Dynamiques périurbaines :
population, habitat et environnement dans les périphéries des grandes métropoles

 

 

Territoires de la maison en péri-urbain et métropolisation : Villas en campagne urbaine entre Aix et Marseille

 

Daniel Pinson, Sandra Thomann

 

 

CIRTA (Centre Interdisciplinaire de Recherche sur les Territoires et leur Aménagement),

IAR (Institut d’Aménagement Régional), Université Paul Cezanne Aix-Marseille III.

 

 

Résumé

L’article présentera les résultats d’une recherche portant sur la maison du péri-urbain entre Aix et Marseille. Définie comme  un système de lieux, la « villa » est analysée comme élément générateur d’un mode de vie et d’une urbanisation ayant l’installation comme finalité première et la pérégrination comme condition d’accomplissement de cette installation. Pour en rendre compte, il a été procédé à des entretiens semi-directifs auprès du maximum de membres d’une trentaine de familles. À l’analyse de contenu proprement dite, a été associée une exploitation cartographique afin d’établir le lien entre les destinations et les pérégrinations hors maison et les productions et consommations domestiques familiales et individuelles. Situées dans le périmètre de l’aire urbaine d’Aix-Marseille,  les communes retenues pour l’analyse (Cabriès, Fuveau, Puyloubier) se différencient par des périodes d’urbanisation et des peuplements différents.

Du point de vue de son contenu actuel, la représentation de la maison, qui dissocie sphère publique et sphère domestique, crée une coupure dont le caractère artificiel doit être mis en évidence. La maison des « campagnes urbaines » entretient, plus qu’aucune autre forme d’habitation, cette illusion de « hors monde » que les réseaux aériens et souterrains rappellent à chaque instant comme leurre. La maison semble prendre distance avec la ville alors qu’elle dépend d’elle plus qu’à aucune autre époque, car il lui faut s’alimenter de ses ressources matérielles et immatérielles. Justifiée d’abord comme patrimoine transmissible, elle est, comme pavillon disposant d’un jardin, considérée comme un lieu d’épanouissement des jeunes enfants, et, comme maison isolée, représentée comme un lieu de repli, de « retraite » dans un « paysage » que l’on s’annexe et dont l’on craint par dessus tout la dégradation.

À partir de leurs pratiques de mobilité, quotidiennes ou non, les  familles habitant ces « villas » sont des témoins et les acteurs de la métropolisation. On assiste là à une double construction de territoires : la constellation des territoires familiaux et personnels contribuent en effet à produire, à travers leurs pôles de destination et leurs mouvements de pérégrination, la « nébuleuse » du territoire métropolitain. Le rapport de l’espace de résidence à l’espace urbain devient de plus en plus complexe : la gestion du domestique est traversée par toutes sortes de tensions non sans rapport avec la montée des désirs individuels significatifs des modes de vie d’aujourd’hui, en particulier ceux des enfants devenus adolescents.

L’étude des « territoires » de la maison du péri-urbain montre cependant, en dépit de son isolement recherché, le caractère ténu du lien entre la résidence et les autres lieux de la ville, finalement l’appartenance de la "villa" à la ville. À ce titre il faut sans doute l’aborder non seulement comme « maison individuelle », mais comme forme spécifique de l’habitat urbain dans son lien étroit aux réseaux et aux services.

 

  

 

Ce texte présente l’essentiel des résultats d’une  recherche, qui, questionnant l’évolution urbaine, part du constat d’un paradoxe : alors que le "mouvement" façonne la ville, en favorisant son étalement, c’est un lieu de "repos"[1], la maison en péri-urbain, qui en conforte l’éparpillement.  Partant de là, notre recherche prend la maison du péri-urbain et ses territoires comme objet. La maison en péri-urbain est considérée comme élément générateur d'un mode de vie et d'une urbanisation ayant l'installation comme finalité première et la pérégrination comme condition d'accomplissement de cette installation. Il s'est agi pour nous d'établir le lien entre les destinations et pérégrinations hors maison et les productions et consommations domestiques, familiales et individuelles, et de faire apparaître l'existence de territoires juxtaposés, plus ou moins entrecroisés, de configuration variable selon les individus composant l'unité domestique.

Nous faisons d'abord l'hypothèse que la maison[2] du péri-urbain et ses territoires constituent un "système de lieux" d’un caractère particulier : elle est un lieu de "repos" générateur de "mouvements" plus agités et plus appareillés. Lieu d'installation, elle constitue, dans ce système, un pôle central, pesant d'un poids essentiel, pratique et symbolique, cependant que les logiques d'individuation qui caractérisent la construction des personnes dans la société d'aujourd'hui[3] mettent les divers membres de la famille, au gré de l'évolution des cycles de vie, dans une pluralité élargie et un éclatement plus intense de leurs rapports à la société et à l'espace urbain.

