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La sécurité sociale des personnes âgées en question

L’urgence de repenser le système formel de soutien aux personnes âgées au Cameroun

Marcel NKOMA, Ministère de l’Économie, de la Planification et de l’Aménagement du Territoire, Cameroun

I. INTRODUCTION

Depuis la 1ère Assemblée Mondiale sur le Vieillissement en 1982, le monde a connu une grande mutation démographique. Dans le passé, le vieillissement de la population constituait un problème surtout dans les pays développés, aujourd’hui il prend de l’importance dans les pays en développement (PVD) passant ainsi d’une question marginale, à une préoccupation majeure dont les effets se font ressentir dans tous les aspects de la vie. D’après les statistiques des Nations Unies, le nombre des personnes âgées qui était de 600 millions en 2000 passera à 2 milliards en 2050. Elles représenteraient 6% de la population des PVD (Plan d’action de Madrid sur le vieillissement, 2002). Le Cameroun avec 19,4 millions d’habitants, les personnes âgées (60 ans et plus) représentent (5,5 %) de la population du pays (3ème RGPH) et plus de la moitié (55%) sont des femmes.

La place du vieillard dans la société camerounaise ne faisait pas ressortir la problématique des personnes âgées au point d’en constituer un fait de société, vu la vision communautaire de leur prise en charge. C’est à elles qu’incombait la charge d’initiation des nouvelles générations, en tant que gardiennes du patrimoine traditionnel. Les résultats de l’enquête par grappe à indicateurs multiples effectuée en 2010 en zones rurales dans les régions Centre, Est et Sud montrent que, les vieillards de plus de 60 ans tout sexe confondu, sont abandonnés par les membres proches des familles en longueur de journée sans nourriture, sans soins quand ceux-ci sont malades. Si c’est vrai que la situation de paupérisation dans laquelle se trouve la société camerounaise est un facteur non négligeable de « l’exclusion sociale » des personnes âgées, il n’en demeure pas moins que certains qualificatifs communément attribués aux personnes âgées, et à tort, notamment sorciers, parasites, débiles, cons, fragilisent les liens entre les jeunes et les anciens. Or, plusieurs dispositions juridiques nationales imposent la prise en compte des besoins des personnes âgées. Il s’agit principalement de la Constitution qui stipule que la « La nation protège les personnes âgées ». Le Code Civil prévoit que les descendants ont une obligation alimentaire à l’égard des ascendants. En plus, le droit social camerounais comporte un ensemble de textes organisant la protection sociale desdites personnes. Mais cette organisation reste quantitativement et qualitativement insuffisante, car la branche assurance maladie n’est pas couverte. Les personnes âgées ne bénéficiant d’aucune pension-retraite peuvent obtenir, s’ils en font la demande, de revenus d’assistance sociale qui sont des minima sociaux. Mais très peu sont au courant qu’elles peuvent se référer aux services sociaux pour bénéficier d’une aide. De plus, les procédures d’obtention des aides d’assistance médicale et/ou judiciaires sont généralement longues.

C’est ainsi qu’au système traditionnel de protection des personnes âgées s’est juxtaposé le système formel de sécurité sociale instituée par l’organisation du travail dans la société camerounaise moderne. La sécurité sociale est considérée par l’ONU comme un droit fondamental de l’être humain. Dans le monde, 20 % de la population mondiale bénéficient effectivement d’une couverture sociale adéquate et plus de la moitié ne dispose d’aucune protection sociale. Le système actuel de sécurité sociale au Cameroun est assis sur deux régimes principaux, celui des travailleurs du secteur privé, et le régime des Fonctionnaires et assimilés [1], géré par l’État. Le système gouvernemental de sécurité sociale en place ne couvre que 10 % de la population totale et moins de 15% des travailleurs, s’intéresse exclusivement aux travailleurs du secteur formel, public ou privé. Il en découle la marginalisation de l’ensemble des travailleurs du secteur informel, en l’occurrence les travailleurs indépendants et les paysans, dans un pays où 51,2% de la population vit de l’agriculture (3ème RGPH).

Les femmes qui représentent la grande masse des actifs du secteur informel (68% en milieu rural et 91,3% en milieu urbain) et un tiers environ des travailleurs du secteur formel s’en trouvent particulièrement exclues. D’où l’importance de la problématique de notre étude sur le soutien aux personnes âgées.

Ainsi, au regard de ce qui précède les limites sont à relever au niveau de : (i) de la gestion de la branche, (ii) des cibles de la branche de l’actuel système et enfin (iii) les évidences des inégalités dans l’approche genre dans la sécurité sociale au Cameroun. Il s’avère ainsi que la société camerounaise est de plus en plus appelée à s’occuper de la population vieillissante sans aucun système global d’assistance sociale officielle, ni de système d’aide traditionnel efficace.

