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Le système de retraite iranien et le défi du vieillissement prochain de la population

Version provisoire, ne pas citer SVP

Marie LADIER-FOULADI, CNRS-CEPED Université Paris Descartes, France

Au cours de ces quatre dernières décennies, l’Iran a connu une transition démographique très rapide qui est aujourd’hui en passe de s’achever. Ce processus a entraîné une profonde modification de la structure par âge de la population iranienne qui n’apparaît pas encore clairement aujourd’hui mais qui se confirmera dans un proche avenir. Dans un premier temps, la baisse de la mortalité grâce à l’amélioration de la situation sanitaire et la politique préventive notamment pour la population en bas âge, mise en place depuis le début des années 1980, ont conduit à la hausse considérable de la durée de vie moyenne (Ladier-Fouladi, 2003). En trente cinq ans les Iraniens ont gagné 16 ans en l’espérance de vie à la naissance qui est passé de 55,2 ans en 1970-1975 à 71,3 ans 2005-2010 [1]. Avec l’allongement de la durée de vie moyenne, le sommet de la pyramide des âges a commencé à s’élargir progressivement.

Dans un second temps, la base de la pyramide des âges s’est rétrécit assez rapidement en raison de la chute vertigineuse de la fécondité. En l’espace de 22 ans, elle a baissé de 70%, passant de 6,4 enfants en moyenne par femme en 1986 à 1,9 enfants en 2008 (Ladier-Fouladi, 2009).

Ainsi le déclin régulier de la mortalité à tous les âges de la vie et le recul impressionnant de la fécondité ont contribué au vieillissement de la population iranienne. En effet, les personnes âgées de 60 ans et plus (au nombre de 1,7 millions) représentaient 5,3 % de la population totale en 1976, tandis qu’en 2006 elles étaient au nombre de 5,1 millions et constituaient 7,3 % de l’ensemble des Iraniens. Ce processus de vieillissement de la population se poursuivrait durant les prochaines décennies : en 2025, selon nos prévisions, la part des 60 ans et plus atteindrait 12 % la population totale et comprendrait un peu plus de 10 millions d’individus. Le système de retraite et la protection sociale en matière d’assurance maladie des personnes âgées se trouveraient donc face à un défi d’importance. D’autant plus que les 5 caisses principales de protection sociale (assurance maladie et retraite) et 14 caisses particulières de retraites existant en Iran rencontrent d’ores et déjà de très grandes difficultés pour la prise en charge de leurs assurés.

L’objet de ce travail est de présenter le système de retraite en Iran ainsi que ses problèmes actuels et futurs. Pour ce faire nous proposons d’examiner, tout d’abord, la situation de la population active, en particulier des demandeurs d’emploi, selon le sexe et la zone d’habitation urbaine et rurale. L’enjeu étant de mettre en lumière la faible productivité de l’économie iranienne dans la création d’emploi, alors même qu’aujourd’hui plus que jamais les offres d’emploi sur le marché du travail doivent se multiplier pour absorber la population d’âge actif dont les effectifs sont les plus importants au cours de ce stade intermédiaire de « bonus démographique ». Sur cette toile de fond nous examinerons ensuite le système de retraite iranien et les risques de précarisation qu’encourent les personnes âgées aujourd’hui et très certainement demain. Cette étude sera fondée sur les recensements décennaux iraniens aussi bien que sur les statistiques administratives de l’État islamique et des caisses de retraites.

L’économie rentière et l’emploi

Jusqu’au début de la seconde moitié du siècle précédent l’Iran était un pays principalement voué à l’agriculture ; une agriculture vivrière, sous la domination de grands propriétaires. Avec la nationalisation de son pétrole en 1951, ce pays était enfin en mesure de s’assurer des revenus nécessaires pour le développement économique. Mais il bascula immédiatement dans une économie basée sur la seule exploitation et exportation du pétrole. Il s’agissait d’une économie de rente pétrolière dont la gestion et la redistribution n’orienta pas les investissements des capitaux vers les secteurs productifs en biens de consommation et en emploi [2]. De la sorte, l’industrie manufacturière a progressé à petit pas et la création d’emploi est restée insuffisante en regard des besoins nouveaux créés par la pression démographique. Cette situation a conduit l’État monarchique à élargir les subventions sur tous les produits et services de consommation afin que dans chaque famille le revenu d’une personne, très souvent celui du chef de famille, puisse assumer un niveau de vie minimal. En somme, cette gestion de la rente pétrolière qui a empêché le décollage économique de l’Iran, a conforté les rapports traditionnels à l’intérieur de la famille établis sur l’hégémonie du chef. En outre elle a contribué au maintien des femmes dans le rôle strictement domestique, étant donné qu’elles n’étaient nullement incitées à s’insérer dans la vie active étant donné les difficultés de l’économie rentière dans le progrès industriel et dans la création de l’emploi. Cependant, cet équilibre s’avérait fragile et la récession économique consécutive au premier choc pétrolier de 1973, amplifiée par la continuité dans la mauvaise gestion des recettes, ont entraîné le pays dans une crise économique endémique qui s’est aggravée depuis le début des années 1980.

