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Ménages abritant des personnes âgées au Maroc

Persistance d’une cohabitation intergénérationnelle

Saïd AZAMMAM, CERED - HCP
Saïd CHAHOUA, Direction de la statistique - HCP, Maroc

Résumé

L’objectif de cette communication est de présenter l’évolution du profil des ménages abritant une ou plusieurs personnes âgées et celle des caractéristiques des cette catégorie qui les compose. Le but étant de mettre en évidence la notion de persistance de la cohabitation intergénérationnelle au Maroc malgré, les incessantes prédictions d’une décohabitation à l’instar des pays occidentaux, pays suffisamment bien avancés dans la transition démographique.

Les données des projections démographiques montrent qu’en 2010, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus est d’environ 2,6 millions. En 2004, leur nombre était de 2,4 millions et il est estimé à 6,5 millions pour 2034. La quasi-totalité des personnes âgées vivait, en 2004, à domicile et seulement 7,9%, parmi elles, vivaient seules (27% en 1999 en France). Quant à celles qui vivaient dans une institution qui leur est réservées, leur nombre reste relativement très faible (2255 personnes en 2001).

Selon les recensements de 1982, 1994 et 2004, le nombre des ménages abritant au moins une personne âgée n’a pas cessé de s’accroitre avec, toutefois, des rythmes différenciés selon le milieu de résidence et les périodes.

Au cours de ces mêmes périodes intercensitaires, la population vivant dans ces ménages a connu une croissance continue mais plus importante entre 1982 et 1994 qu’entre 1994 et 2004, avec des taux d’accroissement annuel respectifs 2,71% et 1,64%.

Ces rythmes différenciés selon les périodes, particulièrement celle de la population, se sont répercutés sur la taille moyenne des ménages qui est passée de 6,3 personnes en 1982 à 6,5 personnes en 1994 pour reculer, ensuite, à 5,9 en 2004. Cependant, malgré cette baisse on constate toujours au fil des différents recensements généraux de la population que la proportion des personnes âgées de 60 ans et plus qui cohabitent avec au moins une personne tiers, dépasse les 90% et que plus d’un sur deux résident dans un ménage constitué d’a moins six personnes.

La part des ménages d’une personne n’a pas cessé de diminuer au cours de la même période passant de 7,1% en 19982 à 5,1% en 1994 puis à 4,5% en 2004, évitant à plus de personnes âgées l’isolement résidentiel.

Les dernières données de l’enquête sur les personnes âgées de 2006 selon le type du ménage auquel elles appartiennent, révèle que ces dernières sont plus présentes, en premier lieu, au niveau des ménages complexes (58,3%) où souvent cohabitent la personne âgée, son conjoint, les ascendants, les descendants et/ou les autres membres (neveux, nièces, cousins, oncles, pères, beaux pères, petits fils, frères, sœurs… et d’autres personnes sans lien). En deuxième lieu, viennent les ménages nucléaires qui regroupent plus du tiers (34,9%) et, enfin, seules 6,8%, entre elles, vivent seules. Soit ainsi prés 93% des personnes âgées qui cohabitent avec au moins une autre personne avec ou sans lien familial.

Ces données démontrent d’une façon incontestable que la cohabitation des personnes âgées qu’on prédisait disparaître, avec l’avancement de la transition démographique et les changements socio- économiques qu’a connus le pays, reste une pratique encore fort courante contrairement aux pays occidentaux où elle tend à disparaître (entre 25% et 40% des personnes âgées vivent seules actuellement contre prés de 10% en 1950).

En effet comme l’affirme Loriaux [1] « rien ne permet pour l’heure de penser qu’il y aura convergence des transformations sociales, économiques, politiques, culturelles et écologique entre le Nord et le Sud .Certes, la mondialisation et la globalisation qui sont à l’œuvre constituent des facteurs de rapprochement , mais ces convergences risquent d’être limitées à certains aspects du développement, comme le commerce, les communications ou le tourisme , sans qu’elles touchent au cœur les plus profondes des sociétés ».

Loin du conflit des générations et de la compétitivité entre les jeunes et les vieux sur les ressources que ne cessent de prédire les alarmistes, les données montrent que les composantes traditionnelles de la famille marocaine, dont la famille souche qui facilite toujours la cohabitation générationnelle, restent toujours de mises. Les membres de famille, particulièrement les plus proches (époux, enfants, petits enfant, frères et sœurs, parents) s’arrangent toujours pour répondre aux vœux des personnes âgées qui préfèrent dans leur majorité finir leur vie parmi leurs proches (74% souhaitent continuer à vivre chez eux au sein de leur ménage et que 56% continuent à croire que leur prise en charge doit être assurée par leurs enfants et leur famille). On est donc loin de la motivation accrue à l’isolement résidentiel relevée chez les personnes âgées en occident.

Il ressort ainsi que jusqu’à présent les membres des ménages tentent, tant mieux que mal, d’assumer leur devoir envers leurs ainées. En effet, prendre soin de ses parents aux moments les plus difficiles de leur vie ne constitue pas seulement une reconnaissance de dettes anciennes mais un devoir religieux et une bénédiction divine. D’autres facteurs : le mariage de plus en plus tardif, les difficultés économiques à supporter la vie de couple une fois marié sans l’appui des parents, le chômage des jeunes, la crise du logement, la structure de la maison marocaine qui peut s’adapter à l’élargissement du ménage, militent tous pour la persistance de la cohabitation générationnelle. Il reste cependant à l’État de s’acquitter de son devoir de répondre aux besoins différents des personnes âgées et de leurs familles à mesure qu’elles avancent dans le processus de vieillissement. Les bienfaits de la solidarité familiale ne peuvent pas se substituer à l’action publique. Les politiques de soutien à la famille sont appelées à se développer dans l’avenir pour compléter, renforcer et consolider la prise en charge familiale des personnes âgées.

Mots clés : Ménage, personnes âgées, cohabitation intergénérationnelle, solidarités familiales, Maroc

[1] M. LORIAUX, « Vieillir au Nord et au Sud : convergences ou divergences ? » in Jeunesse, vieillesse, démographie et sociétés. L’Harmattan, pp. 25-42.

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