L’objectif principal du présent article est d’évaluer et d’analyser les actions en faveur des personnes âgées dans le système actuel de sécurité sociale au Cameroun et évaluer les progrès accomplis en matière de lutte contre les inégalités de genre en matière de sécurité sociale.

Ainsi, l’accent sera mis sur l’évaluation et les propositions des pistes d’amélioration du système de sécurité sociale selon les deux orientations prioritaires ci-après : (i) les branches des prestations de sécurité sociale concernant les personnes âgées, et (ii) les services spécialisés destinés aux âgés.

L’intérêt du présent article est double : Il contribuera à l’amélioration des connaissances sur le vieillissement et surtout le « ventre mou » de la sécurité sociale au Cameroun qui fondent l’« oubli social » dont les retraités sont victimes. En outre, il permet de mettre en relief l’impact de la gestion institutionnelle de la retraite sur les processus de transition biographique et de structuration des parcours de vie post- retraite.

II. MÉTHODOLOGIE

Il est à relever l’insuffisance de données statistiques nécessaires pour une analyse pertinente du vieillissement au Cameroun. Ainsi, les sources de données mobilisables pour répondre à notre problématique sont issues des textes régissant la sécurité sociale couvrant le risque pension vieillesse au Cameroun. Ce système est géré par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) qui a été créée en 1967 par deux lois dont celle N° 67/4FI/7 du 12/1967, relative au code des Prestations et celle N° 67/LF/8 du 12/06/1967 portant organisation de la Prévoyance sociale.

III. ANALYSE DES ACTIONS EN FAVEUR DES PERSONNES AGÉES DANS LE SYSTÈME ACTUEL DE SECURITE SOCIALE AU CAMEROUN

La sécurité sociale peut être définie de façon très générale comme un système de prestations basé sur des transferts sociaux, en vue de lutter contre la pauvreté et les diverses formes de vulnérabilités dont une société peut être affectée. A cet égard, elle constitue un investissement de tout premier plan pour la paix sociale, laquelle est une condition indispensable à un développement économique durable, à travers la libération de la pleine capacité productive des individus. La sécurité sociale est donc une nécessité économique et sociale.

III.1 La prise en charge des personnes âgées dans le milieu familial Camerounais

Si en Occident le troisième âge se vit souvent dans les maisons de retraite, la réalité est différente dans les pays africains subsahariens où les solidarités familiales et intergéné-rationnelles restent vivantes. S’occuper de son grand-père et/ou de sa grand-mère, que ceux-ci soient en ville ou en campagne, est une sorte de « devoir » pour les petits-enfants. Ces dernières étaient considérées comme des garants des valeurs culturelles et des normes sociales qui régissaient le fonctionnement, l’ordre social et la cohésion interne du groupe social, du clan ou de l’ethnie considéré. Elles étaient également détentrices du savoir sur les origines sacrées du clan ou de l’ethnie. Leurs paroles, qui étaient sacrées, pouvaient apporter soit des bénédictions, soit des malédictions. Le statut d’aîné conférait aux personnes âgées, une certaine autorité (chargées d’officier lors des nombreux rites et cérémonies traditionnelles, chefs traditionnels dans les sociétés patrilinéaires, préséance aux dires, etc.). Les femmes âgées, jouaient également un rôle social important dans la socialisation, l’accouchement, la prise en charge des enfants et l’apprentissage des mères à la prise en charge des nourrissons. Les dynamismes institutionnelles modernes ont changé fondamentales la perception de la personne âgée dans bon nombre de famille camerounaise.

III.2 La prise en charge des personnes âgées dans le système formel de sécurité sociale au Cameroun

La sécurité Sociale est, dans la pratique, un ensemble de mesures organisées par l’État et la communauté autour des risques sociaux pouvant survenir à la population et les moyens pour subvenir aux manques ou à la diminution de ces revenus engendrés par la survenance de ces risques. Plus spécifiquement la sécurité sociale vise trois objectifs :

  • Servir des revenus de substitution ;
  • Mettre en place des services de base accessibles à l’ensemble de la population ;
  • Créer un environnement favorable au développement d’une protection complémentaire en matière de revenus de substitution et d’accès aux soins pour les personnes en mesure de financer.

Le droit à la sécurité sociale peut donc être entendu comme le droit pour chaque citoyen de bénéficier des mesures ainsi organisées. Ces mesures se déclinent en un ensemble de prestations servies en cas de : Chômage, maladie, accident de travail ou maladie professionnelle, responsabilités familiales, invalidité, vieillesse, retraite, perte du soutien familial. Ainsi, le droit à la sécurité sociale est un droit à accorder à tous les Citoyens qu’ils soient en activité ou non. Ce droit doit donc être consacré par des normes spécifiques. En est-il le cas avec les personnes âgées au Cameroun ?