Le faible taux d’activité de la population âgée de 15-64 ans qui a par ailleurs continué de baisser au cours de ces dernières décennies, témoigne non seulement des difficultés structurelles de l’économie iranienne mais aussi de l’ampleur de cette crise économique sans précédent. En effet suivant la définition de la population active au sens du recensement de la population [3], en 1976 seulement 50 % des personnes âgées de 15-64 ans étaient actives : 85 % des hommes contre un peu moins de 14 % des femmes. Étant donné cette répartition très inégale de l’activité économique selon le sexe l’emploi paraît un univers presque exclusi¬vement masculin en Iran. Au cours des décennies qui suivaient, ce taux a continué de diminuer pour s’établir à 46,5 % en 2006. La baisse est essentiellement liée à celle du taux d’activité des hommes : 76 % des hommes âgés de 15-64 ans, dans la mesure où celui des femmes après avoir diminué de manière drastique entre 1976 et 1996, a remonté légèrement pour s’élever à 14,4 %, pratiquement au même niveau qu’en 1976. Cela s’explique certai¬nement par la mauvaise conjoncture économique qui a réduit davantage les offres d’emploi sur un marché du travail pourtant grand ouvert aux hommes.

Pour rendre bien compte de cette situation et évaluer les conséquences de la crise il faut à présent nous pencher sur la question de l’emploi et le chômage en accordant une attention particulière à l’activité économique des femmes.

Évolution des taux d’emploi et de chômage depuis 1976

Faute de statistiques spécialisées, nous pouvons seulement estimer les taux d’emploi et de chômage à partir des recensements décennaux de la population (Tableau 1). En 1976, 78 % des hommes contre près de 12 % des femmes étaient actifs. Cette inégalité entre les sexes dans l’accès au marché du travail devait logiquement dégager un grand nombre d’emplois pour les hommes. Cependant, la proportion relativement importante de demandeurs d’emploi parmi les hommes actifs, 8,2 % pour l’ensemble du pays (4,6 % dans les villes et 11,5 % dans les campagnes) montre les difficultés de l’économie rentière, particulièrement dans le secteur rural, pour absorber une proportion plus importante de la force de travail disponible. D’autant plus que cette proportion est plus élevée encore chez les femmes, dont le taux d’activité est pourtant déjà très faible : 16,4 % pour l’ensemble du pays, 6 % dans le milieu urbain et 23,5 % dans le milieu rural.

Tableau 1 : Taux estimatif (en %) d’emploi et de chômage de la population âgée de 16-64 ans selon sexe et par secteur d’habitation

Sources : Résultats des recensements de 1976, 1986, 1996 et 2006, Centre de Statistiques d’Iran

La crise économique, le coût financier de la guerre Irak/Iran (1980-1988) [4] et la baisse consécutive des investissements ont diminué nettement la proportion des actifs effectivement occupés en 1986. Près de 12 % des hommes actifs et 23 % des femmes actives ont été alors dénombrés comme demandeurs d’emploi. Ces proportions, déjà élevées, mettent en évidence l’aggravation de la situation économique depuis la fin des années 1970. Les jeunes âgés de 15-29 ans étaient les premiers touchés par cette crise dont le taux de chômage allait de 11 % à 28 % pour ce qui concernait les hommes et de 16 % à 47 % quant aux femmes (Tableau 2). Ces proportions s’avèrent encore plus implorantes dans les zones urbaines. Les taux élevés de demandeurs d’emploi parmi les femmes, qui montrent l’aspiration de ces dernières à une activité professionnelle, mettent aussi en évidence les limites du marché du travail, déjà incapable d’absorber tous les hommes en âge de travailler.

