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Le rôle du gouvernement et des ONG dans le soutien des personnes âgées

Cas de l’Entraide Nationale et du tissu associatif à Casablanca

Bouchra BENNANI, Faculté des Sciences Juridiques Économiques et Sociales, Ain Sebaa, Casablanca, Université Hassan II, Mohammedia, Maroc.

Introduction

Le nombre de personnes âgées au Maroc augmente en permanence. D’ici 2030, cette classe d’âge représentera 15% de la population du pays, passant de 2,5 millions à 8 millions. Une part non négligeable de cette population se retrouve en fin de vie sans soutien et en perte d’autonomie.

En effet, force est de constater que plusieurs facteurs viennent aggraver la situation des personnes âgées. Éclatement de la cellule familiale, changement des habitudes sociales, hausse du coût de la vie, défaillance des systèmes de prévoyance sociale, accentuation des mouvements d’exode, taux de chômage élevé…

On constate ainsi un vif recul de la solidarité familiale et une presque absence d’action publique et associative efficace pour soutenir cette population vulnérable.

Pour subvenir aux besoins de cette frange de population, le gouvernement et la société civile devraient travailler ensemble à trouver des solutions à la fois en termes de famille et de moyens. Leurs efforts devraient s’intensifier avant qu’une grande partie de cette population ne se retrouve dans la rue.

Il est donc légitime de se poser les questions suivantes :

  • Quel est la place réelle accordée actuellement aux personnes âgées dans la politique gouvernementale ?
  • Jusqu’à quelle mesure, les Organisations non gouvernementales agissant dans le domaine social, participent à l’amélioration des conditions de vie de cette population ? Cette étude vise à évaluer le degré de solidarité publique ou privée dont bénéficient les personnes âgées au Maroc.

Ainsi, un premier volet mettra la lumière sur la participation du gouvernement, à travers l’un de ses principaux acteurs dans le domaine social qu’est « L’Entraide Nationale », dans la résolution des problèmes auxquels la population âgée se trouve confrontée. Dans ce cadre, un entretien est effectué avec le chef de service des Établissements de Protection Sociale à Rabat.

Le deuxième volet, consistera à une étude de terrain sur la part de cette population marginalisée dans les programmes du soutien social effectué par les associations œuvrant dans le social à Casablanca. Des entretiens ont été effectués respectivement avec le coordon¬nateur régional de l’Entraide Nationale du grand Casablanca et avec les responsables des associations chargées de personnes âgées à Casablanca.

Enfin, des propositions seront émises en vue d’un meilleur ciblage et intégration de cette catégorie sociale marginalisée aussi bien dans la politique gouvernementale que dans le tissu associatif.

I- Situation des personnes âgées au Maroc

Au Maroc, les personnes âgées de 60 ans et plus représentaient une proportion de 8,1% selon l’enquête du Haut Commissariat au Plan de 2006 après avoir été de 7,2% en 1962. Avec la baisse continue de la fécondité et l’allongement de la durée de vie, nous assisterons, de plus en plus, à un accroissement du poids de cette catégorie de la population. Les projections réalisées par le Haut-commissariat au Plan indiquent que le vieillissement sera la principale et peut être la plus inquiétante caractéristique des modifications démographiques du 21ème siècle. Elles estiment la proportion des personnes âgées de 60 ans et plus à près de 11,5% en 2020 et à 15,4% en l’an 2030 alors que la proportion des moins de 15 ans passerait de 31% en 2004 à 24,1% en 2020 pour chuter à prés de 20,9% à l’horizon 2030.

Tableau 1 : Évolution de la structure de la population du Maroc par grands groupes d’âges (%), 1960-2004 [1]

Selon les chiffres du Haut Commissariat au Plan, seuls 16% des marocains âgés perçoivent une retraite ; Les autres doivent compter sur le soutien de leurs familles et de l’État.

Concernant la région du grand Casablanca, d’après une enquête sur la précarité de la population effectuée en 2005-2006, le nombre de personnes vivant dans l’extrême précarité s’élève à 49 906 personnes. Le nombre de personnes âgées sans ressources s’élève à 11 116 personnes soit plus de 22% de la population démunie. C’est la deuxième catégorie majoritaire dans l’étude après les femmes en situation difficile qui représentent 28% de la population vivant dans la précarité.

