 30 hommes) ont été interrogées sur leurs histoires de vie, leurs parcours professionnels pour celles et ceux qui en ont eu ; les conditions de leur admission au sein de l’établissement, leurs jugements sur les conditions de séjour, les liens entretenus avec leurs familles et proches, les difficultés liées à leurs situations, etc.

Résultats de l’enquête

1- L’âge des personnes enquêtées

Il faudrait tout d’abord noter que la plupart des pensionnaires du CPA de Meknès étant issus de milieux sociaux défavorisés, ils n’ont pas de pièces d’identité et ne connaissent pas leurs âges de manière précise. En effet, seules 34 personnes (19 femmes et 15 hommes) sur les 130 inscrites dans le registre des pensionnaires disposent d’une année de naissance. L’âge moyen est de 70,2 ans ; celui des femmes (72 ans) est supérieur à celui des hommes (67,8 ans) puisque près de la moitié des femmes sont âgées de plus de 75 ans contre seulement près d’un homme sur quatre.

2- Origine des pensionnaires

Le tableau ci-dessous nous renseigne sur les lieux de provenance des pensionnaires

Ce tableau montre que si plus de la moitié des pensionnaires sont issus de la ville de Meknès, cela concerne près des deux tiers des femmes. Sur le plan sociologique, il est admis que l’espace de mobilité géographique des femmes est plus réduit dans les sociétés qualifiées de traditionnelles, notamment en milieu rural. L’évolution des valeurs est en effet plus perceptible en milieu urbain où l’on constate une tendance à la nucléarisation des familles et une montée de l’individualisme et d’une certaine exigence en matière d’indépendance et de libertés individuelles au détriment des valeurs traditionnelles de solidarité, d’assistance notamment envers les parents. Ce devoir, qui s’étend aux grands parents, aux frères et sœurs, aux oncles et tantes et aux neveux et nièces, est considéré comme sacré et la personne qui s’y soustrait est perçue comme ingrate et maudite (messkhoute).

C’est pour cette raison que celles et ceux qui décident d’abandonner les leurs n’assument que rarement leur geste. Certains d’entre eux osent déposer, en cachette et en général tôt le matin, la personne âgée au seuil du portail du CPA, à l’hôpital, près du siège du représentant de l’autorité locale, dans une gare routière, etc.

3- Ancienneté dans le CPA

Les données sur l’ancienneté des pensionnaires sont consignées dans le tableau suivant.

Si 20% des personnes interrogées résident dans le CPA depuis moins d’un an, près de la moitié d’entre eux y est hébergée depuis une période allant jusqu’à 10 ans et trois PA sur dix y sont depuis plus de dix ans. La proportion d’hommes appartenant à cette dernière catégorie est presque deux fois plus importante que celle des femmes. L’âge moyen d’admission en CPA est par conséquent inférieur chez les hommes. Cela pourrait s’expliquer d’un côté par le fait que les femmes ont tendance à être prises en charge au sein des familles durant une période plus longue que les hommes et de l’autre par le fait que tant que leur santé le leur permet, elles ont la possibilité de travailler comme aides ménagères ou comme nounous pour les enfants. Nous verrons plus loin que c’est le cas de trois femmes interrogées sur dix et de près de 55% de celles ayant déjà travaillé.

4- Contexte d’admission dans le centre

4.1- Motifs d’admission

Les conditions dans lesquelles les pensionnaires ont été admis en CPA sont aussi diverses et variées que le sont leurs histoires et leurs parcours dans la vie. Nous les avons tout de même synthétisées dans le tableau ci-après.

A la lecture de ces données, il apparaît que pour les deux tiers des personnes interrogées (une femme sur deux et plus de trois hommes sur quatre), ce sont les problèmes de santé qui sont à l’origine de leur placement en CPA. L’éventail de ces soucis de santé s’étale des maladies chroniques aux séquelles d’accidents et aux handicaps.

L’abandon est venu en deuxième position parmi les motifs invoqués par les pensionnaires. Il concerne plus de 4 personnes sur dix et survient en général suite à la détérioration de l’état de santé de la personne âgée et à l’incapacité de ses proches de faire face aux dépenses occasionnées par le traitement des maladies.

Le décès des parents et/ou du conjoint concerne 40% des PA interrogées et les précipite dans des situations de précarité propices à leur admission en CPA. Une personne sur quatre y a été placée suite à des conflits familiaux. Cela concerne beaucoup plus les femmes (45%) que les hommes (10%) et il s’agit en général du fameux problème de la coexistence sous un même toit de la belle mère avec le beau fils ou la belle fille.