La fin de la guerre et la petite reprise qui s’en est suivie semblent contribuer à la baisse de la proportion des demandeurs d’emploi aussi bien chez les hommes que chez les femmes actives pour atteindre respectivement à 8 % et 12 %, en 1996 (Tableau 1).Cela ne doit cependant pas être interprété comme une amélioration de la situation économique dans la mesure où ces années sont notamment marquées par une expansion effrénée de l’économie informelle appelée pudiquement par les dirigeants iraniens « marché libre ». D’autant plus que les taux de chômage des jeunes âgés de 15-29 ans paraissaient très élevés notamment chez les femmes.

Tableau 2 : Taux de chômage (en %) des jeunes de 15-29 ans par sexe, groupes d’âge et secteur d’habitation

Sources : Résultats des recensements de 1976, 1986, 1996 et 2006, Centre de Statistiques d’Iran.

En 2006, la tendance à la baisse du taux d’emploi des hommes âgés de 15-64 ans se confirme, alors que contrairement à la décennie précédente leur taux de chômage augmente (Tableau 1). Pour ce qui concerne les femmes, en dépit d’une légère hausse de leur taux d’emploi, leurs taux de chômage se multiplie presque par deux aussi bien dans les zones urbaines que dans les zones rurales. La situation du chômage des jeunes paraît encore plus critique. En particulier parmi les 15-24 ans, le chômage touche pratiquement un homme sur quatre et près d’une femme sur deux (Tableau 2). Il est évident qu’une économie dont le secteur productif est structurellement très restreint et qui, de surcroît, se trouve plongée dans une récession durable, pose un problème dramatique d’accès à l’emploi pour une population d’âge actif en croissance. D’ailleurs, l’omniprésence de ces problèmes dans la presse, les études de terrains commandées par les administrations publiques ou encore les discours politiques rendent tangible le caractère profond de la crise. Ainsi, pendant toute la période qui nous intéresse, le marché du travail iranien qui n’était même pas capable de fournir suffisamment d’emplois pour la moitié masculine de la population, n’a à l’évidence pas pu s’ouvrir favorablement aux femmes.

Le ratio de dépendance démographique

La transition démographique rapide en Iran a induit une modification importante de la structure par âge de la population en l’espace de 30 ans (Tableau 3). Alors que la baisse considérable de la fécondité depuis la seconde moitié des années 1980 a eu pour conséquence logique la forte diminution de la part des enfants de moins de 15 ans, le recul de la mortalité à différents âges et notamment l’allongement de l’espérance de vie expliquent la hausse de la proportion des personnes âgées de 65 ans. Plus important encore, la part de la population d’âge actif a commencé à s’élever durant ces deux dernières décennies pour s’établir à 70 % en 2006. Cette proportion est la plus élevée qu’elle ne l’a jamais été et ne le sera dans un avenir prévisible. En effet, selon notre propre estimation, la part des groupes d’âge actifs dans la population totale commencerait à progressivement fléchir dès la prochaine décennie.

Tableau 3 : Répartition de la population (en %) par grands groupes d’âges

Sources : Résultats des recensements de 1976, 1986, 1996 et 2006, Centre de Statistiques d’Iran

Aujourd’hui, l’Iran se trouve donc dans une situation particulière de l’évolution démographique appelée le « bonus démographique ». Celle-ci se caractérise par un ratio de dépendance démographique (le rapport de la population d’âge inactif, enfants et personnes de plus de 60 ou 65 ans, au nombre de personnes d’âge actif) qui s’établit à un niveau le plus faible. Étant donné la diminution de la pression économique sur les actifs durant cette période intermédiaire, la possibilité d’épargne privée des actifs augmente. Cela favorise l’investis¬sement productif et finalement la croissance économique. Mais en pratique, il s’avère que les États ne saisissent pas très souvent cette opportunité pour mettre en place une politique économique favorable à la relance de l’emploi. Alors que celui-ci constitue la première source permettant aux actifs de disposer d’un revenu régulier et donc des moyens d’épargner.

En Iran, dans les années 1970, le ratio de dépendance démographique s’élevait à 92,5 % (soit un peu plus de 9 personnes inactives pour 10 actifs) (Figure 1). Après une légère hausse au cours de la décennie suivante, ce rapport commence à baisser de manière drastique pour s’établir à 43,4 % (soit un peu plus de 4 inactifs pour 10 actifs) en 2006.