Cette part importante des personnes âgées démunies montre l’émergence de phéno-mènes nouveaux à la société marocaine, ayant trait au relâchement des liens familiaux et à la dislocation des valeurs de solidarité propres à notre culture et coutumes.

Ces personnes âgées sans ressource sont pour la plupart analphabètes et n’ont pas eu accès à un emploi stable leur assurant une prime de retraite.

Néanmoins, malgré le nombre important de personnes âgées sans ressources, et jusqu’à 2008, il n’existe qu’un centre destiné à cette catégorie dans le grand Casablanca sur les 52 Établissements de Protection Sociale, abstraction faite du centre social de Tit Mellil. Les trois autres centres ont été créés après 2009.

II- Cadre référentiel et institutionnel

L’action associative puise ses sources dans les fondements même de notre civilisation et de notre culture dont la solidarité représente l’un des dénominateurs communs. Parmi les plus anciennes : les Bienfaisances et les associations sportives.

Toutefois, plusieurs lois nationales et traités internationaux viennent constituer les piliers juridiques et institutionnels de l’action sociale.

1. L’Initiative Nationale du Développement Humain

Le discours royal du 18 Mai 2005, constitue le lancement effectif de l’Initiative Nationale du Développement Humain. L’extrait suivant de ce discours relate la principale mission de l’initiative : «  …venir en aide aux personnes en grande vulnérabilité, ou à besoins spécifiques, pour leur permettre de s’affranchir du joug de la précarité, de préserver leur dignité et d’éviter de sombrer soit dans la déviance, soit dans l’isolement et le dénuement extrême. » [2] Cette initiative qui s’articule autour de 4 grands programmes, constitue un tournant dans l’histoire l’action sociale au Maroc.

  • Programme de lutte contre la pauvreté en milieu rural. Ce programme vise à appuyer le développement local à travers une mise à niveau de l’infrastructure et la mise en place de prestations sociales et surtout le support des activités génératrices de revenus à travers le microcrédit et ayant trait à l’agriculture.
  • Programme de lutte contre la discrimination sociale en milieu urbain. Ce programme vise essentiellement l’insertion des jeunes à travers le renforcement du tissu économique local ainsi que le développement de l’activité sociale et sportive.
  • Programme de lutte contre la précarité extrême. Ce volet s’attaque aux personnes en situation difficile. Les principales actions sont la mise à niveau des établissements de la protection sociale existants ainsi que la création de nouveaux centres offrant diverses prestations ainsi que d’autres plus spécialisés et respectant des normes objectives et précises.
  • Programme horizontal de développement humain. Ce programme vise en premier lieu la mise à niveau des associations œuvrant dans le social. Il donne la priorité aux actions sociales de proximité et en contact direct avec les personnes défavorisées. Le soutien scolaire des écoliers de cette population et l’organisation de caravanes médicales au profit des personnes âgées souffrant notamment de maladies chroniques sont typiquement les actions inscrites dans ce volet.

2. Accords et traités internationaux

Signataire de la charte des droits de l’homme, le Maroc respecte notamment les articles relevant de la protection des droits des personnes âgées et dont l’article suivant constitue l’ossature pour cette population vulnérable.

Les droits économiques, sociaux et culturels des personnes âgées

En 1991, l’assemblée générale a adopté les principes des nations unies concernant les personnes âgées et dont les principaux points sont :

  • Le droit des personnes âgées à avoir la nourriture, l’abri, les vêtements et la protection médicale.
  • Assurer aux personnes âgées la vie en dignité et sureté sans faire l’objet d’aucune exploitation ou maltraitance corporelle ou morale.
  • Traitement équitable des personnes âgées indépendamment de leurs âges, sexes, appartenance raciale ou ethnique, situation financière…
  • Jouir du respect nécessaire indépendamment de leur apport économique.

Dans le plan d’action international de Vienne relatif au vieillissement, les recommandations 19-24 considèrent le « domicile » pour les personnes âgées non seulement comme un abri matériel mais surtout un abri moral et social.

3. Cadre réglementaire et institutionnel marocain

Le Maroc a développé un arsenal législatif en faveur des personnes âgées. Le but étant la mise en place de centres de référence et de proximité.

