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Genre et morbidité des personnes âgées au Cameroun

Habibou OUEDRAOGO, Institut de Formation et de Recherche Démographique, Yaoundé, Cameroun

INTRODUCTION

Le vieillissement démographique est un sujet qui fait l’objet de nombreux débats dans les pays occidentaux. Etudes, rencontres, colloques ou congrès se multiplient sur la problé-matique du vieillissement (ses causes, ses conséquences, les politiques à mettre en œuvre) tant au niveau national qu’international, tant dans les sciences sociales que médicales*. Ces discours ont longtemps concerné les pays développés. L’Europe est la première région à vieillir peu à peu, d’abord par la base (diminution des proportions des jeunes) puis de plus en plus par le sommet (augmentation relative des personnes âgées). Cela dit, les pays occidentaux n’ont pas connu une histoire strictement identique du vieillissement, dans la mesure où la transition démographique (notamment de la fécondité) a démarré à des périodes différentes ou s’est déroulée à des rythmes variables selon les régions et les pays. Selon les estimations des nations unis, près d’un million de personnes dans le monde traversent chaque mois le seuil de 60 ans, âge considéré comme référence pour l’entrée dans la vieillesse (MVEING et al., 2008). Ce n’est qu’à la seconde moitié du 20ème siècle que la plupart des pays africains sont engagés dans la transition démographique à travers la baisse relative de la fécondité et de la mortalité qui a engendré une réduction des classes d’âges jeunes et une augmentation des classes adultes et vieilles. Ainsi, la part des personnes âgées de 60 ans ou plus serait de 10% en Afrique en 2050, 9% en Afrique de l’Ouest, 20% en Afrique du Nord (cahiers de l’Afrique de l’Ouest Atlas régional de l’Afrique de l’Ouest). Jusqu’à présent, beaucoup de pays africains se sont préoccupés des questions relatives à la jeunesse de la population, aux conséquences sociales, économiques et politiques de cette jeunesse et à la maîtrise de la procréation à travers la santé maternelle et infantile, la crise économique, la lutte contre la pauvreté et le fléau du sida. Or les changements dans les structures familiales auxquels se greffent les mutations démographiques affectent progressivement les structures démographiques de la population en posant des problèmes liés au vieillissement. Le problème de leur situation sociale, économique et sanitaire, en rapport avec les profondes mutations en cours qui affectent la société et particulièrement sa cellule fondamentale qu’est la famille. C’est dire que face à ces mutations, les personnes âgées constituent une des catégories sociales qui seront affectées par ces transformations dues à l’éducation, à la formation, à l’économie moderne, à l’urbanisation, aux nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Sur le plan socioculturel, les conséquences des mutations sur la situation des personnes âgées sont multiples. En effet, celles-ci qui, jadis, étaient les gardiennes de la mémoire collective de la communauté et des valeurs ancestrales et par conséquent, respectées, choyées, protégées et soutenues par la famille et la communauté, apparaissent de nos jours de plus en plus victimes des bouleversements culturels (individualisme des jeunes, indifférence à la situation des aînés, manque de considération à leur égard, etc.). Par ailleurs, elles souffrent de la désintégration du tissu social et familial issue du décalage entre les cultures modernes et traditionnelles, de l’affaiblissement des réseaux de solidarité et de la faiblesse de la couverture du système de protection sociale.

La persistance de la crise a entraîné une accentuation de la détérioration de la situation économique des personnes âgées. En effet, elles sont confrontées de façon particulière à la pauvreté et aux difficultés des conditions de vie liées à la charge familiale, à la difficulté d’accès au crédit, etc.

Sur le plan sanitaire, les personnes âgées sont confrontées à la coexistence de patho-logies générales aigues (paludisme) et de pathologies spécifiques chroniques, handicapantes et invalidantes (hypertension artérielle, diabète, rhumatisme, cancer…). Ces pathologies entraînent de nombreuses dépenses qui réduisent le budget familial ou la pension de retraite. Il se pose alors l’urgence de l’intervention publique.

Face à toutes ces difficultés que vivent les personnes âgées et étant donné leur vulnérabilité, la question du vieillissement de la population et particulièrement l’état morbide des personnes âgées au Cameroun, mérite d’être prise en considération dès à présent, de façon à ce que les défis en vue et qui découleraient des nouvelles structures de population soient identifiés, évalués et relevés à temps.