Figure 1 : Évolution du ratio de dépendance démographique

Lecture : En 1976, il y a 92,5 personnes d’âge « inactif » (des moins de 15 ans et de 65 ans et plus) pour 100 personnes d’âge « actif » (15-64 ans). Sources : Résultats des recensements de 1976, 1986, 1996 et 2006, Centre de Statistiques d’Iran.

Cependant, cette opportunité démographique ne s’est pas traduite en avantages économiques. Bien au contraire, elle pèse de tout son poids sur l’économie iranienne. L’arrivée des générations de plus en plus nombreuses sur le marché du travail n’a cessé de gonfler le nombre de chômeurs au cours de deux dernières décennies. Aujourd’hui, au problème urgent du chômage de notamment des jeunes s’ajoute les besoins sociaux des personnes âgées dont le nombre continue de croître. Or, l’accès de plus en plus tardif d’un grand nombre des actifs à des revenus réguliers a entre autres pour conséquence la restriction des ressources de la protection sociale et des postes budgétaires des retraites. Sachant par ailleurs qu’actuellement le système de retraite ne couvre qu’une partie de la population active, des salariés en l’occurrence, les générations des personnes âgées ne peuvent compter que sur la solidarité familiale celle de leurs enfants notamment dont une partie est sans emploi ou sans revenu régulier. Ils se trouvent ainsi dans une situation de paupérisation et de vulnérabilité. Cette situation risque de s’empirer et de s’étendre dans un avenir proche en raison de la crise économique aiguë que la République islamique n’a jusqu’alors pas pu maîtriser et de l’absence des dispositifs nécessaires et surtout efficaces pour la prise en charge de toutes les personnes âgées dont le nombre continue de croître.

La politique de protection et couverture sociale

Bien que l’idée de mettre sur pied un système d’assurance ait apparu au début du XXème siècle et qu’à cette fin plusieurs projets partiels aient vu le jour au cours des décennies qui suivaient ce n’est qu’en 1975 que le gouvernement iranien a fait adopté la loi de « sécurité sociale ». Depuis lors, le système de sécurité s’est doté de 5 caisses principales de protection sociale (assurance maladie de retraite) et de 14 caisses particulières d’assurance retraite. La multiplicité de ces caisses d’assurance dont la plupart ne publie pas de statiques, ne permettent pas de présenter avec certitude le nombre des assurés. Selon toute vraisemblance, elles couvraient un peu plus de 50 % de la population active occupée et retraitée, notamment les fonctionnaires publics ou les salariés des grandes entreprises (Panahi, 2006). Très récemment (en 2007), une caisse spécifique d’assurances sociales pour les populations rurale et nomade, a été créée par le ministère de la Prospérité et de la Protection sociale, mais elle ne paraît pas encore tout à fait opérationnelle et ne fournit pas de statistiques permettant d’évaluer le taux de couverture d’assurance des populations concernées.

Dans le secteur public, la gestion de l’assurance des fonctionnaires n’est pas centralisée [5]. Au total une caisse principale et 14 caisses particulières d’assurance retraite prennent en charge les fonctionnaires publics. En 2004, la principale caisse d’assurance retraite des employés d’État couvrait 1,5 millions de personnes parmi le personnel des ministères, des institutions publiques, des juges, etc., dont près de 700 000 retraités. Quant aux 14 autres caisses particulières qui ne publient pas leurs statistiques, selon l’Organisation de gestion et de planification, en 2002 le nombre de leurs assurés (personnel actifs, retraités et leurs ayants droits) s’élevait à près de 1,8 millions de personnes [6].

Dans le secteur privé, l’« Organisation de la Protection Sociale », la principale caisse dans ce secteur, couvrait 1,4 millions de retraités ou leurs ayants droit en 2004. Toutefois, il importe de souligner que ces assurés étaient constitués essentiellement des salariés en milieu urbain.

En effet, la population active en milieu rural, composée majoritairement d’indépendants et d’aides familiales, ne bénéficient pas d’une assurance sociale jusqu’au début des années 1990. Une fondation appelée le « Comité de Secours de l’Imam Khomeiny », créée en 1979, qui s’est donné pour mission de secourir les personnes les plus démunies a commencé dès 1985 à verser une pension mensuelle de retraite à une dizaine de milliers de personnes âgées de 60 ans et plus dans le secteur rural. En 2007, leur nombre s’élevait à 1,5 millions et la prestation annuelle retraite de chacun d’entre eux était l’équivalent de 135 euros.