A. LES PERSONNES AGÉES ET LE DÉVELOPPEMENT

Dans cette section il est question pour nous d’évaluer les aspects suivants :

  • La reconnaissance de la contribution sociale, économique, culturelle et politique des personnes âgées ;
  • Leur participation à la prise des décisions ;
  • L’amélioration des conditions de vie en milieu rural et la lutte contre la marginalisation ;
  • La sécurité sociale.

1) La reconnaissance de la contribution sociale, économique, culturelle et politique des personnes âgées.

La question du vieillissement au Cameroun, comme dans la plupart des pays du Sud, est une problématique récente, les personnes âgées ayant toujours eu par le passé une place privilégiée dans la société. De manière plus spécifique, le décret N°2005/160 du 25 mai 2005 portant organisation du Ministère des Affaires Sociales, a créée toute une Direction de la Protection Sociale des Personnes Handicapées et des Personnes Agées, avec, pour la première fois, une Sous-direction spécifiquement chargée de la protection des personnes âgées

Ledit décret institue aussi des Brigades de contrôle pour s’assurer de l’efficacité et de l’efficience des institutions d’encadrement des personnes âgées. D’autres structures existent notamment la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) et l’Office National des Anciens Combattants, Anciens Militaires et Victimes de guerre (ONACAM).

2) La participation des personnes âgées à la prise des décisions

De manière institutionnelle, les avants projets de code des personnes et de la famille et de code de protection de l’enfance tendent à revaloriser le rôle de régulateur social des personnes âgées à travers notamment la restauration et la réorganisation du « conseil de famille ». Cette instance qui se situe en amont des tribunaux est chargée de délibérer entre autres sur les questions liées à l’administration légale des biens de l’enfant mineur, à la tutelle et à la dévolution successorale. Ledit conseil est présidé par la personne la plus âgée des familles paternelle et maternelle, et ses décisions sont entérinées ou homologuées par le tribunal.

3) Le prolongement du temps de l’emploi ou d’exercice d’activités génératrices de revenus

Pour ce qui est de l’emploi indépendant, les promoteurs se réservent le droit de déterminer librement, en fonction de leurs aptitudes, le moment propice pour changer, prolonger ou mettre fin à leurs activités socio-économiques, quitte à passer le relais à d’autres personnes, membres de la famille ou non, selon la nature des activités ou de l’entreprise.

S’agissant de l’emploi salarié, le temps de l’emploi est fonction de l’âge de départ à la retraite qui lui-même varie suivant les corps de métier et la catégorie à laquelle on se trouve, passant ainsi de 65 ans pour les uns (enseignants d’université, magistrats, Officiers Supérieurs de l’armée…) à 60 ans (enseignants du secondaire et primaire) à 55 ans (fonctionnaires de catégorie A et B) ou à 50 ans pour les autres.

Pour ce qui est des militaires, les décrets 2001/188 et 2001/219 du 25 juillet 2001 fixent les limites d’âge allant de 44 à 55 ans pour les personnels non officiers et militaires de rang ; de 51 à 58 ans pour le personnel officier ; de 58 à 62 ans pour les officiers généraux.

Au-delà de leur départ en retraite, le Gouvernement entend capitaliser le potentiel des retraités. Il en est ainsi, au niveau de l’enseignement supérieur, avec l’institution de la catégorie des Professeurs émérites qui continuent, bien qu’étant retraités, à apporter leur expertise et leur expérience à la transmission des connaissances. Il en est de même des personnels officiers qui peuvent être retenus pour la réserve mobilisable, c’est-à-dire qu’ils demeurent à la disposition du Président de la République, Chef des Forces Armées, pendant 03 ans. En outre, ceux dont les spécialités ou qualifications seraient utiles aux forces de défense, le Gouvernement sur ordre du Président de la République, peut les rappeler pour compléter ces services ou formations.

D’après l’arrêté n° 702 du 25 octobre 2006, ils sont prioritaires pour les stages de maintien de la paix des Nations Unies, de l’Union Africaine ou de la Communauté des États de l’Afrique Centrale en vue des missions liées à ces organismes.

De manière générale, le Gouvernement entend exploiter au mieux les potentialités des personnes âgées. Cependant, il est difficile à l’heure actuelle de disposer en temps réel, de données appropriées sur les expertises des unes et des autres par domaine ou secteur d’activités. D’où la nécessité de mettre en place une sorte de fichier de compétences des personnes âgées.