Pour travailler notre hypothèse principale, nous avons eu recours au concept d'installation, complétant celui d'accession, et au concept de "pérégrination"[4]. L'installation, modalité de "repos", est un processus de "mobilisation"[5] et participe d'un "projet de vie"[6] familial, centré sur une forme d'habitat bien déterminée. Cette dernière associe, en période de forte croissance (années 70), ascension sociale et accession à la propriété : entre aspirations de vie et contraintes budgétaires, elle articule le petit territoire de la maison (la maison elle-même et son terrain), et des territoires plus vastes (lotissement, commune, pays...). Du côté du "mouvement", la pérégrination est, pour l'habitant, un mode de gestion de la multiplicité des déplacements dus à l'éclatement des territoires et des modes de vie. En ce sens, la pérégrination est fondée sur la combinaison optimale des parcours et des arrêts entre des destinations dont l'un des termes sera inévitablement la maison. Plus ou moins contraintes et optimisées pour la vie quotidienne, en regard des économies d'espace et de temps auxquelles oblige le "choix" péri-urbain, les pérégrinations peuvent, en situation de hors travail, trouver en elles-mêmes les raisons ludiques de leur parcours ("faire un tour à… en s'arrêtant chez…)".

Dans la mise en relation entre le centre que constitue la maison et les lieux qui la lient au reste du monde, l'automobile est un instrument privilégié d'accès au travail, aux lieux d'enseignement, de consommation, de loisir. L'effet combiné de l'individuation et de la mobilité engendre, à partir du centre que constitue la maison, une juxtaposition de territoires personnels présentant de plus ou moins grandes interférences.

Par ailleurs, comme "système de lieux", cette juxtaposition/superposition n'est en aucune manière une simple "série d'endroits", voire un simple "réseau d'espaces", dont la seule mesure d'accessibilité, à partir de la maison, serait le temps et/ou la distance, et les moyens de l'assurer. C'est bien un "système de lieux", dans la mesure où les parcours et les cibles de ces territoires sont porteurs de sens, en regard de valeurs où peuvent se croiser des attentes paysagères, mémorielles, environnementales, classantes et distinguantes.

Sur le plan méthodologique, nous avons procédé à des entretiens semi-directifs auprès d’un maximum de membres d’une trentaine de familles. À l’analyse de contenu proprement dite, nous avons associé une exploitation cartographique afin d’établir le lien entre les destinations et les pérégrinations hors maison et les productions et consommations domestiques, familiales et individuelles. Les communes retenues pour l’analyse (Cabriès, Fuveau, Puyloubier ) se différencient par des périodes d’urbanisation et des peuplements différents. Elles sont situées dans le périmètre de l’aire urbaine d’Aix Marseille, plus précisément entre Aix-en-Provence et Marseille. Ces deux villes et la mégalopole qu’elles tendent à former avec l’ensemble plus hétérogène en développement autour de l’étang de Berre représentent en effet des terrains tout à fait intéressants en regard du phénomène de péri-urbanisation et de métropolisation.

Agies par des facteurs valables pour d'autres régions, les dynamiques de péri-urbanisation n'y sont pas étrangères, non plus, ni à l'attraction "héliocentrique" de la région PACA, ni à la qualité paysagère de ses sites, ni à des formes de production (hautes technologies) et de consommation (“ grande distribution ”) en fort développement dans la région. Les communes retenues ont connu un accroissement démographique en relation directe avec le dépeuplement des grands centres au profit de la périphérie. Cabriès et Fuveau, situées  entre Aix et Marseille, la première à proximité de l’autoroute Aix-Marseille, l’autre plus à l’est, à proximité du vieux bassin industriel de Gardanne, sont des pôles urbains. Puyloubier, située au pied de la Sainte-Victoire, à l’est d’Aix, est une commune péri-urbaine de type rural.

L’installation en villa dans les campagnes urbaines

L'immersion dans la nature, la campagne, le village, la présence des arbres, celle des animaux, sauvages ou domestiqués (l'écureuil et le cheval), l'éloignement des sources de bruits (routes et autoroutes) sont des critères d'installation qui viennent au premier plan. Ces habitants portent en effet, comme l’ont bien noté B. Hervieu et J. Viard[7], un véritable "désir de campagne", expression d’une “ lente montée résidentielle et ludique extra-urbaine ” submergeant une "dynamique agricole" plus ou moins affaiblie selon sa production et sa proximité des centres urbains.

Certes, le projet d’installation, plus ou moins ancien, aura pu naître d'autres motivations initiales, aujourd'hui rejetées en arrière plan : la fuite de la ville, l'intérêt des enfants, le désir d'accession, les opportunités d'emprunt, etc. Pourtant, aujourd'hui, la justification par l'argument d'une nature bienfaisante est la première avancée, même en lotissement : “ l’unité fondamentale de notre territoire collectif est aujourd’hui le paysage ”[8] .