Loi 14.05 relative aux conditions d’ouverture et de gestion des établissements de protection sociale

Promulguée par le Dahir n° 1.06.154 du 30 chaoual 1427 (22 novembre 2006), la loi 14.05 s’applique aux établissements de protection sociale qui prennent en charge toutes personnes, des deux sexes, se trouvant dans une situation de difficulté, de précarité ou d’indigence, notamment :

  • les enfants abandonnés au sens de l’article premier de la loi n° 15.01 ;
  • les femmes en situation d’abandon familial ou d’exclusion ;
  • les personnes âgées sans soutien  ;
  • les personnes handicapées.

On entend par la prise en charge visée ci-dessus l’accueil, l’hébergement, l’alimen¬tation, les soins paramédicaux et le suivi socio-éducatif, dans le respect de l’intégrité physique des personnes prises en charge, de leur dignité, de leur âge, de leur sexe et de leur capacité physique, mentale et psychologique.

Cette prise en charge peut, en fonction du type d’établissement de protection sociale, être permanente ou provisoire, totale ou partielle.

Composée de 26 articles, cette loi détaille les modalités strictes et exigences pour toute création d’établissement jouant le rôle de protection sociale ainsi que les conditions de gestion et administration des dits établissements.

Elle précise entre autres, les normes techniques minimales à respecter en fonction de la capacité d’accueil de l’établissement, les conditions d’hygiène, de prévention et de sécurité, les normes d’encadrement et d’équipement de l’établissement, les qualifications requises du personnel chargé de la direction et de l’encadrement des activités de l’établissement, notam-ment socio-éducatif, les règles à observer en matière de gestion administrative et financière, en particulier la tenue d’une comptabilité individualisée des comptes de l’établissement.

Il est à signaler que les collectivités locales et l’Entraide Nationale peuvent, dans le cadre de convention, mettre à la disposition de l’établissement, à titre gratuit, pour réaliser les missions qui lui sont imparties, des locaux et du personnel.

Elles peuvent également assurer, le cas échéant, une formation de base ou un perfectionnement au profit du personnel en activité dans les établissements de protection sociale.

Avec son entrée en vigueur en décembre 2007, la loi 14.05 a accordé un délai de deux ans pour la mise à niveau à tous les Établissements de Protection Sociale. Durant cette période, ces établissements s’efforcent à se conformer aux normes exigées par ladite loi. Seule seront autorisés les établissements ayant répondu à ces exigences et bénéficieront par la suite de l’appui du gouvernement.

Contrat programme relatif à la création de centres sociaux référentiels de proximité

C’est une convention de partenariat qui a été signée entre le Ministère du Développement Social de la Famille et de la Solidarité (MDSFS). Elle vise la création de centres sociaux référentiels de proximité en matière de protection de la famille, de la femme, de l’enfance, des personnes âgées et des personnes en situation d’handicap.

Cette convention délègue à l’Entraide Nationale la réalisation et le suivi physique des centres sociaux de référence, à travers ses délégations régionales et en partenariat avec les acteurs extérieurs.

L’ensemble de ces centres seront financés par le budget propre du Ministère, budget de l’Entraide Nationale, et ressources mobilisées dans le cadre de l’INDH.

III- Stratégie et programme de l’Entraide Nationale

1. Présentation de l’Entraide Nationale

Créée en 1957, l’Entraide Nationale est un établissement public doté de la personnalité civile et de l’autonomie financière, placée actuellement sous la tutelle du Ministère du Développement social, de la Famille et de la Solidarité. L’Entraide Nationale a pour mission d’apporter toute forme d’aide et d’assistance aux populations et de concourir à la promotion familiale et sociale. Elle contrôle les œuvres privées d’assistance et de bienfaisance qu’elle subventionne. Elle peut être consultée sur l’opportunité de la création de toute œuvre publique à caractère social ou charitable ainsi que sur les mesures générales ou particulières intéressant la solidarité et l’entraide. Elle effectue également la collecte, le stockage, la répartition et la distribution des dons et subventions dans le cadre des missions qui lui sont dévolues.

Elle contribue en outre, à la formation des agents affectés aux œuvres qu’elle contrôle. Elle peut être appelée à participer à la création d’institutions et d’établissements destinés à faciliter l’accès au travail et à l’intégration sociale des orphelins, des handicapés physiques et de toute personne relevant de son assistance.