4) Amélioration des conditions de vie en milieu rural et lutte contre la marginalisation

Dans le cadre de ses missions de lutte contre la pauvreté et de promotion de la solidarité nationale, le Ministère des Affaires Sociales a entrepris un projet de Grenier de solidarité, forme d’organisation essentiellement communautaire mise en place en milieu urbain et rural, et qui permet aux membres d’une communauté de contribuer au développement endogène de leur espace de vie, à travers la prise en charge des personnes les plus défavorisées et les plus vulnérables, notamment les personnes âgées, et la réalisation collective d’activités génératrices de revenus.

La stratégie consiste au niveau d’un village, d’un groupe de villages ou d’un quartier de la ville, à constituer un comité d’élus représentatifs de la population, lesquels seront responsables du grenier de solidarité, et à ce titre, chargés d’identifier les populations vulnérables bénéficiaires du grenier de solidarité.

Le grenier de solidarité comporte plusieurs volets touchant notamment les aspects :

  • Consommation, qui consiste à dégager des fonds, sur la base des cotisations des membres de la communauté locale, des dons des élites et autres bienfaiteurs pour satisfaire les besoins des personnes les plus démunies ;
  • Production, à travers la mise en œuvre des activités génératrices de revenus par la communauté afin d’accroître les moyens nécessaires à la satisfaction des besoins urgents, vitaux et collectifs ressentis par la communauté ;
  • Hygiène et salubrité, à travers notamment l’entretien de l’habitat, la construction des latrines, l’aménagement des sources et des puits d’eau potable ;
  • Santé, par l’approvisionnement en médicaments de première nécessité au profit des plus démunis ;
  • Éducation/alphabétisation, à travers la mise à disposition des moyens matériels et humains en vue de permettre aux jeunes de bénéficier du rattrapage scolaire et aux plus âgés de l’alphabétisation fonctionnelle.

A ce jour, neuf greniers de solidarité ont ainsi été installés dans les régions du Centre, du Sud, du Littoral, de l’Extrême-Nord et du Nord. L’évaluation de cette phase pilote devrait permettre de renforcer et d’étendre l’expérience.

5) Sécurité sociale

Le système actuel de sécurité sociale au Cameroun est assis sur deux régimes principaux :

  • Le régime des travailleurs du secteur privé, géré par la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale (CNPS) ;
  • Le régime des Fonctionnaires et assimilés [2], géré par l’État.

Que ce soit au niveau de la CNPS ou de l’État, le système camerounais gère sept prestations sur les neuf prescrites par l’OIT dans la Convention 102 ou norme minimum. Il s’agit : des prestations familiales, des prestations de maternité, de la pension de vieillesse ou de retraite, de la pension d’invalidité, de la pension de décès ou de réversion, des prestations d’accidents de travail et des prestations de maladie professionnelle.

Ces prestations sont regroupées et gérées dans trois branches, en l’occurrence :

  • La branche des prestations familiales ;
  • La branche des prestations liées aux risques professionnels ;
  • La branche des pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès [3].

Les pensions de vieillesse, d’invalidité et de décès, avec près de trente (30) milliards de FCFA, représentent 77,7% de l’ensemble des prestations sociales et constituent de ce fait la part la plus importante.

La répartition des pensionnées par nature du droit et par centre de paiement au dernier trimestre de 2005 présente des effectifs des bénéficiaires de 35 178 en termes de droits directs et de 30 200 en termes de droits dérivés, soit un chiffre cumulé de 65 378 bénéficiaires. La répartition régionale des pensionnés par nature du droit au quatrième trimestre 2005 fait apparaître un constat, à savoir que la population en pension de vieillesse est majoritaire dans la population totale des pensionnés et regroupe 52,4% de l’effectif soit 34 222 bénéficiaires. L’effectif des ayants droit d’assurés décédés des suites d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle et des crédirentiers/associés directs s’élève à 3 789.

De manière générale, s’agissant du régime géré par la CNPS, l’assuré qui atteint l’âge de 60 ans a droit à une pension de vieillesse s’il remplit les conditions suivantes :

  • avoir été immatriculé à la CNPS depuis 180 mois ;
  • avoir accompli au moins 60 mois d’assurances au cours des 10 dernières années précédent la date d’admission à la retraite ;
  • avoir cessé toute activité salariée.