Qualifier de "campagnes urbaines" les espaces vécus par les acquéreurs de villas, qu'ils résident en maison isolée ou même en lotissement, correspond donc assez bien au type de "territoire" que contribuent à produire les habitants du périurbain, entre fébrilité urbaine et retraite rustique. Car si la destination pavillonnaire est l’objet privilégié du projet familial, ce "paradis" domestique n’est pas isolable des chemins, des "prolongements" et des "compléments" qui l’inscrivent en "campagne" hors de la ville.

            Entre le travail et la maison, un faisceau de lieux et de trajets irradie autour du pôle domestique, permet le fonctionnement de la maison, lui apporte son carburant, son alimentation matérielle et ses ressources culturelles. Ce faisceau de lieux constitue une réserve dans laquelle l’habitant urbain peut puiser, et annexer au profit de son projet domestique, d’une façon totalement utilitariste ou d’une manière totalement gourmande et ludique, les éléments d’un espace environnant public et privé et en faire l’étendue d’un territoire personnel, constitué d’espaces pratiqués : itinéraires familiers, honnis ou préférés, destinations désirées ou obligées, mais aussi de références symboliques appropriées : profil de la Sainte-Victoire, piton villageois, creux des calanques.

Le critère paysager chez ces urbains des campagnes devient d'autant plus intense qu'il est contredit par les manifestations visibles, audibles, olfactives de l'activité urbaine (Aix s'est distingué pour avoir dépassé le seuil critique de pollution), en particulier l'augmentation des trafics[9]. Ainsi, les habitants de villas, de maisons et de pavillons, qui se sont volontairement mais toujours rationnellement éloignés de leur lieu de travail, se réfugient dans des bouts de campagne, de bois et de village, après avoir parcouru péniblement et dangereusement (c'est eux qui le disent) des kilomètres de routes et d'autoroute, en élargissements et transformations incessants, après avoir traversé des chantiers de TGV et d'autres grands travaux en cours.

La pratique quotidienne des réseaux routiers génère alors une bonne connaissance du trafic, des moments et des segments fluides ou embouteillés. Pour ceux qui vont travailler à Marseille, surtout, mais aussi à Aix, à Vitrolles, ces déplacements sont presque toujours vécus comme un "stress". Ces parcours "stressants", la plupart du temps marqués par la répétition, construisent en même temps une certaine connaissance de l'aire métropolitaine. Ils constituent aussi une constante invitation à découvrir, par les détours occasionnels que permet la liberté automobile, des lieux inconnus ou nouveaux.

Cette urbanisation de l'arrière-pays marseillais où la multiplication des infrastructures s’ajoute au mitage est bientôt vécue par les périurbains comme une menace, non tant pour les activités agricoles en recul que pour les paysages au cœur desquels ils ont installés des havres de paix. Car la "tranquillité" qui les a conduits sur 4000 m2 de terrain boisé outrepasse les limites de cette superficie déjà généreuse pour les inscrire dans un cadre de vie "naturel" bien plus vaste et dont ils ne tolèrent pas qu’il soit de quelque manière dégradé. Ainsi, en même temps qu'ils réclament la viabilisation du kilomètre qui les sépare de la route la plus proche, ils s'alertent de la venue du TGV et de ses conséquences immobilières.

C'est donc à partir de cette expérience, de temporalité variable, que ces ménages vivent une certaine pratique et se forment une certaine représentation de ces espaces, y apportent par leur installation une contribution dont la réplication façonne de manière déterminante le contenu et la configuration (le "mitage" en est un aspect), y projettent un imaginaire et y défendent des valeurs qui pèsent de tout leur poids sur les choix ou non choix d'aménagement.

Formes (et forces) d'une ségrégation par le haut

Les potentialités limitées qu’offre la forme ultime de cette urbanisation pavillonnaire, celles des zones dites de "campagne" (zones NB), entraîne, par la consommation d’espace qu’elle engendre, une montée en flèche des valeurs foncières et immobilières, et favorise encore l’étalement tout en provoquant l’inadaptation des réseaux d’acheminement de ces urbains en campagne vers les emplois des pôles urbains[10]. Ce processus favorise alors une ségrégation socio-spatiale qui rompt avec le premier mouvement d’installation, à caractère de résidentialité secondaire, qu’était le phénomène populaire du “ cabanon ”.

En effet, la progression rapide de l'urbanisation interurbaine entre Aix et Marseille s'est superposée aux dispositions des plans d'occupation du sol (POS) et cette interaction, elle-même combinée au caractère fondamentalement épuisable du foncier constructible disponible, aux avantages et désavantages des localisations foncières favorisant la spéculation, fait sans cesse plus obstacle aux installations pavillonnaires à des coûts accessibles.