L’Entraide Nationale offre diverses prestations destinées aux différentes catégories de la société :

  • Jeunes filles : formation, éducation sanitaire et nutritionnelle, alphabétisation, suivi après la formation, etc.
  • Femmes : formation, éducation sanitaire et nutritionnelle, alphabétisation.
  • Enfants (3 à 6 ans) : éducation préscolaire, suivi sanitaire et nutritionnel.
  • Enfants en situation difficile : Prise en charge totale ou partielle.
  • Jeunes déscolarisés : formation par apprentissage.
  • Adultes : alphabétisation en partenariat avec la Direction de la Lutte Contre l’Analphabétisme.

2. Rôle de l’E.N dans le soutien des personnes âgées

L’Entraide Nationale soutient les associations de bienfaisance qui gèrent des Établissements de Protection Sociale (EPS), dont les foyers des personnes âgées (FPA). Elle ne répertorie que les FPA qui bénéficient de son soutien dans le cadre de conventions de partenariat avec les associations de bienfaisance concernées. Le nombre des FPA existant dans le royaume est de 58, dont 44 sont soutenus par l’Entraide Nationale y compris trois structures en arrêt d’activités temporaire.

Selon, les responsables interviewés de l’Entraide Nationale, le nombre de personnes âgées dans ces centres subventionnés atteint 3331 en 2010, dont 52% sont des femmes et 48% des hommes. 95% de ces centres se trouvent dans le milieu urbain et 5% dans le rural.

Ces 41 centres bénéficient d’une subvention de fonctionnement de l’ordre de 2 992 000 DH et d’une subvention d’équipement de 640 000 DH. En plus de l’aide financière et matérielle, l’Entraide Nationale met à la disposition de ces centres un potentiel de ressources humaines ayant une grande expérience dans l’action sociale et une bonne connaissance de la population défavorisée. Elle joue également le rôle d’accompagnateur pour les centres désireux de se conformer à la loi 14.05. Elle assure aussi l’intermédiation sociale entre ces centres, les associations de la société civile, le Ministère, les collectivités locales et la population environnante.

Par ailleurs, dans les grandes villes notamment, il existe des centres spécialisés relevant du Ministère de l’intérieur qui s’occupent de l’accueil des personnes SDF et personnes assimilés (Tit Mellil, Ain Atik…). Ces centres travaillent en partenariat avec les associations spécialisées, les collectivités locales et les départements publics. Ils bénéficient en outre de la subvention de l’Entraide Nationale.

Les conditions d’accueil dans ces centres ont connu une grande amélioration durant les dernières années : programmes d’aménagement des locaux et d’équipement de la fondation Mohamed V pour la solidarité, l’INDH, programmes spécifiques de l’Entraide Nationale,...

Néanmoins, après l’entrée en vigueur de la loi 14.05 relative aux Établissements de Protection Sociale, et après la fin de la période de mise à niveau en 2009, nous distinguons trois situations pour les centres de personnes âgées :

  • Centres autorisés et qui sont au nombre de 18, et qui ont bien réussi leur mise à niveau conformément à la loi 14.05.
  • Centres en dépôt provisoire et qui sont au nombre de 18, qui ont bénéficié d’un délai supplémentaire pour terminer leur mise à niveau.
  • Et des centres impliqués dans le processus et qui attendent l’avis du Ministère du développement Social de la Famille et de la Solidarité. Ils sont au nombre de 5.

Dorénavant, l’Entraide Nationale n’octroie des subventions qu’aux établissements autorisés.

IV- Les structures de soutien aux personnes âgées à Casablanca

Au Maroc, il existe deux structures dédiées aux personnes âgées :

  • Les foyers de personnes âgées (FPA) qui ont pour mission de prendre en charge des personnes âgées en situation précaire et sans soutien familial ou sans domicile fixe en vue de leur offrir des conditions de vie convenables.
  • Le deuxième type de structure qui sont les centres de jour qui ont été nouvellement créés .Leur but est d’œuvrer pour une meilleure insertion sociale des bénéficiaires, en leur offrant un cadre convivial et un accompagnement spécifique.

Lors de cette étude, des visites ont été effectuées à l’ensemble des centres des personnes âgées existant dans la ville de Casablanca ; C’était l’occasion de mener des entretiens avec leurs responsables à propos de plusieurs questions :

  • Les critères d’admission.
  • Le nombre de bénéficiaires, leur sexe, âge et situation matrimoniale.
  • Leur niveau d’étude.
  • Leurs Pathologies.
  • Les actions de soutien et les prestations offertes.