CONTEXTE ET CONSIDÉRATIONS MÉTHODOLOGIQUES

Au cours des deux dernières décennies, les questions relatives aux personnes âgées ont occupé une place de premier plan lors des grandes assemblées mondiales sur la population organisées par les Nations Unies. Ainsi, on peut citer l’Assemblée mondiale sur le vieillis-sement, tenue à Vienne (en Autriche) en 1982 et qui a reconnu la situation préoccupation des personnes âgées par l’adoption d’un plan d’action international sur le vieillissement ; celle de 1992 , sur la célébration du dixième anniversaire de l’adoption du Plan d’action international de Vienne sur le vieillissement, où l’Assemblée générale s’est engagée à appuyer les initiatives nationales relatives au vieillissement, de sorte que les femmes âgées reçoivent l’appui dont elles ont besoin, compte tenu des contributions largement méconnues qu’elles apportent à la société. Aussi il est ressorti de cette assemblée que les familles devaient recevoir un appui (financier et matériel) pour fournir des soins aux personnes âgées et tous les membres de la famille étaient encouragés à coopérer à la fourniture de ces soins. L’examen du premier plan d’action sur le vieillissement en 2002 a permis non seulement d’adopter des plans nationaux mais aussi à chaque pays de partager son expérience dans le domaine de la protection et de la promotion sociale des personnes âgées. Le Cameroun, pays côtier situé au cœur de l’Afrique Centrale a adhéré à toutes ces initiatives. Selon les projections du BUCREP (Bureau Central du Recensement et des Études de Population), les personnes âgées de 60 ans ou plus représentaient 5,0% de la population totale camerounaise en 2010 La même source montre que cette population augmentera dans les prochaines années à cause de la transition démographique en cours et l’allongement de l’espérance de vie à la naissance. Les progrès de la médecine se sont accompagnés d’une amélioration de la longévité. Bien que l’espérance de vie ne soit que de 51 ans en 2008 (UNICEF, 2008), la population des personnes âgées de 60 ans ou plus (âge considéré comme référence pour l’entrée dans la vieillesse) tend à augmenter dans ce pays. Les femmes et les hommes vivent plus longtemps et leur espérance de vie s’est nettement accrue au cours des 20 dernières années dans toutes les régions. Dans la plupart des pays, les femmes vivent plus longtemps que les hommes. Il ya des différences entre hommes et femmes en ce qui concerne les causes de la mort, les caractéristiques de mortalité et de morbidité et les besoins de consommation des services de santé. Le risque de morbidité est lié au sexe, à l’âge et à la situation collective. Cet état de vulnérabilité dû à l’âge est plus sévère chez les femmes que chez les hommes à cause des risques auxquels elles doivent faire face en matière de santé de la reproduction. Le vieillissement rime avec la fragilité, l’incapacité, le handicap qui compromettent les six rôles de survie définis par l’OMS (indépendance physique, orientation dans le temps et dans l’espace, capacité à se déplacer dans son environ-nement immédiat, occupation habituelle pour l’âge et le sexe, suffisance économique). Dans l’ouvrage intitulé « la santé des femmes et les droits de l’individu » de Rebecca J. Cook, on peut lire que bien de sociétés n’accordent que peu de crédit aux femmes et au rôle social qu’on leur demande de jouer. Cette dévalorisation prive la femme de certains droits comme celui de l’accès à l’information, à une alimentation adéquate ou à des services de santé tels que la planification familiale. Bien des désavantages subis par les femmes sur le plan de la santé peuvent être considérés comme des injustices. Les femmes ont un taux de morbidité supérieur à celui des hommes car elles souffrent d’un plus grand nombre de dérangement (la panique, le stress) et de maladies chroniques tout au long de leur vie (cancers génitaux, ménopause/andropause et leurs complications). Cette différence biologique, dans le cas de la morbidité ne joue pas en faveur des femmes, et elle est encore plus grave chez les femmes qui n’ont pas facilement accès aux services sociaux de base (assainissement, nutrition, sécurité sociale, soins médicaux et cliniques).

