Dynamiques périurbaines :
population, habitat et environnement dans les périphéries des grandes métropoles

 

 

 

Les enjeux de la dynamique des extensions périurbaines à Ouagadougou (BURKINA FASO)

 

 

       Dr Ardjouma OUATTARA

 

Chargé de recherches à l’INSS/CNRST

Ouagadougou Burkina Faso

 

INTRODUCTION

 

Pays sahélien enclavé, le Burkina Faso avait 10 312 609 habitants en 1996. La population essentiellement jeune (55%), vit à 15,5% en milieu urbain, le reste vivant en milieu rural. C’est dire que, dans le contexte régional, l’urbanisation du pays est faible.

 

L’urbanisation du Burkina Faso a connu une certaine évolution. De deux en 1960, le nombre des villes est passé à cinq en 1975, dix-huit en 1985 puis vingt six en 1996, l’urbanité étant acquise par toute agglomération dont la population atteint 10 000 habitants, et/ou avec les services d’adduction d’eau et de distribution d’électricité et des infrastructures socio-économiques. La population urbaine s’est ainsi accrue, en passant de 110 000 habitants en 1960 à 1 601 168 en 1996, avec dans le même temps, un taux d’urbanisation qui est passé de 2,5% à 15,5%, celui-ci ayant doublé entre 1975 (6,5%) et 1985 (12,7%).

 

Tableau 1. Evolution de la population urbaine et du taux d’urbanisation au Burkina Faso

 

Population

1960

1975

1985

1996

Population Burkina

4 349 600

5 638 203

7 964 705

10 312 609

Population villes

110 000

362 610

1 011 074

1 601 168

Taux d'urbanisation (%)

2,5

6,5

12,7

15,5

Nombre de villes

2

5

18

26

 

Sources : COUREL et LARDINOIS, 1979 ; INSD, 1960-61, 1975,1985, 1996 ; et OUATTARA, 1982

 

Cette urbanisation est polarisée par Ouagadougou et de Bobo-Dioulasso, les deux principales villes qui ont abrité ensemble 63,4% des citadins en 1996. Ouagadougou la capitale comptant alors 44,1% des citadins (709 736 habitants) constitue la ville la plus importante, la seconde ville, Bobo-Dioulasso, n’en ayant que 19,5%. La suprématie démographique de ces deux métropoles se traduit par un écart important avec les autres agglomérations du réseau urbain national. Après Bobo-Dioulasso qui comptait 309 771 habitants en 1996, la troisième ville Koudougou, n’en était qu’à 72 490 habitants.

 

Comparée à celles des autres pays de la sous-région, l’urbanisation du Burkina Faso reste relativement faible. Le pays occupait en 1993 le dernier rang des pays les moins urbanisés du REMUAO, loin derrière le Niger et le Mali dont les taux d’urbanisation étaient respectivement de 18% et de 25%.

 

L’évolution urbaine reste néanmoins rapide, en raison de l’important exode rural qui résulte des migrations vers les centres urbains. En dépit d’un échange migratoire plus important  en milieu rural, l’essentiel des flux vers « la ville » se dirige sur Ouagadougou et Bobo-Dioulasso. En 1993, il y avait ainsi 51,3% d’immigrants à Ouagadougou et 43,1% à Bobo-Dioulasso.

 

Les migrations drainent ainsi vers les centres urbains des populations rurales jeunes poussées par des conditions difficiles du milieu rural. Le développement urbain du Burkina Faso reste donc très préoccupant, vu l’inadéquation persistante qu’il y a entre une demande sans cesse croissante et une offre insuffisante en matière de logements, d’équipements collectifs, d’infrastructures urbaines diverses et d’emplois.

C’est dans un tel contexte que se modèle l’espace urbain de Ouagadougou et dont l’image la plus saisissante est constituée par les extensions périphériques.