Le divorce et la séparation sont également des motifs d’admission en CPA notamment lorsqu’ils surviennent à un âge avancé. En proportion, les femmes en sont victimes deux fois plus que les hommes car l’on sait qu’après un divorce, une femme qui ne travaille pas, qui ne possède rien et qui de surcroît n’a plus de famille a beaucoup de chance de se retrouver dans la rue. Le « nouveau » code de la famille a introduit quelques réformes pour éviter que des femmes divorcées se retrouvent dans le dénuement total après une longue vie conjugale mais les effets de ces réformes tardent, à mon sens, à se manifester car, comme chacun le sait, on ne change pas la société par décret. Enfin, 10% des femmes interrogées ont été admises en CPA suite à une fuite du domicile conjugal.

4.2- Procédure d’admission

Nous avons interrogé les PA sur les structures ou les personnes qui les ont recommandées ou aidées à être placées en CPA. Leurs réponses peuvent être résumées de la manière suivante.

Ce qui frappe à la lecture de ce tableau, c’est le rôle joué par les autorités locales puisque la plupart des pensionnaires interrogés sont admis par leur biais. Ici, l’autorité locale est entendue au sens large qui s’étend du représentant de l’autorité au niveau d’un quartier (ou douar en milieu rural) à la personne (pacha ou caïd) qui détient cette autorité au niveau d’un cercle (arrondissement urbain ou zone rurale).

Pour les responsables administratifs du CPA, l’accord et la recommandation des autorités locales représentent une garantie contre le risque d’admission d’un pensionnaire qui serait poursuivi en justice. Mais, en l’absence de toute enquête sociale et de critères objectifs d’admission [7], la direction du CPA se retrouve parfois dans « l’obligation » d’accepter certaines personnes, certes souvent pauvres et abandonnées mais qu’on ne peut même pas qualifier d’âgées. Pour quelques unes d’entre elles, il s’agit plutôt d’handicapées physiques, sensorielles ou mentales n’ayant même pas la quarantaine, pour d’autres, il s’agit de femmes divorcées et/ou abandonnées et enfin j’ai été étonné de découvrir parmi les pensionnaires un adolescent !

Les amis et les voisins viennent en deuxième position comme intermédiaires pour le placement des PA. Cela nous semble compréhensible puisque dès lors qu’une personne se retrouve dans la rue ou face à des problèmes de santé, les premiers à le découvrir sont les voisins et amis surtout lorsque la PA habite loin de sa famille. Les relations sociales jouant à ce niveau un rôle primordial, les voisins et/ou amis commencent d’abord par aider eux-mêmes la PA en difficulté avant d’essayer de le placer en CPA lorsqu’ils constatent que son état nécessite une prise en charge permanente dont ils n’ont souvent ni le temps, ni les moyens.

C’est ensuite l’hôpital qui recommande une PA sur six. Ces personnes y ont pour la plupart été admises pour être opérées ou soignées pour des maladies chroniques et après un séjour plus ou moins long à l’hôpital. Elles ont parfois perdu tout contact avec leurs familles. Quand elles sont issues de zones rurales, enclavées et pauvres, l’admission en CPA se présente souvent comme une solution adéquate pour l’ensemble des protagonistes : la PA d’abord qui se retrouve hébergée gracieusement dans un lieu proche de l’hôpital, ensuite ceci n’est pas fait pour déplaire au médecin traitant qui peut suivre régulièrement son patient et qui préfère le voire loger dans de meilleures conditions d’hygiène et enfin sa famille en général très pauvre et qui trouve là un moyen d’éviter les frais et les risques liés au transport et à l’hébergement de la PA malade.

Enfin, pour 10% des hommes interrogées et 5% des femmes, ce sont les parents [8] et les enfants qui placent la PA de leur famille en CPA. Pour les raisons que j’ai déjà évoquées plus haut, cela ne se passe pas souvent de manière directe et transparente. La famille proche pratique parfois le « wait and see » et attend que la PA soit définitivement admise pour se manifester ou utilise des connaissances ou des intermédiaires pour le faire en leur demandant une certaine discrétion.

Ce qui m’a été rapporté par les PA interrogées m’a permis de comprendre que parfois le conflit ou les disputes sont consciemment ou inconsciemment utilisées pour provoquer la séparation et l’admission en CPA. Ce n’est que par la suite que la réconciliation intervient mais en gardant d’un « commun accord » la PA en CPA. Nous verrons plus loin dans quelle mesure les liens familiaux se maintiennent ou se distendent dans ce genre de situations.

5- Situation familiale

Le tableau suivant nous donne un aperçu sur la situation familiale des enquêtés.

Ce tableau montre que près des deux tiers des personnes interrogées sont soit divorcées ou séparées soit veuves. Mais si le divorce ou la séparation concerne une personne sur trois, la situation de veuvage est plus répandue chez les femmes (45%) que les hommes (16,7%). Cela s’explique par le fait que le remariage après le décès du conjoint est beaucoup plus fréquent chez les hommes qu’il ne l’est chez les femmes. Et dans une société où la grande majorité des femmes de cette génération ne travaille pas, le veuvage constitue un facteur supplémentaire de précarité dans les milieux pauvres surtout lorsque la femme n’a pas eu d’enfants ou a des enfants en bas âge.