            Un tri social, déterminé par la rareté du foncier, par les contraintes réglementaires d’urbanisme, par la cherté du terrain à construire, s'est ainsi progressivement mis en place, moins sélectif au début des années 60, plus exclusif aujourd'hui. Des acquéreurs anciens et opportunistes résident ainsi dans les "zones de campagne" à 4000 m2[11]. Un héritage ou un projet particulier (comme l’élevage de chevaux) leur a permis cette acquisition en dépit de moyens modestes. Ces anciens, que nous appellerons les "locaux" voisinent désormais des propriétaires nouveaux bien plus fortunés et contribuent souvent à atténuer au plan statistique le contenu socialement très aisé de ces zones. Ils en marquent aussi le vieillissement, qui, par là-même, augure du renforcement futur de la position élevée des nouveaux habitants de ces zones. Même si une division des parcelles en deux est susceptible d'être autorisée, elle ne garantit aucunement la baisse des prix de ces immeubles ou terrains[12].

Ainsi, les "héritiers" et les "locaux" cèdent petit à petit la place aux "colons"[13], souvent cadres supérieurs, qui viennent d'autres régions, non sans être attirés par l'héliotropisme qui fait la réputation de la Provence. Ces "colons" profitent intensément du double caractère urbain et paysager du carrefour autoroutier et bientôt multimodal situé entre Aix et Marseille, entre Calanques et Sainte-Victoire, les catapultant en quelques minutes vers Nice, Lyon et Montpellier ou encore vers Paris, Brest et Fès par Marignane. Ils ont une représentation de l’espace beaucoup plus large : ils y incluent volontiers des critères d’accessibilité à de larges échelles.

Des maisons, des familles

Par son contenu, la maison assure différents objectifs qui se combinent et se distribuent en une hiérarchie qu’aura fait varier l' "air du temps", la condition sociale et les grandes phases du cycle de vie. Justifiée d’abord comme patrimoine transmissible, elle est, comme pavillon disposant d’un jardin, considérée comme un lieu d’épanouissement des jeunes enfants, et, comme maison isolée, représentée comme un lieu de repli, de "retraite" dans un environnement que l’on s’annexe et dont l’on craint par dessus tout la dégradation. Le jardin, espace d’occupation ludique, qui peut s’avérer d’un entretien contraignant à un certain moment du cycle de vie, est aussi un élément qui renforce le caractère de sociabilité, notamment familial, que prend la maison, en favorisant les invitations.

La conception qui s’est construite au cours de l’histoire et qui, distinguant avec de plus en plus de radicalité le public et le privé, a donné à la maison le caractère d’une sphère étanche à ce qui se développait hors des pratiques et des représentations domestiques. Cette conception crée une coupure dont le caractère artificiel doit être mis en évidence, d’autant que la société, par médias interposés, entre dans la maison, y développant des images du monde dont la force d’évocation a chaque jour plus de puissance, au point d’avoir la capacité de "déformer" le monde et de désinformer l’habitant. La maison des "campagnes urbaines" entretient, plus qu’aucune autre forme d’habitation, cette illusion de "hors monde" que les réseaux aériens et souterrains rappellent à chaque instant comme leurre. 

Cette maison prend alors distance avec la ville tout en dépendant d’elle plus qu’à aucune autre époque, car il lui faut s’alimenter de ressources matérielles et immatérielles à consumer dans l’enceinte de repli qu’elle constitue, de produits qu’elle puise dans la fabrique urbaine et de déchets qu’elle lui demande de recycler, véhiculés par une multiplicité de réseaux visibles et invisibles. La maison la plus isolée prétend alors faire payer à la ville qui a solidarisé ses services en les mutualisant sous des formes éprouvées (le lotissement en fait partie), sa prétention illusoire d’autonomie spatiale.

Les nouvelles territorialités de l’habiter péri-urbain

Considérées à partir de leurs pratiques de mobilité, les  familles du péri-urbain apparaissent comme témoins et acteurs de la métropolisation. La régularité de ces pratiques, l’addition des territoires individuels concourent à produire un territoire métropolitain dont l’habitant n’a pas exactement conscience, car lui aussi a tendance à se référer, dans ses représentations de l’espace, à des catégories spatiales limitées[14]. De là son malaise à définir son lieu de résidence, et plus globalement son "ici" dans un contexte qui favorise le "hors là"[15] pour la plupart de ses activités quotidiennes. L’identité du territoire s’essaime alors en des constructions identitaires individuelles, pour lesquelles la bipolarité Aix / Marseille continue de se représenter sous les termes d’une forte opposition, alors que la somme des pratiques laisse apparaître la réalité d’existence d’une aire au moins bicéphale, de toute façon polycentrique.