 

Contrairement aux villes du nord caractérisées par un développement en hauteur, les villes du sud ont une croissance plutôt horizontale. On note certes par-ci par-là des centres de villes du sud avec des constructions en hauteur, témoignage du passé colonial noyés dans de vastes étendues de quartiers populaires aux constructions basses. Au Burkina Faso, ce phénomène est d’autant plus important que ni Ouagadougou, ni Bobo-Dioulasso n’ont pas de « Plateaux » à l’instar d’Abidjan, de Dakar ou de Nairobi.

 

L’extension horizontale constitue ainsi la forme dominante de la croissance spatiale des villes du Burkina. A Ouagadougou capitale, concentré des problèmes d’urbanisation du pays, les extensions périurbaines progressent à un tel rythme qu’on ne saurait en prévoir ses limites. En quelques années, de nombreux villages et leurs terres de culture ont été « avalés » par les extensions de la ville.

 

L’approche de la dynamique péri-urbaine à Ouagadougou s’appuie ici sur des résultats d’études menées au cours des années 1990 et le schéma d’aménagement du « Grand Ouaga » (Horizon 2010) engagé par les pouvoirs publics en vue d’endiguer l’immigration urbaine.. Les dynamiques en œuvre, les enjeux qui les sous tendent, et leurs conséquences sur le milieu guident les présentes réflexions.

 

1. LA DYNAMIQUE DES EXTENSIONS PÉRIURBAINES À OUAGADOUGOU : ETAT DES LIEUX

 

Historiquement, Ouagadougou est à l’origine un village d’agriculteurs ninisi et nyoniose. Devenu la capitale du royaume moose en 1441 et résidence permanente du Moogho Naba (empereur des Moose) en 1691, Ouagadougou s’est peu à peu agrandi à la faveur de l’installation des dignitaires de la cour royale. Lorsque Binger visita le territoire en 1888, Ouagadougou n’était qu’un gros bourg (fig.1).Ce gros bourg préfigurait ainsi la capitale du Burkina Faso aujourd’hui. En restructurant ce gros bourg (fig.2) dont il fit la capitale de sa nouvelle possession, le colonisateur a ainsi légué à l’état indépendant une ville aménagée qui s’étendait sur 920 hectares en 1960 (fig.3). Depuis lors l’extension de la ville s’est poursuivi dans un chassé-croisé entre lotissements et quartiers d’habitat spontané.

 

De 1960 à 1984, l’extension spatiale de la ville semblait encore modérée. L’espace aménagé à Ouagadougou entre 1960 à 1984 était de 1040 ha ; ce qui a porté à 1960 hectares la superficie totale aménagée. Dans le même temps, les quartiers d’habitat spontané occupaient 4 900 ha, ce qui donnait à la ville une superficie totale de 6 860 ha dont seulement 28,6% lotis. Les taux d’extension annuelle correspondants ont été de 3 % pour les quartiers lotis et de 11 % pour les quartiers d’habitat spontané. Cette distorsion résultait du fait que les lotissements effectués par à-coups ne s’inscrivaient dans aucune logique ou programme d’ensemble. Les interventions répondaient plutôt aux soucis des pouvoirs publics de rattraper le croît démographique de la ville.

 

Concernant la population, de 59 126 habitants en 1960, elle est passée à 441 514 âmes en 1985 dont près e 60% dans les quartiers spontanés. La majorité de la population dont les moyens limitaient l’accès aux zones aménagées constituaient l’essentiel des ménages de ces quartiers non lotis. Car s’acheter une parcelle lotie à Ouagadougou relevait d’une véritable gageure, les terrains viabilisés non mis en valeur coûtant entre 500000 et 1.500.000 F CFA et parfois plus selon les situations. Quant aux loyers, ils représentaient 30 à 50 % du salaire des ménages urbains. Cette situation obligeait de nombreux ménages démunis à s’adresser aux propriétaires terriens des villages périurbains pour solliciter des terrains et y construire leurs logements. C’est la réponse populaire à l’insuffisance de l’offre publique en logements et en terrains à bâtir accessibles à tous les revenus.