Par ailleurs, près une personne interrogée sur trois n’a jamais été mariée. En proportion, cette situation concerne quatre fois plus les hommes que les femmes. En effet, dans le modèle traditionnel où l’homme est censé assurer les moyens de subsistance du foyer, on peut considérer qu’en situation de pauvreté, les hommes auront plus de difficultés à se marier que les femmes. Toujours est-il qu’une personne pauvre et de surcroît seule a plus de chance de se retrouver en difficulté dès que les parents décèdent.

Enfin, une personne sur dix déclare être encore mariée. Pour les femmes, cela est souvent lié à des situations de polygamie. Le mari polygame trouve malheureusement parfois le moyen d’abandonner sa première épouse malade et/ou en conflit avec la seconde. Pour les deux hommes concernés, l’un d’entre eux s’est marié avec une femme pensionnaire du CPA et pour l’autre, il s’agit d’un polygame de 66 ans qui a abandonné ses deux familles suite à un accident qui lui a causé de multiples fractures et qui l’a empêché d’exercer son métier de coiffeur.

Neuf femmes ont déclaré avoir des descendants : trois d’entre elles ont chacune un fils (un fonctionnaire retraité, un ouvrier agricole et un serveur dans un restaurant), trois en ont chacune deux (la première a un fils et une fille mariés respectivement Moulay Idriss et Rabat, la deuxième a un fils de 20 ans et une fille de 17 ans vivant avec leur père et la troisième a un fils de 27 ans chômeur et sans domicile fixe et une fille de 15 ans pensionnaire de la Maison de le Jeune Fille relevant de la même association), une en a quatre (une mariée, deux divorcées et une mère célibataire) et deux en ont cinq (les cinq filles de la première sont mariées en Algérie et les cinq fils de l’autre sont respectivement mariés à Berkane dont un gardien à Rabat et trois ouvriers agricoles à Agouray).

Six hommes ont déclaré avoir des descendants : deux d’entre eux en ont un seul (le premier a un fils qui a une cinquantaine d’années et qu’il ne voit plus depuis longtemps et le second a un fils de 11 ans qui vit avec sa maman), trois en ont trois ( le premier a trois fils ayant entre 28 et 45 ans, le deuxième a trois filles mariées âgées de 22 à 32 ans et dont l’une est adoptée par une personne de sa famille qui vit en Europe et le troisième a deux filles de 22 et 24 ans et un fils de 27 ans) et le dernier a deux filles âgées de 42 et 30 ans et cinq fils âgés de 22 à 41 ans. Sa fille et son fils aînés vivent avec leur mère divorcée à Rabat et les autres à Meknès.

6- Antécédents professionnels

Dans quelle mesure les pensionnaires ont-ils déjà travaillé avant leur placement en CPA ? Le tableau suivant nous donne quelques éléments de réponse.

Ce tableau montre que si plus des deux tiers des PA interrogées ont travaillé durant une période de plus de dix ans, cette proportion est beaucoup plus importante chez les hommes (87%) qu’elle ne l’est chez les femmes (40%). Par contre, celle des femmes ayant travaillé durant moins de 10 ans est plus de quatre fois plus élevée que chez les hommes. Cela s’explique par le fait que les femmes qui se retrouvent sans ressources après un divorce ou le décès de leurs maris, n’ont en général d’autre choix que de travailler pour subvenir à leurs besoins surtout lorsqu’elles n’ont pas de descendant adulte. Enfin, si près d’une personne interrogée sur quatre n’a jamais travaillé, cette situation est beaucoup plus répandue chez les femmes (45%) que chez les hommes (10%).

Voici un aperçu sur les métiers qui ont été exercés par les PA interrogées.

Le premier constat qui se dégage à la lecture de ces données est que d’abord pour l’essentiel, les PA interrogées ont exercé des métiers assez précaires. Ensuite, il apparaît que l’éventail des professions exercées par les hommes est beaucoup plus large pour les hommes qu’il ne l’est pour les femmes. Si la majorité des femmes (54,5%) ont travaillé comme aides ménagères ou nounous, près des deux tiers des hommes étaient des ouvriers agricoles, dans le bâtiment ou dans des sociétés. Enfin, une minorité a exercé des professions libérales telles que commerçant, artisan, coiffeur, tailleur, etc.

Il va sans dire qu’aucune PA interrogée ne bénéficie d’une quelconque pension de quelque nature que ce soit y compris les deux hommes qui ont exercé le métier de fonctionnaire pendant des périodes de 20 ans pour l’un et de 12 ans pour l’autre. C’est également le cas de la femme coiffeuse qui a travaillé pendant 13 ans dont la moitié comme patronne d’un salon de coiffure, quatre ans comme coiffeuse salariée et deux comme formatrice dans une école privée réputée. Enfin, près de 16% des PA interrogées avaient des métiers encore plus précaires que j’ai qualifiés de « petit commerce » et qui consistent à vendre par terre toutes sortes de produits dans les souks ou les quartiers populaires ou pour certains hommes à être marchand ambulant et/ou porteur.