DONNÉES ET MÉTHODES D’ANALYSE

Les données utilisées ont été collectées par l’Institut National de la statistique du Cameroun en 2007 dans le cadre de la troisième enquête camerounaise auprès des ménages (ECAM3). L’objectif principal était de produire des indicateurs sur la pauvreté et les conditions de vie des populations. L’un des modules de cette enquête permettait de recueillir les informations sur la dernière consultation de santé. Ces données sont exploitées à partir des méthodes d’analyse descriptive bivariée et explicative multivariée en recourant à la régression logistique simple. Ainsi il est présenté dans un premier temps quelques caractéristiques des personnes âgées (sexe, situation matrimoniale, religion, niveau d’instruction, situation d’activité, etc.) et les ménages dans lesquels ils vivent (niveau de vie). Ensuite nous évaluons le taux de morbidité selon le sexe en relation avec les caractéristiques individuelles et familiales. Enfin nous examinons les interrelations entre les caractéristiques individuelles, le niveau de vie et le taux de morbidité.

Définition des concepts

  • Genre : Le concept de genre désigne des relations de pouvoir entre hommes et femmes, des significations culturelles et historiques de la masculinité et de la féminité.
  • Morbidité  : On définit la morbidité comme le nombre de malade rapporté à la population totale. On distingue classiquement la morbidité incidente (nombre de nouveaux cas apparus au cours d’une période donnée rapporté à la population) et la morbidité prévalente (nombre de personnes malades à un moment donné rapporté à la population). Avec les données que nous disposons, c’est-à-dire celles issues d’enquête auprès des individus, on appréhendera la morbidité ressentie (telle qu’elle est déclarée par les individus).
  • Troisième âge  : personnes âgées de 60 à 80ans.
  • Quatrième âge : personnes âgées de plus de 80 ans.

Résultats

Caractéristiques des personnes âgées

Tableau 1 : Répartition des personnes de 60 ans ou plus selon leurs caractéristiques sociodémographiques

La majorité des personnes âgées de 60 ans ou plus vivent en milieu rural (77,2%) et incluent plus de femmes (53,3%) que d’homme (46,7%) (tableau1). Cette différence entre milieu urbain et rural pourrait s’expliquer par le retour au village des retraités, lieu ou la solidarité mécanique continue d’exister. Il ressort aussi du tableau que les personnes de 3ème âge représentent 88% tandis que celles du quatrième âge sont de 12%. L’analyse selon l’état matrimonial des enquêtés montre que 54,3% sont mariés. Parmi ceux-ci 47,1% vivent en union monogame contre 16,4% qui sont en union polygame. Les veufs/veuves représentent 25,8%. Selon l’appartenance religieuse, notons que plus de la moitie de la population des 60 ans ou plus sont des chrétiens. Les catholiques représentent 36,5% et les protestants 26,8%, ils sont suivis des animistes (21,9%). Trois quart des enquêtés âgés de 60ans ou plus sont des actifs occupés au moment de l’enquête. Cela pourrait s’expliquer par la forte représentativité des personnes âgées en milieu rural. En effet en milieu rural, les activités agricoles occupent presque toute la population. C’est ce que confirme l’analyse selon le secteur d’activité quand 80,7% de la population cible travaillent dans le secteur primaire. Les proportions dans les autres secteurs (industrie, commerce, services) sont faibles et tournent autour de 7%. Sur 10 personnes âgées de 60 ans ou plus, on constate que 7 ont arrêté leurs études au niveau primaire. Seuls 27,2% ont atteint le niveau secondaire ou plus. L’indisponibilité des infrastructures scolaires conjuguée aux travaux champêtres en milieu rural justifieraient les bas niveaux d’instruction.

Le niveau de vie est un indicateur qui n’a pas été saisie lors de l’enquête mais qui a été construit à partir d’un certains nombre de biens de consommation et des dépenses des ménages. Le niveau de vie associé au niveau de pauvreté d’un ménage a été retenu comme caractéristique du niveau de pauvreté de chaque membre composant le ménage. Compte tenu de cette catégorisation, 60,9% des personnes âgées vivent dans les ménages non pauvres. La majorité des enquêtés vivent dans les ménages de plus de 5 personnes. Cette proportion élevée pourrait s’expliquer par la prédominance des personnes âgées en milieu rural qui est l’apanage de la famille élargie contrairement aux familles nucléaires du milieu urbain.