En 1994, l’État a adopté une loi d’assurance-maladie universelle, assumant pour sa part 50% du montant de la cotisation de la population rurale (Rassâï-nia, 1997). Vers la fin des années 1990, grâce à cette assurance une partie de la population rurale a finalement pu accéder aux soins médicaux mais aucune d’entre elle ne bénéficiait d’une assurance retraite, mis à part l’aide modeste du Comité de Secours de l’Imam Khomeiny. Les personnes âgées restaient ainsi tributaires de leurs enfants. Plus important sans doute, une grande majorité des femmes qui n’accédaient pas à un emploi ne pouvaient bénéficier de cette protection sociale qu’en tant qu’épouse/veuve ou fille d’un assuré. Dans la mesure où le marché du travail s’avère presque exclusivement masculin, ces femmes qui devenaient dépendantes de leurs familles se heurtaient à de grandes difficultés pour se libérer de l’assujettissement au groupe familial et confirmer leur autonomie. Compte tenu de toutes ces données, le nombre de personnes bénéficiant d’une pension retraite peut être estimé à près de 2 millions. Ces statistiques dispersées et imprécises ne permettent pas de déterminer l’âge de ces bénéficiaires. Ces derniers pouvaient être aussi bien âgés de moins de 60 ans que de 60 ans et plus dans la mesure où selon la loi iranienne après trente ans d’annuités, les hommes à partir de 50 ans et les femmes à partir de 45 ans peuvent partir à la retraite.

Les difficultés du système de retraite

Même si la couverture de la protection sociale ne concerne qu’une minorité de la population active, les caisses d’assurances sociales semblent éprouver de nombreux problèmes pour assumer leurs engagements vis-à-vis de leurs assurés. Le plus important de ces problèmes est lié à leur financement. Selon la déclaration récente d’un haut responsable de la principale caisse de retraite des fonctionnaires publics, les dépenses de cet organisme était deux fois plus importantes que ses recettes. L’une des principales raisons est les dettes cumulées de l’État à l’égard de cette caisse qui s’élevait à près de 15 milliards d’euros en 2002. Jusqu’alors l’État n’a pu s’en acquitter que d’une petite partie. Plus significatif encore est le déficit de l’« Organisation de la Protection Sociale », principale caisse dans le secteur privé. Ses déficits chroniques l’ont poussée à recourir au prêt bancaire pour pouvoir verser les pensions de retraite de ses assurés. Par ailleurs dans le contexte d’inflation grandissante, le montant de la prestation de retraite s’avère insuffisant de sorte que de nombreux retraités sont contraints à trouver un emploi dans le secteur formel ou informel.

Également il faut souligner le problème des personnes âgées pour accéder soins médicaux spécifiques. En raison de la hausse galopante des frais des soins médicaux et des déficits budgétaires chronique des caisses d’assurance sociale et retraite, ces dernières se désengagent davantage d’une prise en charge des dépenses de santé de leurs assurés.

Il apparaît ainsi que la population « privilégiée » qui dispose d’une assurance retraite se trouve dans une situation de vulnérabilité. Elle ne constitue pourtant qu’une minorité parmi les personnes âgée de 60 ans et plus dont le nombre peut être estimé à près de 6 millions en 2010. En d’autres termes, aujourd’hui une grande majorité de personnes âgées de 60 ans et plus est sans ressource et en grande précarité.

La protection sociale et le système de retraite sont donc d’ores et déjà sollicités à mettre en œuvre des politiques sociales appropriées pour lutter contre la paupérisation qui menace cette génération de personnes âgées mais surtout celles de demain. Sachant que le nombre des personnes âgées continue de croître et que grâce au progrès en matière de l’élévation de l’espérance de vie à la naissance (Zandjani et Nourolahi, 2000), leur durée de vie moyenne ne cesse d’allonger, l’enjeu est de grande importance. Cela d’autant que la crise économique frappe de plein fouet le pays, que le chômage de notamment des jeunes a atteint des seuils alarmants et qu’enfin l’expansion de l’économie informelle, rendent davantage la tâche difficile pour le système de protection sociale.