De manière concrète, au 31 juillet 2006, le Gouvernement paye mensuellement 75 183 pensionnés pour un montant de 6 124 812 031 FCFA, ce chiffre étant sans cesse croissant. C’est dire l’ampleur du problème du vieillissement dans la fonction publique camerounaise qui gère un effectif de 164,069 agents publics en activité, dont 32 088 militaires. Certes, la procédure d’obtention de la pension, du fait de sa complexité et de certaines pesanteurs, pose encore des problèmes quant à l’aboutissement rapide des dossiers. Toutefois depuis quelques temps, des efforts visant à accélérer le processus et la qualité des prestations sont notables, à savoir :

  • le calcul des pensions sur la base de la grille de 1985, favorable aux retraités, le barème actuel étant issu des baisses salariales de 1993 et 1994 ;
  • l’octroi des avances de pension pouvant s’échelonner de 1 à 5 ans, permettant aux retraités de s’installer décemment à la fin de leur carrière ;
  • le passage automatique de la solde à la pré-pension, correspondant à la moitié de la dernière solde de base ;
  • le paiement systématique de tous les rappels gelés en mémoire au cours du mois de départ à la retraite.

Pour les militaires, les personnels retraités reçoivent une assistance psychosociale, ainsi que des secours sociaux en espèce dans la limite des fonds disponibles lorsqu’il est prouvé qu’ils sont confrontés à des évènements graves et imprévisibles, nécessitant une intervention immédiate. Des causeries éducatives, des conseils leur sont prodigués par les travailleurs sociaux en poste.

S’agissant des enseignants du supérieur, le Gouvernement souscrit une police d’assurance maladie à leur bénéfice jusqu’à l’âge de 71 ans, du grade d’assistant au rang de professeur hors hiérarchie.

Sur le plan post service, l’Office National des Anciens Combattants, Anciens Militaires et Victimes de guerre (ONACAML) accueille, sur leur demande, des anciens combattants, anciens militaires et victimes de guerre de nationalité camerounaise ayant servi les Forces Armées camerounaises ou étrangères, les gardes civiques et les personnels civils retraités de la défense. Cet organisme qui encadre 4575 adhérents offre diverses prestations à ceux-ci notamment, l’assistance médicale et scolaire, appui à la réinsertion encadrement psychosocial des familles.

A côté des deux principaux régimes sus évoqués qui font partie du système obligatoire, il existe un système dit volontaire géré par les banques et les compagnies d’assurance, et couvrant :

  • les employés des compagnies d’assurances et des banques ;
  • les salariés des entreprises privées organisées en mutuelles ;
  • les membres des associations et tontines.

On peut aussi citer le système dit non salarié, fait des travailleurs du secteur urbain et rural, des professions libérales, de l’entreprenariat indépendant, de l’artisanat etc. En guise de difficultés ou limites et au regard de ce qui précède, deux faits mériteraient d’être relevés, l’un au niveau de la gestion de la branche et l’autre au niveau des cibles de la branche de l’actuel système.

  • S’agissant de la gestion de la branche, l’on peut noter qu’elle se fait dans un package comprenant, outre la vieillesse elle-même, l’invalidité et le décès. Si l’on peut comprendre la philosophie qui a sous-tendu cette structuration, force est de constater que cette solidarité des branches pose d’énormes problèmes de pérennité et de solvabilité à la longue. Cette situation, constatée à la crise économique aux conséquences graves, débouche aujourd’hui sur des problèmes de trésorerie sans précédent qui ne permettent plus à la CNPS d’assurer de façon aisée le règlement de ces prestations.
  • En ce qui concerne les cibles de l’actuel système, il faut dire qu’en raison du caractère contributif de ces régimes, seuls les salariés du public et du privé sont pris en compte, lesquels ne représentent que près de 10% de la population active. Il apparaît ainsi que l’immense majorité des personnes âgées, notamment celles du secteur informel et du monde rural, vit en dehors de l’actuel système de sécurité sociale.

B. PROMOTION DE LA SANTE ET DU BIEN-ETRE DES PERSONNES AGEES

1) Promotion des services spécialisés

Le vieillissement étant une problématique récente au Cameroun, on observe encore un grand déficit en termes de disponibilité de spécialistes dans le domaine de la gériatrie ou de la gérontologie et des services psychiatriques complets pour les personnes âgées. Cela constitue une réelle préoccupation du Gouvernement.

2) Incidences du VIH/SIDA sur les personnes âgées

Les résultats de l’EDSC III de 2004 montrent qu’au Cameroun le taux de séropositivité augmente avec l’âge : d’un minimum de 1,4% parmi les personnes de 15-19 ans, la proportion atteint le maximum de 8,9% parmi celles de 30-34 ans, pour diminuer ensuite à 4,7% parmi les personnes de 40-49 ans.

Les variations de la prévalence diffèrent entre les femmes et les hommes.