On assiste en fait à une double construction des territoires familiaux en situation péri-urbaine (voire une multi-construction, si on l’élargit à la totalité des membres de la famille), avec d’un côté un territoire familial et d’un autre côté un territoire métropolitain. Par la régularité des fréquentations qu’ils distribuent, leur intensité, cette somme de territoires familiaux contribuent à dessiner une aire territoriale marquée par une nette ambiguïté dans la définition de ses limites :  les constellations de territoires familiaux contribuent à produire, à travers leurs pôles de destination et leurs mouvements de pérégrination, la “ nébuleuse ” du territoire métropolitain. C’est en ce sens que les territoires personnels, familiaux, l’espace métropolitain forment non pas des espaces clos, comme l’on entend traditionnellement ou administrativement la notion de territoire, mais des aires “ mouvantes ” présentant des contours flous. Cette expression figurée est à la fois conforme, d’une part, à la tendance de l’ouverture des territoires et, d’autre part, à la montée des individualités au sein de la famille.

Ces nouveaux "territoires de la maison" auront l’ampleur que permettent les performances additionnées et combinées des déplacements plus rapides et plus confortables, et des télécommunications immédiates qui permettent de se dispenser de trop nombreux déplacements. Mais on peut dire aussi que des territoires virtuels sous-jacents s’ajoutent aux territoires réels, et gagnent en concrétude, en désir d’être voyagés, mis en réserve de projets futurs d’évasions lointaines, directement inscrits dans une imagination d’autant plus proche du réel visible que la virtualité des images de la télévision donnent une représentation plus exacte de ces territoires lointains.  Il est nécessaire d’avoir en arrière plan ces transformations mentales, ces évolutions de la production imaginaire, pour penser les territoires réellement parcourus au quotidien, et l’entremêlement  de leur perception avec celle des territoires réels virtuellement appréhendés.

Les aires d’évolution des familles :

du territoire péri-domestique à l’hyperterritorialité métropolitaine

Les territoires réels parcourus à partir de la maison, qui ne sont pas sans intégrer la dimension virtuelle dont nous venons de parler, sont un complexe de territoires dont l’individualité est à la mesure de l’individuation qui marque la famille contemporaine Elle peut, en ce sens, être analysée selon une double dimension, en présentant conjointement la marque d’un ancrage local et d’une dispersion métropolitaine. L’ancrage local, péri-domestique, définit le territoire familial, ce qui lui donne sa cohérence et son unité : la référence d’un territoire de proximité multimodal, dont l’accessibilité permet au moins le recours aux cycles, motorisés ou non : la plupart du temps il correspond à la commune, tout en l’outrepassant, avec ce point d’identification que constitue le village ancien, sinon vécu, du moins fortement mentalisé comme repère valorisant et identifiant, avec ou non une intégration à la vie communale, en regard de laquelle les enfants jouent un rôle essentiel.

On peut en prendre la mesure par un travail minutieux de report cartographique en s’appuyant sur la description par les sujets de leurs destinations et de leurs pérégrinations. Il nous permet de constater le caractère à la fois général, en même temps que chaque fois particulier de l’étoilement territorial du "système de lieux et de parcours" "branché" sur la résidence (voir exemple de cartes ci-contre). Si les branches présentent des longueurs souvent équivalentes en distances spatiales et en fréquences temporelles, les directions en sont en effet chaque fois singulières, tout à la fois guidées par l’originalité des configurations familiales, pourtant largement puisées dans le vivier apparemment homogène des catégories moyennes, et l’emplacement prédéfini des pôles de destination, de réseau de villes ou de pôle d’activités commerciales ou industrielles.

Zone de Texte:

 

Zone de Texte:

 

Les territoires péri-domestiques

Dans le "système de lieux" dont nous parlons, la maison occupe une place essentielle, donnant sens à une existence qui, en situation locative, donne au contraire une assise plus fragile à la résidence et tend à disperser les bases de cette existence, et l’identité qu’on lui superpose, dans des centres d’intérêts plus divers et moins spatialisés. Par nécessité liée au travail, car il en conditionne à la fois la réalisation et la localisation éloignée, la maison est au cœur de ce système de lieux et de parcours qui s’étiolent sur une aire dont l’étendue est à la mesure d’une accessibilité déterminée par les performances du réseau routier et autoroutier, la vitesse qu’il autorise et les encombrements qu’il présente.

Les achats alimentaires, les petites courses, trouvent davantage leur support dans une relative proximité au lieu de résidence, alors que les consommations liées à l’équipement de la maison et de la personne, plus volontiers ludiques, et de fréquence moins rapprochée, s’opèrent à l’échelle métropolitaine.  Ici, la représentation du déplacement, la perception de son coût répondent à des logiques qui privilégient soit la dimension temporelle, soit la dimension spatiale, le bénéfice d’un coût moindre pouvant justifier une dépense de temps et de transports, notamment pour les familles ayant le moins de moyens. Les pratiques de consommation et de production péri-domestiques, facilitées par la multi-motorisation, confirment par ailleurs que la division traditionnelle des tâches domestiques évolue lentement. De ce fait les femmes, notamment, décrivent des territorialités sous pression, avec une organisation tendue des déplacements.