7- État de santé des résidents

Lorsque nous avons interrogé les PA sur leurs états de santé, nous avons obtenu les réponses suivantes.

Ce tableau montre que plus de neuf PA sur dix souffrent de maladies. Il s’agit pour l’essentiel de maladies chroniques et qui nécessitent d’autant plus un suivi médical régulier que la plupart des résidents malades cumule plus d’une maladie. Le tableau suivant en témoigne.

70% des résidents cumulent deux à trois maladies et trois PA sur dix n’en ont déclaré qu’une seule. Pour faire face à toutes ces maladies, le CPA de Meknès ne dispose que de deux infirmiers et d’un agent de secourisme [9] : l’un des infirmiers, mis à la disposition par le ministère de la santé, y travaille à plein temps depuis plus de 20 ans et l’autre y a été provisoi¬rement détaché depuis huit mois en attendant de retrouver le centre de santé en travaux où il est affecté. L’agent de secourisme est une jeune demoiselle qui a pour unique expérience un stage de deux mois au Croissant Rouge et qui touche une petite indemnité pour le travail qu’elle fait pour le CPA. Cette petite équipe travaille de 8h30 à 16h et s’occupe des soins de plus de 120 PA dont près de la moitié sont atteints de troubles psychiques, certains sont alités, d’autres incontinents, etc. C’est dire qu’entre 16h et 8h30, les PA malades sont livrées à elles mêmes et doivent attendre la reprise de service de l’équipe médicale.

L’entretien que j’ai pu avoir avec les deux infirmiers m’a permis de me rendre compte de l’ampleur du déficit en matière d’encadrement sanitaire que connaît la MPA de Meknès. D’après mes deux interlocuteurs, pour assurer des soins de santé dans de bonnes conditions et 24h/24, il faudrait au moins disposer d’une équipe composée d’un gériatre, d’un psychiatre, d’un médecin généraliste, de quatre fois plus d’infirmiers et de cinq aides soignantes pour assurer les soins aux PA dépendantes.

8- Liens familiaux

8.1- Nature des liens familiaux

A la question de savoir si les pensionnaires ont de la famille, le tableau ci-dessous apporte des éléments de réponse.

Près des trois quarts des personnes interrogées ont des collatéraux, 28% ont des descendants (40% des femmes et 20% des hommes), 10% ont un conjoint et 10% des femmes ont un parent en vie. Pour cette dernière catégorie, il s’agit de deux femmes : la première a encore sa mère remariée dans une autre ville et la seconde a encore son père remarié et qui réside à l’étranger. Seule une femme sur dix et près d’un homme sur quatre ont déclaré n’avoir aucun lien familial. Dans quelle mesure les pensionnaires ont-ils des contacts avec leurs familles ? C’est ce que nous allons découvrir dans ce qui suit.

8.2- Fréquence des visites au CPA

Le tableau suivant nous informe sur la fréquence des visites que reçoivent les PA.

Il ressort de ce tableau que plus de la moitié des hommes et trois femmes sur dix ne reçoivent jamais de visite. Une PA sur trois n’est visitée que rarement, 10% seulement déclarent accueillir des visiteurs à un rythme mensuel ou hebdomadaire. Si les femmes semblent plus en contact avec leurs familles que les hommes, les visites se limitent en général aux occasions religieuses telles que les fêtes de rupture du jeûne et du sacrifice. Aussi, est-il utile de connaître la nature des liens qui unissent les PA avec les personnes qui leur rendent visite.

8.3- Nature des liens avec les proches

- 8.3.1- Qui rend visite aux pensionnaires ?

Le tableau suivant nous éclaire sur cette question.

Étant donné que la plupart des PA interrogées n’ont pas de descendants, ce sont en général les frères, sœurs, neveux et nièces qui leur rendent visite. Pour celles qui en ont, les femmes semblent entretenir de meilleures relations avec leurs descendants que les hommes puisque cinq femmes sur huit reçoivent la visite de leurs descendants contre seulement un homme sur six. Cela s’explique aussi bien par le statut affectif particulier des mères que par les rapports tendus que certains pères entretiennent avec leurs enfants à cause d’un divorce mal vécu ou d’un abandon. Quelques hommes se réjouissent enfin de recevoir la visite d’anciens voisins et/ou amis. En effet, lorsque pour une raison ou une autre, les liens familiaux se distendent, ces visites rompent souvent la monotonie qui caractérise la vie en CPA.

- 8.3.2- Arrive-t-il que les pensionnaires soient invités ?

Le tableau suivant nous donne la réponse.

Plus des trois quarts des PA interrogées ne sont jamais invitées. 40% des femmes déclarent être invitées contre seulement 13,3% des hommes. Si l’état de santé de beaucoup de pensionnaires et les soins qu’ils sont censés recevoir les empêchent de se déplacer pour rendre visite à leurs proches, pour la plupart d’entre eux, le placement en CPA semble s’accom¬pagner d’un abandon familial. Pour les familles concernées, ce placement est vécu comme un échec, comme un renoncement, comme quelque chose de contradictoire avec ce que la société considère comme des valeurs fondatrices de la culture et de la religion.