En 2025, le nombre de personnes âgées de 60 ans et plus atteindrait 10 millions d’individus. L’État iranien n’a jusqu’alors pas proposer aucune politique pour mettre en place un système de retraite et des dispositifs médicaux et sociaux appropriés. Étant donné, les conditions des personnes âgées d’aujourd’hui, il est à craindre que leur situation s’aggrave dans les prochaines années. Ils seront, comme partout dans les pays en développement, à la charge de leurs familles et en l’occurrence de celles de leurs enfants.

Cette nécessité d’une prise en charge régulière des membres de la famille annonce la difficulté de la situation économique des familles issues des couches les moins favorisées et la paupérisation d’un très grand nombre d’entre elles, tant dans les villes que dans les campagnes, dans un proche avenir.

Bibliographie

Coville, T., (éd.), 1994, L’économie de l’Iran islamique, Entre l’État et le marché, Paris, Téhéran, IFRI, 274 p.

Khalatbari, F., 1994 (1373), mabâniye eghtesâdi-e naft (Les fondements économiques du pétrole), Téhéran, sherkate enteshârâte elmi va farhangi, 467 p.

Ladier-Fouladi M., 2003, Population et politique en Iran de la monarchie à la République islamique, Paris, INED, 355 p.

Ladier-Fouladi, M., 2009, Iran. Un monde de paradoxes, Nantes, L’Atalante, Coll. Comme un accordéon, 347 p.

Panahi, B. 2006, Les fonctionnements de la protection sociale en Iran ; la nécessité d’établir un système complet de sécurité sociale et de bien-être, Téhéran, L’Institut de recherches de la Protection sociale, 332 p.

Rassâï-nâa N., 1997, Le code de protection sociale, Téhéran, Virâstâr, 244 p.

Zandjani, H. et Nourolahi, T., 2000 (1379), jadâvel margo mir-e irân barâye sâl 1357 (Les tables de mortalité pour l’Iran en 1996), Téhéran, moassesseh-ye âli-ye pajouhesh tamine ejtemaî, 316 p.

[1] Sources : World Population Prospects : The 2008 Revision, Population Division of the Department of Eco¬nomic and Social Affairs of the United Nations Secretariat, New York.

[2] Les économistes en étudiant l’économie des pays exportateurs du pétrole ont élaboré un modèle théorique ap l pelé le modèle de la maladie hollandaise (Dutch Disease) selon lequel, l’opulence des recettes et la facilité avec laquelle les devises entrent dans e pays pétrolier tendent à décourager les investissements des capitaux dans le secteur industriel : voir Khalatbari, 1994, et Coville, 1994.

[3] « Toute personne âgée de 10 ans et plus occupant un emploi, ou exerçant au moins 8 heures de travail au cours des sept jours précédant le recensement, ou encore étant demandeur d’emploi, travailleur saisonnier voire incorporé dans l’armée pour faire son service militaire, est considérée comme active ”. Centre de Statistiques d’Iran, Recensements généraux de la population et de l’habitat de1976, Résultats définitifs, Téhéran, 1980, 157 p.

[4] Pendant la guerre, le gouvernement n’a jamais décrété la mobilisation générale. Les combattants étaient alors des appelés et des membres des deux grandes organisations paramilitaires, à savoir le « Comité de la révolution islamique » et les « Gardiens de la révolution islamique ».

[5] À l’instar de Ministère de la Défense et de l’Armée, la Compagnie Nationale de Pétrole, ou encore la Banque Nationale, disposant de longue date de leurs propres dispensaires et de caisses d’assurance sociale, les administrateurs, se sont organisés pour proposer à leurs employés des services médicaux et une assurance retraite. Il va sans dire que la qualité des soins et services n’est pas identique et dépend de l’importance de ces administrations et de leur richesse.

[6] Il importe de préciser que suivant une loi adoptée en 1960, tous les employés d’État sont assurés d’une pension de retraite qui se transmet après leur décès à leur veuve (ou veuf) et enfants mineurs (jusqu’à l’âge de 21 ans s’ils poursuivaient des études).

VIEILLISSEMENT DE LA POPULATION DANS LES PAYS DU SUD

Famille, conditions de vie, solidarités publiques et privées... État des lieux et perspectives

ACTES DU COLLOQUE INTERNATIONAL DE MEKNÈS

Maroc 17-19 mars 2011