1. Présentation des centres dédiés aux personnes âgées

Au niveau de la ville de Casablanca, ces deux types de centres relatifs aux personnes âgées, sont gérés en partenariat avec des organismes du gouvernement et des associations de la société civile. Ils sont au nombre de trois foyers pour personnes âgées et de deux centres de jour. Un troisième centre de jour est en cours d’équipement. Ils sont répartis dans diverses préfectures : Anfa, Sidi Bernoussi, Ain Chok, Hay Hassani, Médiouna, et Ain Sebaa prochainement.

Dirigés par des associations à but non lucratif, ces centres assurent une gamme de services en faveur des personnes âgées qui pour la plupart proviennent des milieux sociaux défavorisés. Ces centres ont tous bénéficiés des fonds de l’INDH qui selon les cas, ont concerné la construction, le réaménagement, l’équipement ou dans des cas l’extension des locaux.

Les locaux de ces centres sont divisés entre des pavillons hommes et pavillons femmes. Ils contiennent entre autres, des espaces pour loisirs, infirmerie, salle de consul¬tation, bibliothèque, foyer et dans certains cas une salle de kinésithérapie (pour le centre de Ain Chok). Pour les centres du jour, nous trouvons une cafétéria, des salles pour activités manuelles, des unités dentaires en cours de préparation, et une salle d’échange et d’écoute pour les bénéficiaires et dans le cas d’un seul centre (Sidi Bernoussi) une salle de sport adapté aux personnes âgées.

2. Le statut et effectifs des bénéficiaires

Les bénéficiaires des établissements visités sont les personnes âgées de plus de 60 ans qui ont besoin d’assistance et de soins, et qui pour la plupart proviennent des milieux sociaux défavorisées. Pour les foyers de personnes âgées, ils logent les personnes sans domicile fixe et les abandonnés. Tous ces centres refusent les cas de personnes âgées apportées par leurs enfants ou leur famille et n’accepteront que des cas extrêmes.

Les effectifs par centre peuvent être résumés dans le tableau suivant.

Tableau 2 : Données relatives aux centres de personnes âgées dans le Grand Casablanca.

D’après le tableau, le nombre des femmes est majoritaire, cela est dû à des causes structurelles ; En effet, la majorité des femmes sont veuves et dans certains cas des célibataires, sans aucun revenu. Les hommes, notamment dans les centres de jour sont parfois retraités.

Quant au niveau d’études, dans les FPA, à part des rares cas, la majorité des pension-naires femmes sont analphabètes alors que les hommes ont un niveau faible d’instruction. Pour les centres du jour, la situation est similaire pour les femmes. Les hommes, en revanche, ont un niveau moyen d’études. Des salles de lecture ont été équipées dans ce sens mais restent faiblement consultées.

3. Les pathologies fréquentes des bénéficiaires

Dans les deux structures d’accueil des personnes âgées, les maladies fréquentes sont le diabète, les maladies de l’appareil circulatoire, les maladies ostéo-articulaires (rhumatisme et arthrose) et les affections ophtalmologiques. En plus de ces maladies reconnues comme celles du troisième âge, nous signalons des cas de dépression nerveuse.

Par ailleurs, dans les FPA, il existe des handicapés et des alités et certains cas de troubles psychiques ; Les malades mentaux ne sont acceptés que dans le centre social de Tit Mellil. Ce centre abrite, pour presque la majorité, des personnes âgées abandonnées et représentent plusieurs cas d’handicapés et de malades psychiques sous traitement médical.

Pour subvenir à ces besoins de santé, des médecins de la santé publique rendent visite aux centres de personnes âgées deux à trois fois par semaine ; En cas de nécessité, ces personnes sont transférées aux services hospitaliers extérieurs. Des infirmières sont également présentes de manière permanente dans ces centres pour assurer les soins et l’accompagnement médical des bénéficiaires. Des psychologues rendent également visite à ces centres ou sont consultés dans leurs cabinets pour traiter les cas de maladies psychiques.

Concernant les médicaments, ils sont octroyés gratuitement dans les FPA, tandis que dans les centres de jour, ils sont rarement disponibles. En plus de l’accompagnement médical, un soutien moral et psychique est assuré en permanence par toute l’équipe y compris la direction à ces personnes âgées.