- 8.3.3- Prennent-ils l’initiative de rendre visite à leurs proches ?

Plus des trois quarts des PA interrogées ne prennent jamais l’initiative de rendre visite à leurs proches. Certains pensionnaires ont même déclaré que leur famille les dissuade de le faire à cause du « Qu’en dira-t-on !? ». Tout se passe en effet comme si, en prenant la « douleureuse » décision de placer leur PA en CPA, ces familles espèrent faire oublier son existence à leur entourage (voisins, membres éloignés de la famille, etc.). Pour expliquer l’attitude de certains membres de sa famille à son égard, une femme m’a même rapporté leurs propos : « Les gens se moquent de nous quand tu viens nous voir. Ce n’est pas la peine de venir ; nous te rendrons visite ! ». C’est entre autres pour cette raison que seule une PA sur quatre décide d’aller voir sa famille.

Chez qui les cinq femmes et sept hommes se rendent-ils ? Le tableau suivant nous le dit.

On voit bien que pour les femmes, le lien familial notamment avec les descendants est privilégié alors que pour les hommes, l’amitié et le voisinage sont au moins aussi importants que la famille. Du reste, j’ai constaté chez la grande majorité des PA que le sentiment de rejet familial entraîne beaucoup d’amertume, une certaine désillusion voire une résignation et un repli sur eux-mêmes. Dès que j’abordais cette question, je voyais souvent les yeux de mes interlocuteurs briller et entendais certains propos significatifs que je rapporte ici.

Ces propos reflètent bien le déficit en matière d’affection que ressentent les pensionnaires. La plupart d’entre eux comprennent que leurs familles soient dans l’incapacité de s’occuper d’eux et de les prendre en charge. Ils voudraient juste sentir qu’ils comptent pour les leurs et qu’ils n’ont pas été oubliés. Lorsqu’ils se rendent compte que ce n’est plus le cas, cela les blesse mais ils s’efforcent d’en parler avec retenue et en faisant preuve de dignité. Sont-ils pour autant satisfaits de leur séjour dans le CPA ? C’est ce que nous allons voir ci-après.

9- Jugements des pensionnaires sur leurs conditions de séjour

Ces jugements sont consignés dans le tableau suivant.

Il ressort de ce tableau que la majorité des PA interrogées est satisfaite de ces conditions de séjour dans le CPA de Meknès. En effet, ces personnes ont toutes connu des conditions assez précaires et difficiles avant leur admission et apprécient à sa juste valeur la possibilité de disposer d’un toit et d’être nourries, blanchies et soignées. Beaucoup d’entre elles déclarent que l’Association de Bienfaisance leur garantit ce que leurs propres familles n’ont pas pu ou parfois voulu leur assurer. Cette opinion est plus fréquente chez les femmes (70%) que chez les hommes (40%). Ces derniers qui ont eu, pour la plupart d’entre eux, une activité professionnelle vivent d’autant plus mal le fait de se retrouver en CPA que les pensionnaires ne sont autorisés à sortir de l’établissement que le vendredi. Et pour des raisons liées à la sécurité des PA, les sorties plus longues sont soumises à autorisation de la Direction qui demande souvent à connaitre l’identité et l’adresse des personnes qui les reçoivent. Les femmes, quant à elles, étant plus habituées à rester à la maison sont plus nombreuses à se déclarer satisfaites.

Malgré toutes les précautions que j’ai pu prendre lors des entretiens [10], je peux témoigner ici de la grande difficulté que j’ai eue à recueillir les jugements de mes interlocuteurs sur cet aspect en particulier. J’ai constaté en effet que la dignité et la pudeur de la plupart d’entre eux les ont d’autant plus empêchés d’émettre d’éventuelles critiques ou doléances concernant leurs conditions de séjour que l’Association les prend en charge gratuitement.

Près d’un pensionnaire sur quatre a déclaré qu’il n’a pas choisi cette situation et qu’elle s’est imposée à lui. Des propos du genre « Je n’ai pas où aller », « Ici, au moins, on n’a pas à se soucier de quoi que ce soit » « Il vaut mieux ici qu’à la rue ! », etc. sont révélateurs de cet état d’esprit.