Itinéraires contraints et libres échappées en aire métropolitaine 

À cette dimension péri-domestique essentielle qui élargit le domaine résidentiel que forme la villa et son terrain et, dans certains cas, le domaine du lotissement, s’articule une dimension métropolitaine, bien plus appréhendée dans les pratiques ordinaires qu’érigé en territorialité d’appartenance par l’habitant du péri-urbain.

Les consommations domestiques conduisent en effet, nous venons de le voir, l’habitant péri-urbain à combiner différentes échelles spatiales, et, du village aux grands dispositifs commerciaux, le choix est vaste.  Il a acquis une bonne connaissance de ces lieux : elle est certes due à la comparaison des prix et des produits achetés, mais également alimentée par des représentations particulières mettant plus ou moins en évidence, selon les individus, une recherche de l’hyper-densité commerciale, qui trouve un sens en regard du projet d’installation, et justifie l’hyperfréquence des pérégrinations qu’il occasionne, à défaut d’être une adhésion à la société de consommation.

Les pérégrinations (c’est leur essence) peuvent intégrer pour partie ces pratiques de consommation dans les déplacements obligés vers le travail. On obtient alors une somme de destinations contraintes et choisies, selon des rythmes d’une grande variété (quotidiens pour le travail et la scolarité, hebdomadaires, voire bimensuels, pour l’approvisionnement…). Ces parcours et les représentations qu’ils archivent dans la mémoire et les réflexes des habitants du péri-urbain produisent une familiarisation effective avec un territoire maintes fois traversé, dont les moindres tours et détours, avantages et désavantages en terme de flux et bouchons de circulation finissent par constituer une connaissance épaisse, quelquefois trop limitée aux réseaux et peu disponibles à la découverte des multiples niches de “ campagnes urbaines ” comparables à celles que vivent la plupart de ces péri-urbains.

Un mode de vie en tension accrue

La mobilisation réalisée avant l’accession, suivie, pour les familles les plus modestes, par une gestion domestique serrée, fait apparaître plus tard encore d’autres tensions nées progressivement de l’installation péri-urbaine.

Dans un premier temps les parents ont été confrontés au décalage mal anticipé entre leur installation péri-urbaine, fortement déterminée par les bénéfices du jardin pour des enfants en bas-âge et la présence communale de l’école primaire, et la sous-estimation des contraintes de la scolarisation ultérieure. La question de l'accessibilité au collège s’affirme dès lors avec une grande acuité, mettant en relief l’insuffisance des transports collectifs à l’échelle intercommunale et les contraintes d’horaires, auxquels sont confrontés les adolescents résidant en périurbain. L’inconfort de déplacement vécu par les enfants est alors corrigé par le dévouement des mères qui s’engagent dans des accompagnements rarement compensés par des formules de co-voiturage, car là encore une organisation plus collective des déplacements augmente un temps de circulation que l’on compte au plus serré.

Ce rôle d’accompagnateur se concrétise en des temps libérés et ce au détriment d’autres activités possibles ou implications. Pourtant, ce temps disponible, qui fait bien souvent défaut, participe à l’intégration individuelle au sein de la société locale. Les activités ludiques inscrites dans des routines continuent à s’opérer bien souvent au lieu de résidence, ce qui n’exclut pas cependant des échelles plus larges pour des temps moins contraints.  L’intégration au lieu de résidence, positive ou négative, n’équivaut pas au sentiment d’appartenance, d’autant plus démultiplié par les parcours personnels, et dans le cadre d’un environnement bien plus large, pratiqué et agissant comme référent.

Plus tard, la villa elle-même, son entretien, la générosité de son espace, devenue moins nécessaire avec le départ des enfants, l’immensité fréquente de son jardin, sans rapport avec un engagement physique qui se réduit avec l’âge, et appelle alors une maintenance externe onéreuse, constituent autant d’invitation à la recherche d’une forme résidentielle moins contraignante ; mais c’est compter sans l’attachement sentimental, notamment chez les familles les plus modestes, qui s’est amplifié avec l’accumulation de la peine dépensée dans ces travaux. 

À cette liste s’ajoutent les problèmes d’insécurité qui guettent le pavillon, tant en terme d’incendie que de vol, et l’opportunité non saisie de déplacements lointains ou de visites familiales. Ces inconvénients prennent le devant de la scène sur la fin du cycle de vie et peuvent conduire à la vente de la maison, souvent freinée par l’attachement mentionné plus haut, en particulier chez les couples les plus modestes.