 

      Sollicités par une forte demande en terrains à construire hors lotissements et, hésitants au départ du fait du caractère sacré de la terre en principe inaliénable, les propriétaires terriens se sont finalement résolus à aliéner leur propriété foncière coutumière collective en vendant leurs terres. Le processus de transformation des champs de culture en zone d’habitat venait de prendre corps. Nous y reviendrons

 

Au cours de la période e 1984 à nos jours, les extensions périurbaines semblent avoir été plus importantes, le Conseil National de la Révolution (CNR) au pouvoir à partir de 1983 ayant quelque peu accéléré le processus d’extension de la ville.

 

Le pouvoir du CNR semble avoir pris toute la mesure de l’importance de la question du logement pour les populations des villes, celles de Ouagadougou en particulier. Les mesures d’amélioration des conditions de vie des populations dans tous les secteurs de la vie socio-économique nationale s’inscrivent dans ce cadre. Dans le domaine de l’habitat à Ouagadougou, L’une des mesures concernant Ouagadougou a été de fixer de nouvelles limites de la ville. Le décret[1] pris dans ce sens a élargi le territoire communal en englobant certains villages et leurs zones agropastorales (Cissin au sud, Dassasgo et Wayalghin à l’est, Kossodo au nord, etc.). Le programme populaire de développement (PPD octobre 1984-décembre 1985) consacré à ces lotissements a permis de mettre, en peu de temps, à la disposition de la population plus de 64 000 parcelles loties à Ouagadougou pour plus de 120 000 toutes les villes confondues.

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Ces lotissements ont contribué à accroître considérablement l’espace urbain ouagalais. d’environ 6000 hectares aménagés. Mais loin de juguler le phénomène, la restructuration a accéléré le processus de création des quartiers d’habitat spontané. Mais quelques années seulement après la fin des lotissements à grande échelle, soit en 1990, les zones non loties ont regagné du terrain au point qu’elles occupaient environ 34% du territoire urbain. Aujourd’hui, on peut estimer aujourd’hui à plus de 7000 hectares l’étendue des quartiers d’habitat spontané dans la capitale. La ville avait 18 000 hectares en 1995, une superficie comparable à celle de Paris, d’après les techniciens, avec cependant dix fois moins d’habitants. De nos jours, on estime à 30 000 hectares environ la superficie totale de la ville, si l’on considère les lotissements réalisés par les conseils municipaux dans les quatre arrondissements périphériques depuis 1995, ce qui a contribué à réduire l’habitat spontané (fig.4).

 

L’extension du territoire communal incluant désormais 17 villages périurbains ouvre encore des perspectives à l’extension des zones d’habitat spontané sur des terrains ruraux. La réalisation par les services de l’urbanisme et la SONATUR de cités-relais à Zagtouli, Pabré, Bassinko et Saaba en vue de contrecarrer l’habitat spontané, œuvre dans le même sens. De même, le projet « villages-centres banlieue de Ouaga (PVCBO) » ou « projet Grand Ouaga », s’étendant sur un rayon de 25 km autour de Ouagadougou, vise à freiner l’exode vers la capitale, en aménageant et en dotant ces localités d’infrastructures et de services pour maintenir les populations dans leurs terroirs. On peut en douter, puisqu’on ne sait rien encore de l’impact de ce projet sur la ville. Il y a là une piste de recherche à explorer.