Enfin, 24% des PA interrogées ont déclaré leur insatisfaction. On peut classer ces personnes en trois catégories :

  • Les personnes relativement instruites : il s’agit de cinq hommes dont quatre ont un niveau d’instruction qui s’est arrêté au collège et le cinquième a un niveau coranique. Ils ont tous eu une carrière professionnelle : deux d’entre eux sont d’anciens fonctionnaires, le troisième a été employé dans une société, le quatrième a été coiffeur et le dernier a été commerçant. Ils ont entre 57 et 70 ans. Deux d’entre eux ont des descendants adultes, deux sont veufs, un est divorcé et le dernier jamais marié. Ils considèrent tous que le CPA n’est pas un lieu convenable pour eux : l’un d’entre eux a qualifié la vie qu’il mène de douleureuse et l’autre de misérable. Ils entretiennent peu (ou pas) de relations entre eux, sont mélancoliques, parlent avec nostalgie de leurs passés et aimeraient retrouver leurs descendants ou leurs familles.
  • Les déracinés de Moulay Idriss : il s’agit de quatre personnes (deux femmes et deux hommes) qui font partie d’un groupe de dix hommes et quatre femmes qui étaient d’anciens pensionnaires d’un CPA insalubre de Moulay Idriss [11] et que les autorités locales ont transférés manu militari à Meknès au petit matin, semble-t-il, sans même leur donner le temps de prendre leurs affaires. Ces personnes ont très mal vécu ce transfert brutal et n’ont qu’une idée en tête : celle de retourner à Moulay Idriss pour retrouver leurs proches et amis et l’environnement où elles avaient leurs habitudes. -* Les mères abandonnées : deux des trois femmes insatisfaites de leur séjour en CPA sont dans cette situation. Elles ont beaucoup de mal à admettre qu’elles soient abandonnées par leurs propres enfants. L’une d’entre elles dit que son fils unique lui a promis de venir la chercher et qu’elle l’attend et l’autre déclare vouloir quitter l’établissement si l’un de ses cinq fils veut bien l’accueillir.

Les autres personnes insatisfaites le sont pour des raisons diverses liées à la monotonie, à la qualité des repas, à la faible fréquence des visites des proches, etc. Le fait que la possibilité de sortir de l’établissement soit limitée à la journée du vendredi est assez mal vécu notamment par les hommes. En faisant un tour dans l’établissement en compagnie du directeur, nous avons croisé et communiqué avec un pensionnaire sourd muet et qui est convaincu d’être emprisonné simplement parce que c’est la police qui l’a amené le jour de son admission.

En définitive, si, pour des raisons que j’ai évoquées plus haut, 70% des femmes sont satisfaites de leurs conditions de séjour, 60% des hommes se déclarent soit insatisfaits soit acculés à vivre en CPA. Dans une société patriarcale où l’homme est censé assumer la responsabilité familiale, on peut en effet comprendre que des personnes ayant connu des accidents de parcours liés à leurs vies personnelles ou professionnelles vivent leur placement en CPA comme un échec. Cet échec est d’autant plus mal ressenti que la personne a eu une activité professionnelle et un certain niveau d’instruction. Pour les femmes, c’est surtout l’abandon par leurs propres « enfants » qui est vécu comme insupportable et inadmissible.

10- Doléances des pensionnaires

Au-delà du jugement global des PA sur leurs conditions de séjour, j’ai tenu à les interroger sur ce dont elles ont besoin. Leurs réponses sont consignées dans le tableau suivant.

Ces données confirment ce que nous avons constaté plus haut, à savoir que les femmes se contentent plus que les hommes de leurs conditions de vie. Du reste, parmi les doléances exprimées, le besoin affectif arrive en premier lieu suivi des soins de santé. Nous avons déjà montré que les liens familiaux des pensionnaires avec leurs familles se distendent voire disparaissent avec le temps et que cela est perçu comme une déchéance sociale. L’abandon par les proches est d’ailleurs souvent lié à l’état de santé des PA. Ces dernières, étant pour la quasi-totalité d’entre elles issues de milieux sociaux pauvres et parfois éloignés des hôpitaux, sont beaucoup mieux suivies médicalement au sein du CPA.

Nous avons déjà signalé que la dignité des PA interrogées a empêché la plupart d’entre elles d’exprimer des besoins matériels. Celles qui l’ont fait (surtout des hommes) ont juste réclamé de pouvoir sortir plus fréquemment de l’établissement, de disposer pour cela d’argent de poche et pour des raisons diverses, trois d’entre eux ont souhaité bénéficier de meilleurs repas.

Il va donc de soi que la grande majorité des pensionnaires apprécie les efforts faits par le personnel du CPA et les bienfaiteurs volontaires. En plus, d’un directeur, d’un surveillant général, d’un magasinier, d’une dame responsable de la cuisine, de deux gardiens et d’une personne qui assure la permanence les week-ends et en dehors des horaires de travail, l’établissement dispose de neufs personnes qualifiées de « responsables du ménage » mais qui font un travail extraordinaire et avec un dévouement et une abnégation remarquables. Il s’agit de sept femmes âgées entre 36 et 55 ans et de deux hommes de 43 et 53 ans. A part la femme la plus jeune qui a un niveau d’instruction primaire, toutes les autres sont analphabètes ; les deux hommes ont atteint un niveau d’études secondaires.