 

On peut estimer en conclusion que le rapport à l’espace de résidence devient de plus en plus complexe dans le contexte particulier de la péri-urbanisation. L’étude des "territoires" de la maison du péri-urbain montre, qualité sans doute partagée avec d’autres formes d’habitat, le caractère ténu du lien entre la résidence et les autres lieux de la ville, finalement l’appartenance de la "villa" à la ville. L’écart volontaire de la "villa", sa mise en "campagne" urbaine, semblent tout à la fois une réponse à des évolutions antérieures de la ville, marquées par une certaine forme de densité, à la formation des classes moyennes et à l’individuation qui caractérise de plus en plus la société d’aujourd’hui, et, fondamentalement, une possibilité ouverte par l’automobilité, comme par la sécurité assurée par la liaison téléphonique.

En réalité cette prise d’autonomie de la maison du péri-urbain, nourrie par le leurre de l’isolement spatial identifié à la "tranquillité", fait rapidement apparaître, pour peu qu’on l’examine autrement qu’en surface, la densification des liens que la famille, l’individu et leur résidence ont établi avec la société et les autres lieux, avec lesquels ils entretiennent des relations plus nombreuses et dans un nombre plus considérable de domaines, tant au plan des liaisons virtuelles qu’à celui des contacts directs par le déplacement. Si l’homme essaie de s’autonomiser socialement, il conquiert aussi cette liberté en étant de plus en plus dépendant d’instruments techniques.

La maison du péri-urbain elle-même et ses territoires éclatés rendent compte de cette intensité des liens avec la ville, d’autant que la dispersion de la résidence n’est pas suivie au même rythme par la dispersion des lieux de travail et des services[16]. On note alors comment les territoires familiaux et personnels s’inscrivent dans des échelles péri-domestique et métropolitaine, construisant, du point de vue de l’habitant, pour la première : l’appartenance à un territoire pour soi et pour la seconde : une appartenance métropolitaine en soi.

La dispersion de la maison du péri-urbain, porté à sa caricature dans les zones NB, rend difficile la gestion de cette part de liens matériels fortement déterminés par l’existence des corps (de choses et d’êtres) et la nécessité de leur transport, que les liaisons virtuelles ne parviennent pas rendre systématiquement indispensable, et ce d’autant que l’organisation collective d’un tel service est encore rendue plus difficile par la même dispersion.

Si raison urbanistique il y a, comme meilleure maîtrise d’un espace résidentiel qui a eu tendu à se spécifier comme tel, à l’écart de plus en plus affirmé des services et des réseaux ouvrant l’accès à des fonctions nécessitant une économie d’échelle optimale (tels que les équipements hospitaliers), force est de constater que la dispersion des habitations comme sa séparation fonctionnelle absolue ont  aggravé le gaspillage de l’espace, compromis la qualité des paysages et favorisé, sans la mettre à la hauteur de ce qu’il aurait fallu qu’il soit, l’extension d’un réseau routier par ailleurs de plus en plus saturé et dangereux.

En réalité l’urbanisme a perdu de vue, dans un contexte d’interrelations croissant engendré par l’"urbanisation des mœurs", c’est-à-dire l’apparition d’échanges de plus en plus nombreux aux plans marchand et relationnel, matériel et culturel, mais aussi selon des modalités de plus en plus banalisées,  la relation étroite qu’il y avait lieu de penser entre la maison et la société. L’isolement spatial de la maison est un leurre que contredit sa dépendance par réseaux terrestres, aériens et souterrains interposés, plus ou moins cachés, mais qu’a encouragé l’image d’une ville ancienne dense envahie par l’automobile, et que n’ont pu freiner les lotissements, compte tenu de leur fréquente mauvaise qualité, leur incapacité à satisfaire les exigences de paysage et d’intimité.

En fait, jamais l’habitation n’a sans doute été plus liée qu’aujourd’hui à la ville, nébuleuse parsemée de noyaux tendant à la polycentralisation (Aix, Marseille, et les autres…) et on ne parviendra à faire de la maison individuelle non seulement une bonne solution résidentielle, mais aussi une bonne solution d’urbanisme qu’à la condition de bien penser cette forme particulière d’habitation comme habitat, au sens où l’a entendu Marcel Mauss dès 1905[17], en intégrant dans cette notion non seulement le logement, mais ce que Le Corbusier a appelé ses "prolongements" : les voies et les équipements, ce qu’on appelle plus volontiers aujourd’hui les réseaux et les services.

 

 



[1] Nous nous référons ici aux concepts fondant l’idée de ville selon  I. Cerda (Cerdà, I. (1979), La théorie générale de l’urbanisation. Paris : Le Seuil (adaptation du texte de 1867 par A. Lopez de Aberasuri).

[2] En Provence, le pavillon est appelé "villa" ; le terme de maison est en général réservé aux habitations mitoyennes des anciens villages ("maison de village"). Nous prendrons de la liberté avec ces définitions.