A partir de 35-39 ans, la prévalence diminue régulièrement chez les hommes pour atteindre 3,8% à 45-49 ans (contre 5,5% chez les femmes de même âge) et 1,0% de 55-59 ans. La proportion des femmes infectées est toujours plus élevée que celles des hommes, sauf à 35-39 ans, âge auquel, proportionnellement, les hommes sont légèrement plus infectés que les femmes (8,6% contre 7,8%).

C- CRÉATION D’UN ENVIRONNEMENT FAVORABLE ET PORTEUR

1) Promotion de la vie en famille et en communauté

On observe de plus en plus toutefois, en raison des mutations socio-économiques et politiques relevées plus haut, des cas des personnes âgées abandonnées par leurs familles. Lorsque cet abandon est avéré, il est alors fait recours, à titre exceptionnel, au placement institutionnel dans une structure d’encadrement des personnes âgées (Association, ONG ou Œuvre Sociale Privée).

2) Élimination de toutes les formes d’abandon, d’abus et de violence à l’encontre des personnes âgées

Outre l’abandon, les personnes âgées font parfois l’objet d’abus et de violences sous des formes variées, allant des accusations de sorcellerie ou de jeteurs de mauvais sorts aux atteintes à l’intégrité physique ou morale, en passant par l’extorsion de propriété foncière.

Il convient ici de rappeler que le code civil institue une obligation alimentaire à double sens entre ascendants et descendants, toute chose qui, au-delà des loyautés familiales, pourrait amener à contraindre la progéniture à s’occuper des ascendants dans le besoin. Le code pénal sanctionne ainsi le défaut de paiement de la pension alimentaire (art 180). Cette obligation alimentaire est renforcée dans les avant-projets de code des personnes et de la famille et de code de protection de l’enfance.

Par ailleurs, le code pénal réprime le délaissement d’incapable, (art 282), l’omission de porter secours (283) la violation de domicile (art 299), la diffamation (art 305) ou la violence sur ascendants (art 351) constitutive de circonstance aggravante.

En matière foncière, les personnes âgées possèdent très souvent des terrains acquis sous le régime coutumier, sans titre foncier, ce qui les expose à toutes sortes d’évictions. La situation est plus préoccupante chez les femmes âgées, victime parfois de discrimination, par ignorance ou par résignation, dans les modalités coutumières de dévolution successorale ou d’attribution des terres.

Les tribunaux, lorsqu’ils sont saisis, s’emploient à rendre la justice et certaines personnes âgées bénéficient de plein droit de l’assistance judiciaire.

IV. PROPOSITIONS DES PISTES D’AMÉLIORATION DU SYSTÈME DE SÉCURITE SOCIALE

Les normes de sécurité sociale : quelle pertinence aujourd’hui ?

La sécurité sociale, nous l’avons déjà dit, vise deux objectifs principaux : La réduction de la pauvreté et la possibilité pour chaque être humain de mener une vie exempte de toute insécurité matérielle susceptible de le rendre vulnérable. Les normes de l’Organisation International du Travail (OIT) dans leur conception actuelle rendent-elles justice à cette double finalité ? Assurément non pour au moins deux raisons :

  • La première, c’est que la sécurité sociale préconisée dans les normes internationales, limite sa couverture aux seuls travailleurs salariés ;
  • La seconde, corollaire de la première c’est que la grande majorité, soit environ 80% de la population mondiale, vit dans les conditions d’insécurité sociale, c’est-à-dire qu’elle a peu ou pas d’accès à la sécurité sociale formelle. Et sur ces 80%, 20% vivent dans une extrême pauvreté, ce qui constitue la forme d’insécurité la plus abjecte qui soit. Pire encore, les récentes augmentations des prix des produits de première nécessité, conjuguées par la crise financière et économique, ont pour effet d’aggraver la situation de ces laissés-pour-compte, éloignant davantage la Communauté internationale du premier objectif des OMD qui est de diminuer de moitié le nombre de pauvres sur la planète.

Que faire dans ces conditions ?

Le système camerounais de sécurité sociale compte cinq (5) régimes - à caractère obligatoire ou volontaire - gérés par trois (3) catégories d’institutions que sont l’État (MINFI), la CNPS et les sociétés privées d’assurances. Les cinq (5) régimes de sécurité sociale comprennent :

  • le régime du personnel fonctionnaire de l’État ;
  • le régime des députés ;
  • le régime des militaires ;
  • le régime des travailleurs salariés relevant du Code du Travail ;
  • le régime des assurances privées.

Les quatre premiers régimes sont obligatoires, le dernier ayant un caractère volontaire. A travers ces différents régimes, la sécurité sociale à la camerounaise couvre seulement sept (07) branches.