Exceptée une femme mariée et sans enfants, tous les autres sont mariés (ou l’ont été) et ont des enfants à charge. A part deux femmes [12] payées aux deux tiers par des bienfaiteurs et indemnisées par l’Association, les sept autres responsables sont entièrement rétribués par l’association, reçoivent des salaires compris entre 2200 (environ 200 euros) et 2400 dirhams et sont déclarés et bénéficient d’une couverture sociale et des cotisations de retraite. Cinq d’entre eux ont une ancienneté de travail avec l’association comprise entre douze et quinze ans et les deux autres ont des anciennetés respectives de 19 et 33 ans. Seul l’un des deux hommes a exercé quelques années le métier de coiffeur avant de rejoindre le CPA ; tous les autres n’avaient aucune expérience professionnelle préalable.

Je me suis entretenu avec toutes ces personnes et je les vues à l’œuvre et j’aimerai leur faire un hommage particulier car elles agissent toutes en bonnes mères et bons pères de familles, ne comptent pas leurs heures de travail et entretiennent des relations humaines très chaleureuses et empreintes de beaucoup d’affection et de complicité avec les personnes âgées dont elles s’occupent. Leur travail dépasse de loin les tâches ménagères et s’étend à l’assistance des PA dans leurs gestes et besoins de la vie quotidienne, leurs toilettes pour les personnes dépendantes, la communication et l’écoute concernant leurs soucis et leurs souffrances physiques et/ou morales.

La contribution des bienfaiteurs est également primordiale. En effet, même si l’établissement assure un service quotidien de cuisine, certains bénévoles offrent parfois des repas aux pensionnaires, d’autres achètent des produits alimentaires pour alimenter le magasin, d’autres encore amènent des habits neufs ou utilisés, certains d’entre eux proposent parfois d’accompagner quelques PA au bain public, d’autres consacrent toute une journée ou plus chaque mois pour assurer la coiffure, etc.

Il est certain que tous ces gestes et d’autres encore partent de bons sentiments et surtout d’une certaine conscience du devoir de solidarité envers les ainés mais ils posent parfois un problème d’organisation pour la direction et le personnel de l’établissement. Certains bénévoles tiennent parfois à servir eux-mêmes les repas offerts même lorsque l’heure du repas est déjà passée ou insistent pour distribuer eux-mêmes les habits même en sachant qu’ils ne sont pas bien placés pour connaitre les besoins spécifiques des uns et des autres, etc. Ce comportement est parfois ressenti par le personnel comme un mépris ou un manque de confiance.

Chacun conviendra que l’amélioration des conditions de vie dans les MPA suppose une certaine professionnalisation des services. Cela passera nécessairement par la formation de ressources humaines spécialisées et qualifiées. Dans un pays en transition démographique et où la proportion des PA doublera dans les vingt prochaines années, les pouvoirs publics seront appelés à développer une ingénierie sociale à destination de cette catégorie fragile de la population. Si l’on peut supposer que les frais de la prise en charge des PA peuvent être supportés par les familles aisées, il est évident que pour les personnes issues de milieux sociaux défavorisés, c’est la société dans son ensemble qui doit assumer ce coût.

Principaux résultats

  • Les résidents ont un âge moyen de près de 70 ans et sont issus pour la grande majorité d’entre eux de la région de Meknès.
  • Près des deux tiers d’entre eux séjournent au CPA depuis moins de dix ans.
  • Pour la plupart, ils ont été admis sur recommandation des autorités locales suite à la détérioration de leur état de santé, à l’abandon familial ou le décès de leurs parents et/ou conjoints.
  • La majorité des pensionnaires sont soit divorcés soit veufs et près de trois personnes sur dix n’ont jamais été mariées.
  • Plus des deux tiers (87% des hommes et 40% des femmes) ont travaillé pendant plus de dix ans et une personne sur quatre n’a jamais travaillé.
  • La plupart des hommes ont exercé le métier d’ouvrier et la majorité des femmes celui d’aide ménagère.
  • Neuf résidents sur dix souffrent de maladies chroniques et un sur deux a déclaré au moins deux maladies.
  • N’ayant pour la plupart pas eu d’enfant, près des trois quarts des résidents entretiennent des liens avec leurs collatéraux et/ou leurs descendants et deux sur dix n’ont aucun contact avec l’extérieur de quelque nature que ce soit.
  • Près de la moitié des pensionnaires ne reçoivent jamais de visite, pour plus du tiers d’entre eux, les visites n’ont lieu que rarement et seul 20% d’entre eux sont visités à un rythme régulier.
  • Plus de trois résidents sur quatre ne sont jamais invités et ne prennent jamais l’initiative de rendre visite à leurs proches.
  • Pour ceux qui entretiennent des contacts avec l’extérieur, le lien de parenté est privilégié par les femmes et celui d’amitié et de voisinage par les hommes.
  • Les déclarations des pensionnaires laissent transparaître un sentiment d’abandon, une certaine amertume et l’expression d’un manque d’affection et de lien social. Ce sentiment est d’autant plus exacerbé que la personne âgée a des descendants ou de la famille proche.
  • Quant aux jugements des résidents sur leurs conditions de séjour, ils sont partagés entre satisfaits (52%) et insatisfaits ou résignés (48%). 70% des femmes se déclarent satisfaites et 60% des hommes se disent déçus ou résignés. L’insatisfaction des hommes est d’autant plus manifeste qu’ils sont relativement instruits et qu’ils ont connu de bonnes situations familiale et professionnelle avant leur admission en CPA.
  • Enfin, lorsqu’on leur demande ce dont ils ont besoin, 30% d’entre eux expriment un manque affectif, 20% des besoins en matière de soins de santé et plus du tiers des personnes interrogées n’ont exprimé aucun besoin.