 

Le front d’urbanisation progresse ainsi de manière irrésistible à Ouagadougou. On ne saurait prévoir jusque où il s’arrêtera. Les verrous qu’ont été les barrages, la forêt classée du barrage, les différentes ceintures vertes aménagées pour contenir les extensions périurbaines, etc., n’ont pas pu résister au rouleau compresseur des extensions périurbaines. Situé sur un terrain peu accidenté, Ouagadougou peut continuer à s’étendre au-delà de ses limites actuelles. Les villages périurbains de Zagtouli, Pabré, Bassinko et Saaba, situés à 15 km en moyenne du centre sont déjà dans la ville. Loumbila dans la province d’Oubritenga, à 25 km de la capitale, n’est plus si loin, le processus d’urbanisation y étant en cours depuis un certain nombre d’années avec un établissement secondaire pour jeunes filles, une école de formation d’enseignants du primaire (ENEP), la réalisation récente d’un lotissement par la SONATUR. Avec les recompositions administratives dans lesquelles il est passé maître, l’Etat peut encore repousser les limites de la communes. A ce rythme, Dapelgo et Saponé à 30 km respectivement au nord et au sud, Ziniaré à 35 km et même Kokologo et Kombissiri à 45 km à l’ouest et au sud, ne seront-ils pas un jour des quartiers ou secteurs de Ouagadougou si la tendance se poursuivait. On peut le redouter, puisque en définitive, l’Etat est toujours à la traîne des stratégies populaires de contrôle du foncier en milieu périurbain, en dépit de l’importance des enjeux en présence.

 

      Comme ailleurs, les espaces périurbains de Ouagadougou (fig.5) se retrouvent ainsi dans un processus de transformations aux facettes multiples. Ce processus aboutira progressivement à la disparition des terres de culture au profit des habitations. Des villages hors zone urbaine il y a quelques années ont ainsi disparu, habitations, biens  et terres de culture, en devenant des quartiers d’habitat spontané urbains. A la population essentiellement agricole succédera, à l’image de la ville, un peuplement composite de catégories socio-démographiques. En 1985-1986, dans les quartiers périphériques récemment rattachés à la ville, la taille moyenne des ménages était de 5,6 personnes, ce qui diffère de la situation en milieu rural où les effectifs par ménage sont généralement plus importants. Selon les résultats de l’enquête menée en 1985-1986 par l’équipe ORSTOM-CNRST-DGUT-INSD, 41,5% des ménages, les plus représentés à la périphérie, avaient des effectifs compris entre 2 et 5 personnes. Concernant les activités, outre les chefs de ménage travaillant dans l’agriculture, les moins nombreux à certains égards, il y a les travailleurs des secteurs moderne et informel. Au marché hebdomadaire succède désormais le marché quotidien, le petit commerce de rue, etc.. Au plan culturel, musulmans, catholiques et protestants côtoient désormais les animistes qui constituent le fonds culturel de la zone de Ouagadougou.

 

      Au cœur de tout ce processus de transformation à la périphérie de Ouagadougou, il y a un enjeu important : l’accessibilité à la terre, son contrôle et sa gestion.

 

2. LES ENJEUX DE LA PERIURBANISATION A OUAGADOUGOU

 

            L’accès au foncier constitue sous tous les cieux un enjeu important dont se disputent l’état, les propriétaires terriens et les populations, l’Etat, comme au Burkina Faso, se positionnant comme acteur principal.

 

2.1. L’Etat acteur principal de la gestion foncière urbaine

 

            Pour n’avoir pas su répondre aux besoins des populations en matière de logement, l’Etat a favorisé les extensions périurbaines. Les populations ont par conséquent exploité les insuffisances d’une gestion foncière trop lourde en mettant en œuvre des stratégies parallèles d’accès au foncier urbain.

 

            L’Etat burkinabé dispose, pour la gestion du foncier, de textes juridiques dont la loi 77/60AN du 12 juillet 1960, émanation du code napoléonien, est l’héritière. Des modifications apportées à ces dispositions n’ont pas changé grande chose, certaines n’ayant été que feu de paille comme par exemple la RAF de 1984 à 1996.