Les constats à relever ici sont les suivants :

  • les branches relatives à la maladie, aux soins médicaux et aux prestations de chômage ne sont pas encore offertes ;
  • 10% seulement de la population active camerounaise bénéficie d’une protection sociale ;
  • 90% de la population restante, comprenant le secteur informel urbain, le monde rural, les travailleurs indépendants et les professions libérales - et constituant une masse laborieuse à forte probabilité de cotisation - ne sont pas couverts ;
  • face à cette carence, l’économie informelle, qui occupe près de 60% de la population active au Cameroun, a généré en son sein une autre dimension de la sécurité sociale sous la forme de mutualités entre ses membres, pour essayer d’amortir les effets néfastes liés à certains risques (principalement le risque maladie).

Par ailleurs, les constats suivants sont faits (i-CNPS, 2010) :

1. la branche des pensions est fortement déficitaire et est financée par les deux autres branches (prestations familiales et risques professionnels) depuis plusieurs années ;

2. le modèle utilisé estime que le cumul des différents déficits des branches épuisera la réserve en 2020 ; en conséquence, les taux de cotisation et le salaire plafonné doivent être revus à la hausse ;

3. les dépenses administratives représentent 37% des dépenses totales et la CNPS devrait par conséquent maintenir la réduction ce volet des dépenses salariales dans les meilleurs délais et notamment ;

4. une solution unique sera difficilement efficace et des mesures combinées sont recom¬mandées pour redresser ce déficit structurel ;

5. l’utilisation de la dette de l’état pour résoudre les problèmes ponctuels est un risque qui peut se comparer à une dilapidation de l’actif du régime. Une fois la dette remboursée, l’Institution sera confrontée à des problèmes. Cet argent devrait être investi pour produire les intérêts et renforcer l’actif.

6. la réserve technique devrait être calculée sur un minimum de trois exercices au lieu de deux ;

7. pour assurer la pérennité de la branche des risques professionnels, une réserve d’environ 25 milliards serait nécessaire ;

8. la pension de survivant ne devrait pas être la totalité de la pension du bénéficiaire principal, mais plutôt une partie de celle-ci ; le maximum d’une pension de vieillesse à reverser aux ayants droit ne devrait pas excéder 70% ;

9. la décote de 1% ne permet pas d’équilibrer le régime mais plutôt une décote de 6% pour tous les travailleurs qui souhaiteraient bénéficier de leur pension de vieillesse par anticipation volontaire ;

10. la moyenne arithmétique des salaires des trois ou cinq dernières années servant de base de calcul de la pension rend le régime trop généreux et ne permet pas son équilibre ; une indexation des salaires de toute la carrière serait judicieuse ;

C’est pour remédier à ces insuffisances que le Cameroun a mis sur pied par arrêté n°159/PM du 4 novembre 2008, un Comité de modernisation de sa sécurité sociale. Il est envisagé, dans le cadre de la réforme initiée et soumises aux autorités gouvernementales et législatives, d’étendre, à terme, la sécurité sociale aux 90% de couches sociales et profession-nelles jusqu’ici marginalisées. Fort de ces constats, le Gouvernement a entrepris un vaste chantier de réforme de la sécurité sociale, une place importante étant réservée à la prestation de vieillesse dans ce processus. Les personnes âgées devraient être les premières à en tirer profit, notamment sur le plan des délais de paiement, le but étant d’assurer la jouissance, en temps réel par les retraités de leur pension. Cela donnera plus de lisibilité au régime et permettra à terme une meilleure prise en charge des personnes âgées concernées. Les réformes en cours envisagent d’étendre la sécurité sociale aux personnes âgées relevant du secteur informel et du monde rural [4].

A cet effet, plusieurs institutions devront être mises sur pied, à savoir : -* Un organisme pour la gestion de la sécurité sociale de tout le personnel étatique et assimilés (fonctionnaires, députés, militaires, agents de l’État relevant du code du travail) ; * Un organisme pour l’extension de la C N P S vers les indépendants, les professions libérales et autres acteurs du secteur informel et du monde rural ;

  • Un organisme pour la couverture du risque maladie qui reprendra à son compte les diverses prestations servies notamment par l’État en matière de maladie telles ; gratuité des consultations prénatales, vaccinations, tuberculose, paludisme, VIH et SIDA, lèpre, etc ;
  • Des organismes privés agréés (entreprises d’assurances privées, mutuelles de santé et sociétés de secours mutuel), qui viendront renforcer l’action des organismes publics.

Le Comité a produit en termes de résultats des avant-projets de texte de lois et de décrets portant cadre Une nouvelle sécurité sociale devra se structurer à travers la mise en œuvre d’un régime général de sécurité sociale. Le régime général de sécurité sociale s’envisage autour des organismes publics créés par la loi, et par des organismes privés dûment agréés.