Références bibliographiques

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Dr Cherkaoui, A. : « Prise en charge des personnes âgées : le Maroc encore peu préparé ». In La vie éco (hebdomadaire) N° 9869 du 30/ 05/ 2008.

Jacquet I. : « La vieillesse au Maroc. Récits de vie et portraits ». Éditions Academia. Belgique, 2009,

Maghrebia : « Les personnes âgées au Maroc, entre solidarité familiale et isolement », 12 juin 2009. www.maghrebia.com/cocoon/awi....

Maghrebia : « Au Maroc, les personnes âgées souffrent de solitude ». 05/12/2008. www.maghrebia.com/cocoon/awi....

Mdidech, J. : « Que fait le Maroc pour ses 2,5 millions de vieux ? ». In La vie éco. www.bladi.net/que-fait-le-ma....

Nassir, C. : « Que faire de nos vieux ». In Maroc Hebdo (hebdomadaire). www.maroc-hebdo.press.ma/MHi....

L’Économiste : “Vieux, maladies, analphabètes et sans assurance…”. In L’économiste (quotidien). Édition N°2914 du 3/12/2008.

Le saint Coran et la traduction en langue française du sens de ses versets. Complexe du Roi Fahd. Édition de la Présidence Générale des Directions des Recherches Scientifiques Islamiques, de l’Ifta et de la Prédication et l’Orientation Religieuse. Arabie Saoudite, 1989.

Loi 14.05 relative aux conditions d’ouverture et de gestion des établissements de protection sociale. Dahir (décret) n°1.06.154 du 22/11/2006, publiée au B.O. n° 5480 du 07/12/2006.

Royaume du Maroc. Haut Commissariat au Plan : « Personnes âgées au Maroc : situation et perspectives ». Centre d’Études et de Recherches Démographiques. Secrétariat Technique. Rabat, 2006.

Saadi, M : « Enquête. Demain, le papy boom ». In Telquel N° 350. www.telquel-online.com/350/m...

Sami, R. : « Au chevet du 3ème âge dans les cinq continents. Si tous les vieux du monde » In Maroc Hebdo (hebdomadaire). www.maroc-hebdo.press.ma/MHi....

[1] 58,3% des personnes âgées vivent dans des familles étendues et 34,9% dans des familles nucléaires. L’isolement ne concerne que 6,8% d’entre elles (8,9% en milieu urbain et 4,4% en milieu rural).

[2] Traduction de l’arabe dialectal « Li sebkek be lila sebkek be hila ».

[3] Le saint Coran et la traduction en langue française du sens de ses versets. Complexe du Roi Fahd. Arabie Séoudite. Sourate Al Israa XVII, versets 23 et 24.

[4] Bourqia, R. et al : « Enquête nationale sur les valeurs », cité par Jacquet I : « La vieillesse au Maroc : Récits de vie et portraits ». Éditions Academia. Belgique, 2009, p. 137.

[5] Etablissement créé en 1970 avec une capacité d’accueil de 130 personnes.

[6] L’établissement de Moulay Idriss ayant été fermé il y a un peu plus d’un an et ses occupants transférés à Meknès et les trois établissements de la province d’Errachidia ne prenant en charge qu’une quinzaine de PA, il ne reste que celui d’Azrou (province d’Ifrane relevant également de la Région) hébergeant 37 personnes.

[7] L’association ne dispose ni d’un règlement intérieur qui énumère ces critères, ni de la moindre assistante sociale pour mener ce genre d’enquête.

[8] Entendus ici au sens large, c’est-à-dire rarement le père ou la mère (c’est le cas d’au moins deux PA interrogées), plus souvent les frères, sœurs, oncles, tantes, cousins et cousines.

[9] Certains médecins bénévoles assurent des consultations mais la fréquence de leurs visites n’est pas régulière.

[10] J’ai veillé à mettre les PA interrogées à l’aise et surtout à ce que les entretiens se déroulent en tête à tête pour faciliter la libre expression des opinions.

[11] Petite ville située à 25 km de Meknès.

[12] Leurs anciennetés sont respectivement de 1 et 4 ans et leurs salaires de 1500 et 1600 Dh sont à un niveau inférieur au SMIC.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011