 

Tout comme avant 1960, la gestion foncière moderne a toujours composé avec le régime foncier coutumier. Ce dualisme engendrait de longues procédures d’adoption des plans d’aménagement, en raison des chantages des propriétaires terriens, du manque de fermeté de l’Etat vis-à-vis de ces derniers, de son attitude de laisser-faire et de ses tâtonnements, toutes situations qui finissaient par lasser les plus patients. Dans le même temps, les besoins ne cessant d’augmenter, les réalisations ne pouvaient qu’être insuffisantes : 20 300 parcelles loties pour 89 000 ménages en 1985.

 

Héritier d’une telle situation, le Conseil National de la Révolution en place à partir de 1983 ne pouvait manquer de s’attaquer d’entrée à ce problème. En démocratisant l’accès à la terre à coups de slogans (un ménage une parcelle, un ménage un toit…); en accordant la priorité des attributions de terrains lotis aux propriétaires résidents, le CNR entendait certes révolutionner la politique urbaine au Burkina Faso ; mais les dérapages conséquents en ont décidé autrement : recrudescence des quartiers d’habitat spontané avec la complicité des propriétaires terriens et des spéculateurs de tous bords. Les populations sont devenues ainsi des acteurs indispensables de la gestion foncière urbaine.

 

2.2. Les populations urbaines : acteurs incontournables de la gestion foncière

 

Pratiquement inexistante en milieu rural, la lutte pour l’accès à la terre est apparue au Burkina avec l’introduction de la gestion foncière moderne dans les villes. Les stratégies populaires se sont développées à la faveur des difficultés d’accès au sol urbain aménagé et à la nécessité de se loger. La crise du logement consécutive à la pénurie de terrains lotis au cours de cette période n’a laissé comme seule alternative à la grande majorité des exclus de la ville légale que le recours à l’habitat spontané. Au cœur de ces stratégies se retrouvent les propriétaires terriens et les populations pauvres.

 

Les propriétaires terriens constituent les principaux acteurs de la gestion foncière informelle. A la périphérie, les terres coutumières, non soumises à l’obligation d’immatriculation au nom de l’Etat, échappent au contrôle de ce dernier. Aussi, face à une forte demande de terrains, les propriétaires coutumiers se sentent-ils obligés de céder une bonne partie de ces terres pour permettre à cette frange importante de la population de se loger. Cependant, conscients de la disparition de leurs terres de culture, ces coutumiers déploient diverses stratégies pour ne rien perdre. L’objectif premier en effet est de tirer le maximum de profit de la vente des terrains de culture qui, de toutes les manières seront tôt ou tard lotis par l’Etat. En second lieu, il faut exiger de l’Etat, pour les membres des familles dépossédées de leurs terres de cultures, un maximum de parcelles en compensation de cette perte. Les propriétaires terriens ne semblent pas se satisfaire de l’élargissement de la base des bénéficiaires des terrains lotis aux membres de leurs familles avec la réduction de l’âge requis pour l’attribution des parcelles de 18 à 15 ans (article 155 et 156 de la RAF) pour les autochtones résidents dans les villages englobés dans des opérations de lotissement.

 

Concernant les populations, elles sont conscientes de l’importance du logement dans le processus de leur insertion en ville. Cette prise de conscience semble avoir été exacerbée par les lotissements à grande échelle réalisés dans les villes du Burkina et à Ouagadougou en particulier de 1985 à 1987. En privilégiant les propriétaires résidents des zones non lotis, ces critères d’attribution ont fait prendre conscience à la grande majorité des « sans parcelles loties » que habiter en zone non lotie ou y posséder un terrain non loti offrait la meilleure garantie pour l’accession à la propriété d’une parcelle lotie. L’hébergement qui impose des charges aux parents et amis, les tracasseries de la location, etc., ont fini par convaincre la majorité des néo-citadins « qu’il vaut mieux avoir un chez soi », car « dormir sur la natte d’autrui, c’est dormir par terre », selon un dicton populaire. Aussi, met-on tout en œuvre pour accéder à la propriété légale de son logement, de sa parcelle, l’acquisition de la parcelle lotie étant le couronnement d’efforts quotidiens pour réunir les ressources nécessaires. En effet, le Ouagalais ne se considère vraiment comme tel que lorsqu’il est détenteur d’une parcelle lotie, achetée ou attribuée par l’Etat après le lotissement du quartier d’habitat spontané dont l’intéressé est résident illégal. « Moi aussi je commence à rentrer dans Ouagadougou maintenant » entend-on souvent certains déclarer lorsqu’ils acquièrent un terrain loti. C’est donc dire à quel point l’accès aux terrains lotis est un enjeu important pour les citadins en général, les Ouagalais en particulier et qui expliquent toutes les stratégies en œuvre à la périphérie.