4. Les diverses prestations

D’après l’entretien avec les responsables des centres étudiés, les prestations fournies visent le soutien et le bien être général des personnes âgées. Concernant les FPA, ils offrent l’hébergement, la restauration, les vêtements, les médicaments et les soins et suivis médicaux aux bénéficiaires. Ils visent leur prise en charge sociale et médicale. Les tentatives de réinsertion de ces bénéficiaires dans leurs familles ont échoué vu qu’ils sont pour la majorité des abandonnés .Certains, qui ont une famille, refusent d’y retourner puisqu’ils ont été rejetés au départ.

Pour les centres de jour des personnes âgées, ils offrent l’accueil, le conseil, l’assistance et l’accompagnement de la personne âgée au cours de la journée, avec un arrêt entre 12h00 et 14h00. Ils assurent une animation journalière auprès des bénéficiaires selon un programme préétabli : sensibilisation, jeux, activités créatives, marche, sport adapté aux personnes âgées, lutte contre l’analphabétisme… Ces centres n’offrent pas de restauration sur place, du thé et du café sont toutefois servis aux bénéficiaires.

Ces centres contribuent à l’épanouissement des personnes âgées en leur permettant une vie sociale active. Ils contribuent également à prévenir l’isolement et l’exclusion sociale de la personne âgée.

Par ailleurs, les deux types de centres fêtent les événements religieux et nationaux ce qui contribue énormément au bien être de ces personnes âgées.

Conclusion

Au Maroc, la proportion des personnes âgées connaîtra une croissance accélérée à partir de 2010, ce qui posera davantage le problème de prise en charge de cette population. Le gouvernement a certes prévu des centres d’accueil pour cette population dans différentes villes dans le but de leur assurer une meilleure insertion sociale. Cependant, ces centres restent en dessous des attentes et n’arrivent pas à répondre à tous les cas surtout en matière d’hébergement.

Les responsables interviewés soulèvent plusieurs insuffisances : quasi absence de profils spécialisés dans la prise en charge sociale et psychoaffective des PA, problèmes de santé et maladies chroniques et difficulté d’assurer une prise en charge adéquate pour les cas à problèmes lourds, insuffisance des moyens financiers à disposition de ces centres (les budgets actuels arrivent très difficilement à couvrir les besoins de subsistance et un minimum de bien être des PA).

Les recommandations ont été unanimes sur la nécessité de former des personnels qualifiés et spécialisés dans ce type de prise en charge et de requalifier le personnel déjà existant et qui fait son possible pour subvenir aux besoins de ces personnes âgées. Il faut aussi dispenser des centres dans toutes les villes et aussi par commune pour éviter les problèmes dont souffrent plusieurs villes du royaume en matière de logement des personnes âgées sans domicile fixe, en témoigne le cas du fameux centre de Tit Mellil ; Ledit centre abrite des personnes âgées des différentes villes du royaume et qui sont arrivées à Casablanca pour être abandonnées.

L’étude a décelé également des demandes répétitives des familles et parfois des enfants, qui veulent garder leurs proches dans les foyers de personnes âgées ; Ce qui constitue une première dans la culture de solidarité marocaine. La mise en place d’une structure d’aide et de soutien à domicile s’avère donc nécessaire pour encourager les familles à garder leurs proches et assurer un maximum de stabilité pour ces derniers.

Bibliographie

« Population et développement au Maroc », publication du CERED, 1998.

« Programme de lutte contre la précarité – wilaya du grand Casablanca », Avril 2006.

« Diagnostic des Établissements de Protection Sociale (EPS) du grand Casablanca », 2008.

« Enquête nationale sur les personnes âgées au Maroc », Haut Commissariat au Plan, 2008.

La loi 14-05 relative aux Établissements de Protection Sociale ; Bulletin Officiel du 7 décembre 2006.

« Normes EPS, comité technique », Documentation Entraide Nationale, Mars 2009.

Personnes âgées au Maroc : Situation et perspectives, Rapport national sur la politique de population, Maroc Haut Commissariat du Plan, 2006.

Famille au Maroc, les réseaux de solidarité familiale. Rabat, Centre d’études et de recherches démographiques, 2006.

Sites internet

[1] Source : Recensements de 1960, 1971, 1982, 1994 et 2004.

[2] Extrait du discours royal adressé à la nation le 18 Mai 2005.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011