[3] "L'unité de l'individu ne découle plus de l'unité de la société, elle est une activité du sujet dans un monde multiple, elle est réflexive et discursive", Dubet, F., Martuccelli, D. (1998). Dans quelle société vivons-nous ?  Paris : Le Seuil.

[4] Wiel M.,  Rollier Y., (1993), “ La pérégrination au sein de l’agglomération. Constats à propos du site de Brest ” in Les Annales de la Recherche Urbaine, n° 59/60, pp. 151-162.

[5] Godard, F., Cuturello, P. (1982), Familles Mobilisées: Accession à la propriété et notion d’effort des ménages. Paris : Plan Construction.

[6] Pinson, D. (1988), Du logement pour tous aux maisons en tous genres. Paris : Recherches, PCH-MUL.

[7] Bertrand, H., Viard, J. (1996), Au bonheur des campagnes (et des provinces). La Tour d’Aigues : L’Aube.

[8] Ibidem.

[9] Alors que la population est restée stable (mais le nombre de ménages a augmenté de 10% et celui des voitures de + 20%), les déplacements ont augmenté de 15% en 8 ans (23% pour le travail, 15% pour l'accompagnement, 13% pour l'école, etc.) (enquête déplacements 1997).

[10] Le mouvement de sortie des emplois hors de ces pôles urbains est limité. Dans l’aire retenue, ce mouvement concerne toutefois le site de Rousset.

[11] Les zones NB des POS, que l'administration de l'équipement désigne comme "zones de campagne" ou "zones rurales ordinaires", et qui restent à ce titre inscrites dans la catégorie des "zones naturelles", correspondent parfaitement à cette forme d'installation. Les terrains construits, la plupart du temps isolés, atteignent et dépassent souvent les 4 000 m2, mais, accessibles par des chemins à peine carrossables et en cul de sac, ils satisfont médiocrement les exigences d'urbanisme. Quant aux lotissements, bien que décriés par beaucoup des habitants des "zones de campagne", ils participent souvent de la part des acquéreurs des mêmes motivations, même lorsqu'il s'agit de lots de petite superficie (500 m2). Parfaitement connu de leur propriétaire, parce qu'il permet aussi de surenchérir sur la catégorisation sociale, le classement en zone NB et U, ne se traduit pas par une rupture aussi nette dans le paysage, plaçant d'un côté les lotissements à parcelles de 500 m2 et d'un autre les terrains constructibles de plus de 4 000 m2. Le processus d'urbanisation a produit en réalité des solutions de transition plus nuancées (lotissements à 2 000 m2), que la saturation progressive des réserves d'urbanisation et l'évolution des prix fonciers tendent à réduire.

[12] Comby, J. (1998) “ Le marché des terrains pour maisons individuelles ”, in Etudes Foncières n° 78.

[13] L’utilisation de ce terme nous a valu beaucoup de critiques locales : est-ce en rapport avec une histoire où pése encore trop lourdement la culpabilité coloniale de la France ou le souvenir encore frais du rapatriement ? Nous n’avons pas renoncé à ce terme, qui, s’il recouvre des situations dont la gamme va des plus détestables ( le génocide ethnique) au plus anodines (“ les jolies colonies de vacances ”), traduit bien l’idée d’une conquête territoriale, avec ce qu’elle induit en terme de rapport entre un centre d’émission et une zone de diffusion d’un peuplement. D’une certaine manière Paris est un peu à la province de Provence, ce que Rome était pour la Narbonnaise. Et d’ailleurs les “ coloni ” (pluriel de “ colonus ”) s’établirent en “ villas ” ! Et s’il fallait encore “ se  justifier ”, nous dirions à nos détracteurs que nous donnons à ce terme le sens 3 du Petit Robert : “ Membres d’un groupe de personnes de même origine, fixées dans un autre lieu ”.

[14] La conception du territoire en fait habituellement un espace clos, présentant en tout cas certaines limites, pensé d’abord comme un instrument opérationnel de gestion administrative. Dans le rapport nous avons vu par quel processus culturel, dans la tradition politico-gestionnaire française, la préoccupation des limites avait pu supplanter celle du contenu des territoires. Par delà le centralisme politico-spatial, on est en présence d’un autre effet jacobin d’une vision qui, uniformisante à force d’être absurdement universalisante, conforte l’idée qu’une égalité fondée sur l’homogénéisation des territoires puisse engendrer leur “ équilibre ” .

[15] Serres, M. (1994), Atlas. Paris : Éditions Julliard.

[16] Et le sera-t-elle ?, et quand bien même elle le serait, la dispersion généralisée n’atténuera pas la mobilité, au contraire…

[17] Mauss, M. (1905), “ Essais sur les variations saisonnières des sociétés eskimos ; Étude de morphologie sociale ”, in Mauss, M. (1950), Sociologie et anthropologie, Paris : PUF