Morbidité générale chez les personnes âgées

L’état de santé des personnes âgées dépend de nombreux facteurs : médicaux, sociaux, économique. Le tableau 2 résume les différences de morbidité en fonction des caractéristiques individuelles et familiales des personnes âgées. Dans l’ensemble, 42,6% de la population de 60 ans ou plus ont été malade au cours des deux dernières semaines qui ont précédé l’enquête. Ce niveau de morbidité varie selon les caractéristiques individuelles et des ménages des enquêtés. En effet, les plus forts taux de morbidité sont enregistrés en milieu rural et chez les femmes (76,3% et 56,3% respectivement), les couples qui vivent en union monogames, les veufs/veuves ainsi que chez les catholiques. Aussi les actifs occupés et les personnes âgées qui travaillent dans le secteur primaire sont les plus nombreux à tomber malades au cours des deux dernières semaines qui ont précédé l’enquête. Par ailleurs, il ressort aussi que ceux qui ont le niveau primaire et non pauvres ont un taux de morbidité élevé. Cependant on n’enregistre pas de différence significative de morbidité entre les personnes âgées issues des familles de petite de celle de grande taille.

Tableau 2 : Morbidité selon les caractéristiques individuelles et du ménage

Morbidité différentielle selon le sexe

Les résultats du tableau 3 ci-après montrent la morbidité différentielle par sexe et selon les caractéristiques individuelles des personnes de 60 ans ou plus. On constate que les hommes du milieu rural ont un taux de morbidité plus élevé que les femmes (77,3% contre 75,6%). La majorité des hommes qui sont tombés malades sont les mariés monogames (64,1%). L’excédent féminin est remarquable dans la catégorie des veuves et a pris d’énormes dimensions en termes de pourcentage (47,7% contre 9,2% pour les hommes). Cela s’explique par un problème d’effectif compte tenu du nombre plus important des femmes aux âges avancés. Il n’est donc pas étonnant de constater qu’il y ait plus de vieilles femmes que d’hommes dans les ménages. Les femmes du niveau primaire et les adeptes des religions catholiques et protestantes ont été malades au cours des deux dernières semaines précédent l’enquête. L’analyse selon la situation d’activité montre que c’est surtout les actifs occupés hommes qui ont un taux de morbidité élevé (78,1 contre 72,4 chez les femmes). Contrai¬rement à nos attentes, 82,2% des femmes qui travaillent dans le secteur primaire et celles qui sont non pauvres (68,3%) ont contracté une maladie quelconque dans la période indiquée pendant l’enquête. Par rapport à la taille du ménage, les hommes qui vivent dans les ménages de grande taille (52,9%) ont plus souffert de maladie. Cette proportion est de 43,9% chez les femmes pour la même catégorie de population.

Raisons de consultation et secteur de recours

Cette partie permet de décrire les raisons de consultation, le secteur de soin de même que le personnel soignant auxquels les personnes malades ont eu recours. La majorité des personnes âgées enquêtées souffrent de maladies non liées au travail. Dans les pays africains en général, les personnes malades ont le choix entre plusieurs secteurs et personnel de consultation : secteur public ou parapublic (médecin, infirmiers ou autres personnel de santé), secteur privé laïc (vendeurs informels de médicaments, ONG santé, clinique, tradipraticien, etc.), secteur privé confessionnel. Il faut noter aussi que ces malades peuvent faire recours à plusieurs secteurs ou personnels consultants à la fois. Seuls le secteur et le personnel consultant les plus fréquemment utilisés ont été retenus dans le cadre de cette enquête. Ainsi parmi les personnes âgées de 60 ans ou plus qui ont souffert d’une maladie quelconque au cours des deux dernières semaines précédent l’enquête ; 47,4% (tableau 4) des hommes ont eu recours au secteur public pour se faire soigner. Le secteur privé laïc a été plus fréquenté par les femmes (43,2%).

Quant au personnel consultant, on n’enregistre pas de différence significative entre homme et femmes par rapport au recours aux médecins et autre personnel de santé. En effet environ 37% des hommes comme les femmes ont eu recours à un médecin. Cette proportion est de 35% pour ceux qui ont eu recours aux autres personnels de santé. Les vendeurs informels de médicaments viennent en deuxième position avec une proportion de 15% chez les hommes comme chez les femmes.

Déterminants de la morbidité selon le sexe

Les analyses multivariées au moyen des modèles de régression logistiques sont utilisées pour dégager des associations statistiquement significatives entre les diverses variables explicatives et la variable dépendante (l’état morbide au cours des deux dernières semaines).