 

Une enquête réalisée en 1990 dans des parties non loties de la ville de Ouagadougou (secteurs 15 et 19) révèle que 88,6% des personnes interrogées (89,5% au secteur 15 et 87,6% au secteur 19) pensent que « la zone non lotie » est la meilleure garantie d’accès au sol urbain (Ouattara, A. et Kinda, F. 1991, p.172 et 176). La conjonction du mot d’ordre « un ménage, une parcelle » et de la priorité des attributions aux propriétaires résidents a, dans toutes les villes, à la périphérie ouagalaise en particulier, permis d’affiner les stratégies populaires d’accès au sol urbain. En effet, le ménages détenteurs de « zones non loties » anticipent sur les opérations de lotissement en morcelant au maximum leurs terrains et en en affectant à chaque membre adulte de la famille de manière à les faire recenser comme « propriétaires », donc candidats légitimes à l’attribution de parcelles loties.

 

Ces pratiques sont certes légitimes dans la mesure où leur objectif est la satisfaction des besoins d’habitat pour les populations pauvres de la ville. Mais les pratiques spéculatives, également au rendez-vous, viennent entacher ces démaches. Certains spéculateurs sont ainsi propriétaires de nombreuses parcelles non loties. Ne pouvant avoir tout après le lotissement, ils usent de prête-noms en faisant porter des noms de frères du village, si ce ne sont des noms fictifs. Et comme le critère de résidence donne la priorité lors des attributions, ces spéculateurs font loger dans les maisonnettes construites à cet effet leurs frères du village le temps du recensement. Dans ce jeu, il faut malheureusement compter avec la complicité de certains agents des services municipaux.  Les parcelles ainsi acquises sont, soit vendues immédiatement, soit attendent de l’être au moment opportun.

 

 

CONCLUSION

 

Loin de mieux organiser la péri-urbanisation à Ouagadougou, les textes de la réorganisation agraire et foncière l’ont plutôt dynamisé en la désorganisant davantage. Le phénomène semble irréversible du moins pour le moment à Ouagadougou. A moins de :

 

-      doter les agglomérations de schémas d’aménagement bien élaborés assorties

-      engager des actions dissuasives pour décourager toute occupation illégale des territoires urbains.

-      appliquer à la lettre les textes portant réorganisation agraire et foncière

-      bannir tout compromis avec les propriétaires terriens ou

-      faire d’eux un des maillons essentiels de la gestion foncière, ce qui implique une nouvelle relecture des textes de la RAF, au regard des difficultés d’application de certaines dispositions sur le terrain,

on ne voit comment réussir à contrôler l’accès au sol, surtout dans les villes.

 

Dans tous les cas, la réduction des inégalités sociales, la sécurisation foncière, l’amélioration du cadre de vie des populations urbaines des pauvres en particulier en rapport avec la sauvegarde de l’environnement devraient sous-tendre la péri urbanisation en vue d’un développement durable.

 

REFERENCES BIBLIOGRAPHIQUES

 



[1] Décret 83-264 portant détermination des nouvelles limites de la ville de Ouagadougou et division du territoire communal en secteurs.