• Principes retenus dans la mise en œuvre d’un régime général et dans le mode de gestion d’un organisme type de sécurité sociale :

  • a) le principe de la gestion séparée des branches ;
  • b) un siège central et des structures déconcentrées ;
  • c) le service des prestations pérennes ;
  • d) le développement d’une action sanitaire et sociale marginale ;
  • e) la maîtrise de la population cible : inactifs ; actifs ; ratio actifs/inactifs
  • f) les ressources au titre des cotisations ;
  • g) la gestion financière et comptable obéissant aux règles et principes du Plan Comptable de référence de la Conférence Interafricaine de la Prévoyance Sociale (CIPRES) et aux ratios de performance imposés à tout organisme de Sécurité Sociale.

• Pour la couverture du risque maladie, il est envisagé un système obligatoire de couverture générale du risque maladie, avec un paquet minimum de maladie et de soins mis en place, appuyé par un système complémentaire à travers les mutuelles de santé et les assurances privées dûment agréés.

Ce paquet minimum pourra concerner les différentes prestations servies par l’État en matière de santé telles que les vaccinations, la gratuité des consultations prénatales, la prise en charge de certaines maladies au nombre desquelles la tuberculose, le paludisme, le VIH/SIDA, la lèpre, etc.

V. CONCLUSION

Le Cameroun doit tout simplement réorienter son action dans le domaine de la sécurité sociale. Le Cameroun doit avec l’OIT amorcé le virage avec le lancement de la « Campagne mondiale pour l’extension de la sécurité sociale à tous », qui doit être intensifié en vue d’un passage de la sécurité sociale dans sa conception actuelle à la mise sur pied d’un véritable « socle de protection sociale » extensible à tout le genre humain. Ainsi, les pouvoirs publics camerounais devraient :

  • Étendre la protection sociale à un plus grand nombre par le renforcement des régimes non contributifs, au travers de transferts réguliers de revenus ou en nature en faveur des personnes âgées les plus pauvres et les plus vulnérables. Ces mesures pourraient commencer au niveau des collectivités territoriales décentralisées, qui sont plus aptes à définir les domaines prioritaires de prise en charge des personnes âgées.
  • Promouvoir la création de plus d’unités gériatriques au moins jusqu’au Hôpitaux de district. De même, il serait souhaitable de renforcer les compétences des professionnels de la santé dans le domaine de la gériatrie.
  • Inciter les maîtres d’ouvrage et les maîtres d’œuvre à adapter l’architecture des bâtiments sociaux, formations sanitaire à l’état de santé relativement fragile des personnes âgées.

Il faut cependant être réaliste pour admettre que l’extension de la sécurité sociale à tous au Cameroun, est une énorme tâche qui ne peut être menée à bien que par étapes progressives en fonction, d’une part, du niveau de développement du pays, et d’autre part, de l’assiette de base des transferts sociaux nécessaires à la couverture des risques retenus.

RÉFÉRENCES BIBLIOGRAPHIQUES

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FOMEKONG Félicien, Honoré MIMCHE, 2006, « Le vieillissement de la population en Afrique subsaharienne. Quels défis pour les politiques sociales et de population ? » in revue Internationale des Sciences Humaines et Sociales, Vol. 1, No 1, Août, Yaoundé, Cameroun.

LORIAUX M., 2002, « Vieillir au Nord et au Sud : convergences ou divergences ? », in Gendreau et al. (sous la direction de), Jeunesses, Vieillesses, Démographies et Sociétés, Chaire Quetelet, AUF, Institut de Démographie de l’UCL, Academia/Bruylant, L’Harmattan, pp. 25-42.

3ème Recensement Général de la Population et de l’Habitat du Cameroun, 2010, « la Population du Cameroun en 2010 », BUCREP, avril.

VIRIOT DURANDAL Jean-Philippe, 2007, « Politiques de la vieillesse et solidarités sous pression », in Paugam Serge, Les solidarités au XXIe siècle, PUF, janvier.

I-CNPS, 2010, Bulletin d’information de la Caisse Nationale de Prévoyance Sociale, N° 005.

[1] Les agents de l’État relevant du code du travail, autrefois gérés par la CNPS, ont été reversés au Ministère de l’Économie et de Finances depuis 1993

[2] Les agents de l’État relevant du code du travail, autrefois gérés par la CNPS, ont été reversés au Ministère de l’Économie et de Finances depuis 1993.

[3] Institué par la loi n°69/LF/18 du 10 novembre 1969 modifiée par la n°84/007 du 04 juillet 1984.

[4] Cf. Termes de référence du séminaire sur la réforme de la sécurité sociale au Cameroun.

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011