Tableau 3 : Morbidité différentielle selon le sexe

Tableau 4 : Répartition des enquêtés par sexe selon les raisons de consultation, le secteur de soins et le personnel consultant

Les résultats des analyses montrent que selon le milieu de résidence, les personnes âgées de sexe masculin vivant en milieu rural courent plus de risques de morbidité que ceux du milieu urbain. Quant à leurs homologues femmes du milieu rural, ce risque est de 10% moindre. Concernant la situation matrimoniale qui est la variable la plus déterminante dans ce modèle, on remarque que quelle que soit la modalité prise, les femmes courent plus de risque que les hommes de tomber malade. Les hommes mariés polygames et les divorcés/séparés courent environ 1,4 fois plus de risque de tomber malade que les hommes célibataires. Quant aux femmes mariées polygames, elles courent 4,5fois plus le risque de souffrir d’une maladie que les femmes célibataires. Ceci pourrait s’expliquer par les maladies sexuellement transmissibles du fait des partenaires multiples. Ce risque reste élevé pour les femmes mariées monogames et celles en union libre (respectivement 2,8 et 2,5 fois plus de risque que les femmes célibataires). S’agissant de la religion, on constate chez les femmes que les adeptes des autres religions (protestant, musulman, animiste...) courent moins de risque que les catholiques de tomber malade. Le risque de contracter une maladie est plus élevé chez les hommes animistes (2,4fois plus de risque que les hommes catholiques). Pour ce qui est de la situation d’activité des personnes âgées, les résultats montrent que les inactifs hommes ont 1,1 fois plus de risque de tomber malade que les actifs occupés. Ce risque diminue plus chez les femmes inactives (moins de 30%) que chez les actives occupées. Comparativement au secteur primaire et quelque soit le secteur considéré les femmes courent plus de risque que les hommes de tomber malade. L’analyse selon le niveau d’instruction montre que les femmes courent plus de risque de tomber malade lorsque leur niveau d’instruction augmente comparé aux femmes sans niveau d’instruction. Par rapport à la taille du ménage, on remarque que plus la taille du ménage augmente, moins les femmes courent le risque de tomber malade. Cela s’explique par le capital vieillesse en milieu rural où les vieilles femmes sont aidées par les petits fils ou fils dans les travaux champêtres. Contrairement à nos attentes, les femmes âgées qui vivent dans les ménages non pauvres courent 70% moins de risque de tomber malade que celles qui vivent dans les ménages pauvres. De même dans la plupart des pays en développement, le vieillissement ne constitue pas une priorité pour les politiques en termes d’assistance des personnes âgées. Comme signalé plus haut, au Cameroun les préoccupations sont plus axées sur la population des jeunes, des femmes et des enfants.

Tableau 5 : Rapport de chance associé au risque de morbidité selon le sexe

Discussion et conclusion

Au terme de cette analyse de la morbidité selon le sexe chez les personnes âgées au Cameroun, il ressort que la morbidité varie selon les caractéristiques individuelles et collectives des personnes âgées. Les résultats au niveau bivarié ont montré que plus des ¾ des personnes âgées de 60 ans ou plus vivent en milieu rural et sont des actifs occupés dans le secteur primaire. Environ 6 personnes sur 10 vivent dans les ménages non pauvres. L’étude de l’état morbide selon le sexe a montré qu’en 2006 on a enregistré au Cameroun plus de vieilles malades que de vieux. L’analyse multivariée a montré que la situation matrimoniale des femmes est la variable la plus déterminante de la morbidité des femmes. Le mariage polygame se démarque avec 4,5 fois plus de risque. Les femmes commerçantes et les femmes pauvres courent également un risque relativement plus élevé que les autres femmes de tomber malade. Contrairement à nos attentes, les femmes instruites courent plus de risque de contacter une maladie que celles sans niveau d’instruction. Suite à ces résultats, notre étude suggère que tout plan d’action en faveur des personnes âgées doit d’abord cibler le milieu rural, les hommes actifs occupés et les femmes du secteur primaire. De même un plaidoyer en faveur d’un plan d’assistance des personnes âgées serait la bienvenue. Des recherches qualitatives seraient aussi nécessaires pour mieux expliquer le taux de morbidité élevé chez les femmes en union.

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ANNEXE

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011